25 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-12.048

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200525

Titres et sommaires

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Ouverture d'une liquidation judiciaire - Décision d'un Etat membre de l'Union européenne - Effets - Interruption de l'instance - Cas - Action en indemnisation d'assurance - Portée

Par arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) doit être interprété en ce sens : - d'une part, que « la notion d' "instance en cours concernant un actif ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie", visée par cet article, englobe une instance en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés dans un Etat membre, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation dans un autre Etat membre » ; - d'autre part, que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu' « il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive ». Il en découle qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, qui transpose l'article 292 de la directive précitée, les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile et de l'article L. 622-22 du code de commerce s'appliquent aux instances en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés en France, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation judiciaire dans un autre Etat membre. Or, il résulte des dispositions précitées du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats. En outre, il découle des dispositions précitées du code de commerce que par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Encourt, dès lors, la censure, l'arrêt qui condamne une société d'assurance à indemniser l'assuré, alors qu'un jugement d'un tribunal de Copenhague ayant prononcé la faillite de cette société et désigné un syndic de faillite, intervenu avant l'ouverture des débats, avait entraîné l'interruption de l'instance en cours

PROCEDURE CIVILE - Instance - Interruption - Redressement et liquidation judiciaires - Domaine d'application - Jugement rendu par un état membre de l'union européenne - Interprétation de l'article L326-28 du code des assurances

ASSURANCE (RèGLES GéNéRALES) - Société d'assurance - Liquidation - Faillite prononcée par un tribunal d'un état membre de l'union européenne - Effets - Instance - Interruption

ASSURANCE DE PERSONNES - Recours contre le tiers responsable - Subrogation légale - Subrogation conventionnelle - Demande formée à l'encontre de l'assureur du tiers responsable - Liquidation judiciaire de l'entreprise d'assurance étrangère - Effets - Interruption de l'instance

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 525 FS-B


Pourvois n°
et
P 19-12.048
D 19-15.052 Jonction






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

I. La société Paget Approbois, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 19-12.048 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Depeyre entreprises, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Alpha Insurance A/S, société de droit danois, dont le siège est [Adresse 3] (Danemark), représentée par M. [O] [W], pris en qualité de syndic de faillite,

défenderesses à la cassation.

II. La société Alpha Insurance A/S, société de droit danois, représentée par M. [O] [W], agissant en qualité de syndic de faillite, a formé le pourvoi n° D 19-15.052 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Paget Approbois, société par actions simplifiée,

2°/ à la société Depeyre entreprises, société à responsabilité limitée,

défenderesses à la cassation.

La société Paget Approbois, demanderesse au pourvoi n° P 19-12.048, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La société Alpha Insurance A/S, demanderesse au pourvoi n° D 19-15.052, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Paget Approbois, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Alpha Insurance A/S, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Depeyre entreprises, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 novembre 2018) et les productions, la société Paget Approbois (la société Paget) a souscrit, à effet du 1er juillet 2011, par l'intermédiaire de la société Depeyre entreprises (la société Depeyre), courtier en assurance, une police d'assurance « multirisque industrielle » portant la mention « Compagnie : Alpha insurance ».

2. Le 20 mai 2012, une chute de grêle a endommagé deux sites exploités par la société Paget, qui a adressé le lendemain une déclaration de sinistre à la société Depeyre.

3. Une expertise amiable a été mise en oeuvre afin d'évaluer les dommages matériels consécutifs au sinistre.

4. La société Paget n'a toutefois perçu aucune indemnité d'assurance, la société Depeyre lui ayant finalement fait connaître par une lettre datée du 7 janvier 2013 qu'elle avait été assurée par l'intermédiaire d'une société de droit belge, la société Albic, que ses assureurs avaient été, à compter du 1er janvier 2012, la société britannique United et la société roumaine Euroins, et qu'elle n'avait plus d'assureur depuis le 1er janvier 2013, ces sociétés ayant depuis retiré leur agrément à la société Albic.

5. La société Paget a alors assigné en responsabilité et indemnisation de ses préjudices la société Depeyre, qui a appelé en garantie la société de droit danois Alpha Insurance, désignée par elle comme étant le véritable assureur à la date du sinistre.

