25 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.114

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00331

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Cassation partielle


M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 331 F-D

Pourvoi n° D 20-16.114


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022

Mme [C] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-16.114 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Fructus patrimoine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [X], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Fructus patrimoine, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2020), sur les conseils de la société Fructus patrimoine, Mme [X] a souscrit en septembre 2006 et juin 2008 auprès de la société Banque populaire Lorraine Champagne, devenue Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), deux prêts remboursables in fine, destinés à financer l'acquisition de sa résidence principale puis des travaux dans cette résidence, et placé son épargne sur plusieurs contrats d'assurance-vie, dont certains ont été nantis en garantie du remboursement des prêts.

2. Faisant valoir que, les contrats d'assurance-vie ne lui ayant pas procuré les revenus escomptés, elle avait été contrainte de vendre deux biens immobiliers pour faire face au paiement des mensualités des prêts, Mme [X] a assigné la société Fructus patrimoine et la banque en paiement de dommages-intérêts pour manquement à leurs obligations d'information, de conseil et de mise en garde.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Mme [X] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Fructus patrimoine et la banque, alors « que dans ses conclusions d'appel, Mme [X] faisait valoir que, au regard du but poursuivi, à savoir une acquisition immobilière, et des deniers personnels dont elle disposait, il aurait dû lui être conseillé de souscrire uniquement deux prêts amortissables pour un montant cumulé de 240 000 euros, afin de financer ses investissements immobiliers ; qu'elle ajoutait qu'il lui avait pourtant été conseillé d'investir dans des placements à risques, à savoir des contrats d'assurance-vie, afin de les adosser à deux contrats de prêt remboursables in fine, d'un montant total de 670 000 euros ; qu'en affirmant néanmoins que Mme [X] ne contestait que le seul montant des prêts et leur caractère in fine, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme [X], en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour rejeter la demande d'indemnisation dirigée contre la banque, l'arrêt retient que l'investissement immobilier financé par les prêts en cause avait été décidé par Mme [X] pour regrouper son domicile et son activité professionnelle et que celle-ci ne critiquait que le montant du prêt et son caractère in fine, cependant que le montage mis en œuvre répondait à une double perspective fiscale et patrimoniale, les contrats d'assurance-vie pouvant être résiliés à tout moment et compensés avec les prêts avec perte de l'avantage fiscal.

6. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, Mme [X] soutenait également que le montage qui lui avait été proposé, incluant le placement de son épargne sur des contrats d'assurance-vie, était inadapté à sa situation en raison du risque, qui s'est réalisé, que le rendement de ces contrats ne permette pas le remboursement des prêts, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces conclusions, a violé le principe susvisé.

Et sur ce moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

7. Mme [X] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ qu'en se bornant à énoncer, pour décider que les manquements de la société Fructus patrimoine et de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne à leur devoir de conseil et d'information n'avaient causé aucun préjudice à Mme [X], que les difficultés financières qu'elle avait rencontrées étaient en lien avec des événements postérieurs à la souscription du prêt in fine initial, à savoir l'effet cumulé d'une baisse des taux d'intérêts et de ses ressources, sans constater que si elle avait été informée des risques inhérents à la souscription de contrats d'assurance-vie pour les adosser à des contrats de prêt remboursables in fine, qui ne s'imposait pas afin de financer l'acquisition d'immeubles, Mme [X] n'aurait pas renoncé à la souscription des contrats de prêt remboursables in fine et aux contrats d'assurance-vie afin d'échapper au préjudice qui s'est réalisé, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du code civil ;

4°/ qu'en se bornant à relever, pour décider que les manquements de la société Fructus patrimoine et de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne à leur devoir de conseil et d'information n'avaient causé aucun préjudice à Mme [X], que le prêt remboursable in fine initial du 1er septembre 2006 lui avait donné satisfaction, dès lors qu'elle en avait conclu un second répondant au même mécanisme, bien que cette circonstance n'ait pas été de nature à exclure que Mme [X] ait renoncé à son investissement si elle avait été informée des risques liés à la souscription de contrats d'assurance-vie pour les adosser à des contrats de prêt remboursables in fine, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du code civil ;

