24 mai 2022
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 19/08130

Chambre commerciale

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 24 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/08130 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OOCT





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 NOVEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 18/00839





APPELANTS :



Monsieur [I] [P]

né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 7] (ESPAGNE)

de nationalité Française

SARL [P] CARRELAGE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant



SCI PLEIN SOLEIL II prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant





INTIMEE :



Madame [J] [Z] épouse [U]

née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Jean-Philippe NESE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant





Ordonnance de clôture du 22 Février 2022









COMPOSITION DE LA COUR :



En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MARS 2022, en audience publique, Madame Marianne ROCHETTE, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :



Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO



ARRET :



- Contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.




*

**



FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES:



Par acte sous seing privé du 29 octobre 2001, M. [P] et Mme [Z] épouse [U] ont constitué la SCI Plein soleil II, dont ils étaient les associés à parts égales et co-gérants et dont l'objet social était l'acquisition de quatre parcelles de terrain constituant les lots n°15, 20, 21 et 24 du [Adresse 9] (66) sur lesquels 4 villas devaient être construites et ensuite vendues.



Par acte sous-seing privé du 2 septembre 2002, la Banque populaire des Pyrénées orientales de l'Aude et de l'Ariège lui a consenti un prêt de 175'774 euros servant à financer l'acquisition des terrains et la construction des villas, en garantie duquel les deux associés et leur conjoint ont chacun consenti un cautionnement personnel et solidaire.



Au début du mois de janvier 2009 et alors que la construction de la dernière villa était retardée, la SCI avait un compte bancaire débiteur de 120 094,75 euros et faisait l'objet d'une interdiction d'émettre des chèques.



Le 6 janvier 2009, la Banque populaire du Sud a édité une « notification d'accord » pour l'octroi d'un prêt relais de 135'000 euros remboursable en 24 mois garanti par le cautionnement de M. [P] et Mme [U] auxquels ils ont effectivement souscrit.



Par courrier recommandé du 22 mars 2010 faisant suite à une précédente lettre recommandée du 8 octobre 2009 (réceptionnée le 26 octobre 2009) mais restée sans réponse, M. [P], par l'intermédiaire de son conseil, s'est inquiété auprès de la cogérante des modalités de gestion de la société civile immobilière et a sollicité des explications quant à l'existence de ce compte débiteur dont il avait 'appris incidemment' l'existence, nonobstant la vente des trois premiers pavillons. Après réception et analyses des factures communiquées par courrier officiel du 4 mai 2010, il a fait délivrer le 29 août 2012 une assignation en référé expertise confiée à M. [R] qui a déposé son rapport le 8 février 2017.



En lecture de ce rapport, la SCI Plein soleil II, prise en la personne de son co-gérant M. [P], ainsi que M. [P] ont par exploit du 1er mars 2018, fait assigner Mme [Z] épouse [U] devant le tribunal de grande instance de Perpignan en vue d'obtenir la somme de 120 193 euros correspondant au surcoût anormal des travaux réalisés par l'EURL [U] ainsi que celle de 10000 euros à chacun au titre de leur préjudice moral.



Le tribunal, par jugement du 28 novembre 2019, a :

- fait droit à la fin de non recevoir au titre de la prescription et déclaré irrecevable l'action de la SCI Plein soleil II, prise en la personne de son co-gérant M. [P] et l'action de M. [P] à titre personnel,

- débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné in solidum la SCI Plein soleil II et M. [P] à payer à Mme [Z] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SCI Plein soleil II et M. [P] aux dépens qui comprendront les frais de l'instance en référé et d'expertise dont distraction au profit de la SELARL NESE.



La SCI Plein soleil II représentée par M. [P] et ce dernier ont régulièrement relevé appel, le 18 décembre 2019, de ce jugement.



Ils demandent à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 26 juin 2020 via le RPVA, de :

Vu l'article 1240 du code civil,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Perpignan en date du 28 novembre 2019,

En conséquence,

Constatant le surcoût anormal des travaux,

- condamner Mme [U] à verser à la SCI requérante la somme de 120 193 euros correspondant au surcoût anormal des travaux réalisés par l'EURL [U],

- la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral consécutif à l'atteinte portée à l'intérêt social de la SCI,

- la condamner à verser à M. [P] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Sur la demande reconventionnelle tenant à une prétendue faute de M. [P],

- dire et juger cette demande irrecevable comme formulée pour la première fois en cause d'appel,

En toute hypothèse,

- la dire infondée et la rejeter,

- la condamner à verser à chacun des requérants la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.



