23 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00999

CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

ARRÊT DU

23 Mai 2022









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N° RG 21/00999

N° Portalis DBVO-V-B7F -C6FQ

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[F] [W]



[Z] [I]



C/



[N] [J]



[R] [Y] épouse [J]





-------------------



































GROSSES le

aux avocats









ARRÊT n° 243-22











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile







LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,





ENTRE :



Monsieur [F] [W]

né le 4 février 1983 à [Localité 10]

de nationalité française, ajusteur-monteur



Madame [Z] [I]

née le 28 mai 1985 à [Localité 12]

de nationalité française, infirmière



domiciliés ensemble : [Adresse 2]

[Adresse 13]

[Localité 3]



représentés par Me Camille GAGNE, substituée à l'audience par Me Anne-Sophie RIGAL, avocate postulante au barreau d'AGEN

et Me Aurélien DELECROIX, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE





APPELANTE d'une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 21 octobre 2021,

RG 21/00382

D'une part,



ET :



Monsieur [N] [J]

né le 19 juin 1957 à [Localité 11]

de nationalité française



Madame [R] [Y] épouse [J]

née le 25 avril 1958 à [Localité 11]

de nationalité française



domiciliés ensemble : [Adresse 9]



représentés par Me Mathieu GENY, SELARL PGTA, substitué à l'audience par Me Erwan VIMONT, avocat au barreau du GERS





INTIMÉS

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :



l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 21 mars 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :



Valérie SCHMIDT, Conseiller,



qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elle-même de :



Benjamin FAURE et Pascale FOUQUET, Conseillers



en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,





Greffière : Nathalie CAILHETON



ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile




' '

'



Faits et procédure :



Par acte du 27 octobre 2017, M. [N] [J] et Mme [R] [Y] épouse [J] (les époux [J]) ont vendu à M. [F] [W] et Mme [Z] [I] une maison d'habitation située à [Localité 1] cadastrée section B n°[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] au prix de 175 000 euros.



L'acte de vente contenait une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés.



Déplorant la présence de désordres affectant la toiture de l'immeuble dont l'existence était, selon eux, connue de leurs vendeurs, ce que contestaient ces derniers, M. [F] [W] et Mme [Z] [I] ont assigné les époux [J] en référé afin de voir ordonner une expertise qui a été confiée par ordonnance du 2 octobre 2018 à M. [H] [E], qui a établi son rapport le 14 mai 2019.



L'expert a écarté la présence de vices cachés connus des vendeurs.



Par acte du 22 mars 2021, M. [F] [W] et Mme [Z] [I] ont assigné les époux [J] devant le tribunal judiciaire d'Auch afin d'obtenir leur condamnation au paiement d'une somme de 160 000 euros sur le fondement de la garantie des vices cachés, et sollicité avant dire droit une expertise.



M. [F] [W] et Mme [Z] [I] ont saisi par voie de conclusions d'incident le juge de la mise en état d'une demande d'expertise complémentaire, exposant que le premier expert n'avait pas eu la possibilité de constater l'état réel de la toiture apparu après la démolition de la structure des planchers.



Les époux [J] se sont opposés à cette demande et ont invoqué la forclusion de l'action.



Par ordonnance du 21 octobre 2021, le juge de la mise en état a :



- déclaré l'action de M. [F] [W] et Mme [Z] [I] irrecevable car forclose,

- dit en conséquence n'y avoir lieu à expertise,

- condamné M. [F] [W] et Madame [Z] [I] aux entiers dépens, et à payer à M. [N] [J] et Mme [R] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.





Faisant application de l'article 789 du Code de procédure civile lui conférant compétence pour statuer sur les incidents mettant fin à l'instance, et de l'article 1648 du Code civil prévoyant que l'action en garantie des vices cachés doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, le juge de la mise en état a considéré que :



- l'existence des désordres avait été connue par les acquéreurs dès le premier constat d'huissier du 23 mai 2018,

- ces derniers avaient fait délivrer une assignation en référé le 9 juillet 2018 qui avait interrompu le délai de forclusion jusqu'à l'ordonnance du 2 octobre 2018,

- la réalisation de l'expertise n'avait pas suspendu le délai en raison de l'absence d'applicabilité de l'article 2239 du Code civil au délai de forclusion de l'article 1648,

- l'action au fond introduite par assignation délivrée le 22 mars 2021 était tardive, car postérieure à la date du 2 octobre 2020 à laquelle le délai de deux ans avait expiré.



M. [F] [W] et Mme [Z] [I] ont interjeté appel le 4 novembre 2021, désignant en qualité d'intimés les époux [J] et visant dans leur déclaration la totalité des dispositions de l'ordonnance.