5°/ qu'en se bornant à relever, pour décider que les manquements de la société Fructus patrimoine et de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne à leur devoir de conseil et d'information n'avaient causé aucun préjudice à Mme [X], que lors de l'acquisition de l'immeuble à Fontenay-sous-Bois, le précédent immeuble d'habitation de Mme [X] n'était pas vendu, de sorte que, à défaut de souscrire à un tel montage, elle aurait été ainsi contrainte de conclure un prêt relais, bien qu'une telle circonstance n'ait pas été de nature à exclure que Mme [X] ait renoncé à son investissement si elle avait été informée des risques liés à la souscription de contrats d'assurance-vie pour les adosser à des contrats de prêt remboursables in fine, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Pour rejeter les demandes d'indemnisation de Mme [X], l'arrêt retient que le prêt in fine consenti à celle-ci en 2006 lui a donné satisfaction puisqu'elle en a conclu un second en 2008 répondant au même mécanisme. Il retient ensuite que les difficultés invoquées par Mme [X] sont en lien avec les événements survenus postérieurement, correspondant à l'effet cumulé d'une baisse des taux d'intérêts et de ses ressources, qui ne suffit pas à remettre en cause les choix initiaux de celle-ci de conclure des prêts in fine ni de caractériser un quelconque manquement au devoir de conseil. Il retient également que, lors de l'acquisition de l'immeuble financé par le premier prêt, l'immeuble alors détenu par Mme [X] n'était pas encore vendu, de sorte qu'elle aurait été contrainte de conclure un prêt relais pour mener l'opération à bien. Il retient enfin que Mme [X] a bénéficié des avantages fiscaux liés aux contrats d'assurance-vie.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'existence, à la date de souscription des contrats de prêt et d'assurance-vie en cause, du risque que ces derniers ne produisent pas les rendements escomptés et ne permettent pas le remboursement des prêts, et impropres à exclure que, du fait de la réalisation de ce risque, le montage proposé par la société Fructus patrimoine et la banque se soit avéré moins adapté qu'un financement des projets immobiliers de Mme [X] au moyen de son épargne et de prêts amortissables, quand bien même cette option l'aurait contrainte à conclure un prêt relais et lui aurait fait perdre le bénéfice des avantages fiscaux liés aux contrats d'assurance-vie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident éventuel ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il dit l'action de Mme [X] non prescrite, l'arrêt rendu le 9 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Fructus patrimoine et la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Fructus patrimoine et la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne et les condamne in solidum à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme [X].

