25 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.516

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00344

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 344 FS-D

Pourvoi n° D 19-23.516




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022

La société Bolloré logistics, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-23.516 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la direction interrégionale des douanes et droits indirects de Caen,

2°/ à la recette régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3],

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2],

3°/ à la société Bolloré Ports de [Localité 4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bolloré logistics, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction interrégionale des douanes et droits indirects de Caen et de la recette régionale des douanes et droits indirects de Caen, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, conseillers, Mmes de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Le 25 août 2011, la société Alpha Commodities a importé et déchargé plusieurs tonnes de sel australien sur la zone portuaire de [Localité 4]. Elle a conclu avec la société Bolloré Ports [Localité 4] (la société BPC) un contrat d'entreposage du stock de sel en attente de sa réexportation.

2. Le 21 octobre 2011, la société BPC a conclu avec le port de [Localité 4] une convention d'occupation temporaire d'un terre-plein, valide jusqu'au 31 décembre 2013, qui, par avenants successifs, a été prolongée jusqu'au 30 juin 2015.

3. Le 8 décembre 2011, la société BPC a obtenu de l'administration des douanes une autorisation du régime de l'entrepôt douanier permettant la suspension des droits de douane et de taxes, d'une durée de validité limitée à celle de la convention d'occupation temporaire.

4. Le 8 février 2016, l'administration des douanes a informé la société BPC que l'autorisation d'entrepôt était annulée à effet du même jour et qu'elle envisageait de lui notifier la dette douanière résultant de ce que le régime de l'entrepôt douanier n'était plus effectif.

5. Le 9 mars 2016, l'administration des douanes a notifié à la société BPC une décision définitive de constat d'une dette douanière ainsi qu'un avis de paiement puis, le 21 mars 2016, elle a pris en compte le montant de cette dette et a adressé à cette société un avis de mise en recouvrement (AMR) de la somme de 454 807 euros. Les 21 mars et 21 juin 2016, elle a notifié à la société Bolloré, prise en sa qualité de caution de la société BPC en vertu d'une soumission générale cautionnée pour le dédouanement souscrite le 5 juin 2008, deux AMR portant sur les sommes respectives de 46 132 euros et 58 133 euros correspondant aux droits de douane garantis.

6. Ayant vainement contesté les AMR émis à leur encontre, les sociétés BPC et Bolloré ont assigné l'administration des douanes aux fins de voir annuler tant ces AMR que les décisions de rejet qui leur avaient été notifiées.

7. Par un jugement du 1er octobre 2018, le tribunal de grande instance de Caen a rejeté les demandes des sociétés BPC et Bolloré, qui ont interjeté appel.

8. Concernant la société BPC, la cour d'appel de Caen, infirmant partiellement ce jugement, a prononcé l'annulation de l'AMR qui lui avait été notifié le 21 mars 2016 et a débouté l'administration des douanes de toutes ses demandes dirigées contre cette société. Après avoir estimé que la société BPC avait pu utilement faire valoir ses observations, elle a rappelé que, par application des articles 217 et 221 du code des douanes communautaire et 345 du code des douanes, pour être régulière, la communication du montant des droits doit avoir été précédée de sa prise en compte et que, pour être recouvrés par la voie d'un AMR, les droits doivent donc avoir été régulièrement communiqués au débiteur de la dette douanière, ce qui suppose qu'ils aient été préalablement constatés. Relevant que tel n'avait pas été le cas en l'espèce, la cour d'appel en a déduit que la communication des droits à la société BPC était irrégulière.

9. L'administration des douanes ne s'étant pas pourvue en cassation contre cet arrêt, le rejet de ses demandes contre la société BPC est devenu irrévocable.

10. Concernant la société Bolloré, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il la déboutait de toutes ses demandes et la condamnait à payer à l'administration des douanes la somme de 101 842 euros au titre de son engagement de caution des droits de douane dus par la société BPC. L'arrêt énonce que tant les dispositions de l'article 221 du code des douanes communautaire que celles de l'article 67 A du code des douanes ne s'appliquent pas à la caution, mais seulement au débiteur de la dette douanière. Il retient qu'en vertu du caractère accessoire du cautionnement, la société Bolloré, caution solidaire, ne pouvait être poursuivie par l'administration des douanes avant que sa créance ne soit exigible et que les droits litigieux, nés de l'expiration du régime de l'entrepôt douanier, étaient devenus exigibles à l'égard de cette société après le constat du défaut de paiement à l'échéance de la société BPC, qui n'avait déféré ni à l'avis de paiement du 9 mars 2016 ni à l'AMR du 21 mars 2016. L'arrêt en déduit que la société Bolloré doit être condamnée à payer les droits de douane qu'elle a cautionnés.

