18 mai 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/18986

Pôle 5 - Chambre 4

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 18 MAI 2022



(n° , 33 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18986 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESYK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2021000015





APPELANTES



ALLIANZ BANQUE, venant aux droits de la BANQUE GÉNÉRALE DU PHÉNIX ET DU CRÉDIT CHIMIQUE, prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

1 cours Michelet

92800 PUTEAUX

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 572 199 461



ALLIANZ FRANCE, venant aux droits de la société METROPOLE, S.A., prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

1 cours Michelet

92076 PARIS LA DÉFENSE

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 303 265 128



Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Ayant pour avocats plaidants Me [L] LEFORT et Me Alexandre EBERHARDT de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocats au barreau de PARIS, toque : R045,





INTIMÉS



Mme [L] [FW] née [NS], née le 12 mai 1950 à PARIS, de nationalité française, agissant à titre personnel et au titre de ses droits propres, domiciliée

52, rue des Saints Pères

75007 PARIS



Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de SEPTEIME AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029,

Ayant pour avocats plaidants Me François KOPF de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R170, et Me Sébastien ENGELEN, avocat au barreau de BRUXELLES,





M. [AI] [FW], né le 9 août 1969 à NEUILLY SUR SEINE, en qualité d'ayant cause de son père Monsieur [O] [FW], décédé le 3 octobre 2021, domicilié

16, rue de la Promenade

92600 ASNIERES SUR SEINE



Défaillant, assigné à personne physique le 15 décembre 2021,





Mme [PF] [KO] née [FW], en qualité d'ayant cause de son père Monsieur [O] [FW] décédé le 3 octobre 2021, domiciliée

52, rue des Saint-Pères

75007 PARIS



Défaillante, assignée à personne physique le 14 décembre 2021,





M. [U], [C] [FW], né le 7 octobre 1974 à NEUILLY SUR SEINE, en sa qualité d'ayant cause de son père Monsieur [O] [FW], décédé le 3 octobre 2021,

domicilié

55, rue de Lille

75007 PARIS



Défaillant, assigné par dépôt à l'étude le 21 décembre 2021,





Mme [ZP] [FW] , née le 20 février 1988 à PARIS 12ème , en sa qualité d'ayant cause de son père Monsieur [O] [FW], décédé le 3 octobre 2021, domiciliée

66, boulevard Maurice Barrès

92200 NEUILLY SUR SEINE



Défaillante, assignée conformément à l'article 659 du code de procédure civile le 15 décembre 2021,





M. [B] [M], de nationalité française, domicilié

Ferme de Vide Besace

51510 VILLERS LE CHATEAU





M. [T] [Z], né le 11 juillet 1945 à CHÂTEAUDUN, de nationalité française, domicilié

1, rue de la Foucaudière - Le Puits

28190 FRUNCÉ





M. [RW] [G], né le 13 avril 1964 à PONT L'EVÊQUE, de nationalité française, domicilié

48, rue Léon Tellier

14360 TROUVILLE-SUR-MER



M. [I] [X], né le 21 avril 1960 à LUNÉVILLE, de nationalité française domicilié

3, impasse des Fontenottes

88110 RAON L'ETAPE



M. [IZ] [V], né le 22 septembre 1946 à VERSAILLES, de nationalité française, domicilié

36, rue des Sablons

95310 SAINT-OUEN L'AUMÔNE



M. [BE] [EH], né le 07 septembre1938 à SAINT-GEORGES-DE-MONTAIGU, de nationalité française, domicilié

2, esplanade de Verdun

85600 MONTAIGU





Mme [D] [PH], née le 24 août 1943 à CARPENTRAS, de nationalité française, domiciliée

16, rue de la République

84210 PERNES LES FONTAINES





Mme [WM] [WN], née le 19 juin 1966 à METZ, de nationalité française, domiciliée

99, rue Saint-Pierre

57000 METZ



Représentés par Me Laure PACLOT de l'AARPI NEUMAGER PACLOT, avocat au barreau de PARIS, toque D1112,





S.E.L.A.F.A. MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES - MJA, prise en la personne de Maître [W] [UZ], ès qualités de co-liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW] et des sociétés [I] COLAS TAHITI (ACT) et BT GESTION, ayant son siège social

