25 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.967

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00637

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 637 F-D

Pourvoi n° R 20-21.967




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022

Mme [O] [B], domiciliée [Adresse 6], a formé le pourvoi n° R 20-21.967 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2020 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud' homale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Proecowatt, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], admise au bénéfice du redressement judiciaire par un plan de continuation,

2°/ à la société [D] [Y]-MJO-mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [D] [Y] en qualités de mandataire liquidateur de la société Normes habitat 44 et mandataire judiciaire de la société Proecowatt,

3°/ à M. [K] [S], domicilié [Adresse 1], en qualités de mandataire liquidateur de la société Global services,

4°/ au CGEA de Rennes, délégation régionale AGS, unité déconcentrée de l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 3],

5°/ au CGEA de Marseille, délégation régionale AGS, unité déconcentrée de l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 7],

6°/ à la société de mandataires judiciaires Thévenot Partners, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [T] [Z], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Proecowatt,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [B], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z], ès qualités, après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 juillet 2020), Mme [B] a été engagée à compter du 5 octobre 2014 par la société Global services, en qualité de VRP exclusif. Son contrat de travail a été transféré à la société Proecowatt par avenant du 1er novembre 2015.

2. Le 5 octobre 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Proecowatt.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 27 juin 2017 de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

4. Elle a été licenciée le 30 août 2017.

5. Un plan de continuation de la société Proecowatt a été adopté le 31 janvier 2018 et la société Thévenot Partners prise en la personne de M. [Z] a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « que l'employeur doit rembourser au salarié les frais professionnels que ce dernier justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une indemnité forfaitaire ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le contrat de travail prévoit l'indemnisation forfaitaire de la salariée pour l'ensemble des frais engagés dans le cadre de son activité , la cour d'appel a retenu que la salariée ne justifiait pas de sa demande tandis que l'employeur soutenait que les frais de déplacement avaient été couverts par des primes logistiques mentionnées sur les bulletins de paie ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles l'employeur et sa salariée avaient convenu d'une indemnisation forfaitaire des frais, de sorte que la salariée devait être remboursée sans avoir à produire de justificatifs et qu'il incombait à l'employeur de prouver le paiement de l'indemnisation forfaitaire stipulée au contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Vu les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1103 du même code, dans sa rédaction issue de cette ordonnance :

8. Selon ces textes, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

9. Pour débouter la salariée de sa demande de remboursement de frais professionnels, l'arrêt retient que le courriel produit par cette dernière n'est pas suffisant pour justifier sa demande à l'encontre de la contestation formulée par l'employeur faisant valoir que ses frais de déplacement ont été couverts par les primes logistiques mentionnées sur les bulletins de paie en application du principe d'indemnisation forfaitaire prévu au contrat de travail. Il ajoute que le document intitulé « Attestation kilométrique 2015 », produit par la salariée, n'apporte pas davantage de précisions, l'employeur soutenant que cette attestation aurait été dictée par la salariée et faisant observer qu'elle vise pour la plus grande part une période durant laquelle celle-ci était salariée d'une autre société. Il constate que l'intéressée ne fait aucune mention d'autres frais professionnels réclamés et non remboursés. Il en déduit que, la salariée ne démontrant pas que des frais professionnels lui resteraient dus, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a accueilli la demande de ce chef.

10. En statuant ainsi, alors que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC, et qu'elle constatait que l'employeur n'avait pas respecté la modalité d'indemnisation forfaitaire prévue par le contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le moyen, pris en sa première branche, est sans incidence sur le chef du dispositif relatif au co-emploi et au travail dissimulé, sans lien d'indivisibilité et de dépendance nécessaire avec elle.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [B] de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de fixation de sa créance à titre de remboursement de frais professionnels, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de congés payés, la condamne à verser à la société Proecowatt et à la société Thévenot Partners prise en la personne de M. [Z] en qualité de commissaire à l'exécution du plan la somme de 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande du même chef et la condamne aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 10 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Proecowatt aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Thévenot Partners ès qualités, et condamne la société Proecowatt à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [B]


Mme [B] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes ;

Alors 1°) que l'employeur doit rembourser au salarié les frais professionnels que ce dernier justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une indemnité forfaitaire ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que « le contrat de travail prévoit l'indemnisation forfaitaire de la salariée pour l'ensemble des frais engagés dans le cadre de son activité », la cour d'appel a retenu que la salariée ne justifiait pas de sa demande tandis que l'employeur soutenait que les frais de déplacement avaient été couverts par des « primes logistiques » mentionnées sur les bulletins de paie ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles l'employeur et sa salariée avaient convenus d'une indemnisation forfaitaire des frais, de sorte que la salariée devait être remboursée sans avoir à produire de justificatifs et qu'il incombait à l'employeur de prouver le paiement de l'indemnisation forfaitaire stipulée au contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

Alors 2°) et en tout état de cause, que constitue un manquement grave à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail et justifiant sa résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, le retard de paiement des salaires, réitéré en dépit des lettres de mises en demeure adressées par le salarié, et ce nonobstant leur régularisation ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que les salaires de Mme [B] devant être payés le 10 du mois, cette obligation n'avait pas été respectée et que sur les six mois précédant la demande de résiliation judiciaire, Mme [B] avait perçu ses salaires avec retard à trois reprises, le 17 novembre 2016 avec 7 jours de retard, les 15 décembre 2016 et 15 février 2017 avec 5 jours de retard ; qu'il est par ailleurs acquis aux débats, comme l'ont constaté les premiers juges, que Mme [B] avait envoyé à son employeur des lettres de mises en demeure les 21 mai et 14 octobre 2015, 17 novembre et 14 décembre 2016 et que « sur 27 mois, 10 salaires n'ont pas été payés à temps et que les retards atteignaient plus de 15 jours (pour exemple, mais et juin 2015, juillet et octobre 2016) » ; qu'en retenant, pour juger que la demande de résiliation judiciaire n'était pas justifiée, que la salariée n'établissait pas de difficultés financières, qu'il n'était pas fait état de difficultés après la saisine du conseil de prud'hommes et que les salaires avaient finalement été réglés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations, a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail, 1134 devenu 1103 du code civil.

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