1 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.232

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300453

Titres et sommaires

COPROPRIETE - Syndicat des copropriétaires - Assemblée générale - Décision - Aliénation de parties communes spéciales - Copropriétaire ayant qualité pour décider - Détermination

Lors de l'assemblée générale des copropriétaires, appelée à se prononcer sur la cession de parties communes spéciales, seuls les copropriétaires, propriétaires de celles-ci, peuvent décider de leur aliénation

Texte de la décision

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 453 FS-B

Pourvoi n° C 21-16.232


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

1°/ M. [J] [W],

2°/ Mme [N] [L], épouse [W],

tous deux domiciliés 27 bis rue Emile Clermont, entrée A, [Localité 3],

3°/ M. [F] [W], domicilié [Adresse 2], [Localité 4],

ont formé le pourvoi n° C 21-16.232 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :

1°/ au [8], dont le siège est [Adresse 7], [Localité 6], représenté par son syndic en exercice la société Foncia Iles d'Or, dont le siège est 170 chemin de la Villette, Espace Victoria, [Localité 5],

2°/ à la société Foncia Iles d'Or, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des consorts [W], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [8] et de la société Foncia Iles d'Or, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mars 2021), dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, l'assemblée générale de tous les copropriétaires a, le 5 juillet 2016, autorisé la cession à l'un d'entre eux d'une surface déterminée des parties communes spéciales du bâtiment H correspondant à une partie du couloir située au droit de son appartement.

2. M. et Mme [W] et M. [J] [W] (les consorts [W]), propriétaires de lots situés dans ce bâtiment, ont assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence [8] et la société Foncia Iles d'Or, son syndic, en annulation de la résolution n° 28, autorisant cette cession, et de la n° 29, subséquente, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Les consorts [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29, alors « que seuls les copropriétaires des parties communes spéciales qui en ont la propriété indivise, peuvent décider de leur aliénation ; qu'en jugeant que la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, ayant pour objet la cession d'une partie du couloir du bâtiment H, avait été valablement votée par l'ensemble des copropriétaires de la résidence bien qu'elle ait, elle-même, relevé que le bâtiment H constituait une partie commune spéciale ce dont il résultait qu'une telle décision ne pouvait être votée que par les copropriétaires de ce bâtiment, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 et 4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

4. Selon le premier de ces textes, sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux et, selon le second, elles sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires ou certains d'entre eux seulement.

5. Pour rejeter la demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29, l'arrêt retient que la cession de la partie du couloir commun, qui a été votée à la condition préalable de l'adoption d'un projet modificatif de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété, emporte création d'un lot auquel sont nécessairement affectées une quote-part des parties communes spéciales et une quote-part des parties communes générales, en sorte que la modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division qu'elle implique relève de l'approbation de l'ensemble de la collectivité.

6. Il ajoute que la distinction entre la cession relevant des seuls copropriétaires du bâtiment concerné et la modification de l'état descriptif de division relevant de la copropriété toute entière consisterait à confier à une assemblée restreinte le principe de la cession et ses conséquences à l'assemblée générale, alors que cette distinction, qui ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire, fait dépendre le vote de l'assemblée générale de la décision de l'assemblée restreinte.

7. Il en déduit que la cession des parties communes spéciales devait être soumise à l'approbation de l'ensemble des copropriétaires.

8. En statuant ainsi, alors que seuls les propriétaires des parties communes spéciales peuvent décider de l'aliénation de celles-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29 de l'assemblée générale des copropriétaires du 5 juillet 2016, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne le [8] et la société Foncia Iles d'Or aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [8] et la société Foncia Iles d'Or et les condamne à payer M. et Mme [W] ainsi qu'à M. [J] [W] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les consorts [W]

Les époux [W] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29 de l'assemblée générale du 5 juillet 2016 ;

1°) ALORS QUE seuls les copropriétaires des parties communes spéciales qui en ont la propriété indivise, peuvent décider de leur aliénation ; qu'en jugeant que la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, ayant pour objet la cession d'une partie du couloir du bâtiment H, avait été valablement votée par l'ensemble des copropriétaires de la résidence bien qu'elle ait, elle-même, relevé que le bâtiment H constituait une partie commune spéciale ce dont il résultait qu'une telle décision ne pouvait être votée que par les copropriétaires de ce bâtiment, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2°) ALORS QUE constitue une véritable décision, comme telle soumise à annulation, toute résolution prise par l'assemblée générale des copropriétaires et qui emporte des effets juridiques propres ; qu'en refusant d'annuler la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, ayant pour objet la cession d'une partie commune spéciale, votée par l'ensemble des copropriétaires de la résidence, motif pris de ce qu'elle impliquait une modification du règlement de copropriété et une nouvelle répartition des tantièmes qui serait décidée par l'ensemble des copropriétaires quand la résolution litigieuse, constituait en soi une véritable décision en ce qu'elle produisait ses propres effets de droit et devait, comme telle, être soumise aux seuls copropriétaires concernés, la cour d'appel a violé l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les sommes représentant le prix des parties communes cédées se divisent de plein droit entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes et proportionnellement à la quotité de ces parties afférentes à chaque lot ; qu'en refusant d'annuler la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, de cession d'une partie du couloir du bâtiment H, partie commune spéciale, qui impliquait une répartition du prix entre l'ensemble des copropriétaires de la résidence, quand les sommes représentant le prix de cession d'une partie commune spéciale ne pouvait se diviser qu'entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes, la cour d'appel a méconnu l'article 16-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'assemblée générale ne saurait, à quelque majorité que ce soit, priver un copropriétaire d'une partie de ses droits sur les parties communes contenues dans son lot ; qu'en refusant d'annuler la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, de cession d'une partie du couloir du bâtiment H, partie commune spéciale, qui impliquait une répartition du prix de cession entre l'ensemble des copropriétaires de la résidence quand cette décision avait pour effet de priver partiellement les copropriétaires de cette partie commune spéciale et ne pouvait dès lors être votée sans leur consentement, la cour d'appel a méconnu l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles 544 du code civil et 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme.

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