102 rue du Faubourg Saint Denis

75479 PARIS CEDEX 10

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,





S.E.L.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Maître [K] [E], ès qualités de co-liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW] et des sociétés [I] COLAS TAHITI (ACT) et BT GESTION, ayant son siège social

62 boulevard de Sébastopol

75003 PARIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972,



Représentées par Me Frédérique ETEVENARD, avocate au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079,





S.A. BIBUS, initialement dénommée MATINVEST, prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

3 rue de Téhéran

75008 PARIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 341 419 133



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,

Ayant pour avocat plaidant Me Alexis ULCAKAR de l'AARPI Castiglione Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : G0579,





S.A.S. BDR & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [HK] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GROUPE [O] [FW], ayant son siège social

34 rue Sainte-Anne

75001 PARIS



Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241,

Ayant pour avocat plaidant Me Bernard VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280,





SELARL [HL] PARTNERS, prise en la personne de Maître [A] [HL], ès qualités d'administrateur judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de PARIS en date du 16 février 2021 et dont la mission a pris fin par jugement rendu le 25 janvier 2022 par le Tribunal de commerce de PARIS prononçant la liquidation judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW], ayant son siège social

42, rue de Lisbonne

75008 PARIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 481 943 587,



Représentée par Me Antoine BENECH de la SELARL SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0540,

Ayant pour avocat plaidant Me Lorraine MONTEILHET, avocate au barreau de PARIS, toque P0540,





S.N.C. GROUPE [O] [FW] ayant son siège social

52, rue des Saints Pères

75007 PARIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 316 655 125

Placée en liquidation judiciaire



Défaillante, assignée à tiers présent au domicile le 14 décembre 2021,





PARTIES INTERVENANTES





SELAS MJS PARTNERS, prise en la personne de Maître [FX] [NR], ès qualités de mandataire ad' hoc du GROUPE [O] [FW], désignée à cette fonction par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de BOBIGNY du 24 novembre 2021, ayant son siège social

2 ter rue de Lorraine

93011 BOBIGNY



Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de SEPTEIME AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029,

Ayant pour avocats plaidants Me François KOPF de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R170, et Me Sébastien ENGELEN, avocat au barreau de BRUXELLES,





S.C.P. BTSG, prise en la personne de Me [RV] [UY], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GROUPE [O] [FW], ayant son siège social

15 rue de l'Hôtel de Ville

92200 NEUILLY SUR SEINE

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511



Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Ayant pour avocat plaidant Me Bernard VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280





SELARL FIDES prise en la personne de Me [O] [J], ès qualités de liquidateur de Mme [L] [NS] épouse [FW], désignée à ces fonctions par jugement prononçant la liquidation judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW] rendu le 25 janvier 2022 par le Tribunal de commerce de PARIS, ayant son siège social

5 rue Palestro

75002 PARIS



Représentée par Me Antoine BENECH de la SELARL SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0540,

Ayant pour avocat plaidant Me Lorraine MONTEILHET, avocate au barreau de PARIS, toque P0540,





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre,

Sophie DEPELLEY, Conseillère,

Camille LIGNIERES, Conseillère,



qui en ont délibéré;



Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Meggy RIBEIRO





EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC :



L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.





ARRÊT :



- par défaut



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, et par Mme Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.




*

* *





EXPOSÉ DU LITIGE



1-Faits et procédure



M. [O] [FW] avait, avec son épouse, organisé ses activités et son patrimoine autour de deux sociétés en nom collectif dont ils étaient les seuls associés :

- la société Financière et Immobilière [O] [FW] ('ci-après la société FIBT') qui regroupait les divers actifs patrimoniaux des époux [FW],

- et la société Groupe [O] [FW] ('ci-après la société GBT') qui détenait la majorité du capital de la société anonyme [O] [FW] Finance ('ci-après la société BTF'), elle-même détentrice des participations industrielles du groupe,



En juillet 1990, la société BTF a acquis 80 % du capital de la société allemande Adidas AG, par l'intermédiaire d'une filiale à 100 % constituée pour cette opération, [O] [FW] Finance GmbH ( 'ci-après la société BTF GmbH'). A cet effet, le prix de 1,6 milliards de francs était financé en totalité par un consortium de banques allemandes, japonaises et françaises, dont le chef de file était une filiale du Crédit lyonnais, la Société de Banque Occidentale (SDBO, devenue la SAS CDR Creances), prêteuse à hauteur de 30 % environ. La banque Phenix faisait partie de ce consortium et a financé le prêt à hauteur de 15,63%.



