25 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.563

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C300445

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 445 F-D

Pourvoi n° U 19-20.563




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

La société Royal & Sun alliance insurance PLC, dont le siège est [Adresse 12] (Royaume-Uni), a formé le pourvoi n° U 19-20.563 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [J], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Elysée cosmétiques,

2°/ à la société Elysée cosmétiques, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 13],

3°/ à la société Allianz global corporate & speciality SE, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], assureur de la société Elysée cosmétiques,

4°/ à la Communauté d'agglomération de [Localité 10] Porte de France, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société Coreal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [Adresse 7], prise en qualité d'assureur des sociétés Coreal et SEBL,

7°/ à la société Eau et feu, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 14],

8°/ à la société Chubb European Group Limited, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni), ayant un établissement en France situé [Adresse 11],

9°/ à la société Chubb France, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 9],

10°/ à la société Det-tronics France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée Kidde Industrie,

11°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits d'AGF, assureur de la société Telema,

12°/ à la société d'équipement du Bassin Lorrain, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

La société Allianz global corporate & speciality a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société Coreal et son assureur la compagnie Axa France IARD ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La société Allianz global corporate & speciality, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La société Coreal et la compagnie Axa France IARD, demanderesses au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Royal & Sun alliance insurance PLC, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société d'équipement du Bassin Lorrain, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Coreal et Axa France IARD, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la Communauté d'agglomération de [Localité 10] Porte de France, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Marc Lévis, avocat des sociétés Eau et feu, Chubb European Group Limited, Chubb France et de la société Det-tronics France, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [J] et de la société Elysée cosmétiques, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Allianz global corporate & speciality SE, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 juillet 2019) et les productions, un sinistre s'est produit le 26 septembre 2007 dans une unité de stockage érigée sur un site industriel que le district de [Localité 10], devenu la communauté d'agglomération de [Localité 10] Porte de France (la communauté d'agglomération), qui l'avait acquis de la Société d'équipement du bassin lorrain (la SEBL), a loué à la société Élysée cosmétiques par contrat de crédit-bail immobilier du 27 septembre 2000.

2. La réalisation de cette unité de stockage avait été confiée par la SEBL à la société Coreal, laquelle avait sous-traité la réalisation de son système de protection incendie à la société Eau et feu, qui avait sous-traité l'installation de la centrale de détection à la société ATSE, devenue Chubb sécurité, laquelle avait elle-même sous-traité une partie du câblage de l'installation à la société Telema et la fourniture des détecteurs incendie à la société Det-Tronics.

3. Le sinistre a eu pour origine le déclenchement intempestif de l'alarme incendie, ayant provoqué la fermeture des portes coupe-feu ainsi que le déclenchement du système d'extinction par dispersion de mousse, lequel a détruit le stock de produits entreposé dans les lieux par la société Elysée cosmétiques.

4. Cette dernière a assigné les sociétés Eau et feu, Chubb sécurité et Det-Tronics en référé-expertise le 29 octobre 2007, et la mesure d'expertise, ordonnée le 13 novembre 2007, a ensuite été successivement étendue à la société Allianz Global Corporate & Specialty (la société AGCS), assureur de la société Elysée cosmétiques, à la SEBL, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), à la communauté d'agglomération, à la société Coreal et à son assureur, la société Axa, puis, le 23 mai 2012, aux sociétés Royal & Sun Alliance Insurance PLC (la société RSA) et ACE, devenue Chubb European Group Limited (la société Chubb European), assureurs successifs de la société Eau et feu.

5. Une procédure de sauvegarde a été ouverte le 24 mars 2009 à l'égard de la société Élysée cosmétiques, puis un jugement du 4 mai 2010 a arrêté un plan de sauvegarde de la société et désigné M. [J] en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan.

6. Entre-temps, la société Élysée cosmétiques avait assigné en indemnisation devant un tribunal de commerce la société Eau et feu, la société Chubb sécurité et la société Det-Tronics, par actes du 12 février 2010, puis la SEBL et la communauté d'agglomération, par actes des 25 et 26 octobre 2010.

7. La SEBL a appelé en garantie la société Coreal et son assureur, la société Axa, lesquels ont appelé en garantie les sociétés Eau et feu, RSA, Chubb sécurité, aux droits de laquelle se trouve la société Chubb France, Det-Tronics, Chubb European, et AGCS, ainsi que la société Allianz IARD, assureur de la société Telema. La société RSA a appelé en garantie les sociétés Eau et feu, Chubb European, Chubb France et AGCS.

8. La société Élysée cosmétiques, par conclusions du 16 juillet 2013, ainsi que la société AGCS, par conclusions du 10 septembre 2015, ont formé des demandes en paiement à l'encontre de la société RSA.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi incident des sociétés Coreal et Axa, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de garantie de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la SEBL, contre les sociétés Eau et feu, RSA et Chubb European et sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident des sociétés Axa et Coreal, ci-après annexés


9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la société RSA

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce grief, après débats à l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, conseiller rapporteur et M. Carrasco, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

10. La société RSA fait grief à l'arrêt de déclarer non prescrites les actions directes exercées contre elle par les sociétés Élysée Cosmétiques et AGCS en qualité d'assureur de la société Eau et feu, alors « que pour être interruptive de prescription, la demande en justice doit émaner de celui dont le droit est menacé de prescription et être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que le délai de l'action en responsabilité délictuelle de la société Élysée Cosmétiques et de son assureur la société AGCS contre la société RSA expirait le 19 juin 2013, la cour d'appel a jugé que ces actions n'étaient pas prescrites quand bien même les demandes des sociétés Élysée Cosmétiques et AGCS n'avaient été respectivement formées que le 10 septembre 2015 et le 16 juillet 2013 car l'ordonnance du 23 mai 2012 du juge des référés du tribunal de commerce de Reims, rendue sur demande de la société Coréal et de son assureur en date du 17 avril 2012, et ayant déclaré les opérations d'expertises communes et opposables à la société RSA avait interrompu la prescription à l'égard de la société Élysée Cosmétiques et de son assureur subrogé dans ses droits ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que l'ordonnance du 23 mai 2012 rendue à la demande de la société Coreal et de son assureur, n'avait pu interrompre la prescription au bénéfice des sociétés Élysée Cosmétiques et AGCS, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 et 2241 du code civil :

11. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

12. Il résulte du second que, pour interrompre le délai de prescription ou de forclusion, la demande en justice doit émaner de celui dont le droit est menacé de prescription et être adressée à la personne en faveur de laquelle court la prescription.