11. La société Bolloré, qui s'est pourvue en cassation contre cet arrêt, soutient, d'abord, que la caution qui garantit le paiement d'une dette douanière ne peut être recherchée que si les droits de douane sont exigibles à l'égard du principal obligé et que la cour d'appel, en la condamnant en sa qualité de caution après avoir retenu que les droits de douane n'avaient pas été pris en compte à l'égard de la société BPC, a violé les articles 88 du code des douanes communautaire, 405 du code des douanes et 2288 du code civil. Elle soutient, ensuite, que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur et qui sont inhérentes à la dette et qu'en jugeant que la communication de la lettre du 8 février 2016 à la société BPC était régulière, alors qu'elle n'avait pas été communiquée dans le respect des dispositions de l'article 67 A du code des douanes, la cour d'appel a violé les articles 84 et suivants du code des douanes communautaire et l'article 67 A du code des douanes. Elle soutient, enfin, que la caution qui garantit le paiement d'une dette douanière devient débitrice de cette dette et qu'en décidant que la formalité de prise en compte de la créance et la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire au sens de l'article 67 A du code des douanes ne s'appliquent pas à la caution mais au seul débiteur de la dette douanière, la cour d'appel a violé les articles 85, 88 et 213 du code des douanes communautaire et les articles 67 A, 345 et 405 du code des douanes.

Rappel des textes applicables

Droit de l'Union

12. Les textes applicables sont ceux, pour les règles de fond, en vigueur au moment de la naissance de la dette douanière, le 8 février 2016.

13. L'Union européenne a institué un code des douanes communautaire par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 10 octobre 1992 qui est resté en vigueur jusqu'au 30 avril 2016. Il a été modifié à plusieurs reprises et, en dernier lieu, par le règlement (CE) n° 1186/2009 du Conseil du 16 novembre 2009 relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières.

14. Selon l'article 85 du code des douanes communautaire, le recours à tout régime douanier économique est subordonné à la délivrance par les autorités douanières d'une autorisation. Selon l'article 88, paragraphe 1, du même code, les autorités douanières peuvent subordonner le placement des marchandises sous un régime suspensif à la constitution d'une garantie en vue d'assurer le paiement de la dette douanière susceptible de naître à l'égard de ces marchandises.

15. L'article 195 du code des douanes communautaire dispose, en son paragraphe 1, que la caution doit s'engager par écrit à payer solidairement avec le débiteur le montant garanti de la dette douanière dont le paiement devient exigible.

16. L'article 204, paragraphe 1, sous b), du code des douanes communautaire dispose que fait naître une dette douanière à l'importation l'inobservation d'une des conditions fixées pour le placement d'une marchandise sous le régime douanier sous lequel elle a été placée ou pour l'octroi d'un droit à l'importation réduit ou nul en raison de l'utilisation de la marchandise à des fins particulières.

17. Selon l'article 213 du code des douanes communautaire, lorsqu'il y a plusieurs débiteurs pour une même dette douanière, ils sont tenus au paiement de cette dette à titre solidaire.

18. Aux termes de l'article 217, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, tout montant de droits à l'importation ou de droits à l'exportation qui résulte d'une dette douanière doit être calculé par les autorités douanières dès qu'elles disposent des éléments nécessaires et faire l'objet d'une inscription, qualifiée de « prise en compte », par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu.

19. Selon l'article 221, paragraphe 1, du même code, le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu'il a été pris en compte. Interprétant cette disposition, la Cour de justice de l'Union européenne (la Cour de justice) juge que la prise en compte de la dette douanière, qui consiste en l'inscription du montant des droits, par les autorités douanières, dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, doit nécessairement précéder la communication au débiteur du montant des droits à l'importation ou des droits à l'exportation (arrêt du 23 janvier 2006, Molenbergnatie, C-201/04, point 46).