Ce prêt était remboursable en deux échéances : 600 millions de francs en août 1991 et un milliard de francs en août 1992.



En janvier 1991, la société BTF GmbH a acquis 15 % supplémentaires du capital d'Adidas AG au moyen d'un prêt consenti par une banque allemande.



Courant 1991, le capital de la société BTF Gmbh s'est ouvert à des sociétés tiers dont la Banque Phénix (2%) et Metropole (1%).



Au mois d'août 1992, le solde restant dû au titre du prêt était de 620 M F environ

(échéance reportée au 31 décembre 1993).



Aussi, à l'été 1992, la cession des actions de la société BTF GmbH était rendue nécessaire par trois circonstances :

- le règlement de la seconde échéance du prêt,

- le besoin de trouver des fonds pour recapitaliser la société Adidas, sachant que M. [FW] avait entrepris des démarches dès le début de l'année 1992 pour rechercher un acquéreur,

- l'entrée de M. [FW] au gouvernement en avril 1992 qui exigeait la transformation des actifs industriels du groupe en actifs patrimoniaux,



C'est dans ce contexte que le 10 décembre 1992, les sociétés GBT, FIBT et BTF ont conclu avec la SDBO un mémorandum qui prévoyait notamment la cession par la société BTF de sa participation (78%) dans la société BTF GmbH (Adidas), l'affectation du prix au règlement des emprunts contractés par les sociétés BTF et GBT pour acheter Adidas, la fusion de BTF, GBT et FIBT dans une société Newco, le transfert à celle-ci des concours consentis à BTF, GBT et FIBT et leur restructuration sous forme de prêt à moyen terme, de prêt participatif et de participation au capital d'une filiale.



En exécution de ce mémorandum :



Le 16 décembre 1992, une lettre d'engagement signée par les sociétés BTF, GBT et la SDBO a prévu,

-d'une part, l'engagement irrévocable de la société BTF de vendre au plus tard le 15 février 1993 à toutes sociétés désignées par la SDBO la totalité de sa participation dans la société BTF GmbH, soit, à cette date, 78 % du capital, au prix de 2.085 millions de francs (environ 317.856.200 euros), et d'affecter le prix au remboursement des emprunts contractés pour l'achat des parts d'Adidas,

- d'autre part, l'engagement irrévocable de la société GBT de racheter, dans le cadre d'une offre publique de retrait, toutes les actions de la société BTF non détenues par elle.



A la même date, la société BTF a donné à la société SDBO mandat de rechercher des acquéreurs aux conditions énoncées par la lettre d'engagement.



Le 12 février 1993, les titres de la société BTF GmbH ont été cédés au prix de 2.085 millions de francs prévu par le mandat et la lettre d'engagement, aux huit acquéreurs présentés par la SDBO, à savoir les sociétés, Clinvest (déjà propriétaire de 10 % du capital), Phénix et Métropole (deux filiales du groupe AGF déjà propriétaire de 5 %), EFC (Mme [N], déjà propriétaire de 5 %), [PG], une société de droit luxembourgeois détenue par M. [JA] [MD], ainsi que la société française Matinvest devenue la société Bibus, et les sociétés [ZR] Ventures Ltd et [F] Holdings Ltd, immatriculées respectivement à Jersey et dans les Iles Vierges britanniques.



Pour certains cessionnaires, cette acquisition a été faite à l'aide d'un prêt spécifique, dit'à recours limité', accordé par le Crédit lyonnais, qui prévoyait notamment qu'en cas de revente, la plus-value serait partagée à raison d'un tiers pour l'emprunteur et de deux tiers pour la banque.



Le même jour, une société de droit belge détenue par M. [MD], la Sogedim, a bénéficié de la part des acquéreurs d'une option d'achat de la totalité du capital d'Adidas au prix de 4.650 millions de francs valable jusqu'au 31 décembre 1994. L'option a été levée par M. [MD] le 22 décembre 1994 grâce à un prêt consenti par le Crédit lyonnais faisant bénéficier la banque d'une partie de la plus-value.