13. L'arrêt, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions des sociétés Élysée cosmétiques et AGCS opposée par la société RSA, énonce que le point de départ du délai de prescription relatif à l'action est la date à laquelle s'est réalisé le dommage, soit le 26 septembre 2007, et que, par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, ce délai a expiré le 19 juin 2013.

14. Il retient ensuite que la société Élysée cosmétiques a assigné la société Eau et Feu en référé-expertise le 29 octobre 2007, qu'il a été fait droit à cette demande, que le tribunal de commerce a déclaré les opérations d'expertise communes et opposables à la société RSA par ordonnance du 23 mai 2012, et que les actions exercées par la société Élysée cosmétiques et la société AGCS à l'encontre de la société RSA l'ont été par voie de conclusions respectivement notifiées les 10 septembre 2015 et 16 juillet 2013, soit postérieurement au 19 juin 2013.

15. Il ajoute, toutefois, que les ordonnances de référé qui étendent à d'autres parties les opérations d'expertise ordonnées en justice apportent une modification à la mission de l'expert et ont par conséquent un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale, et qu'ainsi l'ordonnance du 23 mai 2012 a interrompu le délai de prescription à l'égard de la société Élysée cosmétiques et de son assureur, qui n'agit que par subrogation dans les droits de son assurée, l'effet interruptif de prescription de l'action du subrogeant s'étendant à l'assureur subrogé dans ses droits.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des éléments de la procédure que l'ordonnance de référé du 23 mai 2012 déclarant commune à la société RSA l'expertise ordonnée en référé le 13 novembre 2007 avait été rendue à la demande des sociétés Coreal et Axa, et non des sociétés Élysée cosmétiques et AGCS, en sorte qu'elle n'a pu avoir pour effet d'interrompre la prescription des actions engagées par ces dernières à l'égard de la société RSA, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Coreal et de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société Coreal

Enoncé du moyen

17. La société Coreal et son assureur Axa font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de condamnation in solidum de la société Eau et feu et ses assureurs, les sociétés RSA et Chubb European, à les garantir et relever indemnes de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, en principal, intérêts et accessoires, alors « que les contrats légalement formés font la loi des parties ; qu'en rejetant la demande de la société Axa France Iard, prise en ses qualités d'assureur des sociétés SEBL et Coreal, et de la société Coreal tendant à être relevées et garanties indemnes par la société Eau et Feu et ses assureurs de toutes condamnations pouvant être prononcées, quand les appelants en garantie faisaient valoir que la société Coreal avait sous-traité à la société Eau et Feu les travaux de réalisation du système de sécurité incendie et que l'article 10 du traité stipulait que « l'entrepreneur s'engage à garantir Coreal contre tout recours qui pourrait être exercé contre elle du fait de l'inobservation de l'une quelconque de ses obligations, et s'engage à obtenir la même garantie de ses assureurs » et que « si Coreal était mise en cause par un tiers, pour des raisons imputables aux matériels et aux prestations de l'entrepreneur et/ou de ses sous-traitants, l'entrepreneur se substituera à Coreal de manière à garantir Coreal contre tout préjudice subi du fait de cette mise en cause », la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

18. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.

19. Pour rejeter le recours en garantie de la société Coreal et de son assureur, l'arrêt retient que, dans leurs rapports entre elles, les sociétés condamnées et/ou leur assureur sont en droit d'exercer leurs actions récursoires en fonction des parts de responsabilité respectives, actions horizontales en contribution de la dette qui se distinguent des actions en garantie qui n'ont pas lieu d'être dans le cas d'espèce, chacune des sociétés responsables devant participer pécuniairement à hauteur des fautes commises, sans qu'elles puissent revendiquer une garantie quelconque de la part de l'une ou de l'autre, hormis les assurées vis-à-vis de leurs assureurs respectifs.

20. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des sociétés Coreal et Axa, qui demandaient l'application de la clause de garantie stipulée dans le contrat de sous-traitance conclu avec la société Eau et feu, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le pourvoi incident de la société AGCS

21. Il résulte de ce qui est mentionné au paragraphe 16 que le pourvoi incident formé par la société AGCS est sans objet.

Portée et conséquences de la cassation

22. Les demandes de garantie formées par les sociétés Coreal et Axa contre la société RSA en qualité d'assureur de la société Eau et feu n'ont pas été rejetées au fond mais déclarées prescrites.

23. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi incident des sociétés Coreal et Axa ne s'étend pas aux dispositions de l'arrêt déclarant prescrites les demandes formées par ces sociétés contre la société RSA en qualité d'assureur de la société Eau et feu.