Au soutien de son appel, ils font essentiellement valoir que :



- le point de départ du délai de prescription doit être décalé à la date à laquelle le dommage a été révélé à la victime et le courrier du 26 octobre 2009 marque le point de départ du délai pour engager l'action, lequel a été interrompu par assignation en référé expertise du 29 août 2012,

- l'expert judiciaire avait établi des surcoûts anormaux supportés par la SCI s'établissant au final à 120 193 euros et un bénéfice de 10 000 euros alors qu'il aurait pu s'établir à 70 000 euros sans ces surcoûts,

- Mme [U] qui avait de son propre aveu assumé la conduite des 4 chantiers et la coordination des métiers, avait accepté l'intervention de la société de son mari bien que la surfacturation soit frappante en privilégiant ainsi ses propres intérêts au détriment des intérêts sociaux dont elle était la garante,

- le préjudice de M. [P] distinct de celui supporté par la SCI réside dans le risque financier considérable encouru par le fait de devoir exposer d'importantes sommes nécessaires à la démonstration de la faute commise dans la gestion de la société dont il avait été écarté, Mme [U] ayant eu, avec son époux, 'la main mise' sur l'ensemble de cette gestion.



Mme [Z] épouse [U] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 27 mars 2020 :

Vu les articles 1353, 1848 alinéa 2, 1850 et 2224 du code civil,

- déclarer irrecevables comme prescrites les actions de la SCI Plein soleil II et de M. [P],

- confirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Perpignan,

- Subsidiairement,

- débouter la SCI Plein soleil II de ses demandes à l'encontre de Mme [U] à défaut d'établir une faute en relation causale avec les préjudices allégués, non établis et hypothétiques,

- débouter M. [P] de ses demandes à l'encontre de Mme [U],

Dans les deux cas,

- condamner reconventionnellement in solidum la SCI Plein soleil II et M. [P] à payer à Mme [U] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre les entiers dépens de l'instance en ce compris les frais de référé et d'expertise dont distraction au profit de la SCP Auche-Hédou, avocat, dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Plus subsidiairement,

- déclarer M. [P] co-responsable des préjudices arbitrés au profit de la SCI Plein soleil II,

En conséquence,

- condamner M. [P] à relever et garantir Mme [U] à concurrence de la moitié des préjudices arbitrés,

- débouter M. [P] de sa demande de réparation d'un préjudice moral au demeurant ni prouvé ni justifié,

- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Mme [U].



Après avoir rappelé que les travaux de maçonnerie et de gros oeuvre avaient été confiés à l'Eurl [U] [F] en accord avec M. [P] qui n'ignorait pas que les problèmes de retard et construction de la dernière parcelle avaient affecté la rentabilité de l'opération, elle expose en substance que :

- les fautes de gestion reprochées à Mme [U] remontent à une période comprise entre 2003 et 2006, et tenant la date des devis, la prescription de l'action était acquise au 11 juin 2008, 11 décembre 2010, 10 juin 2011, l'action en référé n'ayant été introduite qu'une fois la prescription acquise,

- en sa qualité de co-gérant, M. [P] était en situation de connaître les faits litigieux au jour de l'établissement des devis et il lui incombait à tout le moins de s'intéresser à la gestion de la SCI dont il avait également la charge et la date du 26 octobre 2009 marque seulement le moment où il était sorti 'de sa torpeur' et de ses négligences,

- le rapport d'expertise est critiquable en ce que :

' le postulat d'un coût de construction à environ 800 euros HT par m² de Shon relève d'une estimation arbitraire ne tenant même pas compte des aménagements spécifiques des constructions

' il se trompe quant au bénéfice réalisé qui n'est pas de 10 000 euros puisqu'à la lecture du relevé bancaire, le solde créditeur était de 15'904,96 euros au 30 septembre 2011 et de 12'260,79 euros au 31 octobre 2018