Enfin, lors de son introduction en bourse à la fin de l'année 1995, la société Adidas a été valorisée à 11 milliards de francs.



Parallèlement, le Crédit Lyonnais a dénoncé le protocole du 10 décembre 1992 et provoqué le placement en liquidation judiciaire de la société GBT.



Ces opérations sont à l'origine de multiples procédures judiciaires dans le cadre desquelles, après plusieurs décisions sanctionnant dans un premier temps l'attitude du Crédit Lyonnais, dont en particulier une sentence arbitrale du 7 juillet 2008 condamnant les sociétés CDR -anciennement SDBO- à réparer le préjudice matériel de GBT et le préjudice moral des époux [FW], et à rembourser les frais de liquidation, un arrêt du 17 février 2015 a rétracté la sentence arbitrale, avant que la Cour, sur de nouvelles conclusions des parties, par arrêt du 3 décembre 2015, n'ordonne le remboursement aux sociétés CDR des sommes versées en exécution du protocole annulé, cette décision étant devenue définitive le 18 mai 2017 suite au rejet du pourvoi formé à son encontre.



En octobre 2019, les époux [FW] et la société GBT, appelant en intervention à leurs côtés les administrateur et mandataire judiciaires de GBT, ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Matinvest, la société Allianz Banque venant aux droits de la Banque générale du Phenix, et la société Allianz France venant aux droits de Metropole (ci-après 'les sociétés Allianz), pour leur demander, en tant que parties prenantes à la première opération de rachat des parts du 12 février 1993, le paiement de dommages-intérêts à déterminer à dire d'expert, après un préalable consistant pour le tribunal à poser à la CJUE dix sept questions préjudicielles interrogeant la régularité de l'opération au regard du droit européen, notamment du droit de la concurrence.



Finalement liée, par l'effet de divers appels en cause, interventions et désistements, entre :

- les époux [FW], GBT, la société BDR et associés liquidateur de GBT, la Selafa MJA et la Selarl Axyme, co-liquidateurs judiciaires de [O] [FW], et un groupe d'associés minoritaires de la société [O] [FW] Finances -à savoir les consorts [M], [Z], [G], [X], [V], [EH], [PH] et [WN], d'une part,

- et Allianz Banque, Allianz France et Bibus -au lieu et place de Matinvest assignée par erreur-, d'autre part,

l'instance a donné lieu à un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 mai 2021, par lequel ce tribunal a :



- débouté les sociétés Allianz Banque, Allianz France et Bibus de leurs demandes d'irrecevabilité et de nullité de l'instance ;



- posé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), sur le fondement de l'article 267 TFUE, et dans le cadre de la procédure d'urgence, les questions préjudicielles suivantes:



1. « Les règles sur le contrôle des opérations de concentrations prévues aux Règlements 4064/89 et 139/2004 doivent-elles être interprétées en ce sens qu'une opération de concentration réalisée en violation des obligations de notification préalable et de suspension doit être qualifiée de concentration non notifiée, et le cas échéant, quelles sont les conséquences juridiques de l'absence de notification sur les actes juridiques ultérieurement posées sur le fondement de cette première concentration '; En particulier, la concentration non notifiée doit-elle être considérée « incompatible » au sens des Règlements 4064/89 et 139/2004'» ;



2. « L'article 3.5.a des Règlements 4064/89 et 139/2004 doit-il être interprété en ce sens que la détention, pendant plus d'un an et sans autorisation de la Commission, de participations par un établissement financier, de crédit ou une société d'assurance, donne lieu à une opération de concentration incompatible '» ;



3. « Quelles conséquences juridiques l'article 3.5.a des Règlements 4064/89 et 139/2004 associe-t'il à la violation de l'obligation de demande de prorogation, auprès de la Commission, du délai d'un an pour la détention de titres par des établissements de crédits, d'autres établissements financiers ou des sociétés d'assurances ' » ;



4. « Le respect du principe général de sécurité juridique doit-il être interprété en ce sens qu'il limite la remise en cause d'opérations illégales en vertu du droit européen, lorsque l'illégalité remonte à une date particulièrement éloignée et que des personnes physiques et morales ont fondé, sur la base de l'opération illégale, des droits subjectifs ' Le cas échéant, les violations constatées du droit européen ouvrent-elles droit à des actions indemnitaires contre les responsables des illégalités ' » ;