Mise hors de cause

24. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la communauté d'agglomération et la société Det-Tronics, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 9 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims, mais seulement en ce que :

- il déclare non prescrites les actions directes exercées par les sociétés Élysée cosmétiques et Allianz Global Corporate & Specialty dirigées contre la société Royal & Sun Insurance PLC en qualité d'assureur de la société Eau et feu ;

- s'agissant du préjudice matériel, il condamne la société Royal & Sun Insurance PLC (en qualité d'assureur de la société Eau et Feu) in solidum avec les sociétés Eau et feu, Chubb France (venant aux droits de Chubb sécurité), Chubb European Group Limited (en qualité d'assureur des sociétés Eau et feu et Chubb France), - condamnation limitée à 1 000 000 livres (GBP convertis en euros) - Allianz IARD (en qualité d'assureur de la société Telema), Coreal, d'équipement du bassin lorrain, et Axa France IARD (en qualité d'assureur des sociétés Coreal et d'équipement du bassin lorrain) à payer à la société Allianz Global Corporate & Specialty, subrogée dans les droits de son assurée, la société Élysée cosmétiques, la somme de 1 480 138,40 euros à ce titre ;

- s'agissant du préjudice d'exploitation, il condamne la société Royal & Sun Insurance PLC (en qualité d'assureur de la société Eau et feu) in solidum avec les sociétés Eau et feu, Chubb France - venant aux droits de la société ATSE - Chubb European Group Limited (en qualité d'assureur des sociétés Eau et feu et Chubb France), Allianz IARD (en qualité d'assureur de la société Telema), d'équipement du bassin lorrain, Coreal, et Axa France IARD, en qualité d'assureur des sociétés d'équipement du bassin lorrain et Coreal, à payer à la société Élysée cosmétiques la somme de 3 730 038 euros à ce titre ;

- sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, il condamne la société Royal & Sun Insurance PLC (en qualité d'assureur de la société Eau et Feu) in solidum avec les sociétés Eau et feu, Chubb France - venant aux droits de la société ATSE - Chubb European Group Limited (en qualité d'assureur des sociétés Eau et feu et Chubb France), Royal & Sun Insurance PLC (en sa qualité d'assureur de la société Eau et feu), Allianz IARD (en sa qualité d'assureur de la société Telema), d'équipement du bassin lorrain, Coreal, et Axa France IARD, en qualité d'assureur des sociétés d'équipement du bassin lorrain et Coreal, à payer, pour l'ensemble des frais exposés en première instance et en appel, la somme de 50 000 euros à la société Élysée cosmétiques, et celle de 10 000 euros à la société Allianz Global Corporate & Specialty, assureur de la société Élysée cosmétiques ;

- il condamne la société Royal & Sun Insurance PLC (en qualité d'assureur de la société Eau et feu) in solidum avec les sociétés Eau et feu, Chubb France (venant aux droits de la société ATSE), Chubb European Group Limited (en qualité d'assureur des sociétés Eau et feu et Chubb France), Royal & Sun Insurance PLC (en qualité d'assureur de la société Eau et Feu), Allianz IARD (en qualité d'assureur de la société Telema), d'équipement du bassin lorrain, Coreal, et Axa France IARD, en qualité d'assureur des sociétés d'équipement du bassin lorrain et Coreal, à payer les dépens de première instance et d'appel ;

- il rejette les demandes de garantie formées par la société Coreal et par la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de la société Coreal, contre la société Eau et feu et son assureur Chubb European Group Limited ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Met hors de cause la communauté d'agglomération de [Localité 10] Porte de France et la société Det-Tronics ;

Condamne les sociétés Élysée Cosmétiques, Allianz Global Corporate & Specialty, Eau et feu et Chubb European Group Limited aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Royal & Sun alliance insurance PLC (demanderesse au pourvoi principal)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré non prescrites les actions directes exercées contre la société RSA, assureur de la société Eau et Feu ;

AUX MOTIFS QUE « la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par la société RSA, assureur de la société Eau et Feu à l'encontre de la société Elysée Cosmétiques et de son assureur AGCS : la société RSA soutient que cette action en responsabilité est prescrite et ce, en considération de la date de réception de l'ouvrage intervenue le 12 janvier 2001. Elle expose que les actions de la société Elysée Cosmétiques et d'AGCS, engagées respectivement par conclusions des 10 septembre 2015 et 16 juillet 2013, sont prescrites, tant sur le fondement de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil que de la garantie biennale de bon fonctionnement de l'article 1792-3 que de la garantie décennale de l'article 1792-4-2 du code civil, et encore plus subsidiairement, qu'elles sont prescrites par application de l'article L.110-4 du code de commerce anciennement applicable. L'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice se prescrit par le même délai que son action contre l'assuré responsable. Il convient donc, afin de déterminer si l'action est prescrite à l'encontre de la société RSA de s'attacher au fondement juridique invoqué. L'action directe exercée par la société Elysée Cosmétiques à l'encontre de RSA assureur de la société Eau et Feu ne se fonde pas sur les articles 1792 et suivants du code civil (garantie décennale ou biennale) mais à titre principal sur l'ancien article 1382, soit la faute civile délictuelle de l'assurée (l'examen de la prescription au regard de l'autre fondement juridique invoqué par la société Elysée Cosmétiques, soit l'ancien article 1147, pour le contrat de maintenance également conclu avec la société Eau et Feu étant sans intérêt, la société RSA n'en ayant à aucun moment été l'assureur pour cette prestation – ce point n'est pas contesté - ). De son côté l'assureur de la société Elysée Cosmétiques recherche la responsabilité de la société RSA sur le fondement de l'article L. 110-4 du code de commerce pour déficience de la société Eau et Feu dans l'installation du système de détection incendie. L'action exercée par AGCS à l'encontre de la société RSA n'est donc pas non plus fondée sur les articles 1792 et suivants du code civil, de sorte que les développements relatifs à la prescription en considération de la date de réception de l'ouvrage opérés par la société RSA sont sans emport. Il y a lieu de rechercher si les actions délictuelles exercées étaient prescrites au regard de l'ancien article 1382 du code civil et de l'article L. 110-4 du code de commerce. Le point de départ du délai de prescription relatif à l'action est la date à laquelle s'est réalisé le dommage. Le délai de prescription était de 10 ans avant la loi du 17 juin 2008 (le sinistre est survenu le 26 septembre 2007) qui a ramené ce délai à cinq ans. Par application des dispositions transitoires contenues dans cette loi – les dispositions réduisant la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure – le délai de prescription a expiré le 19 juin 2013. Le 29 octobre 2007, la société Elysée Cosmétiques a fait assigner en référé-expertise la société Eau et Feu. Par ordonnance du 13 novembre 2007, il a été fait droit à cette demande par le président du tribunal de commerce de Reims. Par ordonnance du 23 mai 2012, le tribunal de commerce a déclaré les opérations d'expertise communes et opposables à la société RSA. Les actions exercées par la société Elysée Cosmétiques et par AGCS à l'encontre de la société RSA l'ont été par voie de conclusions, respectivement notifiées les 10 septembre 2015 et 16 juillet 2013, soit postérieurement au 19 juin 2013. Les ordonnances de référé qui étendent à d'autres parties les opérations d'expertise ordonnées en justice apportent une modification à la mission de l'expert et ont par conséquent un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale. L'ordonnance du 23 mai 2012 ci-dessus visée a donc interrompu le délai de prescription à l'égard de la société Elysée Cosmétiques dont il convient de rappeler qu'elle est, en sa qualité de victime du sinistre, à l'origine de la procédure initiale, mais également à l'égard de son assureur qui n'agit que par subrogation dans les droits de son assurée, l'effet interruptif de prescription de l'action du subrogeant s'étendant à l'assureur subrogé dans ses droits. L'action n'est donc pas prescrite à leur encontre » (arrêt p. 13-14) ;