6. La société Paget a sollicité en cause d'appel la condamnation in solidum de la société Depeyre et de la société Alpha Insurance au paiement de la somme de 335 080,79 euros en réparation de son préjudice matériel ainsi que la mise en oeuvre d'une expertise afin d'évaluer son préjudice immatériel.

7. À l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018, le conseil de la société Alpha Insurance a informé la cour d'appel que le tribunal maritime et commercial de Copenhague avait prononcé la faillite de cette société à compter du 8 mai 2018 et en a justifié en cours de délibéré en produisant ce jugement désignant M. [W] en qualité de syndic de faillite.

8. La cour d'appel de Besançon, par arrêt du 20 novembre 2018, a dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et a statué au fond.

9. La société Alpha Insurance, représentée par M. [W], pris en qualité de syndic de faillite, et la société Paget, se sont pourvues contre cet arrêt.

10. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) de questions préjudicielles portant sur l'interprétation de l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (dite « Solvabilité II »).

11. Par un arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20), la CJUE a répondu aux questions posées.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-15.052 de la société Alpha Insurance, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

12. La société Alpha Insurance fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Paget de sa demande d'expertise et de la condamner la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012, alors :

« 1°/ que l'ouverture d'une procédure collective interrompt l'instance de plein droit dès lors qu'elle survient avant l'audience et qu'elle emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'il avait été justifié qu'une procédure de faillite avait été ouverte à l'encontre de la société Alpha Insurance par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018, soit antérieurement à l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 369, 371 et 372 du code de procédure civile ;

2°/ que l'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture dès lors que cette action tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté par les juges que, par acte du 10 juin 2015, la société Alpha Insurance a été assignée en paiement et garantie d'une indemnité d'assurance, et qu'elle a ensuite fait l'objet d'une procédure de faillite par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22, R. 622-20, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances, les articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce et les articles 369 et 371 du code de procédure civile :

13. Aux termes du premier de ces textes, issu de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II), les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat.

14. Selon le deuxième, issu de la même ordonnance, transposant l'article 292 de la directive Solvabilité II, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile.

15. Il résulte des dispositions susvisées du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats.

16. Il découle des dispositions susvisées du code de commerce que par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

17. Par son arrêt précité du 13 janvier 2022 (C-724/20), la CJUE a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens :
- d'une part, que « la notion d'« instance en cours concernant un actif ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie », visée par cet article, englobe une instance en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés dans un Etat membre, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation dans un autre Etat membre » ;
- d'autre part, que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. »

18. Il en découle qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive Solvabilité II, les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile et de l'article L. 622-22 du code de commerce s'appliquent aux instances en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés en France, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation judiciaire dans un autre Etat membre.

19. Pour dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, débouter la société Paget de sa demande d'expertise et condamner la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012, l'arrêt retient que, malgré l'objection formulée par la société Depeyre, la société Alpha Insurance n'a pas établi que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle.

20. Elle en déduit qu'ignorée des parties avant la clôture et n'apparaissant pas revêtir la gravité justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture, l'existence de cette procédure de faillite restera étrangère aux débats.

21. En statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague ayant prononcé la faillite de la société Alpha Insurance et désigné un syndic de faillite, intervenu avant l'ouverture des débats, avait entraîné l'interruption de l'instance en cours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, déboutant la société Paget de sa demande d'expertise et condamnant la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel entraîne la cassation des chefs de dispositif déboutant la société Paget de sa demande en condamnation de la société Depeyre à l'indemniser de ses préjudices résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 et de sa demande en condamnation de la société Alpha Insurance à l'indemniser de son préjudice immatériel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Depeyre entreprises aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° P 19-12.048 par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Paget Approbois

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, D'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société PAGET de sa demande d'expertise, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, D'AVOIR débouté celle-ci de ses demandes à l'encontre de la société DEPEYRE, D'AVOIR condamné la société ALPHA INSURANCE à lui payer la somme de 335.080,79 € au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 et D'AVOIR débouté la société PAGET de sa demande en condamnation de cette dernière à l'indemniser de son préjudice immatériel ;