20. La méconnaissance de l'article 221, paragraphe 1, du code des douanes communautaire par les autorités douanières d'un Etat membre peut faire obstacle au recouvrement du montant des droits légalement dus ou à la perception d'intérêts de retard, mais n'a aucune conséquence sur l'existence de ces droits (CJUE, arrêt du 20 octobre 2005, Transport Maatschappij Traffic, C-247/04, point 28). Les autorités douanières conservent la faculté de procéder à une nouvelle communication du montant de ces droits dans le respect des conditions prévues par l'article 221, paragraphe 1, et des règles de prescription en vigueur à la date à laquelle la dette douanière a pris naissance (CJUE, arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium, C-264/08, point 38).

21. Cependant, si une telle communication n'est plus possible en raison du fait que le délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière, fixé par l'article 221, paragraphe 3, du code des douanes communautaire, est expiré, la dette est prescrite et, partant, éteinte, conformément à l'article 233 de ce code (CJUE, arrêt Molenbergnatie, précité, points 40 et 41).

22. La Cour de justice a également jugé que, lorsque l'article 221 du code des douanes énonce, à son paragraphe 1, que le montant des droits doit être communiqué au débiteur dès qu'il a été pris en compte et, à son paragraphe 3, que la communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l'expiration du délai de trois ans à compter de la date de naissance de la dette douanière, cet article ne saurait être interprété comme visant la caution (arrêt du 20 mai 2021, BTA Baltic Insurance Company, C-230/20, point 35).

Droit national

23. Le chapitre V, intitulé « Procédure préalable à la prise de décision : le droit d'être entendu », du titre II du code des douanes, est constitué des articles 67 A à 67 D. L'article 67 A, dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, dispose que, sous réserve des dispositions de l'article 67 B, toute décision prise en application du code des douanes communautaire et de ses dispositions d'application, lorsqu'elle est défavorable ou lorsqu'elle notifie une dette douanière telle que définie à l'article 4, paragraphe 9, du code des douanes communautaire, est précédée de l'envoi ou de la remise à la personne concernée d'un document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont dispose l'intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification ou de la remise de ce document. L'article 67 D, dans sa rédaction issue de la même loi, dispose, à son point e), que le chapitre V ne s'applique pas aux AMR notifiés conformément à l'article 345 du présent code aux fins de recouvrement des créances impayées à l'échéance, à l'exception de celles qui ont été constatées à la suite d'une infraction au même code (NOR : BCFX0924140L - JORF n° 0303 du 31 décembre 2009).

24. L'article 345 du code des douanes, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, dispose que les créances de toute nature constatées et recouvrées par l'administration des douanes font l'objet d'un AMR sous réserve, le cas échéant, de la saisine du juge judiciaire (NOR : ECOX0200157L - JORF 31 décembre 2002).

25. L'article 405 du code des douanes, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2002-1576, dispose que les cautions sont tenues, au même titre que les principaux obligés, de payer les droits et taxes, pénalités pécuniaires et autres sommes dues par les redevables qu'elles ont cautionnés (NOR : ECOX0200157L - JORF 31 décembre 2002).

26. L'article 2288 du code civil, dans sa rédaction issue des articles 2, 4 et 5 de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, dispose que celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même (NOR : JUSX0600032R - JORF 24 mars 2006).

27. L'article 2313 du code civil, dans sa rédaction issue des articles 2, 4 et 5 de l'ordonnance n° 2006-346, dispose que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, mais qu'elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur (NOR : JUSX0600032R - JORF 24 mars 2006).

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

28. La société Bolloré fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes et de la condamner à payer à l'administration des douanes une certaine somme au titre de son engagement de caution des droits de douane dus par la société BPC, alors « que la caution qui garantit le paiement de la dette douanière, ne peut être recherchée que si les droits de douane sont exigibles à l'égard du principal obligé ; qu'ayant retenu que les droits de douane n'avaient pas été pris en compte à l'égard de la société BPC, principal obligé, que l'AMR délivré à l'encontre de celle-ci devait être annulé et ayant débouté l'administration des douanes de toutes ses demandes dirigées contre la société BPC, la cour d'appel ne pouvait pas condamner la société Bolloré en qualité de caution, sans violer l'article 405 du code des douanes, l'article 88 du code des douanes communautaire et l'article 2288 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

29. La direction interrégionale des douanes et droits indirects de Caen et la recette régionale des douanes et droits indirects de Caen contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de droit et de fait, en ce que la société Bolloré n'a pas prétendu que l'absence de prise en compte de la dette douanière de la société BPC rendait toute poursuite dirigée contre elle, en sa qualité de caution, irrecevable.

30. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

31. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

32. En l'espèce, à la date à laquelle l'administration des douanes a notifié des AMR à la société Bolloré, caution, les droits en cause avaient été pris en compte, au sens de l'article 217 du code des douanes communautaires, mais n'avaient pas été régulièrement communiqués à la société BPC, débitrice de la dette douanière, au sens de l'article 221 du même code.

33. La société Bolloré fait valoir que la cour d'appel de Caen a débouté l'administration des douanes de toutes les demandes formées contre la société BPC, car les droits de douane n'étaient pas exigibles à l'égard de cette dernière. Or, selon elle, la caution d'une dette douanière ne peut être recherchée que si celle-ci est exigible à l'égard de son principal obligé et l'arrêt admet précisément qu'en vertu du caractère accessoire du cautionnement, la caution ne peut être poursuivie par un créancier avant que sa créance ne soit devenue exigible.

34. De son côté, l'administration des douanes soutient que la garantie prévue par l'article 225 du code des douanes communautaire peut notamment prendre la forme d'un cautionnement dans le cadre d'une « soumission générale cautionnée pour le dédouanement » régie, en droit interne, par l'arrêté ministériel du 19 octobre 2006. La caution est alors solidairement tenue, avec le principal obligé, au paiement des droits et taxes dus par ce dernier. Pour que la caution soit poursuivie, il suffit que, conformément à l'article 195 du code des douanes communautaire, les droits et taxes dus par le principal obligé soient devenus exigibles, peu important que le montant des droits dus par le principal obligé n'ait pas été pris en compte au sens de l'article 217 du code des douanes communautaire, préalablement à la communication de la dette au principal obligé par application de l'article 221, paragraphe 1, du code des douanes communautaire.

35. L'administration des douanes fait encore valoir que la prise en compte de la dette douanière ne constitue qu'une règle comptable permettant aux organes de contrôle de l'Union européenne de s'assurer de la correcte comptabilisation des créances douanières collectées par chacun des Etats membres, dans la mesure où elles sont reversées au profit du budget communautaire, et que, si, en vertu du caractère accessoire du cautionnement, la société Bolloré ne pouvait être poursuivie en paiement des droits de douane en sa qualité de caution qu'à condition que la dette douanière fût exigible à l'égard de la société BPC, cette exigibilité n'était pas remise en cause par l'absence de prise en compte préalable.

36. Le parquet général soutient qu'à la lumière des articles 221 et 222 du code des douanes communautaire, même si la dette douanière existe et est donc due, l'administration des douanes ne peut pas en exiger le paiement auprès du débiteur tant qu'elle ne lui a pas communiqué le montant des droits qu'elle a pris en compte ; c'est donc la communication régulière au débiteur du montant des droits dus au titre de la dette douanière qui rend celle-ci exigible à son égard et constitue le point de départ de son obligation au paiement. Considérant qu'en vertu du caractère accessoire du cautionnement, la caution ne peut être poursuivie en paiement des droits de douane que si la créance douanière est exigible à l'égard du débiteur, le parquet général conclut au bien-fondé du premier moyen. Il estime toutefois que l'analyse qu'il soutient ne s'impose pas avec la force de l'évidence et invite donc la Cour de cassation à saisir la Cour de justice d'un renvoi préjudiciel en interprétation du code des douanes communautaire.

37. Le premier moyen conduit à s'interroger sur la notion d'exigibilité d'une dette douanière.

38. Il ressort de la jurisprudence nationale développée sur le fondement de l'article 2313 du code civil que la caution peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette pour se soustraire à son engagement (3e Civ., 11 mai 2005, pourvoi n° 03-17.682, Bull. 2005, III, n° 101 ; Com., 22 mai 2007, pourvoi n° 06-13.587 ; Com., 19 juin 2012, pourvoi n° 11-17.369), mais qu'elle ne peut lui opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal (Ch. mixte., 8 juin 2007, pourvoi n° 03-15.602, Bull. 2007, Ch. mixte, n° 5 ; Com., 13 octobre 2015, pourvoi n° 14-19.734, Bull 2015, IV, n° 144 ; 1re Civ., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-16.147, en cours de publication).

39. En revanche, dans la mesure où la Cour de justice a jugé que l'article 221, paragraphe 1, du code des douanes communautaire ne s'applique pas à la caution, la Cour de cassation se demande si l'irrégularité de la communication des droits au débiteur, faute de prise en compte préalable, laquelle interdit leur recouvrement auprès de ce dernier, ne constitue pas une exception personnelle au débiteur, au sens de la jurisprudence nationale précitée, dont la caution ne saurait se prévaloir.