ALORS QUE pour être interruptive de prescription, la demande en justice doit émaner de celui dont le droit est menacé de prescription et être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que le délai de l'action en responsabilité délictuelle de la société Elysée Cosmétiques et de son assureur la société AGCS contre la société RSA expirait le 19 juin 2013, la cour d'appel a jugé que ces actions n'étaient pas prescrites quand bien même les demandes des sociétés Elysée Cosmétiques et AGCS n'avaient été respectivement formées que le 10 septembre 2015 et le 16 juillet 2013 car l'ordonnance du 23 mai 2012 du juge des référés du tribunal de commerce de Reims, rendue sur demande de la société Coréal et de son assureur en date du 17 avril 2012, et ayant déclaré les opérations d'expertises communes et opposables à la société RSA avait interrompu la prescription à l'égard de la société Elysée Cosmétiques et de son assureur subrogé dans ses droits ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que l'ordonnance du 23 mai 2012 rendue à la demande de la société Coreal et de son assureur, n'avait pu interrompre la prescription au bénéfice des sociétés Elysée Cosmétiques et AGCS, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2224 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les sociétés SEBL, Coreal, Eau et Feu, Chubb France – venant aux droits de la société ATSE et TELEMA sont responsables du sinistre survenu le 26 septembre 2007 dans les locaux de la société Elysée Cosmétiques et d'AVOIR, en conséquence, s'agissant du préjudice matériel, dit que le recours subrogatoire de la société AGCS, assureur de la société Elysée Cosmétiques, doit s'exercer pour un montant total de 1.480.138,40 euros et condamné la société Royal and Sun Alliance Insurance PLC (en sa qualité d'assureur de la société Eau et Feu) – condamnation limitée à 1.000.000 livres (GBP convertis en euros) in solidum avec les sociétés Eau et Feu, Chubb France, Chubb European Group Limited, Allianz Iard, Coreal, SEBL et AXA France Iard à payer à la société AGCS, subrogée dans les droits de son assurée, la société Elysée Cosmétiques, la somme de 1.480.138,40 euros à ce titre et, s'agissant du préjudice d'exploitation, d'AVOIR condamné la société Royal and Sun Alliance Insurance PLC (en sa qualité d'assureur de la société Eau et Feu) – condamnation limitée à 1.000.000 livres (GBP convertis en euros) in solidum avec les sociétés Eau et Feu, Chubb France, Chubb European Group Limited, Allianz Iard, Coreal, SEBL et AXA France Iard à payer à la société Elysée Cosmétiques la somme de 3.730.038 euros à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE « le rapport d'expertise technique de M. [G] : les parties, hormis la société Elysée Cosmétiques et la CAF, critiquent le rapport de cet expert qui est intervenu sur le volet technique du sinistre dont il a été chargé notamment de déterminer les causes. M. [G], expet près la Cour de cassation en électricité et incendie, est un professionnel doté d'une incontestable expérience en matière expertale, ses opérations se sont poursuivies pendant cinq années, après l'organisation de neuf réunions contradictoires et l'élaboration de six notes de synthèse à l'occasion desquelles les parties ont pu à loisir lui adresser des dires auxquels l'expert a répondu point par point ; il n'y a donc pas lieu de réinstaurer devant cette cour un débat technique qui s'est déjà tenu en présence des parties et qui a fait l'objet d'une appréciation circonstanciée par l'expert. Celui-ci a éliminé une à une les pistes initialement exploitables, en particulier : - quant à la présence d'un tas de mégots dans la zone extérieure à proximité de l'entrepôt n°22 dans lequel est survenu le sinistre, l'hypothèse selon laquelle elle pouvait être à l'origine du déclenchement des dispositifs de détection incendie, M. [G] ayant effectué des essais qui ont démontré que ni une flamme de briquet, ni une flamme intérieure ou extérieure ni le rougeoiement d'un mégot n'étaient susceptibles d'activer les détecteurs incendie 3IR, - quant à un possible acte de malveillance, l'expert ayant également écarté cette hypothèse en raison de l'absence d'indice susceptible d'étayer cette piste qualifiée de supputation, - quant à la réalisation de travaux par points chauds, les pompiers n'ayant retrouvé aucune trace de foyer ni matériel suspect lors de l'inspection qu'ils ont réalisée après le sinistre. M. [G] a également examiné tous les incidents sur l'installation avant le sinistre, le 5 janvier 2003, le 19 mars 2003, en avril 2003 et le 22 avril 2004 pour arriver à la conclusion que quatre déclenchements intempestifs dont celui du 26 septembre 2007 étaient survenus, évènements qui lui permettaient d'affirmer que la « fiabilité de cette installation n'était pas adaptée ». Rien ne vient contredire cette affirmation énoncée par l'expert après les investigations techniques qu'il a réalisées, les sociétés Eau et Feu, Chubb France et Chubb European Group Limited n'émettant que des supputations ne s'appuyant sur aucun élément concret ou objectif. A cet égard, le rapport d'expertise privée réalisé le 18 janvier 2018 par M. [L] à l'initiative de la société Eau et Feu, établi de manière non contradictoire, sans que celui-ci se soit rendu sur les lieux et en ayant extrait du rapport de M. [G] les éléments en défaveur du concepteur de l'installation défectueuse pour les commenter et remettre en cause des éléments que même les parties à l'époque ne contestaient pas (ainsi, par exemple, sur la tenue de la réunion du 14 février 2008 hors la présence de l'expert, dès lors que toutes les parties étaient d'accord pour réaliser les opérations de vérification du câblage, de la continuité des terres de l'installation de détection et des masses électroniques) est dépourvu de toute pertinence. Par ailleurs, s'il est exact qu'un sinistre est de nouveau survenu en octobre 2012, après qu'un nouveau dispositif de détection d'incendie a été mis en oeuvre par l'entreprise Desautel suite au sinistre de 2007, et même si l'expert aurait certes pu davantage s'attarder sur ce point, il n'en demeure pas moins que les circonstances du déclenchement de l'installation restent inconnues et qu'il ne lui a été donné aucune information technique sur cette installation. Si des quelques renseignements qu'il a pu obtenir de la société Elysée Cosmétiques, il s'avère que le nouveau dispositif repose sur une technologie de nature sensiblement différente de celle précédemment construite et qu'un nouvel incident s'est produit plus de cinq ans après le sinistre, il n'est pas permis d'exonérer de leur responsabilité les parties qui ont participé à la conception du premier ouvrage sur lequel M. [G] a relevé des désordres, et ce d'autant que ce dernier incident met en évidence selon lui l'anomalie constituée par le fait que le système de détection d'incendie est susceptible de se déclencher en réalité sans qu'il y ait d'incendie, ce qui démontre que de telles installations – dont celle qu'il a été chargée d'examiner – sont conçues de manière inadaptée. Enfin, l'expertise est exempte de critiques en ce que M. [G] a relevé, en page 15 de son rapport technique, que la seule hypothèse vraisemblable était un déclenchement intempestif du système, ce qui lui donne un crédit suffisant pour que la cour appuie sa décision sur les investigations expertales puisqu'il ne s'agit pas d'une supposition, contrairement à ce qui est affirmé par les intimés, et que l'expert a par ailleurs étudié tous les documents produits par les parties pour en relever l'intérêt (notamment les rapports de la DRIRE dressés à l'occasion des nombreux contrôles nécessités par le classement de la structure en site SEVESO II) et qu'il appartenait aux parties de donner à l'expert en temps utile tous les éléments qui étaient en leur possession à l'époque et qu'elles souhaitaient voir techniquement débattus – la durée des opérations d'expertise permettait à l'évidence de le faire et l'expert a pourtant relevé que de nombreux documents ne lui avaient pas été fournis, notamment