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame [C] [X] de sa demande tendant à voir condamner in solidum la Société FRUCTUS PATRIMOINE et la Société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à lui payer, à titre de dommages-intérêts, les sommes de 808.026,10 euros en réparation de son préjudice financier et 50.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE Mme [X] réclame des dommages et intérêts à hauteur de 808 026,10 euros en réparation du dommage financier qu'elle a subi outre 50 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ; qu'elle expose qu'alors que M. [S], gérant de la société Fructus Patrimoine, lui avait indiqué que ses gains annuels seraient de l'ordre de 6 % à 7 %, ils se sont finalement révélés catastrophiques, puisque sur les 300 000 euros placés pendant 8 ans au titre des placements nantis, ceux ci auraient dû s'élever à un montant de 444.000 € à percevoir alors qu'elle a uniquement perçu la somme de 310 283 euros ; que concernant le prêt de 133 000 euros ayant fait l'objet du contrat Himalia, le solde disponible s'est chiffré à 1 959 euros ; qu'elle soutient que son préjudice ne peut être limité à une année ainsi que retenu par les premiers juges qui lui ont alloué 18 934 euros, mais aux 8 années durant lesquelles son préjudice s'est poursuivi ; qu'elle évalue donc son préjudice financier à la somme de 808 026,10 euros résultant du décompte suivant : (430 000 euros x 5,15 % x 8 ans) + 3 475 euros + 246 736,76 euros + 125 071,15 euros + 255 583,19 euros) ; que la société Fructus Patrimoine estime avoir accompli son devoir de conseil ; qu'elle soutient que la solution proposée était parfaitement adaptée et de pratique courante, comme le souligne également la Banque Populaire, dans ses écritures : « Le montage conseillé par Fructus Patrimoine est classique et conforme aux standards en la matière pour un emprunteur de cet âge exerçant une profession indépendante (...) et paraissait donc suffisamment équilibré sur le plan patrimonial (entre actifs et passifs) et sur le plan des flux financiers (..) » ; qu'elle reproche aux premiers juges de s'être placés à posteriori dans le contexte de 2014 soit plusieurs années après la conclusion des prêts alors que les taux avaient connu une baisse historique ; qu'elle expose également que Mme [X] a été confrontée à des difficultés financières à compter de 2013 ; que la société BPLC conteste également le préjudice financier invoqué par Mme [X] ; que ceci étant observé, la BPLC relève justement que le manquement à l'obligation de mise en garde n'est sanctionné que par l'indemnisation de la perte de la chance de ne pas contracter ; que l'investissement immobilier réalisé à [Localité 4] par Mme [X] et la vente de son autre bien immobilier ont été décidés par l'intéressée pour regrouper son domicile et son activité professionnelle, seul le montant du prêt et son caractère in fine étant critiqués ; que ce montage répond à une double perspective fiscale et patrimoniale, les contrats d'assurance-vie pouvant être résiliés à tout moment et compensés avec les prêts avec perte de l'avantage fiscal ; qu'il doit être également relevé que le prêt in fine initial consenti le 1er septembre 2006 a donné satisfaction à Mme [X] puisqu'elle en a conclu un second le 13 juin 2008 répondant au même mécanisme ; que les difficultés sont en lien avec les événements survenus postérieurement correspondant à l'effet cumulé d'une baisse des taux d'intérêts et des ressources de Mme [X] qui ne suffit pas à remettre en cause les choix initiaux de Mme [X] de conclure des prêts in fine ni de caractériser un quelconque manquement au devoir de conseil ; que la banque relève également justement que, lors de l'acquisition de l'immeuble à [Localité 4] (94), le précédent immeuble n'était pas vendu et que Mme [X] aurait ainsi été contrainte de conclure un prêt relais ; qu'elle a également bénéficié des avantages fiscaux liés aux contrats d'assurance-vie ; que la somme de 9 000 euros versée par la société Fructus Patrimoine à Mme [X] en novembre 2014 à titre "de contribution et de dédommagement à la renégociation des 2 crédits" ne constitue pas une reconnaissance de préjudice dans le cadre du présent litige ; qu'il se déduit de ce qui précède que Mme [X] ne justifie d'aucun préjudice ni financier ni moral ; que le jugement déféré doit être infirmé de ce chef ;

1°) ALORS QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant, d'une part, que la Société FRUCTUS PATRIMOINE et la Société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE avaient manqué à leur devoir de conseil à l'égard de Madame [X] lors de sa souscription de deux prêts remboursables in fine, auxquels étaient adossés des contrats d'assurance-vie, et d'autre part, que la société de conseils en investissements financiers et l'établissement bancaire n'avaient pas manqué à leur devoir de conseil lors de la conclusion de ces deux contrats, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Madame [X] faisait valoir que, au regard du but poursuivi, à savoir une acquisition immobilière, et des deniers personnels dont elle disposait, il aurait dû lui être conseillé de souscrire uniquement deux prêts amortissables pour un montant cumulé de 240.000 euros, afin de financer ses investissements immobiliers ; qu'elle ajoutait qu'il lui avait pourtant été conseillé d'investir dans des placements à risques, à savoir des contrats d'assurance-vie, afin de les adosser à deux contrats de prêt remboursables in fine, d'un montant total de 670.000 euros ; qu'en affirmant néanmoins que Madame [X] ne contestait que le seul montant des prêts et leur caractère in fine, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de Madame [X], en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°) ALORS QU'en se bornant à énoncer, pour décider que les manquements de la Société FRUCTUS PATRIMOINE et de la Société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à leur devoir de conseil et d'information n'avaient causé aucun préjudice à Madame [X], que les difficultés financières qu'elle avait rencontrées étaient en lien avec des événements postérieurs à la souscription du prêt in fine initial, à savoir l'effet cumulé d'une baisse des taux d'intérêts et de ses ressources, sans constater que si elle avait été informée des risques inhérents à la souscription de contrats d'assurance-vie pour les adosser à des contrats de prêt remboursables in fine, qui ne s'imposait pas afin de financer l'acquisition d'immeubles, Madame [X] n'aurait pas renoncé à la souscription des contrat de prêt remboursables in fine et aux contrats d'assurance-vie afin d'échapper au préjudice qui s'est réalisé, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du Code civil ;