' il n'y avait aucune dépense injustifiée, l'expert n'ayant pas lu tous les documents transmis, et il n'y avait pas eu davantage de surcoût anormal d'achat de fournitures, la SCI ayant fait le choix d'acheter certains éléments d'équipement dans un souci d'économie

' les prix pratiqués par l'Eurl [U] [F] avaient été acceptés par la SCI sans objection de la part de M. [P] et la SCI avait pu faire l'économie d'un maître d'oeuvre de direction des travaux puisque l'Eurl [U] [F] avait assumé les sujétions justifiant une majoration des prix

' le surcoût financier était essentiellement dû au retard dans la construction de la quatrième villa

' le prétendu 'surprix' est très relatif tenant à des prix, librement négociés et convenus n'ayant pas varié entre 2003 et 2006 alors qu'une fluctuation de prix de l'ordre de 10 % est dans les tolérances admises,

- le préjudice allégué n'est hypothétique et le prétendu surcoût anormal sur l'ensemble des travaux de construction a été estimé par l'expert à 54'179 euros dont une partie seulement est attribuable aux travaux de l'Eurl [U] [F],

- M. [P] était en tout état de cause fautif pour avoir manqué à ses obligations de surveillance en qualité de cogérant et il est co-responsable à parité des conséquences dommageables de la faute de gestion qu'il impute à Mme [U].



Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 février 2022.




MOTIFS de la DÉCISION :



Sur la prescription de l'action engagée par la SCI Plein soleil II :



L'action de la SCI Plein soleil II prise en la personne de M. [P] vise à engager la responsabilité de Mme [U] pour des fautes de gestion ayant occasionné son appauvrissement.



Elle répond aux dispositions de l'article 1850 du code civil et en l'absence de disposition spécifique, le délai de prescription de cette action est celui de la prescription de droit commun de 5 ans de l'article 2224 du code civil.



Celui-ci énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.



La charge de la preuve de la prescription incombe à celui qui l'invoque et l'intimée en situe le point de départ au plus tard le 10 juin 2006 qui est la date d'établissement du dernier devis afférent au lot 24 et qui est d'ailleurs le seul devis au sujet duquel l'expert judiciaire n'émet pas de réserves quant à son authenticité au contraire des trois autres précédents dont il observe qu'ils mentionnent curieusement l'identité des acquéreurs alors qu'il ne s'agit pas de vente en l'état futur d'achèvement.



Mais il apparaît d'une part que la date d'établissement d'un devis ne correspond pas forcément à la date de sa signature par la société cliente et d'autre part, la date à laquelle la SCI aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action en responsabilité contre le dirigeant fautif ne pouvait qu'être la date des assemblées générales au cours de laquelle la reddition des comptes devait être présentée à l'assemblée des associés, accompagnée du rapport de gestion de l'année écoulée portant sur l'activité de la société et comportant l'indication des bénéfices réalisés et des pertes encourues ou prévues.



Or, aucun des deux gérants n'a procédé à la convocation des assemblées générales de la SCI dont les statuts prévoyaient également l'établissement d'un rapport écrit annuel sur l'ensemble de l'activité de la société annexé à la décision collective des associés portant approbation des comptes de l'exercice écoulé, cette décision devant intervenir dans les quatre premiers mois de l'exercice en cours.



Il en résulte que la SCI ayant une personnalité juridique distincte de celles de ses associés et a fortiori de ses cogérants n'a pas été en mesure de connaître les faits fondant son action de sorte que le délai de prescription n'avait pas couru quand elle a engagé son action en référé expertise le 29 août 2012 puis son action au fond le 1er mars 2018 après que l'expert judiciaire ait déposé son rapport le 8 février 2017.



Sur la prescription de l'action engagée par M. [P] en son nom personnel:



Agissant en son nom personnel, M. [P] rattache son action en responsabilité à celle dont disposent les associés à l'encontre des dirigeants de la société et invoque un préjudice personnel distinct de celui causé à la SCI Plein soleil II.



L'intimée situe à l'identique le point de départ du délai de prescription de cette action à la date du devis du 10 juin 2006. Or, il n'est pas établi que M. [P] pris en sa qualité d'associé ait pu connaître l'existence de ce devis et il n'a été convoqué à aucune assemblée générale. Il convient à l'identique de conclure que le délai de prescription n'avait pas couru quand il a engagé son action en référé expertise le 29 août 2012 puis son action au fond le 1er mars 2018 après que l'expert judiciaire ait déposé son rapport le 8 février 2017.