les contrats conclus entre les parties. M. [G] a identifié trois éléments susceptibles d'expliquer ce déclenchement : 1° la conception défectueuse de l'installation de détection : l'expert relève qu'il est d'usage, sur les installations sensibles ou mettant en jeu des intérêts économiques élevés, d'assurer une détection redondante au moyen de deux technologies différentes ; il constate qu'aucune solution de ce type n'a été proposée ni à l'origine de l'installation, ni après les premiers déclenchements d'origine inconnue ; il précise que la défaillance d'un capteur, qu'il s'agisse d'une défaillance interne ou d'un dysfonctionnement causé par une perturbation externe électromagnétique est un événement d'exploitation prévisible et que d'un point de vue fonctionnel, l'absence de redondance de la détection constitue un point faible dès lors que le déclenchement intempestif d'un seul capteur suffit à activer le processus d'extinction mousse. Il doit être déduit de cette constatation que la mise en place par la société Eau et Feu, chargée de la conception et de l'installation du système de protection incendie, d'une détection au moyen de deux technologies différentes aurait pu permettre d'éviter le déclenchement intempestif de l'installation. 2° Le câblage défectueux de l'installation de détection : Les constatations de l'expert sont particulièrement accablantes pour la société ATSE devenue Chubb France, chargée par la société Eau et Feu dans le cadre d'une sous-traitance de la réalisation de ce câblage et de la société Telema qui a posé les câbles, elle-même étant intervenue dans le cadre d'une sous-traitance opérée par ATSE. L'expert relève que la réalisation du câblage n'est pas de qualité satisfaisante et que cette mauvaise qualité, l'incertitude sur la fixation des potentiels de masse et des liaisons de terre favorisent la sensibilité d'un tel équipement aux parasites et perturbations électromagnétiques. Il constate que le câblage de l'installation a été réalisé avec un manque de soins évident ; qu'il n'a pas été utilisé de câbles blindés contrairement aux préconisations du constructeur des capteurs Det Tronics ; que l'interconnexion des masses électroniques est incertaine ; que l'interconnexion des masses, le couplage capacitif à l masse de polarité négative des alimentations ne sont pas assurés ; que les câbles de l'alimentation et des boucles de détection transitent au voisinage de conducteur de puissance dans certaines zones ; que les boîtiers de raccordement des capteurs X 3300 ont été câblés de façon déplorable ; que l'intégrité des caractéristiques antidéflagrantes du boîtier a été altérée par les passages de câbles négligents. Ces défaillances graves étant répertoriées par l'expert au titre d'éléments de responsabilité, il est permis d'établir qu'elles ont participé de manière directe à la réalisation du sinistre, en particulier en raison de la sensibilité exacerbée de cette installation aux perturbations électromagnétiques de nature à déclencher de manière intempestive le système de détection. 3° L'entretien défectueux de l'installation : l'expert relève que les nombreux déclenchements qui se sont produits avant le sinistre n'ont pas été suffisamment pris en compte par la société ATSE, devenue Chubb France, qui était chargée de l'entretien de l'installation, et que la multiplicité de ces évènements aurait nécessité une recherche approfondie de leurs causes et une réflexion sur les moyens permettant d'éviter les conséquences dommageables des déclenchements intempestifs par la mise en place d'une redondance des dispositifs de détection. La société Eau et Feu assurant également la vérification de l'installation suivant contrat du 12 juin 2001, la responsabilité de cette société sera examinée dans le cadre de la responsabilité contractuelle qu'elle encourt à ce titre. En définitive, le déclenchement intempestif n'est pas resté inexpliqué et l'expert en a parfaitement identifié les causes. Par application du principe d'équivalence des conditions, la faute sans laquelle le préjudice ne se serait pas produit doit être réputée causale. Ainsi, dès lors que plusieurs causes ont été les conditions nécessaires du dommage, toutes doivent être considérées comme en étant les causes et comme ayant concouru de manière égale à la réalisation du dommage à l'égard de la victime de celui-ci (…) La responsabilité délictuelle de la société Eau et Feu et de ses sous-traitants : aux termes de l'article 1240 du code civil reprenant à l'identique l'ancien article 1382, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il est de jurisprudence constante (Cass. Ass. Plénière 6 octobre 2006, civ 1ère 24 mai 2017, Com. 21 juin 2017, Civ. 1ère, 20 septembre 2017) que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. L'effet relatif des contrats n'interdit pas en effet au tiers à une convention de se prévaloir d'un manquement contractuel commis par une partie dès lors que ce manquement est directement à l'origine d'un préjudice personnellement subi par lui. Ainsi, le manquement contractuel causant un dommage à un tiers directement intéressé par l'exécution du contrat est assimilé, au bénéfice de ce tiers, à une faute délictuelle. . la responsabilité de la société Eau et Feu : la société Elysée Cosmétiques ne dispose pas d'une action contractuelle à l'encontre de la société Eau et Feu dans le cadre du marché de construction. La responsabilité de la société Eau et Feu, qui a installé sur commande de la société Coreal le système de détection incendie, est recherchée sur un fondement civile délictuel, la société Eau et Feu ayant causé à la victime du sinistre un dommage du fait du manquement à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Coreal. Il a été ci-dessus jugé que le système de détection installé par la société Eau et Feu était défectueux. La société Eau et Feu, professionnel spécialisé dans ce type d'installation, était contractuellement tenue d'une obligation de résultat vis-à-vis de la société Coreal, soit installer un dispositif approprié et exempt de vices. Le contrat souscrit entre ces deux sociétés prévoit d'ailleurs expressément en son article 11 que l'entrepreneur se présente en professionnel dans l'exécution de la commande qui lui est confiée par la société Coreal. Cette défaillance est l'un des éléments à l'origine du déclenchement intempestif du système qui a causé les dommages à la société Elysée Cosmétiques. La responsabilité de la société Eau et Feu est par conséquent engagée de ce chef (…) Les assureurs de la société Eau et Feu : il n'est pas contestable que la société RSA n'était pas l'assureur de la société Eau et Feu dans le cadre du contrat de maintenance souscrit avec la société Elysée Cosmétiques. En revanche, elle justifie, par une attestation d'assurance du 6 janvier 2000, avoir assuré la responsabilité civile de la société Eau et Feu jusqu'au 31 décembre 2000 (soit au moment où la société Coreal lui a confié la réalisation de l'installation). Elle soutient que la demande formée par la société Elysée Cosmétiques est mal fondée dans la mesure où une clause du contrat exclut la garantie lorsque la responsabilité de l'assuré est recherchée pour des dommages entrant dans le champ d'application des articles 1792 et suivants du code civil. Or, la société Elysée Cosmétiques – et son assureur par subrogation pour les préjudices matériels, agissent à l'égard de la société Eau et Feu sur un fondement délictuel et non sur le fondement de la responsabilité décennale et cette clause ne peut par conséquent leur être opposée. Par ailleurs, en vertu du principe d'équivalence des causes à l'origine du sinistre qui s'applique à l'égard de la victime, le fait que la société RSA n'ait pas assuré la société Eau et Feu dans le cadre de la maintenance dont la défaillance a également été pointée par l'expert est indifférent. En revanche, il est opposé à juste titre à la société Elysée Cosmétiques, qui agit sur un fondement délictuel, le plafond de garantir figurant dans le contrat, soit 1.000.000 de livres (GBP) » (arrêt p. 14-20) ;