5. « La jurisprudence de la CJUE sur la responsabilité extracontractuelle des États-membres doit-elle être interprétée en ce sens que les violations du droit européen causées par un établissement financier constituant un démembrement de l'État, mettent à charge de cet État une obligation de compensation des victimes de l'illégalité, dans les conditions ordinaires prévues par le droit européen ' » ;



6. « L'article 108§3 TFUE doit-il être interprété en ce sens que, préalablement à l'arrêt Stardust Marine, un prêt à taux préférentiel de nature sélective débouchant sur un avantage par rapport aux conditions normales de marché pouvait être considéré comme organiquement issu de « ressources de l'État » du fait de son octroi par une entreprise publique, sans qu'il soit nécessaire de vérifier qu'il ait été fonctionnellement imputable à l'État '» ;



7. « L'obligation de coopération loyale des États membres prévue à l'article 4(3) TFUE ensemble avec l'effet utile et de l'effet direct de l'article 88, paragraphe 3, imposent-ils aux juges du fond de relever d'office et, le cas échéant, de déclarer illégale toute aide d'État non notifiée à la Commission ' » ;



8. « Quelles sont les conséquences juridiques qui découlent du défaut de notification d'une aide d'État à la Commission européenne en violation de l'article 108§3 TFUE notamment quant à la validité des opérations d'acquisition ayant pu être réalisées au moyen de ladite aide d'État ' » ;



9. « L'article 108§3 TFUE, doit-il être interprété en ce sens que constitue une aide d'État le fait, pour un organisme public de crédit, de mobiliser massivement son capital au bénéfice sélectif d'une autre banque ' » ;



10. « L'article 101 TFUE, tel qu'interprété par la CJUE dans sa jurisprence Allianz Hungaria, doit-il être lu en ce sens qu'il faut considérer qu'un accord conclu par un mandataire avec d'autres entreprises et qui entraîne violation d'une obligation légale constitue une restriction de concurrence par objet dès lors que le droit national français interdit à un mandataire de se porter acquéreur du bien qu'il est chargé de vendre et lui impose une obligation de loyauté ainsi qu'une obligation d'information vis-à-vis de son ou de ses mandants ' » ;



11. « Y-a-t-il violation de l'article 101 TFUE dès lors que des entreprises se sont mises d'accord pour acquérir une entreprise tierce à un prix significativement inférieur à sa valeur de marché, dès lors qu'une telle acquisition a supposé qu'une des entreprises à l'accord viole l'obligation de loyauté, l'obligation d'information ou encore l'interdiction de se porter acquéreur du bien qu'impose le droit national français à un mandataire ' » ;



12. « Y-a-t-il violation de l'article 101 TFUE dès lors qu'un accord entre entreprises a contribué à cacher des informations à la Commission européenne en relation avec les obligations (notamment de notification) incombant aux entreprises ou à certaines d'entre elles en matière de concentration ' » ;



13. « Y-a-t-il violation de l'article 101 TFUE dès lors qu'un accord entre entreprises a notamment eu pour objet ou pour effet qu'une aide d'État ne soit pas dûment notifiée à la Commission européenne ' » ;



14. « L'article 3 de la Directive 2014/104/UE doit-il être interprété en ce sens que la « réparation intégrale » qu'il prévoit équivaut, en l'espèce, à la valeur boursière actuelle d'ADdidas ' » ;



15. « En tenant compte de tous les faits pertinents de l'espèce, l'article 10 de la Directive 2014/104/UE « du Parlement Européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommage et intérêt en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne » ou le principe d'effectivité dont il est une manifestation doit-il être interprété en ce sens qu'il faille considérer que le droit à réparation du préjudice résultant des infractions aux articles 101 et 102 TFUE dénoncés par les parties demanderesses est ou non prescrit ' » ;



16. « Dès lors que cette Directive ne s'applique pas aux violations des dispositions de droit de l'Union en matière de concentration et d'aide d'État, quelles règles de droit européen y a-t-il lieu d'appliquer en matière d'éventuelle prescription du droit à réparation et comment doivent-elles être interprétées au regard des faits pertinents du cas d'espèce ' » ;



- débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes de questions préjudicielles ;



- sursis à statuer, avec réserve des frais et dépens, dans l'attente de la réception de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne.