L'avis de fixation à bref délai a été délivré le 17 novembre 2021.





Prétentions :



Par dernières conclusions du 5 janvier 2022, M. [F] [W] et Mme [Z] [I] demandent à la Cour de :



- réformer l'ordonnance de la mise en état rendue le 21 octobre 2021,

- déclarer leur action recevable au titre de la garantie des vices cachés, de la responsabilité délictuelle des vendeurs, du dol et de la réticence dolosive,

- ordonner une expertise judiciaire complémentaire eu égard aux désordres constatés,

- rejeter l'ensemble des demandes des époux [J], leur action étant parfaitement recevable, de même que leur demande d'expertise complémentaire est parfaitement recevable et fondée,

- rejeter les demandes des époux [J] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les époux [J] à leur payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



M. [F] [W] et Mme [Z] [I] présentent l'argumentation suivante :



- l'action en garantie des vices cachés n'est pas forclose :

- le point de départ du délai d'exercice de l'action de deux ans est le moment auquel les acquéreurs ont connaissance de l'existence du vice caché, ce qui, en l'espèce, a été le cas lors des travaux effectués sur la charpente après l'expertise judiciaire ; le délai a commencé à courir, au plus tôt lors du procès-verbal de constat du 6 août 2020, et au plus tard lors du rapport d'expertise amiable diligenté par les appelants, du 9 janvier 2021,



- l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle pour dol ou réticence dolosive, qui ne procède pas de prétentions nouvelles, tend aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge, et est soumise au délai de prescription de cinq ans,



- la nécessité d'une expertise judiciaire complémentaire est avérée :

- il n'est pas sollicité une contre-expertise mais un complément d'expertise réalisé par l'expert initialement désigné,

- lors de travaux de rénovation, la mise à nu du premier niveau de la maison a révélé de nouveaux désordres de grande ampleur.





Par uniques conclusions du 6 décembre 2021, les époux [J] demandent à la Cour de :



- confirmer l'ordonnance du 21 octobre 2021, en ce que le juge de la mise en état a jugé que l'action des Consorts [W]-[I] est irrecevable car atteinte de forclusion, et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'expertise,

- mettre fin à l'instance,

- en toute hypothèse,

- rejeter, comme étant irrecevables sinon infondées, les prétentions formées par les consorts [W]-[I],

- ajoutant à l'ordonnance déférée,

- condamner les consorts [W]-[I] au paiement d'une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et des dépens.



Les époux [J] présentent les observations suivantes :



- l'action est forclose :

- le délai de forclusion était de deux ans à compter de l'ordonnance du 2 octobre 2018,

- les jurisprudences invoquées sont antérieures au droit positif et les désordres avaient été dénoncés dès l'assignation en référé du 9 juillet 2018,



- les demandes tendant à voir déclarer recevables les demandes sont irrecevables comme constitutives de nouvelles prétentions,



- la demande d'expertise est infondée :

- l'appel est irrecevable en ce que le juge a refusé d'ordonner une expertise, par application des articles 795 et 272 du Code de procédure civile,

- dès lors qu'il existe un rapport d'expertise judiciaire, son examen, sa critique et ses suites appartiennent au tribunal, juge du fond, et le juge de la mise en état n'est pas compétent pour ordonner une nouvelle expertise ou une contre-expertise,

- les éléments produits ne permettent pas de justifier une nouvelle expertise.




Motifs



- sur la recevabilité de l'action :



L'article 564 du Code de procédure civile édicte que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour faire écarter les prétentions adverses.



M. [F] [W] et Mme [Z] [I] demandent à la cour de déclarer leur action recevable au titre de la garantie des vices cachés, de la responsabilité délictuelle des vendeurs, du dol et de la réticence dolosive.



Or ils n'ont saisi le juge de la mise en état que d'une demande d'expertise, et les époux [J] n'ont saisi ce juge que d'une demande de forclusion de l'action en garantie des vices cachés.



Dès lors, s'ils sont recevables à demander que soit déclarée recevable leur action en garantie des vices cachés afin de faire écarter la prétention adverse, ils ne le sont pas à demander pour la première fois en cause d'appel que soit déclarée recevable une action en responsabilité délictuelle des vendeurs, dol et réticence dolosive.



- sur la demande d'expertise :



Selon l'article 795 du Code de procédure civile, les décisions du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond, sauf si elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, ou en matière d'expertise dans les cas et conditions prévus par ce code.



L'article 272 dispose, à cet égard, que la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.