40. Une telle analyse suppose toutefois que l'exigibilité de la dette douanière s'apprécie différemment selon que son recouvrement est poursuivi auprès du débiteur ou auprès de la caution : à l'égard du débiteur, la dette ne serait exigible qu'en cas de communication régulière des droits, la régularité de cette communication exigeant la prise en compte préalable des droits ; à l'égard de la caution, la dette serait exigible aussitôt que les droits ont été pris en compte, peu important qu'ils n'aient pas été régulièrement communiqués au débiteur.

41. La Cour de cassation doute de la conformité de cette analyse avec l'article 195, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, aux termes duquel la caution doit s'engager par écrit à payer solidairement avec le débiteur le montant garanti de la dette douanière dont le paiement devient exigible. Aux points 36 et 37 de son arrêt BTA Baltic Insurance Company, précité, la Cour de justice a jugé que « l'objet même du cautionnement est de procurer une garantie en cas de défaut de paiement de la dette douanière par le débiteur, donc, par hypothèse, postérieurement à la communication audit débiteur du montant des droits de douane » et que « l'application à la caution du délai de prescription prévu pour la communication au débiteur du montant de la dette douanière priverait de son utilité la garantie procurée par la caution, étant donné que, si cette communication était effectuée à l'égard du débiteur le dernier jour de ce délai, la caution se trouverait elle-même libérée de son obligation de garantie à la fin du même jour ». Cette motivation peut être interprétée en ce sens que, eu égard à la nature même du cautionnement douanier, la dette douanière n'est exigible à l'égard de la caution que si elle l'est à l'égard du débiteur. Par ailleurs, dans son arrêt du 15 mai 2003, Préservatrice Foncière TIARD (C-266/01, points 28 et 29), dans lequel l'affaire au principal opposait l'administration des douanes d'un Etat membre à une caution douanière, la Cour de justice a jugé que l'obligation, à la charge de la caution, de garantir l'exécution de l'obligation principale dont est tenu le débiteur « présente un caractère accessoire, en ce sens que, d'une part, la caution ne peut être poursuivie par le créancier que si la dette cautionnée est exigible et, d'autre part, l'obligation assumée par la caution ne peut être plus étendue que celle du débiteur principal ».

42. Aussi la Cour de cassation est-elle encline à considérer que la dette douanière n'est exigible à l'égard de la caution que si elle l'est à l'égard du débiteur.

43. Elle relève toutefois que la Cour de justice n'a pas expressément interprété la notion de « dette douanière dont le paiement devient exigible » figurant à l'article 195 du code des douanes communautaire. Dans l'arrêt BTA Baltic Insurance Company précité, la Cour de justice n'était pas saisie d'une question en interprétation de cette notion. Quant à l'arrêt Préservatrice Foncière TIARD, précité, la Cour était interrogée sur l'interprétation de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (convention de Bruxelles).

44. Compte tenu de l'importance de la réponse à la question soulevée par le premier moyen pour une application uniforme du code des douanes communautaire, dès lors que la caution douanière joue un rôle essentiel pour le recouvrement effectif des droits de douanes dans tous les Etats membres, et dans la mesure où l'interprétation correcte du droit de l'Union ne s'impose pas avec une évidence telle qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, au sens la jurisprudence dite « Cilfit » de la Cour de justice (voir, en dernier lieu, CJUE, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management e Catania Multiservizi et Catania Multiservizi, C-561/19), la Cour de cassation considère qu'elle doit surseoir à statuer sur le premier moyen et saisir la Cour de justice d'un renvoi préjudiciel en interprétation des articles 195, 217 et 221 du code des douanes communautaire.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

45. La société Bolloré fait le même grief à l'arrêt, alors « que dès lors que la caution garantit le paiement d'une dette douanière, elle devient débitrice solidaire de cette dette douanière ; qu'il en résulte que pour pouvoir être recouvrée à l'égard de la caution, cette dette doit lui avoir été régulièrement communiquée après avoir été prise en compte, et que la caution doit au préalable avoir été entendue comme le prévoit l'article 67 A du code des douanes ; qu'en décidant que la formalité de la constatation préalable de la créance et la procédure contradictoire prescrite par l'article 67 A du code des douanes ne s'appliquent pas à la caution, mais au seul débiteur de la dette douanière, la cour d'appel a violé ce texte ensemble les articles 345 et 405 du code des douanes et les articles 85, 88 et 213 du code des douanes communautaire. »

Réponse de la Cour

46. La société Bolloré fait valoir que la formalité de la constatation préalable de la créance et la mise en oeuvre de la procédure contradictoire, prévue par les articles 67 A à 67 C du code des douanes, doivent s'appliquer tant au débiteur de la dette douanière qu'à la caution.