Par assignation des 7, 8 , 9, 10, 11 et 17 juin 2021, les sociétés Allianz Banque et Allianz France ont fait appeler devant le premier président de cette Cour, selon la procédure accélérée au fond, [O] [FW], son épouse [L] [NS],la Snc GBT, la société BDR et Associés liquidateur de GBT, la Selafa MJA et la Selarl Axyme, co-liquidateurs judiciaires de [O] [FW], la SA Bibus et le groupe d'associés minoritaires, soit l'ensemble des parties présentes dans la procédure pendante devant le tribunal de commerce, aux fins de se voir autoriser, au visa de l'article 380 du code de procédure civile, à interjeter appel immédiat du jugement du 17 mai 2021, demandant qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.



Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 21/10295.



Par assignations des 16 et 17 juin 2021, la SA Bibus a fait délivrer assignation aux mêmes parties, et à Allianz Banque et Allianz France, aux mêmes fins d'obtenir une autorisation d'appel immédiat du jugement, demandant la condamnation "des parties défenderesses" aux entiers dépens et à lui payer, solidairement, la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Cette instance a été enrôlée sous le n° RG 21/10991.



Par ordonnance du 6 octobre 2021, le Premier président par délégation a :



Ordonné la jonction des deux instances inscrites au rôle de la cour sous les numéros de RG 21/10295 et 21/10991 ;



Reçu l'intervention volontaire de la Scp [HL] Partners, administrateur du redressement judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW] ;



Autorisé les sociétés Allianz Banque, Allianz France et Bibus à déférer immédiatement à la cour le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 mai 2021 ;



Dit que l'affaire sera examinée le 1er décembre 2021 à 14 h par le pôle 5 chambre 4 de la Cour , saisie et statuant comme en matière de procédure à jour fixe ;



Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclarations reçues au greffe les 3 et 4 novembre 2021, les sociétés Allianz Banque et Allianz France, et Bibus ont interjeté appel du jugement.



MM. [AI] [FW], [U] [C] [FW], Mmes [PF] et [ZP] [FW], ainsi que Mme [L] [NS] épouse [FW] ont été intimés en leur qualité d'ayant cause de [O] [FW] décédé le 3 octobre 2021.



A la suite du décès de M. [O] [FW], dirigeant des sociétés Groupe [O] [FW] et Financière Immobilière [O] [FW], le tribunal de commerce de Bobigny a, par ordonnance du 24 novembre 2021, désigné la société MJS Partners prise en la personne de Me [NR] en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Groupe [O] [FW] et Société Financière Immobilière [O] [FW] pour exercer les droits propres du dirigeant distincts des prérogatives conférées au liquidateur judiciaire des sociétés Groupe [O] [FW] et Financière Immobilière [O] [FW].



Par acte délivré le 13 janvier 2022, les sociétés Allianz Banque et Allianz France ont assigné en déclaration d'arrêt commun devant la cour d'appel de Paris, la société MJS Partners prise en la personne de Me [NR] en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Groupe [O] [FW].



Par jugement du 20 janvier 2022, le Tribunal de commerce de Bobigny a nommé co-mandataire liquidateur de GBT, la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [RV] [UY], aux côtés de la société BDR et Associés, prise en la personne de Maître [HK] [R].



Par acte délivré le 3 février 2022, les sociétés Allianz Banque et Allianz France ont assigné en intervention forcée la société la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [RV] [UY] en sa qualité de co-liquidateur de la société GBT.



Par jugement du 25 janvier 2022, Mme [L] [NS] épouse [FW], a été placée en liquidation judiciaire, il a été mis fin à la mission de la société [HL] Partners prise en la personne de Me [HL] en qualité d'administrateur, et il a été désigné la société Fides prise en la personne de Me [J] en qualité de liquidateur judiciaire.



Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 4 mars 2022, les sociétés Allianz Banque et Allianz France demandent à la Cour de :



Déclarer recevable la demande en intervention forcée d'Allianz Banque et d'Allianz France à l'encontre de la société BTSG, prise en la personne de Maître [RV] [UY], ès qualités de co-liquidateur judiciaire de GBT,



Infirmer le Jugement attaqué en ce qu'il a :



- débouté les sociétés Allianz Banque, Allianz France de leurs demandes d'irrecevabilité des actions des demandeurs ;

- transmis à la Cour de Justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 TFUE, et dans le cadre d'une procédure accélérée, les questions préjudicielles suivantes (...)