ALORS QUE 1°) le seul manquement à une obligation contractuelle de résultat d'installer un dispositif conforme et exempt de vices ne caractérise pas une faute délictuelle à l'égard des tiers au contrat ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité délictuelle de la société Eau et Feu à l'égard de la société Elysée Cosmétiques, la cour d'appel a énoncé que la société Eau et Feu était tenue d'une obligation contractuelle de résultat envers la société Coreal d'installer un dispositif approprié et exempt de vices, que le système de détection installé par la société Eau et Feu avait été défectueux et que cette défaillance avait été l'un des éléments à l'origine du déclenchement intempestif du système qui a causé les dommages à la société Elysée Cosmétiques ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui, tirés du seul manquement à une obligation contractuelle de résultat d'installer un dispositif conforme et exempt de vices, sont impropres à caractériser une faute délictuelle, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

ALORS QUE 2°), le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 4.1.22 des conditions générales d'assurance RSA stipulait que « sont exclus de la garantie tous les cas où la responsabilité de l'Assuré est recherchée pour les dommages corporels, matériels, et/ou immatériels entrant dans le champ d'application des articles 1792 à 1792-4 du code civil, ainsi que les dommages de la nature de ceux visés dans les articles 1792 et 1792-2 du code civil et survenant durant la période de parfait achèvement définie à l'article 1792-6 du code civil » ; que la clause excluait ainsi de la garantie les cas où la responsabilité est recherchée pour les dommages relevant des articles 1792 et suivants et non les cas où la responsabilité est recherchée sur le fondement des articles 1792 et suivants ; qu'en retenant au contraire que la clause d'exclusion ne s'appliquait pas dès lors que l'action engagée l'était sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun et non sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, la cour d'appel a dénaturé cette clause, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Allianz global corporate & speciality SE (demanderesse au pourvoi incident)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 1 000 000 de livres (GBP convertis en euros) le montant de la condamnation de la société Royal & Sun Alliance Insurance plc (RSA) au profit de la société AGCS, subrogée dans les droits de son assurée, la société Elysée cosmétiques, s'agissant du préjudice matériel subi par celle-ci ;