47. De son côté, l'administration des douanes soutient que les articles 67 A à 67 C du code des douanes ne s'appliquent pas à la caution, puisque l'article 67 D du même code précise que ces dispositions ne s'appliquent pas aux avis de mise en recouvrement notifiés conformément à l'article 345. Elle en déduit que la remise préalable du document prévu par l'article 67 A du code des douanes ne s'applique qu'au débiteur principal et non à la caution.

48. La Cour de justice juge que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l'Union, dont le droit d'être entendu dans toute procédure fait partie intégrante (arrêts du 18 décembre 2008, Sopropé, C-349/07, points 33 et 36, du 22 novembre 2012, M., C-277/11, points 81 et 82, ainsi que du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C-129/13 et C-130/13, point 28). En vertu de ce principe, qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre à l'encontre d'une personne un acte qui lui fait grief (arrêt Sopropé, précité, point 36, et ), les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision (arrêts précités Sopropé, point 37, et Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, point 30). La Cour de justice précise que cette règle a pour but de permettre à la personne concernée, afin de lui assurer une protection effective, de corriger une erreur ou faire valoir des éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent en ce sens que la décision soit prise, ne soit pas prise, ou qu'elle ait tel ou tel contenu, l'autorité compétente devant être mise à même de tenir utilement compte de l'ensemble des éléments pertinent (arrêt Sopropé précité, point 49).

49. Ces principes ont été consacrés dans le droit national : l'article 67 A du code des douanes exige notamment de l'administration des douanes que toute décision prise en application du code des douanes communautaire et de ses dispositions d'application, lorsqu'elle notifie une dette douanière, soit précédée de l'envoi ou de la remise à la personne concernée d'un document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont dispose l'intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification ou de la remise de ce document.

50. La notification de la dette douanière au débiteur étant ainsi, en vertu de l'article 67 A du code des douanes, précédée d'une phase d'échanges contradictoires, le fait que, lorsque la dette douanière n'est pas payée dans le délai imparti, la notification d'un AMR conformément à l'article 345 dudit code ne donne pas lieu à une nouvelle phase de contradictoire ne saurait porter atteinte aux droits du débiteur de la dette douanière.

51. S'agissant, en revanche, de la caution douanière, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, l'administration des douanes n'a pas à lui communiquer le montant des droits. Aussi, lorsque, faute pour le débiteur de la dette douanière de s'en acquitter dans le délai imparti, l'administration des douanes adresse un AMR à la caution, celui-ci peut être, comme en l'espèce, le premier acte dont la caution reçoit notification.

52. Dès lors, la Cour de cassation se demande si le fait que, conformément à l'article 67 D du code des douanes, la notification d'un AMR en application de l'article 345 de ce code n'est pas précédée d'une phase d'échanges contradictoires ne porte pas atteinte aux droits de la défense de la caution. Elle ne trouve pas dans la jurisprudence de la Cour de justice les éléments lui permettant de répondre avec certitude à cette question au regard de la nécessaire mise en balance de cette exigence avec l'obligation qui pèse sur l'autorité nationale de mettre en oeuvre tous les moyens disponibles, à l'égard tant du débiteur principal que de la caution, pour parvenir au paiement des droits, ni sur le principe même d'une telle exigence à l'égard de la caution lorsqu'il est acquis que le débiteur de la dette douanière a, lui-même, été mis en mesure d'exercer ses droits de la défense.

53. Il y a donc lieu de poser une seconde question préjudicielle à la Cour de justice.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Déclare recevable le premier moyen de cassation soulevé par la société Bolloré logistics ;

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :

« 1/ Les articles 195, 217 et 221du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1186/2009 du Conseil du 16 novembre 2009 relatif à l'établissement du régime communautaire des franchises douanières, doivent-ils être interprétés en ce sens que l'administration des douanes ne peut pas exiger de la caution solidaire le paiement d'une dette douanière tant que les droits n'ont pas été régulièrement communiqués au débiteur ? »