- sursis à statuer dans l'attente de la réception de l'arrêt de la CJUE ;

- frais et dépens réservés.



Statuant à nouveau



A titre principal, sur les moyens d'irrecevabilité :



- juger qu'en raison du dépôt de conclusions de rapport à justice de la société Fides, prise en la personne de Maître [O] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame [FW], celle-ci ne peut plus agir en réparation pour un préjudice matériel ;



- juger qu'en raison du dépôt de conclusions de rapport à justice des sociétés BDR et Associés, prise en la personne de Maître [HK] [R], et de la société BTSG, prise en la personne de Maître [RV] [UY], ès qualités de co-liquidateurs judiciaires de GBT, celle-ci ne peut plus agir en réparation pour un préjudice matériel ;



- juger que sont irrecevables en leurs actions Monsieur [O] [FW] et ses ayants-cause, Madame [FW], à titre personnel et la société GBT (ainsi que son mandataire ad hoc chargé d'exercer ses droits propres, la SELAS MJS Partners prise en la personne de maître [FX] [NR]) en ce qu'ils se prévalent de leurs droits propres.



-juger que sont irrecevables en leurs actions: Monsieur [FW] et ses ayants-cause, Madame [FW], à titre personnel, la société GBT (et son mandataire ad hoc chargé d'exercer ses droits propres, la société MJS Partners) ; la SELAFA MJA et la SELARL Axyme, prises en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de Monsieur [O] [FW] ; BDR et Associés, en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Groupe [O] [FW] ; la SCP BTSG prise en la personne de Maître [RV] [UY] en qualité de co- liquidateur judiciaire de la société GBT, et les " Consorts [Z] " :



o en ce que le préjudice invoqué n'est que le corollaire du préjudice de BTF SA ;



o en ce que les demandes en dommages-intérêts sont prescrites ;



- juger que sont irrecevables en leurs actions Monsieur et Madame [FW] et la société GBT (et son mandataire ad hoc chargé d'exercer ses droits propres), Axyme et MJA, et BDR et Associés et BTSG et les ayants-cause de Monsieur [FW] en raison des renonciations à agir stipulées par le Compromis d'arbitrage du 16 novembre 2007,



A titre subsidiaire, sur la défense au fond tirée du défaut de lien de causalité, et en vertu de l'évocation, rejeter les demandes en dommages-intérêts en raison d'une absence de lien de causalité entre le préjudice invoqué et les fautes alléguées à l'encontre d'Allianz Banque et d'Allianz France ;



A titre plus subsidiaire, sur la défense au fond tirée de l'absence de fautes d'Allianz Banque et d'Allianz France, et en vertu de l'évocation, rejeter les demandes en dommages-intérêts en raison de l'absence de toutes fautes d'Allianz Banque et d'Allianz France ;



En tout état de cause, sur la transmission des questions préjudicielles :



- rejeter la demande de transmission des questions préjudicielles ;

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a refusé de transmettre la question préjudicielle relative à l'article 102 TFUE ;

- faire injonction au tribunal de commerce de Paris d'avoir, dans les huit jours de la notification de l'arrêt infirmatif, de transmettre à la CJUE cet arrêt et à notifier, en conséquence à la CJUE, le retrait intégral de sa transmission des seize questions préjudicielles, par le jugement infirmé ;



Sur la demande reconventionnelle d'Allianz Banque et Allianz France, en vertu de l'évocation :



- condamner in solidum au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive à 100.000 euros au bénéfice d'Allianz Banque et à 100.000 euros au bénéfice d'Allianz France (soit au total 200.000 euros) :

o Madame [FW], en son nom personnel ;

o la Société GBT ; prise en la personne de son mandataire ad hoc chargé d'exercer ses droits propres et de ses co-liquidateurs judiciaires ;

o la SELAS MJS Partners ; prise en la personne de Maître [NR], ès qualités de mandataire ad hoc de GBT chargé d'exercer ses droits propres ;

o la Société BDR et Associés, prise en la personne de Maître [HK] [R], en qualité de co-liquidateur judiciaire de la société Groupe [O] [FW] ;

o la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [W] [UZ], en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW], et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion ;

o la SELARL Axyme prise en la personne de Maître [K] [E] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW], et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



