20 mai 2022
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 21/00241

4eme Chambre Section 2

Texte de la décision

20/05/2022



ARRÊT N°237/22



N° RG 21/00241 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N5NP

AB-AR



Décision déférée du 10 Décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00859)

LABORDE

















S.A.S. AB7 SANTE





C/



[F] [U]





























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le 20 05 22



à Me VACARIE

Me BENOIT DAIEF

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.A.S. AB7 SANTE

Chemin des Monges BP 9

31450 DEYME



Représentée par Me Géraud VACARIE de l'ASSOCIATION VACARIE - DUVERNEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE







INTIMEE



Madame [F] [U]

233, allée des bleuets

31450 MONTLAUR



Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE



















COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère



Greffier, lors des débats : A. RAVEANE







ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre






EXPOSÉ DU LITIGE



Mme [U] a été embauchée du 18 décembre 2017 au 30 mars 2018 par la société AB7 Santé en qualité de secrétaire service expédition, coefficient 160 de la convention collective nationale des Industries chimiques, suivant contrat de travail à durée déterminée conclu pour surcroît d'activité "lié à son client CEVA ".



Ce contrat a été renouvelé à deux reprises, portant son terme au 21 décembre 2018.



A compter du 2 janvier 2019, la relation contractuelle s'est poursuivie suivant contrat à durée indéterminée dans les mêmes conditions.



Par courrier du 13 février 2019, la société AB7 Santé a rompu la période d'essai, portant la rupture du contrat au terme du délai de prévenance, soit le 28 février 2019.



Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 29 mai 2019 afin de voir requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, juger que la rupture contractuelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et solliciter le paiement d'heures supplémentaires ainsi que des dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail.



Par jugement du 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a:

- dit que les contrats de Mme [U] s'analysaient en un contrat à durée indéterminée,

- dit qu'il n'y avait pas lieu à application d'un délai de carence,

- dit que la clause du contrat de travail signé le 2 janvier 2019 concernant la période d'essai était nulle,

- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dit que les heures supplémentaires effectuées n'avaient pas été entièrement réglées,

- débouté Mme [U] de sa demande au titre de la retenue de salaire du mois de février 2019,

- jugé que la société AB7 Santé a enfreint les dispositions légales en matière de durée du travail,

- condamné la société AB7 Santé à payer à Mme [U] les sommes suivantes:

* 2181,31 € au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail,

* 492,43 € brut au titre de rappel de salaires pour la période du 21 décembre 2017 au 31 décembre 2018 outre 49,24 € brut au titre des congés payés afférents,

* 146,42 € brut à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées outre 14,64 € brut au titre des congés payés afférents,

* 652,45 € brut au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 2181,31 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 218,13 € brut au titre des congés payés afférents,

* 4 362,62 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement au respect de la durée maximale de travail,

- dit que le salaire de référence de Mme [U] était de 2 181,31 €,

- condamné la société AB7 Santé à payer à Mme [U] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les entiers dépens seront supportés par la société AB7 Santé.



La SAS AB7 Santé a relevé appel de ce jugement le 13 janvier 2021 énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.



Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 octobre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la société AB7 Santé demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* dit que la clause du contrat de travail signé le 2 janvier 2019 concernant la période d'essai était nulle,

* dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* dit que les heures supplémentaires effectuées n'avaient pas été entièrement réglées,

* condamné la société AB7 Santé à payer à Mme [U] les sommes suivantes:

- 2181,31 € au titre d'indemnités de requalification du contrat de travail,

- 492,43 € brut au titre de rappel de salaire de la période du 21 décembre 2017 au 31 décembre 2018 outre 49,24 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 146,42 € brut au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées outre 14,64 € brut au titre des congés payés afférents,

- 652,45 € brut au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2181,31 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 218,13 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 4362,62 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 500 € à titre dommages et intérêts pour manquement au respect de la durée maximale de travail,

- dit que le salaire de référence de Mme [U] était de 2181,31 €,

- condamné la société AB7 Santé à payer à Mme [U] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les entiers dépens seront supportés par la société AB7 Santé,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,



Statuant à nouveau sur les chefs de jugement réformés :