4°) ALORS QU'en se bornant à relever, pour décider que les manquements de la Société FRUCTUS PATRIMOINE et de la Société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à leur devoir de conseil et d'information n'avaient causé aucun préjudice à Madame [X], que le prêt remboursable in fine initial du 1er septembre 2006 lui avait donné satisfaction, dès lors qu'elle en avait conclu un second répondant au même mécanisme, bien que cette circonstance n'ait pas été de nature à exclure que Madame [X] ait renoncé à son investissement si elle avait été informée des risques liés à la souscription de contrats d'assurance-vie pour les adosser à des contrats de prêt remboursables in fine, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du Code civil ;

5°) ALORS QU'en se bornant à relever, pour décider que les manquements de la Société FRUCTUS PATRIMOINE et de la Société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à leur devoir de conseil et d'information n'avaient causé aucun préjudice à Madame [X], que lors de l'acquisition de l'immeuble à Fontenay-sous-Bois, le précédent immeuble d'habitation de Madame [X] n'était pas vendu, de sorte que, à défaut de souscrire à un tel montage, elle aurait été ainsi contrainte de conclure un prêt relais, bien qu'une telle circonstance n'ait pas été de nature à exclure que Madame [X] ait renoncé à son investissement si elle avait été informée des risques liés à la souscription de contrats d'assurance-vie pour les adosser à des contrats de prêt remboursables in fine, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du Code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT ÉVENTUEL par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'action non prescrite ;

aux motifs propres que « a) Sur la prescription : Mme [X] s'oppose à la fin de non-recevoir soulevée par les intimées relative à la prescription de ses demandes. Elle approuve les premiers juges qui ont relevé que l'opération consistant en un prêt in fine, l'appréciation du dommage peut résulter de la vente d'un bien pour procéder à un remboursement anticipé intervenu en octobre 2012. L'action ayant été engagée par assignations des 28 décembre 2015 et 04 janvier 2016 ne serait dès lors pas prescrite. Selon la société Fructus, Mme [X] lui fait grief de lui avoir conseillé la souscription de deux contrats de prêt in fine qui auraient été inadaptés à sa situation financière et qui se seraient révélés prétendument plus onéreux que la souscription de prêts amortissables. Le point de départ de la prescription doit être fixé au jour de l'octroi du crédit, date de la prétendue inexécution contractuelle commise par la société Fructus Patrimoine, à savoir le 1er septembre 2006 pour le prêt n° 1 de 520 000 euros et le 2 juin 2008 pour le prêt n° 2 de 150 000 euros. Selon la société BPALC, si la prescription n'a pas couru à compter de la conclusion des contrats en 2006 et 2008, elle a inévitablement couru à compter de février 2009, lorsque Mme [X] a été informée par les assureurs de la chute des rendements et de la valorisation des contrats d'assurance-vie, rompant l'équilibre entre les intérêts à payer et les rendements obtenus. Ceci étant observé, le point de départ de la prescription de 5 ans prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce court à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation. Dans la présente espèce, Mme [X] reproche aux intimés un montage financier inadapté à son profil et à sa situation personnelle. Mme [X] expose avoir conclu avec la BPLC le 1er septembre 2006 un premier prêt d'un montant d'un montant de 520 000 euros. Elle expose avoir ensuite conclu le 13 juin 2008 avec le même établissement bancaire un second prêt in fine d'un montant de 150 000 euros portant ainsi à 670 000 euros la somme remboursable à échéance, les placements en assurance-vie souscrits pour permettent le paiement de la somme due se chiffrant à 433 000 euros. Elle expose avoir été contrainte de vendre 2 biens immobiliers pour procéder à un remboursement anticipé du 1er prêt ainsi ramené à 451 691 euros au lieu de 520 000 euros, un avenant à ce premier ayant finalement été conclu le 13 décembre 2014 pour le transformer en un prêt amortissable d'un montant de 255 583, 19 euros. La connaissance par Mme [X] de son dommage a ainsi pu se situer au jour où elle a été contrainte de céder 2 biens immobiliers pour rééquilibrer son financement et réduire de 70 000 euros la somme restant due à l'échéance, les incidents de paiement antérieurs ne lui permettant pas nécessairement d'apprécier l'intégralité du dommage qu'elle allègue dans la présente procédure ; ces cessions étant intervenues en 20 I 4, la prescription n'est pas acquise puisque Mme [X] assigné les sociétés Fructus Patrimoine et BPLC les 28 décembre 2015 et 04 janvier 2016. Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef » ;

