25 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.488

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100421

Titres et sommaires

CAUTIONNEMENT - Caution - Recours contre le débiteur principal - Recours personnel - Exercice - Etendue - Détermination

L'absence de déchéance du terme à l'égard de l'un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d'exercer son recours personnel à l'encontre de celui-ci

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 421 F-B


Pourvois n°
V 20-21.488
N 20-22.355 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

I - La société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-21.488 contre un arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Mme [P] [S], domiciliée [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

II - La société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, a formé le pourvoi n° N 20-22.355 contre un arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [W],

2°/ à Mme [P] [S],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin, avocat de la société Compagnie européenne de garanties et cautions, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 20-21.488 et N 20-22.355 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 septembre 2020, complété le 19 novembre 2020), la société Caisse d'épargne Rhône-Alpes (la banque) a consenti à M. [W] et Mme [S] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers garantis par le cautionnement solidaire de la société Compagnie européenne des garanties et cautions (la caution).

3. Une ordonnance du 3 octobre 2016 a ordonné la suspension de l'exécution des obligations de Mme [S] pour une durée de douze mois.

4. Le 7 février 2017, à la suite d'échéances impayées, la banque a mis en demeure M. [W] puis, les 23 et 24 février suivants, a prononcé la déchéance du terme.

5. Après avoir payé à la banque les sommes réclamées, la caution a assigné les emprunteurs en remboursement.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La caution fait grief aux arrêts de déclarer son action contre Mme [S] irrecevable, alors « que lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur ne peut pas lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l'égard du créancier ; qu'au cas présent, la caution ayant payé la dette des emprunteurs, elle ne pouvait se voir opposer, dans l'exercice de son recours personnel contre les débiteurs, l'exception tirée de l'absence de déchéance du terme à l'égard de Mme [S] ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de la caution à l'encontre de Mme [S] était irrecevable aux motifs que "la caution étant subrogée dans les droits de la banque, ne peut avoir plus de droits que cette dernière", et "qu'ainsi, l'absence de déchéance du terme lui est opposable par Mme [S]", la cour d'appel a violé l'article 2305 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2305, 2307 et 2308, alinéa 2, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 :

7. Selon le premier de ces textes, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal.

8. Selon le deuxième, lorsqu'il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d'une même dette, la caution qui les a tous cautionnés a, contre chacun d'eux, le recours pour la répétition du total de ce qu'elle a payé.

9. Il résulte du troisième que, si un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'absence de déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations.

10. Il s'en déduit que l'absence de déchéance du terme à l'égard de l'un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d'exercer à son encontre son recours personnel.

11. Pour déclarer l'action de la caution contre Mme [S] irrecevable après avoir relevé qu'au moment de la délivrance des mises en demeure à M. [W], Mme [S] bénéficiait d'une mesure de suspension de ses obligations résultant des deux prêts pour une durée de douze mois notifiée à la banque le 4 octobre 2016, l'arrêt retient qu'aucune déchéance du terme ne pouvait être prononcée à son encontre avant le 4 octobre 2017, de sorte que la caution, subrogée dans les droits de la banque, ne pouvait avoir plus de droits que cette dernière.

12. En statuant ainsi, alors que la caution exerçait son recours personnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déclarent irrecevable l'action de la société Compagnie européenne des garanties et cautions à l'encontre de Mme [S], les arrêts rendus les 3 septembre 2020 et 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne Mme [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° V 20-21.488 par la SAS Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie européenne de garanties et cautions

La CEGC fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son action en paiement de la somme de 143 683,13€, outre intérêts, à l'encontre de Mme [S] ;

Alors que lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur ne peut pas lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l'égard du créancier ; qu'au cas présent, la CEGC ayant payé la dette des consorts [Z], elle ne pouvait se voir opposer, dans l'exercice de son recours personnel contre les débiteurs, l'exception tirée de l'absence de déchéance du terme à l'égard de Mme [S] ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de la CEGC à l'encontre de Mme [S] était irrecevable aux motifs que « la caution étant subrogée dans les droits de la banque, ne peut avoir plus de droits que cette dernière », et « qu'ainsi, l'absence de déchéance du terme lui est opposable par Mme [S] », la cour d'appel a violé l'article 2305 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° N 20-22.355 par la SAS Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie européenne de garanties et cautions

La CEGC fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de la société CEGC irrecevable à l'encontre de Mme [S] ;

Alors que lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur ne peut pas lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l'égard du créancier ; qu'au cas présent, la CEGC ayant payé la dette des consorts [Z], elle ne pouvait se voir opposer, dans l'exercice de son recours personnel contre les débiteurs, l'exception tirée de l'absence de déchéance du terme à l'égard de Mme [S] ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de la CEGC à l'encontre de Mme [S] était irrecevable « en raison de la suspension des échéances des deux prêts ordonnée par le tribunal d'instance de Bonneville par ordonnance du 3 octobre 2016 », la cour d'appel a violé l'article 2305 du code civil.

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