AUX MOTIFS QUE le sinistre est survenu le 26 septembre 2007 ; qu'il est opposé à juste titre à la société Elysée cosmétiques, qui agit sur un fondement délictuel, le plafond de garantie figurant dans le contrat, soit 1.000.000 de livres (GBP) ; que la condamnation in solidum de la société RSA sera donc limitée à cette somme ;

ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que dans ses conclusions récapitulatives (p. 27), la société Royal & Sun Alliance Insurance plc (RSA) invoquait un plafond de garantie applicable au tiers lésé correspondant à « l'équivalent en FF au jour du sinistre de £ 1.000.000 par sinistre et par année d'assurance » ; qu'en limitant la garantie due à ce titre par la société RSA à la somme de 1 000 000 de livres sterling, sans préciser que celle-ci devait s'entendre de sa contre-valeur en francs français et, partant, en euros, au jour du sinistre, soit le 26 septembre 2007, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour les sociétés Coreal et Axa France IARD (demanderesses au pourvoi incident)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les sociétés Axa France Iard, prise en sa double qualité d'assureur des sociétés Coreal et SEBL, et Coreal de leurs demandes de condamnation in solidum de la société Eau et Feu et ses assureurs, les compagnies Royal & Sun Alliance Insurance, Ace/Chubb European Group Limited à les garantir et relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, en principal, intérêts et accessoires ;

AUX MOTIFS QUE les diverses fautes (ou événement générant une responsabilité de plein droit détachée de la notion de faute pour ce qui concerne la responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil) se sont conjuguées de manière indissociable dans la production du dommage subi par la société Elysée Cosmétiques, ce qui permet à celle-ci, dans le cadre de la condamnation in solidum des sociétés concernées, de s'adresser pour le tout à n'importe lequel des débiteurs sans qu'aucun d'entre eux puisse lui opposer le bénéfice de division ; qu'en revanche, dans leurs rapports entre elles, les sociétés condamnées -et/ou leur assureur – sont en droit d'exercer leurs actions récursoires en fonction des parts de responsabilité respectives, actions horizontales en contribution de la dette qui se distinguent des actions en garantie qui n'ont lieu d'être dans le cas d'espèce, chacune des sociétés responsables devant participer pécuniairement à hauteur des fautes commises, sans qu'elles puissent revendiquer une garantie quelconque de la part de l'une ou de l'autre (hormis les assurées vis-à-vis de leurs assureurs respectifs) (arrêt, p. 23) ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE les contrats légalement formés font la loi des parties ; qu'en rejetant la demande de la société Axa France Iard, prise en ses qualités d'assureur des sociétés SEBL et Coreal, et de la société Coreal tendant à être relevées et garanties indemnes par la société Eau et Feu et ses assureurs de toutes condamnations pouvant être prononcées, quand les appelants en garantie faisaient valoir (concl. p. 35 et 36) que la société Coreal avait sous-traité à la société Eau et Feu les travaux de réalisation du système de sécurité incendie et que l'article 10 du traité stipulait que « l'entrepreneur s'engage à garantir Coreal contre tout recours qui pourrait être exercé contre elle du fait de l'inobservation de l'une quelconque de ses obligations, et s'engage à obtenir la même garantie de ses assureurs » et que « si Coreal était mise en en cause par un tiers, pour des raisons imputables aux matériels et aux prestations de l'entrepreneur et/ou de ses sous-traitants, l'entrepreneur se substituera à Coreal de manière à garantir Coreal contre tout préjudice subi du fait de cette mise en cause », la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALOR DE SECONDE PART QUE le sous-traitant étant tenu d'une obligation de résultat à l'égard de son donneur d'ordre, celui-ci est fondé à être garanti de la totalité des condamnations pesant sur lui à l'égard du maître de l'ouvrage envers lequel il engage sa responsabilité ; d'où il suit qu'en décidant le contraire pour la raison inopérante que chaque société responsable du dommage à l'égard du maître de l'ouvrage devait participer pécuniairement à hauteur des fautes commises, après avoir pourtant constaté que le système de détection installé par la société Eau et Feu, sous-traitant de la société Coreal, était défectueux et que le sous-traitant de la société Eau et Feu, la société Atse, devenue Chubb France, était responsable de la mauvaise qualité du câblage ayant directement participé à la réalisation du sinistre, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite l'action récursoire exercée par la SEBL et son assureur la société Axa France Iard à l'encontre de RSA, assureur de la société Eau et Feu ;

AUX MOTIFS sur la prescription de l'action requalifiée récursoire exercée par la SEBL et son assureur Axa à l'encontre de RSA, assureur de la société Eau et Feu QUE la société RSA soutient que les actions de SEBL et d'Axa (assureur de SEBL), engagée respectivement les 26 mars 2014 et 17 avril 2012 sont prescrites, tant sur le fondement de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil que de la garantie biennale de bon fonctionnement de l'article 1792-3 que de la garantie décennale de l'article 1792-4-2 du code civil ; que la SEBL et Axa ne répondent pas à la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société RSA ; que les actions récursoires que ces sociétés exercent à l'encontre de la société RSA assureur de la société Eaux et Feu, dont elles n'indiquent pas précisément la nature ni ne déterminent le régime de responsabilité applicable, obéissent au délai de prescription spécial de l'article 1792-4-2 du code civil (anciennement 2270-2 créé par l'ordonnance du 8 juin 2005) aux termes duquel les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception de travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception ; que le sinistre est survenu le 26 septembre 2007, soit après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005 ; que la réception des travaux fait courir le délai de prescription ; que cette réception a eu lieu le 12 janvier 2001 ; qu'à supposer que le délai le plus favorable soit appliqué dans les relations maître d'ouvrage/assureur – sous-traitant du maître d'oeuvre, la société SEBL devait agir dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux, ce délai expirant le 12 janvier 2011 ; que la société SEBL a agi à l'encontre de la société RSA par conclusions du 26 mars 2014, son assureur la société Axa France Iard, par assignation du 17 avril 2012, soit au-delà du délai de dix ans à compter de la réception des travaux ;