- rejeter toutes les demandes de Mme [U] et son appel incident,

- condamner Mme [U] au paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2021, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [U] demande à la cour de :

- recevoir Mme [U] en toutes ses demandes, fins et conclusions et y faisant droit,

- dire et juger la société AB7 Santé mal fondée en toutes ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les contrats de travail à durée déterminée conclus avec Mme [U] avaient pour but ou pour effet de pourvoir un emploi permanent de l'entreprise et qu'aucun délai de carence n'a été respecté,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé la nullité de la clause de période d'essai figurant au CDI postérieur à une période de CDD de plus de 12 mois,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail survenue le 13 février 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que certaines heures supplémentaires effectuées par Mme [U] n'ont pas été réglées,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société AB7 Santé a violé les dispositions relatives aux durées maximales de travail,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AB7 Santé à payer à Mme [U] les sommes de :

* 2 181,31 € à titre d'indemnité de requalification des CDD en CDI,

* 492,43 € à titre de rappel de salaire inter-contrat pour la période du 21/12/2017 au 31/12/2017, outre 49,24 € au titre des congés payés afférents,

* 146,42 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les mois de juillet à septembre 2018, outre 14,64 € au titre des congés payés afférents,

* 652,45 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 181,31 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 218,13 € au titre des congés payés afférents,

* 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'indemnisation de Mme [U] à une somme de 4 362,62 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société AB7 Santé à verser 6 600 € à ce titre,

- subsidiairement, sur ce point, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AB7 Santé à verser 4 362,62 € à ce titre,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'indemnisation de Mme [U] à une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement au respect de la durée maximale du travail et condamner la société AB7 Santé à verser 1 000 € à ce titre,

Subsidiairement, sur ce point, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AB7 Santé à verser 500 € à ce titre,

En toute hypothèse,

- dire que le salaire brut moyen de référence de Mme [U] est de 2 181,31€,

- condamner la société AB7 Santé à payer à Mme [U] une indemnité de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.






MOTIFS



Sur les heures supplémentaires et la durée légale maximale de travail



Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir effectuées afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.







L'article 12 de la convention collective applicable indique que, dans le cadre de la législation en vigueur, les heures supplémentaires effectuées au-delà d'une durée normale de travail par semaine donnent lieu à une majoration qui ne pourra être inférieure à :

- 25 % du salaire horaire pour les 8 premières heures supplémentaires ;

- 50 % de ce salaire horaire pour les heures supplémentaires au-delà de la huitième.



Mme [U] indique que les heures supplémentaires effectuées du 30 juillet au 30 septembre 2018 ne lui ont pas été intégralement payées.



Au soutien de sa demande, Mme [U] produit ses relevés de badgeage pour la période du 30 juillet au 30 septembre 2018, soit de la semaine 31 à 39. Ces relevés indiquent de façon circonstanciée les horaires journaliers travaillés par la salariée, tenant compte des pauses déjeuner, des repos hebdomadaires et du jour férié (le 15 août 2018).



La cour considère que Mme [U] produit des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande, mettant en mesure l'employeur d'y répondre, et qu'il appartient à celui-ci de justifier par des éléments objectifs des horaires accomplis par sa salariée.



En réplique, la société AB7 Santé ne produit aucune pièce; elle indique que ces relevés omettent de décompter le temps de pause (pause méridienne et pause de 10 minutes).



Or, ces relevés tiennent pourtant compte des temps de pause déjeuner et il n'est établi par aucun élément que Mme [U] bénéficiait en outre d'une pause de 10 minutes ; de sorte que ces relevés correspondent bien au temps de travail effectif effectué par Mme [U].



Il ressort donc de ces relevés, précis et pertinents, que Mme [U] a bien effectué au titre de la période considérée 70,56 heures supplémentaires. Les bulletins de paie produits durant cette période font état du paiement de 43,52 heures supplémentaires (32 heures majorées à 25% et 11,52 heures majorées à 50%).



Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, pour la période du 30 juillet au 30 septembre 2018, de sorte qu'il sera alloué à Mme [U] la somme qu'elle sollicite de 146,42 € à titre de rappel de salaire outre 14,64 € au titre des congés payés y afférents, le jugement déféré étant ainsi confirmé.