« 2 a) Le respect des droits de la défense, notamment le droit de présenter des observations avant tout acte faisant grief, qui constitue un principe fondamental du droit de l'Union, implique-t-il que lorsque, faute de paiement par le débiteur de la dette douanière dans le délai imparti, son recouvrement en est poursuivi auprès de la caution, l'administration des douanes doit mettre préalablement la caution en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision de la poursuivre en paiement ?

b) Le fait que le débiteur de la dette douanière ait lui-même été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant la communication des droits est-il de nature à influer sur la réponse à la question 2 a) ?

c) En cas de réponse positive à la question 2 a), quelle est la décision faisant grief à la caution qui doit être précédée d'une phase d'échanges contradictoires : la décision de l'administration des douanes de prendre en compte les droits et de les notifier au débiteur de la dette douanière, ou la décision de poursuivre la caution en paiement ? »

Sursoit à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Réserve les dépens ;

Dit qu'une expédition du présent arrêt ainsi qu'un dossier, comprenant notamment le texte de la décision attaquée, seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffier de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Bolloré logistics.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Bolloré Logistics de toutes ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à la direction régionale des douanes et des droits indirects de Caen la somme de 101.842 euros au titre de son engagement de caution des droits de douane dus par la SNCM,

AUX MOTIFS QUE pour s'opposer aux poursuites la société Bolloré Logistics invoque l'irrégularité de la procédure d'émission des avis de mise en recouvrement, le défaut d'exigibilité de la créance et son caractère non fondé en son principe et son montant, cependant aucun de ces moyens n'est fondé (arrêt attaqué p. 6 à 7) ;

ALORS QUE la caution qui garantit le paiement de la dette douanière, ne peut être recherchée que si les droits de douane sont exigibles à l'égard du principal obligé ; qu'ayant retenu que les droits de douane n'avaient pas été pris en compte à l'égard de la société Bolloré Ports [Localité 4], principal obligé, que l'avis de mise en recouvrement délivré à l'encontre de celle-ci devait être annulé et ayant débouté la direction régionale des douanes et droits indirects de Caen de toutes ses demandes dirigées contre la société Bolloré Ports [Localité 4], la Cour d'appel ne pouvait pas condamner la société Bolloré Logistics en qualité de caution, sans violer l'article 405 du code des douanes, l'article 88 du code des douanes communautaire et l'article 2288 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler la décision annulant l'autorisation de régime douanier économique du 8 février 2016, d'avoir débouté la société Bolloré Logistics de toutes ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à l'administration des douanes la somme de 101.842 euros,

AUX MOTIFS QUE le droit d'être entendu a été parfaitement respecté en l'espèce ; que les pièces du dossier montrent en effet que le courrier du 8 février 2016 a institué la procédure contradictoire requise dans le cadre de laquelle l'appelante a pu faire valoir ses observations (par courrier du 8 mars 2016) et que la décision définitive relative à la dette douanière a été notifiée par lettre du 9 mars 2016 ; quant à la mention selon laquelle l'administration a déclaré annuler l'autorisation d'entrepôt à effet du 8 février 2016, elle ne constitue pas à proprement parler une décision pour laquelle un droit d'être entendu spécifique aurait dû être mis en oeuvre, et encore moins une annulation laquelle a une portée rétroactive ; qu'elle s'analyse en un constat de la caducité ou de l'expiration du régime douanier du fait du non-renouvellement de la convention d'occupation temporaire à la date du 1er juillet 2015, étant rappelé que la durée de l'autorisation d'entrepôt était liée à celle de l'autorisation d'occupation temporaire ; que cette situation a déterminé la naissance des droits litigieux et leur notification dans le respect de l'article 67 A précité (arrêt attaqué p. 4) ;

Et AUX MOTIFS adoptés QU'en l'espèce la SNCM entend remettre en cause la décision prise aux termes d'un courrier qui lui a été adressé par la direction régionale des douanes et droits indirects de Caen le 8 février 2016, au motif que la procédure contradictoire prévue par l'article 67 A du code des douanes n'aurait pas été respecté ; que toutefois, la seule lecture de ce document permet de s'apercevoir que ce courrier n'est pas la décision d'avis de paiement suite à « annulation de l'autorisation d'entrepôt sous régime douanier » qui interviendra le 9 mars 2016, mais la simple mise oeuvre de la procédure contradictoire prévue par l'article 67 A susvisé, à savoir l'envoi d'un document indiquant à la SNCM de la décision envisagée, les motifs de cette décision et précisant à cette dernière son droit de faire connaître dans un délai de trente ses observations, droit qu'elle a, au demeurant, parfaitement exercé, en adressant le 8 mars 2016 un courrier de réponse, puis en sollicitant un entretien physique qui s'est déroulé le 16 mars 2016 et dont l'objectif était d'obtenir un sursis à l'avis de paiement délivré le 9 mars 2016 (jugement entrepris p. 5) ;