Sur le rapport d'expertise:



L'expert, a indiqué à titre liminaire qu'il ne disposait que de peu d'éléments quant au déroulé de l'opération de construction (absence de déclaration d'ouverture de chantier, d'achèvement des travaux, des plannings prévisionnels, des achèvements de taches entre corps d'état, de comptes-rendus de réunions d'avancement de chantier, etc.) et qu'il avait été confronté « au caractère épars et incomplets des pièces transmises » comme à « l'absence de toute comptabilité et gestion de chantier de ventilation des dépenses » l'obligeant sur les 12 années d'existence de la SCI à rapprocher l'ensemble des pièces qui lui avaient été communiquées.



Il a évalué le coût de revient des quatre villas à 604'806,83 euros qu'il estime supérieur de 88'365 euros à son évaluation (soit 15 %). Il estime que les prix appliqués par l'EURL [U] pour le gros 'uvre des trois dernières villas sont 10 % supérieurs non seulement aux prix du marché mais aussi à ceux de l'entreprise Perreira ayant réalisé le gros 'uvre de la première villa



Il estime les surcoûts anormaux supportés par la SCI plein soleil II comme suit:



- travaux : 54'179 euros

- frais généraux : 13'032 euros

- frais financiers : 22'119 euros

- dépenses non justifiées : 21'873 euros

- fournitures seules : 8990 euros

soit un total de 120'193 euros.



Il relève enfin que le bénéfice de la SCI a été de l'ordre de 10'000 euros en impôts très inférieurs aux 70'000 euros que les associés pouvaient espérer dégager après impôts. Il explique que la durée de l'opération et le montage juridique retenu ont contribué à l'alourdissement des charges financières et de gestion de la société.



Sur les fautes de gestion et les responsabilités:



La faute de gestion que M. [P] reproche à Mme [U] réside dans le fait d'avoir retenu l'Eurl [U] pour poursuivre l'édification des trois derniers pavillons moyennant le surcoût manifestement supérieur à 10 % des prix pratiqués précédemment par la SARL Perreira ayant eu en charge la construction du premier pavillon. Il se limite ainsi à lui reprocher l'attribution du gros 'uvre à une entreprise proposant des prix manifestement excessifs qu'elle ne pouvait ignorer en comparaison des prix précédemment pratiqués par l'entreprise Perreira.



Or l'expert n'a évalué qu'à 54'179 euros le montant du surcoût anormal des travaux sans relier les autres surcoûts qualifiés d'anormaux au fait d'avoir recouru à l'Eurl [U]. Il relie ainsi les frais généraux à la durée de vie anormalement longue de la SCI de construction, les frais financiers à un défaut d'anticipation de trésorerie et les frais non justifiés à une absence de pièces justificatives.



La SCI Plein soleil II qui ne soutient ni ne justifie a fortiori pas une faute imputable à Mme [U] dans la survenance de ces autres surcoûts ne saurait donc asseoir ses prétentions sur le total de 120'193 euros retenu par l'expert.



Pour contester le surcoût des travaux évalués par l'expert à 54179 euros, Mme [U] invoque une estimation théorique faite en référence à 'Batiprix' qui serait la bible des grandes entreprises du bâtiment en matière de prix mais inapplicable aux petites structures. Or l'expert judiciaire a, au contraire, relevé que l'écart global de Batiprix avec la SARL Perreira est très faible et l'argument de la faillite de cette dernière en lien avec les prix qu'elle pratiquait n'est corroboré par aucun élément sérieux. En tout état de cause, Mme [U] ne démontre pas avoir sollicité d'autres entreprises pour l'établissement de devis qui permettraient seuls d'apprécier la pertinence de sa critique tenant au caractère inapproprié de la référence faite à Batiprix par rapport aux prix proposés par de petites entreprises.



Il convient donc de retenir que le surcoût des travaux supporté par la SCI Plein soleil II constitue effectivement un préjudice réel causé par la faute de gestion de Mme [U], consistant à avoir eu recours à la société de son mari pratiquant des prix générateurs d'un surcoût après s'être abstenue de toutes négociations, de toutes mises en jeu de la concurrence et de comparaisons en termes de qualité/prix.