S'agissant de la durée maximale de travail, qui doit s'entendre comme temps de travail effectif et non amplitude, celle-ci est fixée par les dispositions conventionnelles à 10 heures par jour et à 48 heures sur une semaine, et à 42 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives.



Les relevés démontrent deux dépassements de la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures, sur l'ensemble de la relation contractuelle, à savoir durant les semaines 31 et 32 de l'année 2018 (49,19 h et 48,40 h).



Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation sans qu'il soit besoin pour Mme [U] de justifier de l'existence d'un préjudice spécifique.



La cour considère que le préjudice subi par la salariée n'a pas été justement réparé par les dommages et intérêts alloués par les premiers juges. Au regard des dépassements de la durée maximale de travail hebdomadaire, Mme [U] se verra allouer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.





Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée



La société AB7 Santé ne sollicite pas, aux termes de son dispositif, l'infirmation de ce chef du jugement. Elle ne développe d'ailleurs aucun moyen à ce titre, ni ne critique le jugement sur ce point dans ses conclusions, alors que son acte d'appel critique le chef du jugement ayant requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.



Mme [U] sollicite la confirmation du jugement entrepris sur la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée. De sorte que ce chef de jugement sera confirmé par la cour.



Il sera alloué à Mme [U] une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu. Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [U] la somme de 2181,31 € à titre d'indemnité de requalification, étant précisé que la cour retient un salaire moyen de 1 906,24 € après réintégration du rappel pour heures supplémentaires, comme indiqué ci-après.



En revanche, la cour déboutera Mme [U] de sa demande en paiement de rappel de salaires au titre de la période interstitielle du 22 décembre 2018 au 2 janvier 2019. En effet, la seule circonstance tirée du fait qu'elle ait été embauchée en contrat à durée indéterminée 12 jours après l'échéance du terme de son contrat à durée déterminée est insuffisante à établir qu'elle s'est tenue à la disposition de l'employeur durant cette période, le jugement sera donc infirmé sur ce point.





Sur la rupture de la période d'essai



La société soutient qu'elle pouvait parfaitement rompre la période d'essai et que, à supposer que tel n'était pas le cas, les demandes financières de Mme [U] sont exorbitantes au regard de la durée de la relation contractuelle.



Mme [U] rétorque que la rupture de la période d'essai produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce que la clause relative à la période d'essai mentionnée dans son contrat de travail à durée indéterminée est nulle. En effet, après avoir souligné qu'elle a toujours exercé les mêmes fonctions, elle expose que la durée des contrats à durée déterminée ayant précédé l'embauche devait être déduite de la période d'essai prévu au CDI.



Sur ce,



La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.



Tel que rappelé dans l'exposé du litige, Mme [U] a été embauchée en qualité de secrétaire service expédition dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs du 18 décembre 2017 au 21 décembre 2018. Elle a, par la suite, été embauchée aux mêmes fonctions suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 2019.



Il résulte de ces termes contractuels que les fonctions confiées à la salariée lors de la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée sont identiques à celles exercées pendant un an en contrat à durée déterminée, lesquelles ont permis à la société AB7 Santé d'évaluer les compétences de la salariée, conduisant l'employeur ensuite à lui proposer ce contrat.



L'employeur ne produit pas d'éléments établissant la nécessité d'évaluer les compétences de la salariée dans le cadre de la signature du contrat de travail à durée indéterminée.



Dès lors, la période d'essai stipulée dans le contrat de travail à durée indéterminée était abusive de sorte que ce contrat entrepris n'a pas été valablement rompu par la décision de l'employeur en date du 13 février 2019 ; cette rupture s'analyse donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Mme [U] avait acquis une ancienneté de 1 an et 2 mois au sein de la société AB7 Santé, laquelle employait plus de 10 salariés.



Les parties s'opposent sur le salaire de référence ; Mme [U] fixe celui-ci à 2 181,31 € correspondant à la moyenne des trois derniers salaires alors que la société AB7 Santé l'évalue à 1 888,04 €, sans fournir d'explication.



Le salaire de référence calculé par Mme [U] est erroné en ce qu'elle prend en compte dans son calcul l'indemnité de précarité alors qu'elle ne constitue pas un élément de salaire, elle présente un caractère indemnitaire.