ALORS QUE la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; que la société Bolloré Logistics, caution, a opposé que la décision qui est à l'origine de la dette douanière, à savoir l'annulation de l'autorisation d'entrepôt douanier, est nulle faute de respect de la procédure contradictoire ; que contrairement à ce qu'affirme la Cour d'appel, la lettre du 8 février 2016 comporte bien une décision défavorable, celle d'annuler « l'autorisation d'entrepôt » notifiée à la SNCM laquelle était invitée à faire valoir ses observations uniquement sur les droits de douane que l'administration envisageait de réclamer à la suite de cette annulation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 84 et suivants du code des douanes communautaire ensemble l'article 67 A du code des douanes.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Bolloré Logistics de toutes ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à l'administration des douanes la somme de 101.842 euros,

AUX MOTIFS QUE la société Bolloré Logistics s'est portée caution solidaire de la société Bolloré Ports [Localité 4] pour le paiement des droits et taxes, à l'exception de la TVA ; que pour s'opposer aux poursuites, elle invoque l'irrégularité de la procédure d'émission des avis de mise en recouvrement, le défaut d'exigibilité de la créance et son caractère non fondé en son principe et son montant ; que tout d'abord, le tribunal a considéré à bon droit que la formalité de la constatation préalable de la créance et la procédure contradictoire prescrite par l'article 67 A ne s'appliquent pas à la caution, mais au seul débiteur principal de la dette douanière ; que ces exigences légales ne concernent effectivement pas la SAS Bolloré Logistics qui a été actionnée en recouvrement d'une créance liquidée, au titre de son engagement de caution consécutivement à la défaillance de la SNCM, principale obligée ; que la même analyse prévaut s'agissant de l'application de l'article 221 du code des douanes qui impose la communication des droits de douane au débiteur, mais non au garant ; que c'est encore vainement que l'appelante prétend que l'administration ne serait pas en droit d'émettre un AMR contre la caution du contribuable, cette allégation ne reposant sur aucun texte. (arrêt attaqué p. 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la constatation préalable de la créance, il sera fait observer que l'avis de mise en recouvrement a été émis à l'encontre de la société Bolloré Logistics en sa qualité de caution de la SNCM compte tenu du non-paiement des sommes dues par cette dernière en vertu de l'avis de paiement du 9 mars 2016 et de l'avis de mise en recouvrement du 21 mars 2016 ; que la nature de la créance de la société Bolloré Logistics induit nécessairement que la constatation préalable de la créance prévue par les dispositions du code des douanes et du code des douanes communautaire l'entendent de la seule constatation préalable de la créance du débiteur principal, ce qu'au demeurant, prévoit implicitement lesdites dispositions puisqu'elle ne vise que la personne concernée ou le redevable ; qu'il résulte des motifs adoptés ci-dessus que cette constatation préalable a été préalablement faite par l'administration des douanes à l'égard de la SNCM ; que le même raisonnement vaut pour l'application de la procédure contradictoire prévue par l'article 67 A du code des douanes, étant de surcroît fait observer que l'article 67 D3 du même code prévoir expressément que ne donnent pas lieu à un échange contradictoire préalable les avis de mise en recouvrement notifiés conformément à l'article 345 aux fins de recouvrement des créances impayées à l'échéance (jugement p. 9) ;

ALORS QUE dès lors que la caution garantit le paiement d'une dette douanière, elle devient débitrice solidaire de cette dette douanière ; qu'il en résulte que pour pouvoir être recouvrée à l'égard de la caution, cette dette doit lui avoir été régulièrement communiquée après avoir été prise en compte, et que la caution doit au préalable avoir été entendue comme le prévoit l'article 67 A du code des douanes ; qu'en décidant que la formalité de la constatation préalable de la créance et la procédure contradictoire prescrite par l'article 67 A du code des douanes ne s'appliquent pas à la caution, mais au seul débiteur principal de la dette douanière, la Cour d'appel a violé ce texte ensemble les articles 345 et 405 du code des douanes et les articles 85, 88 et 213 du code des douanes communautaire.

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