AUX MOTIFS QUE « sur la faillite de la société ALPHA INSURANCE : à l'audience de plaidoirie, le conseil de la société ALPHA INSURANCE a informé la cour et les autres parties du placement de celle-ci en faillite à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague (Danemark), ce dont il a justifié en cours de délibéré, postérieurement à la clôture des débats ; toutefois, malgré l'objection formulée en réponse par la société DEPEYRE dans son courrier du 29 octobre, la société ALPHA INSURANCE n'a pas établi que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle ; dès lors, ignorée des parties avant la clôture et n'apparaissant pas revêtir la gravité justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture, l'existence de cette procédure de faillite restera étrangère aux débats » ;

1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE les instances en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance et mis en cause le liquidateur judiciaire ; que les jugements, mêmes passés en force de chose jugée, rendus en méconnaissance de ces dispositions sont réputés non avenus ; que la cour d'appel a elle-même relevé qu'une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte à l'encontre de la société ALPHA INSURANCE à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague (arrêt p. 5 § 4 et in fine), ce dont il résultait que l'instance, qui tendait à la condamnation de cette société au paiement de sommes d'argent, se trouvait interrompue et ne pouvait être reprise qu'en présence du liquidateur judiciaire de cette société ; qu'ainsi, l'arrêt rendu en méconnaissance de cette interruption et sans que l'instance ait été régulièrement reprise en présence du liquidateur judiciaire de la société ALPHA INSURANCE, doit être réputé non avenu en application des articles 369 et 372 du code de procédure civile, L. 621-41, L. 622-22, L. 641-3, L. 641-9 et R. 622-20 du code de commerce ;

2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture la notification, postérieurement à cette ordonnance, de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par un tribunal étranger à l'égard d'une société de droit étranger contre laquelle des demandes en paiement de sommes d'argent sont formées ; qu'en l'espèce, dès lors qu'à l'audience de plaidoirie, le conseil de la société ALPHA INSURANCE avait informé la cour et les autres parties du placement de celle-ci en faillite à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague, la cour d'appel devait révoquer l'ordonnance de clôture et rouvrir les débats aux fins de mettre les parties en mesure de présenter leurs observations concernant les effets de la procédure de faillite danoise sur la poursuite de l'instance et la recevabilité des demandes dirigées contre la société ALPHA INSURANCE et de leur permettre, le cas échéant, de mettre en cause le liquidateur judiciaire de cette société ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 784 et 907 du code de procédure civile, ensemble le principe de la contradiction et les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; que pour dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et statuer sur les demandes en paiement formées contre la société ALPHA INSURANCE sans que son liquidateur judiciaire ait été appelé en cause, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que malgré l'objection formulée par la société DEPEYRE, la société ALPHA INSURANCE n'établissait pas que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle, quand, ayant ainsi elle-même retenu que la loi danoise régissait les effets en France de la procédure de faillite danoise, il incombait à la cour d'appel de rechercher et de trancher la question de savoir si en application de la loi danoise, l'ouverture de cette procédure de faillite interrompait l'instance et requérait la mise en cause du liquidateur judiciaire de la société ALPHA INSURANCE ; qu'en ne le faisant pas, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR débouté la société PAGET de ses demandes à l'encontre de la société DEPEYRE ;

AUX MOTIFS QUE « sur la responsabilité de l'intermédiaire d'assurance : s'agissant des préjudices attachés par la SAS PAGET au défaut d'assurance, dès lors que la garantie est due par la société ALPHA INSURANCE, aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la SARL DEPEYRE ; l'assurée demande toutefois que celle-ci soit condamnée solidairement avec l'assureur à l'indemniser de son entier préjudice, nonobstant l'existence de la garantie, aux motifs que c'est en raison de la mauvaise gestion de l'assurance par la SARL DEPEYRE qu'elle n'a pas été indemnisée ‘en temps et en heure' ; la mauvaise gestion invoquée, qui au demeurant permettrait d'imputer à l'intermédiaire d'assurance l'indemnisation non pas de l'entier sinistre mais seulement du préjudice distinct causé par le retard d'indemnisation, n'est nullement établie ; en effet, il n'apparaît pas que la société DEPEYRE se soit montrée négligente ou autrement fautive dans sa gestion du sinistre survenu le 20 mai 2012 ; tout d'abord, il n'est pas soutenu qu'elle a manqué à une quelconque obligation pendant les premiers mois suivant le sinistre, au cours desquels les parties ont suivi les opérations d'expertise puis trouvé un accord relatif à l'indemnisation, au mois de septembre 2012 bien que cet accord a été formalisé par une lettre d'acceptation signée par l'assuré seulement le 10 janvier 2013, le déroulement de ces opérations n'apparaissant pas avoir été retardé par la SARL DEPEYRE ; ensuite, pendant l'année 2013, la SARL DEPEYRE a sollicité plusieurs fois la société ALBIC afin qu'elle provoque le paiement de l'indemnité par son mandant, et ce par courriers des 2 janvier, 7 mars, 2 avril et 10 juillet ; parallèlement, le 25 avril elle a demandé aux sociétés UNITED et EUROINS de lui fournir une attestation de garantie ; c'est enfin par un courrier daté du 7 janvier 2013, mais datant manifestement du 7 janvier 2014 dès lors qu'il se réfère aux démarches effectuées courant 2013, que la SARL DEPEYRE a finalement indiqué à la SAS PAGET qu'elle n'avait plus d'assureur ; cette dernière n'établit pas que ces différentes démarches ont été accomplies avec retard, ni qu'elles auraient dû être complétées par d'autres ; en conséquence, la responsabilité de la SARL DEPEYRE n'étant pas engagée envers la SAS PAGET, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la première à indemniser la seconde, laquelle sera déboutée de ce chef » ;