ALORS D'UNE PART QUE pour les contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005, la prescription décennale de l'action ouverte à l'entreprise principale contre son sous-traitant commence à courir à la date à laquelle la responsabilité de l'entreprise principale a été mise en cause par le maître de l'ouvrage ; qu'en fixant dès lors à la réception de l'ouvrage, soit le 12 janvier 2001, le point de départ du délai de prescription décennale de l'action de l'assureur de la société SEBL à l'encontre de la société RSA, assureur de la société Eau et Feu (sous-traitant), quand elle constatait que le marché principal était antérieur à l'entrée en vigueur de ladite ordonnance, la cour d'appel en a violé les articles 2 et 5 de l'ordonnance du 8 juin 2005, ensemble l'article 2 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART, en toute hypothèse, QUE le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil et qu'il se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Axa France Iard, prise en sa qualité d'assureur de la société SEBL (promoteur donneur d'ordre), avait agi à l'encontre de la société RSA (assureur du sous-traitant Eau et Feu) par assignation du 17 avril 2012, après avoir été assignée par la société SEBL aux fins d'ordonnance commune par acte du 30 novembre 2010, de sorte que l'action de l'assureur de la société SEBL à l'encontre de l'assureur du sous-traitant n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite l'action récursoire exercée par la société Coreal et son assureur, la société Axa France Iard à l'encontre de RSA, assureur de la société Eau et Feu ;

AUX MOTIFS QUE la société RSA soulève la prescription de l'action des sociétés Coreal et Axa, en se fondant à titre principal sur l'aménagement conventionnel de la prescription entre la société Coreal et la société Eau et Feu ; que l'article 10 du contrat conclu entre la société Coreal, maître d'oeuvre, et son sous-traitant, la société Eau et Feu, intitulé « responsabilité-assurance » stipule que malgré la qualité de sous-traitant de l'entrepreneur (Eau et Feu), celui-ci est tenu vis-à-vis de Coreal, aux même conditions que s'il était réputé constructeur au sens des articles 1792 et suivants et 2270 du code civil ; que l'article 2270 est devenu l'article 1792-4-1 qui stipule que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur celle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article ; que la société RSA soutient que cette stipulation est parfaitement claire, qu'il n'est nul besoin de l'interpréter comme le soutient à tort la société Coreal, et que les parties ont donc convenu que le délai de prescription prévu à l'article 2270 du code civil, devenu 1792-4-1 du même code, serait de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage ; que la société Coreal et son assureur Axa lui répondent qu'il y a lieu d'interpréter cette clause au regard de l'ensemble du texte sans s'arrêter à son sens littéral ; qu'il soutiennent que plusieurs régimes de responsabilité sont invoqués dans cette clause – responsabilité du fait d'autrui sur le chantier commettant et préposé et responsabilité du fait des sous-traitants – avant que soit abordée dans un second temps les clauses de garantie ; que dans la seconde partie, seule la question assurantielle est abordée et que la clause litigieuse ne vise qu'à attirer l'attention de la société Eau et Feu sur le fait qu'en dépit de sa qualité de sous-traitant, la société Coreal entend, malgré le fondement nécessairement contractuel de son action à l'encontre de son sous-traitant être garantie par l'assureur de la société Eau et Feu dans « les conditions de la décennale » mais qu'à aucun moment il n'y est fait état des prescriptions et encore moins d'une volonté de soumettre l'une ou l'autre des parties à une quelconque prescription décennale ; qu'un aménagement conventionnel de la prescription a été de manière constante validé par la jurisprudence – celle-ci a d'ailleurs été reprise dans l'article 2254 nouveau du code civil qui codifie la possibilité d'un aménagement conventionnel de la prescription en abrégeant ou en allongeant la durée d'une prescription - ; que par conséquent, même s'il est exact que l'action de la société Coreal à l'encontre de son sous-traitant, la société Eau et Feu , est par essence contractuelle, il est permis de déroger à cette règle par un accord de volonté des parties ; qu'or, celles-ci ont convenu de se soumettre aux règles de la responsabilité décennale plutôt qu'à celles applicables en matière de responsabilité contractuelle et il ne peut dès lors être opposé par la société Coreal à son cocontractant que seule la responsabilité contractuelle aurait vocation à s'appliquer au litige ; qu'il n'est pas permis aux juges, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu'elle renferme ;

ALORS QUE l'article 10 de la lettre de commande stipulait, d'une part que « l'entrepreneur s'engage à garantir Coreal contre tout recours qui pourrait être exercé contre elle du fait de l'inobservation de l'une quelconque de ses obligations, et s'engage à obtenir la même garantie de ses assureurs et que … l'entrepreneur se substituera à Coreal de manière à garantir Coreal contre tout préjudice subi du fait de cette mise en cause » et, d'autre part que « malgré la qualité de sous-traitant de l'entrepreneur, celui-ci est tenu vis-à-vis de Coreal aux mêmes conditions que s'il était réputé constructeur au sens des articles 1792 et suivants, et 2270 du code civil », ce dont il résultait qu'en dépit du choix d'une responsabilité des constructeurs dans les seuls rapports du sous-traitant vis-à-vis de son donneur d'ordre, le premier s'obligeait à garantir le second des préjudices subis du fait de sa mise en cause par un tiers, quel qu'en soit le fondement, de sorte que cette garantie n'était pas soumise contractuellement à la prescription décennale applicable à la responsabilité des constructeurs et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce.

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