La SCI Plein soleil II est donc fondée à réclamer à Mme [U] réparation du préjudice subi à hauteur de 54179 euros.



Au soutien de sa demande subsidiaire, Mme [U] invoque à juste titre les dispositions de l'article 1850 du code civil selon lequel chaque gérant est responsable individuellement envers la société (...) des fautes commises dans sa gestion.



Il résulte du rappel des moyens et prétentions par le premier juge que Mme [U] avait déjà demandé au tribunal que M. [P] soit condamné à la garantir à concurrence de moitié en application de l'article 1848 al. 2 du code civil.



Ainsi, la demande reconventionnelle formée en cause d'appel dont l'article 567 indique qu'elle est recevable, n'est pas nouvelle.



En sa qualité de cogérant de la SCI, M. [P] avait l'obligation de s'impliquer dans la gestion de la SCI Plein soleil II. La situation qu'il expose d'une main mise sur la gestion de la société par Mme [U] et son mari, n'est pas démontrée et la circonstance de l'établissement du siège social au domicile des époux [U] est insuffisante en l'absence de tout élément établissant une obstruction quelconque de leur part. Dans son courrier du 8 octobre 2009, il faisait certes état d'une mise à l'écart de toute gestion mais reconnaissait également que dans un premier temps, 'cela ne l'avait pas choqué'. Il convient de conclure à un défaut d'implication fautif de sa part à l'origine du préjudice subi par la SCI Plein soleil II.



M. [P] sera donc déclaré co-responsable du préjudice subi par celle-ci, à concurrence de 50 % et il sera en conséquence condamné à relever et garantir Mme [U] à concurrence de la moitié de cette somme.



Sur les préjudices moraux:



Il est de principe qu'une société peut demander l'indemnisation d'un préjudice moral dont elle doit démontrer la réalité et qui ne se confond pas avec le préjudice économique. Au soutien de cette demande, la SCI Plein soleil II invoque un bénéfice considérablement affecté du fait d'avoir favorisé l'activité de son époux.



Or ce préjudice est économique et la démonstration n'est pas faite que le choix de Mme [U] aurait été la cause d'une dégradation des relations internes dans l'entreprise ni qu'elle soit la cause des difficultés de commercialisation de la 4ème villa.



La SCI Plein soleil II sera donc déboutée de sa demande en indemnisation d'un préjudice moral non démontré.



M. [P] ayant quant à lui contribué au préjudice subi par la SCI Plein soleil II du fait de son manque d'implication dans la gestion de la société entre sa création et 2009 ne peut revendiquer un préjudice moral dont il est à l'origine puisque ce défaut d'implication l'a effectivement obligé à recourir à expertise.



Il sera donc débouté de cette demande.



Sur les frais et les dépens:



Au vu de ce qui précède, les frais d'expertise judiciaire seront partagés entre M. [P] et Mme [U].



Mme [U] qui succombe, devra supporter les autres dépens de première instance et d'appel et payer à la SCI Plein soleil II une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Il n'y a pas lieu d'allouer à M. [P] et Mme [U] une indemnisation au titre de leurs frais irrépétibles dans les relations réciproques.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,



Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 28 novembre 2019 et statuant à nouveau,



Dit que l'action de la SCI Plein soleil II et celle de M. [P] ne sont pas prescrites,



Dit qu'il y a eu faute de gestion de la part de [J] [Z] épouse [U] et [I] [P],



Condamne [J] [Z] épouse [U] à payer à la SCI Plein soleil II la somme de 54'179 euros au titre du surcoût des travaux supportés par la SCI Plein soleil II,



Condamne [I] [P] à relever et garantir [J] [Z] épouse [U] à hauteur de la moitié de cette somme, soit 27'089,50 euros,



Déboute la SCI Plein soleil II et M. [P] de leurs demandes d'indemnisation d'un préjudice moral,



Dit que les frais d'expertise judiciaire seront partagés entre M. [P] et Mme [Z] épouse [U],



Dit que Mme [Z] épouse [U] supportera les autres dépens de première instance et d'appel et payera à la SCI Plein soleil II une somme de 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.



le greffier, le président,

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