1°/ ALORS QU' engage sa responsabilité vis-à-vis de l'assuré l'intermédiaire d'assurance qui lui donne des informations erronées et contradictoires sur l'identité de l'assureur qui ont pour conséquence de retarder l'indemnisation du sinistre ; que la cour d'appel avait elle-même constaté que la société PAGET avait souscrit par l'intermédiaire de la société DEPEYRE, courtier et agent général d'assurance, une police d'assurance auprès de la compagnie ALPHA INSURANCE avec effet au 1er janvier 2011, que la société PAGET avait déclaré le sinistre survenu le 20 mai 2012 dès le lendemain à la société DEPEYRE, que la société PAGET avait donné son accord sur le montant de l'indemnisation de son préjudice matériel en septembre 2012 mais qu'elle n'avait reçu aucune indemnisation avant le jugement du 10 mars 2017 car par lettre du 7 janvier 2013, la société DEPEYRE lui avait indiqué à tort qu'elle était assurée par les sociétés UNITED et EUROINS à la date du sinistre, quand, en réalité, elle était assurée par la société ALPHA INSURANCE ; qu'il s'en déduisait que le retard d'indemnisation subi par la société PAGET avait été causé par les informations erronées et contradictoires qui lui avaient été données par la société DEPEYRE sur l'identité de l'assureur ; qu'en jugeant néanmoins que la responsabilité de la société DEPEYRE n'était pas engagée envers la société PAGET, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1147, 1991 et 1992 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' engage sa responsabilité vis-à-vis de l'assuré, l'intermédiaire d'assurance qui lui donne des informations erronées et contradictoires sur l'identité de l'assureur qui ont pour conséquence de retarder l'indemnisation du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait juger que la responsabilité de la société DEPEYRE n'était pas engagée envers la société PAGET en se bornant à énoncer que cette dernière n'établissait pas que les différentes démarches de la société DEPEYRE avaient été accomplies avec retard, ni qu'elles auraient dû être complétées par d'autres, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 11, 17 et 20), si le retard d'indemnisation subi par la société PAGET n'avait pas été causé par les informations erronées et contradictoires qui lui avaient été données par la société DEPEYRE sur l'identité de l'assureur, notamment par lettre du 7 janvier 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1991 et 1992 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. Moyens produits au pourvoi n° D 19-15.052 par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Alpha insurance A/S

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ; d'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société Paget Approbois de sa demande d'expertise ; d'AVOIR condamné la société Alpha Insurance à payer à la société Paget Approbois la somme de 335.080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 ;

AUX MOTIFS QUE sur la faillite de la société Alpha Insurance : à l'audience de plaidoirie, le conseil de la société Alpha Insurance a informé la cour et les autres parties du placement de celle-ci en faillite à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague (Danemark), ce dont il a justifié en cours de délibéré, postérieurement à la clôture des débats ; que toutefois, malgré l'objection formulée en réponse par la société Depeyre dans son courrier du 29 octobre, la société Alpha Insurance n 'a pas établi que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle ; que dès lors, ignorée des parties avant la clôture et n'apparaissant pas revêtir la gravité justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture, l'existence de cette procédure de faillite restera étrangère aux débats ;