et aux motifs éventuellement adoptés que « Sur la prescription : En droit, En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au 25 septembre 2006, « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes » La loi du 17 juin 2008 a ramené cette prescription à cinq ans, l'article 26-II de cette même loi précisant que lorsque la prescription a été raccourcie, le délai court, pour les prescriptions non acquises, à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée totale sous l'empire de la loi antérieure. La loi en question est venue également préciser, dans un nouvel article 2224 du code civil à caractère interprétatif, le point de départ du délai de prescription, qui court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. S'agissant d'une action en responsabilité, la prescription ne peut commencer à courir qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation. Ainsi, en matière d'octroi d'un crédit inadapté, le dommage se manifeste par les premières difficultés réelles de remboursement (cf,1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172) ; en matière d'assurance, le dommage résultant d'un manquement au devoir de conseil dû à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur (cf. 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, en cours de publication). En fait, L'action intentée par Mme [X] est une action en responsabilité, de sorte que « les faits » dont le demandeur doit avoir connaissance au sens de l'article 2224 du code civil, incluent nécessairement le dommage. Le délai de prescription ne peut commencer à courir tant que le dommage est encore hypothétique et impossible à chiffrer, et que, dès lors, le demandeur s'exposerait, s'il agissait, à un débouté pour ce motif. Mme [X] soutient avoir été victime d'un manquement par les sociétés Fructus Patrimoine et BPLC à leurs obligations d'information, de conseil et de mise en garde, dans le cadre d'une opération dans laquelle Mme [X] contactait un emprunt in fine, dont le remboursement était supposé garanti par la délégation de plusieurs contrats d'assurance-vie. Tant Mme [X] que les sociétés défenderesses ont des positions contradictoires concernant les courriers de la société BPLC l'alertant sur la situation de son compte (cf. Pièces [X] n° 36, 37,38). Mme [X] soutient d'une part que, pour l'appréciation de la prescription, ces lettres ne sont pas probantes (conclusions p. 8) tout en en tirant argument pour justifier du caractère inadapté de l'opération (conclusions p. 21). La société BPLC indique que ces lettres révèlent les premières difficultés de remboursement (conclusions p. 5), tout en indiquant (p. 8) qu'il n'y avait eu « aucune difficulté sérieuse de remboursement ». La société Fructus Patrimoine invoque ces mêmes lettres comme indicatives de difficultés financières, justifiant que la première d'entre elles serve de point de départ au délai de prescription (conclusions p. 9), tout en indiquant elle aussi, pour justifier de l'adéquation du montage, qu'il n'y a pas eu d'incident de paiement (p. 21). L'ensemble des parties ayant sur ce point des positions incohérentes, le tribunal observera que les lettres en question sont de simples lettres de relance, ne valant pas mise en demeure, et qui peuvent s'expliquer non par des difficultés financières sérieuses (dont l'existence est réfutée par la banque) mais par des oublis ou des difficultés de trésorerie passagères. Elles ne peuvent servir de point de départ du délai de prescription, mais ne prouvent pas, non plus, l'inadéquation du montage proposé aux revenus de Mme [X]. L'opération consistant en un prêt in fine, le dommage s'est manifesté à la date à laquelle il a été clair que Mme [X] aurait des difficultés à rembourser ces prêts à l'échéance. Mme [X] invoque à ce sujet la vente d'un bien pour procéder à un remboursement anticipé, remboursement intervenu, d'après sa pièce n° 23, en octobre 2012. La présente action, engagée par assignations du 28 décembre 2015 et 4 janvier 2016, soit dans le délai de cinq ans, n'est donc pas prescrite, et les fins de non-recevoir présentées par les sociétés BPLC et Fructus Patrimoine seront rejetées » ;

alors que l'exposante faisait valoir en cause d'appel que Mme [X] ne critiquait pas l'impossibilité de rembourser les prêts, mais le « montage » proposé par Fructus Patrimoine, que si ce montage constituait un « préjudice » ou comportait des risques ou entraînait des surcoûts, ceux-ci étaient manifestes dès l'origine, et au plus tard début 2009, quand Mme [X] a été informée par les assureurs de la chute des rendements et de la valorisation des contrats d'assurance-vie, et se référait à cet égard aux situations adressées par les compagnies d'assurance chaque année à l'assurée ; qu'en retenant cependant que la connaissance par Mme [X] de son dommage avait pu se situer au jour de la vente de deux biens immobiliers, sans répondre au moyen des écritures d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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