La cour retient un salaire de référence à hauteur de 1 906,24 € correspondant à la moyenne des 12 derniers salaires, prenant en compte le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.



La salariée est donc en droit de prétendre, par infirmation du jugement déféré, à une indemnité de préavis correspondant à un mois de salaire, soit 1 906,24 € outre 190,62€ au titre des congés payés afférents. Contrairement aux dires de la société, elle n'a pas notifié à Mme [U] 'un délai de préavis de 15 jours' mais un délai de prévenance dans le cadre de la rupture de la période d'essai. Le délai de prévenance est distinct de l'indemnité compensatrice de préavis de sorte que ce délai n'a pas, tel que l'allègue l'employeur, à être déduit de l'indemnité due.



La salariée peut en outre prétendre au paiement de l'indemnité légale de licenciement d'un montant de 635,41 €, le jugement sera également infirmé sur ce point.



Quant aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en vertu de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable en la cause, si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et si l'une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté au jour de la rupture, dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, cette indemnité est d'un montant maximum de deux mois de salaire brut.



Mme [U] entend voir écarter ce barème aux motifs qu'il ne serait pas conforme à l'article 24 de la charte sociale européenne et à l'article 10 de la convention 158 de l'OIT.













L'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.



Lorsque des dispositions internes sont en cause, comme en l'espèce, le juge du fond doit vérifier leur compatibilité avec les normes supra-nationales que la France s'est engagée à respecter, au besoin en écartant la norme nationale en cas d'incompatibilité irréductible.



L'article 24 de la charte sociale européenne consacré au 'droit à la protection en cas de licenciement' dispose :

'En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître :

a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial'.



Or, les dispositions de la charte sociale européenne révisée le 3 mai 1996 ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.



Dès lors, ce texte ne peut être utilement invoqué par l'intimée pour voir écarter les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail.



Selon l'article 10 de la convention internationale du travail nº 158 sur le licenciement de l'organisation internationale du travail, qui est d'application directe en droit interne:

'Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée'.



Le terme 'adéquat' doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d'appréciation.



La cour estime que l'indemnisation fixée par le barème prévu par l'article L 1235-3 du code du travail est de nature à assurer en l'espèce la réparation du préjudice né de la rupture du contrat de travail de manière adéquate, il n'y a donc pas lieu d'en écarter l'application.



Mme [U] était âgée de 37 ans au moment de la rupture du contrat. Il lui sera alloué des dommages et intérêts de 3 800 €, par infirmation du jugement déféré.









Sur le surplus des demandes



La société AB7 Santé, qui succombe principalement, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [U] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme qui s'ajoutera à celle allouée par les premiers juges sur le même fondement.





PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :



- condamné la société AB7 Santé au paiement de la somme de 146,42 € brut à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre 14,64 € brut au titre des congés payés afférents,

- requalifié les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée,

-condamné la société AB7 Santé à payer à Mme [U] la somme de 2 181,31€ à titre d'indemnité de requalification,

- jugé que la rupture de la période d'essai produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société AB7 Santé aux dépens d'instance et à payer à Mme [U] 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Infirme le jugement entrepris :

- en ce qu'il condamné la société AB7 Santé à payer à Mme [U] un rappel de salaires pour la période interstitielle du 22 décembre 2018 au 2 janvier 2019 outre les congés payés afférents,

- fixé le salaire de référence de Mme [U] à la somme de 2 181,31 €,

- sur le quantum des sommes allouées à Mme [U] :

* à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail,

* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

* au titre de l'indemnité légale de licenciement,



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,



Déboute Mme [U] de sa demande en paiement de rappel de salaires pour la période interstitielle du 22 décembre 2018 au 2 janvier 2019 outre les congés payés afférents,



Fixe le salaire de référence de Mme [U] à 1 906,24 €,



Condamne la société AB7 Santé à payer à Mme [U] les sommes suivantes :



* 1 000 € au titre du préjudice subi dû au non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

* 3 800 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 906,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 190,62 € au titre des congés payés afférents,

* 635,41 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,











Déboute les parties du surplus de leurs demandes,



Condamne la société AB7 Santé aux dépens d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.





LA GREFFIERELA PRESIDENTE













A. RAVEANEC. BRISSET





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