1) ALORS QUE l'ouverture d'une procédure collective interrompt l'instance de plein droit dès lors qu'elle survient avant l'audience et qu'elle emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'il avait été justifié qu'une procédure de faillite avait été ouverte à l'encontre de la société Alpha Insurance par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018, soit antérieurement à l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 369, 371 et 372 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture dès lors que cette action tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté par les juges que, par acte du 10 juin 2015, la société Alpha Insurance a été assignée en paiement et garantie d'une indemnité d'assurance, et qu'elle a ensuite fait l'objet d'une procédure de faillite par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22, R. 622-20, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce ;

3) ALORS QUE l'ouverture d'une procédure collective interrompt l'instance de plein droit dès lors qu'elle survient avant l'audience et qu'elle emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; qu'il en va de même à l'égard de l'action en paiement d'une somme d'argent introduite par un créancier antérieur au jugement d'ouverture ; que la clôture de la mise en état ne fait pas obstacle à cette interruption, pas plus qu'à la recevabilité des conclusions tendant à la reprise de l'instance par le représentant du débiteur à la procédure collective ; qu'en retenant en l'espèce que la faillite de la société Alpha Insurance ne présentait pas une gravité suffisante pour justifier de révoquer l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 369, 371 et 783 du code de procédure civile et des articles L. 622-22, R. 622-20, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce ;

4) ALORS, subsidiairement, QU' il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher la teneur, soit avec le concours des parties, soit au besoin d'office, et d'apporter au litige une solution conforme à ce droit étranger ; qu'en excluant en l'espèce tout effet interruptif de la procédure de faillite ouverte au Danemark à l'encontre de la société Alpha Insurance au motif que celle-ci n'établissait pas que cette procédure avait les mêmes effets en droit danois sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes formées contre elle, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société Paget Approbois de sa demande d'expertise, et d'AVOIR condamné la société Alpha Insurance à payer à la société Paget Approbois la somme de 335.080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 ;