En l'occurrence, tel n'est pas le cas puisqu'il n'est pas justifié d'une autorisation du premier président de la présente cour autorisant un appel par application de cette disposition.



La demande tendant à voir infirmer la disposition de l'ordonnance du juge de la mise en état disant n'y avoir lieu à expertise, et à voir ordonner une telle investigation, est en conséquence irrecevable.



- sur la forclusion de l'action :



Aux termes de leur assignation, M. [F] [W] et Mme [Z] [I] ont exposé 'en conséquence, eu égard à la confusion entretenue par les vendeurs concernant la réfection de la toiture et eu égard au fait qu'ils n'ont pas alerté les requérants de l'état réel de l'immeuble - qu'ils ne pouvaient pas ignorer - et des infiltrations, notamment, ils sont donc responsables des désordres subis par les requérants en raison des vices cachés affectant la toiture' ; dans le dispositif de cet acte, ils ont formulé une prétention tendant, à titre principal, à voir 'condamner M. [N] [J] et Mme [R] [Y] épouse [J], à verser à Mme [Z] [I] et M. [F] [W] la somme de 160 000 euros au titre des dommages subis par les vices cachés affectant la maison l'immeuble se situant lieudit [Localité 1].



Leur action s'analyse par conséquent en une action en garantie des vices cachés, fondement expressément exposé dans les motifs et le dispositif de l'acte introductif d'instance.



Cette action est ainsi soumise au seul délai de l'article 1648 du Code civil selon lequel l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.



Il ressort du procès-verbal de constat établi le 23 mai 2018 par Maître [G] [K], huissier de justice, qu'à l'occasion d'intempéries, les requérants 'se sont aperçus de la présence de fuites d'eau au niveau de la toiture mais également de différents désordres dans le cadre de l'avancée de leurs travaux avec notamment des traces d'humidité à plusieurs endroits de la maison et un état de détérioration des murs', et fait établir un devis par une entreprise concluant à 'une nécessaire réfection totale de la couverture', pour un prix de 32 456,02 euros ; l'huissier a relevé la présence d'humidité dans le salon, la salle à manger, le hall d'entrée, les deux garages, la cuisine, les chambres 1 et 2, un seau posé au sol dans la chambre 3 contenant environ 1 centimètre d'eau.



Dès lors, les appelants ne peuvent utilement soutenir qu'ils ont acquis une connaissance de l'ampleur des désordres litigieux lors des travaux réalisés après le dépôt du rapport d'expertise du 14 mai 2019, car dès le 23 mai 2018, ils étaient informés de l'état de délabrement total de la couverture de leur maison, et de la présence d'humidité dans la plupart des pièces de l'immeuble.



C'est donc à juste titre que le juge de la mise en état a considéré que le point de départ du délai de forclusion devait être fixé au 23 mai 2018, qu'il avait été interrompu à l'occasion de l'instance de référé, avait de nouveau commencé à s'écouler à compter de l'ordonnance de référé du 2 octobre 2018 dès lors qu'un délai de forclusion n'est pas suspendu jusqu'à l'exécution d'une expertise par application de l'article 2239 du Code civil, et avait expiré le 2 octobre 2020, antérieurement à la délivrance de l'assignation intervenue le 22 mars 2021.



L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a déclaré l'action forclose, statué sur les dépens et la demandé présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Les dépens d'appel seront supportés par M. [F] [W] et Mme [Z] [I], partie perdante.



M. [F] [W] et Mme [Z] [I] seront condamnés à verser aux époux [J] 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS :



La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,



- déclare irrecevables les demandes de M. [F] [W] et de Mme [Z] [I] tendant à :



- déclarer leur action recevable au titre de la responsabilité délictuelle des vendeurs, du dol et de la réticence dolosive,

- ordonner une expertise judiciaire complémentaire eu égard aux désordres constatés,



- déclare recevable la demande de M. [F] [W] et de Mme [Z] [I] tendant à :



- déclarer leur action recevable au titre de la garantie des vices cachés,



- confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 21 octobre 2021 en ce qu'elle a :



- déclaré l'action de M. [F] [W] et Mme [Z] [I] irrecevable car forclose,

- condamné M. [F] [W] et Madame [Z] [I] aux entiers dépens, et à payer à M. [N] [J] et Mme [R] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,



Y ajoutant,



- condamne M. [F] [W] et Madame [Z] [I] aux dépens d'appel,



- condamne M. [F] [W] et Madame [Z] [I] à payer à M. [N] [J] et Mme [R] [Y] épouse [J] 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Le présent arrêt a été signé par Valérie SCHMIDT, conseiller faisant fonction de présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La Greffière,La Présidente,

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