AUX MOTIFS QUE Sur le débiteur de la garantie d'assurance, les parties s'opposent sur le point de savoir si la police d*assurance litigieuse oblige comme assureur la SARL Depeyre, comme le soutient la SAS Paget, ou au contraire la société Alpha Insurance, comme le soutiennent les autres parties ; que contrairement à ce que prétend la société Alpha Insurance, les autres parties ne soutiennent pas simultanément que la garantie d'assurance serait due par elle-même et par les sociétés United et Euroins, de sorte qu'elles n'encourent pas le grief de contradiction ; qu'opposées sur la détermination de l'assureur, les parties s'accordent en revanche sur le fait qu'elle doit être effectuée à l'examen de la police versée aux débats, et sur le fait que les obligations de l'assureur et de l'assuré sont définies par la même police ; que l'examen du document montre, certes, que figure en tête de chaque page la mention « Cabinet Depeyres assureurs conseils », mais aussi qu'il a pour titre « Police d'assurance multirisque industriel » immédiatement suivi de la mention Compagnie : Alpha Insurance – N° 11/0002 », puis de la mention « Assuré : Paget Approbois », et enfin qu'en pied de chaque page figure la référence « Paget Approbois – MRI n° 11/0002 – Alpha Insurance » ; que de telles mentions, qui identifient clairement la compagnie d'assurance et l'assuré, ne permettent pas d'envisager que l'assureur soit la SARL Depeyre et non la société Alpha Insurance, qui au demeurant confirme avoir été engagée par ce contrat, même si elle soutient s'en être déliée par la suite ; qu'il est indifférent que la seule mention « compagnie Alpha Insurance N° 11/0002 », sans plus de précision sur l'identité et l'adresse de l'assureur ne réponde pas aux exigences d'identification contractuelle de l'assureur édictées à l'article L. 112-4 du code des assurances, dès lors que la violation de ce texte n'a pas pour effet de conférer la qualité d'assureur à l'intermédiaire d'assurance par lequel le contrat a été rédigé et que les parties n'en tirent pas d'autre conséquence ; que quant aux dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, également invoquées à ce titre, elles ne concernent pas l'identification de l'assureur ; qu'il résulte des précédents éléments que la société Alpha Insurance s'est engagée à assurer la SAS Paget dans les termes du contrat produit ; que la garantie, conformément au chapitre VI du contrat a couru du janvier au 31 décembre 2011, puis s'est renouvelée automatiquement d'année en années sans qu'il ait été besoin que l'assuré ou l'assureur manifeste son consentement, la stipulation du caractère automatique du renouvellement rendant une telle manifestation inutile ; qu'il est donc indifférent que la société Alpha Insurance ait pu, à la date de renouvellement du contrat, avoir révoqué le mandat consenti à son intermédiaire la société Albic et avoir ainsi privé celui-ci du pouvoir de consentir pour elle au renouvellement du contrat ; que par suite, aucune contradiction n*entache le fait pour les sociétés Paget et Depeyre de soutenir simultanément que le mandataire avait été révoqué et que le contrat avait pourtant été renouvelé. ; que le seul moyen prévu au contrat de faire obstacle au renouvellement automatique du contrat était, pour la partie intéressée, d'adresser à [C] une dénonciation par lettre recommandée trois mois au moins avant la date d'échéance, ce qui en l'espèce n'a pas été fait ; qu'il n'apparaît pas davantage que le contrat ait jamais été résilié, étant indifférente la résiliation du mandat donné par la société Alpha Insurance à la société Albic, qui n'affecte pas les contrats conclus en exécution de ce mandat avant sa résiliation ; qu'il en résulte que le contrat, qui le 31 décembre 2011 n'avait pas pris fin mais s'était au contraire automatiquement renouvelé, était en vigueur au 20 mai 2012, date du sinistre ; que la société Alpha Insurance n'apporte pas la preuve, qui lui incombait, qu'à la date du sinistre elle n'était plus débitrice de la garantie en raison d'un transfert effectué au profit de la société roumaine Euroins et de la société britannique United ; que ne produisant pas aux débats les contrats dont a pu résulter un tel transfert, elle invoque un document intitulé « Avenant de transfert », établi à l'entête de son mandataire la société belge Albic SA, non daté sinon par référence à la date de la poste que les pièces produites ne permettent pas de connaître, et surtout dépourvue de toute signature du preneur d'assurance ; qu'ainsi, n'établissant pas que l'assuré a accepté la substitution de nouveaux cocontractants, ni même que son accord a été sollicité, le document invoqué n'a pas pu le décharger de ses engagements envers son cocontractant ; que si effectivement, par ailleurs, l'appel de primes pour l'année 2012 ne mentionne plus la société Alpha Insurance, il n'en résulte pas pour autant que l'assuré a donné son accord au prétendu changement d'assureur ; qu'au surplus, aucun de ces documents n'établit que la société Albic a réellement transféré la garantie donnée par la société Alpha Insurance à des sociétés tierces, que ce soit au profit de la société United, qui n'a jamais répondu à la demande d'attestation de garantie que lui a adressé la SARL Depeyre, ou au profit de la société Euroins, qui a répondu ne connaître ni l'assuré, ni la société Albic ; qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date du sinistre, la garantie promise à la SAS Paget restait due par la société Alpha Insurance ; que c'est donc à tort que le premier juge a retenu que la SAS Paget n'était pas assurée et, ajoutant à leur décision déférée, alors que la condamnation de la société Alpha Insurance ne leur était pas demandée, la cour condamnera la société Alpha Insurance à indemniser la SAS Paget des chefs de préjudice établis ;

1) ALORS QUE les juges sont tenus de ne pas dénaturer les conclusions qui les saisissent ; qu'en l'espèce, la société Alpha Insurance soutenait à titre principal qu'elle n'avait jamais autorisé une délégation de pouvoir de conclure des contrats d'assurance en son nom à un autre courtier que la société Albic, et contestait à ce titre avoir jamais été lié par le contrat d'assurance souscrit par la société Paget Approbois auprès de la société Depeyre ; que ce n'est que pour le cas où ce premier moyen viendrait à être écarté qu'elle contestait ensuite que les reconductions tacites des contrats d'assurance conclus pour son compte puissent lui être opposées après la résiliation du mandat confié à la société Albic ; qu'en affirmant que la société Alpha Insurance confirmait avoir été engagée par le contrat conclu par la société Paget Approbois auprès de la société Depeyre, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Alpha Insurance du 14 novembre 2017, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE les actes conclus par l'intermédiaire en assurance n'engagent l'assureur désigné par l'intermédiaire que pour autant qu'il est constaté l'existence d'un mandat donné à celui-ci par l'assureur ; qu'en s'abstenant en l'espèce de rechercher, comme il lui était demandé, si la société Alpha Insurance n'avait pas confié le pouvoir de conclure des contrats d'assurance en son nom à la seule société Albic, à l'exclusion de tout autre intermédiaire en assurance, ce qui excluait qu'elle puisse être tenue par le contrat conclu en son nom par la société Depeyre avec la société Paget Approbois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 ancien, 1984 et 1998 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des assurances ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QU'à l'arrivée du terme extinctif d'un contrat comportant une clause de tacite reconduction, il se forme une nouvelle convention qui trouve sa force obligatoire, non dans le contrat d'origine, dont les effets sont éteints, mais dans l'accord tacite en vertu duquel ces effets sont reconduits dans un nouveau contrat ; qu'il en résulte qu'en cas de souscription du contrat initial par l'intermédiaire d'un mandataire, la résiliation du mandat fait obstacle à la tacite reconduction, faute pour le nouvel accord de pouvoir se former par l'intermédiaire d'un mandataire privé de pouvoir ; qu'en jugeant qu'il était indifférent en l'espèce qu'à la date de la tacite reconduction du contrat, la société Alpha Insurance ait pu voir révoqué le mandat donné à son intermédiaire en assurance, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien, 1984 et 1998 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des assurances.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société Paget Approbois de sa demande d'expertise, et d'AVOIR condamné la société Alpha Insurance à payer à la société Paget Approbois la somme de 335.080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 ;

AUX MOTIFS QUE l'assurée et l'assureur s'accordent pour considérer, comme l'avait fait le premier juge, que la lettre d'acceptation d'une indemnité de 335.089,19 € signée le 10 janvier 2013 par l'assurée porte sur la seule indemnisation de son préjudice matériel ; que l'assureur n'acquiesçant pas pour autant à la demande d'indemnisation faite à ce titre, il appartenait à l'assurée d'apporter la preuve de son préjudice matériel, ce qu'elle fait, même si elle ne produit pas le rapport d'expertise dont il importe dès lors peu qu'il puisse être inopposable à l'assureur, en versant aux débats diverses autres pièces relatives aux opérations de l'expertise menée par la société SW Associates, qui intervenait comme expert de l'assureur, en présence de l'expert d'assuré [J] [N] ; qu'il résulte ainsi du projet de règlement de la somme de 335.080,19 € établi par la société SW Associates et joint à son courrier du 31 juillet 2012, dont le contenu détaillé n'est pas critiqué, ainsi que de la lettre d'acceptation établie pour le même montant par l'assuré le 10 janvier 2013, que le préjudice matériel indemnisable par l'assureur doit être évalué à la même valeur de 335.080,19 € ; que l'assureur sera donc condamné à payer cette somme à l'assurée au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel ;

1) ALORS QUE les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des autres parties ; qu'en l'espèce, en se fondant exclusivement, pour fixer le montant du préjudice à la somme de 335.080,79 euros, sur le projet de règlement issu de l'expertise amiable réalisée à la demande de la société Depeyre en présence de l'expert de l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise amiable, même ensuite soumise au débat contradictoire, dès lors que la partie à laquelle on l'oppose n'a pas été appelée aux opérations d'expertise ; qu'en l'espèce, en se fondant exclusivement, pour fixer le montant du préjudice à la somme de 335.080,79 euros, sur le projet de règlement issu de l'expertise à laquelle la société Alpha Insurance était restée étrangère, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE l'expertise diligentée par un intermédiaire en assurance sans pouvoir est inopposable à l'assureur ; qu'en l'espèce, la société Alpha Insurance faisait valoir qu'elle n'avait jamais confié aucun pouvoir de représentation à la société Depeyre et que celle-ci avait pris seule l'initiative de missionner un expert afin d'évaluer les dommages de la société Paget Approbois ; qu'en tenant pour acquis que la société SW Associates était intervenue en qualité d'expert de l'assureur, sans rechercher si la société Depeyre disposait d'un tel pouvoir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 ancien, 1984 et 1998 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des assurances.

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