- condamner in solidum au titre de l'article 700 code de procédure civile à 150.000 euros au bénéfice d'Allianz Banque et à 150.000 euros au bénéfice d'Allianz France (soit au total 300.000 euros) :

o Madame [FW], en son nom personnel ;

o la Société GBT ; prise en la personne de son mandataire ad hoc chargé d'exercer ses droits propres et de ses co-liquidateurs judiciaires ;

o la SELAS MJS Partners ; prise en la personne de Maître [NR], ès qualités de mandataire ad hoc de GBT chargé d'exercer ses droits propres ;

o la Société BDR et Associés, prise en la personne de Maître [HK] [R], en qualité de co-liquidateur judiciaire de la société Groupe [O] [FW] ;

o la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [W] [UZ], en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW], et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion ;

o la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [K] [E], en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW], et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion.



- condamner les mêmes intimés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées les 1er et 2 mars 2022, la société Bibus demande à la Cour de :



Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 17 mai 2021 en ce qu'il a :



- débouté la société Bibus de ses moyens visant à juger irrecevable l'action des demandeurs,



-transmis a la Cour de Justice de l'Union européenne seize questions préjudicielles mentionnées dans le dispositif du jugement. (')



Statuant à nouveau :



-A titre principal,

Déclarer irrecevables en leur action Monsieur [O] [FW], Madame [L] [NS], la société Groupe [O] [FW], la société BDR & Associés ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe [O] [FW], les sociétés MJA et Axyme ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, Monsieur [B] [M], Monsieur [T] [Z], Monsieur [RW] [G], Monsieur [I] [X], Monsieur [IZ] [V], Monsieur [BE] [EH], Madame [D] [PH], Madame [WM] [WN], les ayants cause de Monsieur [O] [FW],



Alternativement en raison de la prescription de leur action ou de leur absence d'intérêt à agir,



-A titre subsidiaire,

De par la faculté d'évocation de la Cour, dire et juger que les intimés ne démontrent pas que la société Bibus ait engagé sa responsabilité à leur égard,



En conséquence, rejeter toute demande de dommages et intérêts à son encontre,



-En toute hypothèse,

Condamner solidairement Madame [L] [NS] en son nom personnel, la société Groupe [O] [FW], la société BDR & Associés ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe [O] [FW], les sociétés MJA et Axyme ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, Monsieur [B] [M], Monsieur [T] [Z], Monsieur [RW] [G], Monsieur [I] [X], Monsieur [IZ] [V], Monsieur [BE] [EH], Madame [D] [PH], Madame [WM] [WN] à payer 30.000 euros à la société Bibus au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens,



Et débouter toutes parties de toutes demandes contraires ou présentes.



Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 22 février 2022, Mme [L] [NS] épouse [FW], agissant à titre personnel et au titre de ses droits propres, demande à la Cour de :



À titre principal :



Débouter Allianz Banque, Allianz France et Bibus de l'intégralité de leurs demandes fins et prétentions ;



Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 mai 2021, en ce qu'il a :

-débouté les sociétés Allianz Banque, Allianz France et Bibus de leur demande d'irrecevabilité et de nullité de l'instance,

-transmis à la Cour de Justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du TFUE, les seize questions préjudicielles (...),



À titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement en ce qu'il a transmis à la cour de justice de l 'union européenne seize questions préjudicielles :

- Juger qu'il n'est pas de bonne justice de donner immédiatement à l'affaire une solution définitive ;

- Rejeter la demande d'évocation de la présente instance ;

- Renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris ;



À titre infiniment subsidiaire, si la cour devait évoquer la présente affaire au fond par application de l 'article 568 du code de procédure civile :



- Inviter les parties à conclure au fond ;



En tout état de cause :

- Condamner Allianz Banque, Allianz France et Bibus au paiement à la Madame [L] [NS] de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 25 février 2022, la société Fides intervenante volontaire, agissant en la personne de Me [J] en qualité de liquidateur judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW], et la société [HL] Partners, prise en la personne de Me [HL] en qualité d'administrateur judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW], demande à la Cour de :



Vu les articles 327 à 330, 369 alinéa 4, 373 alinéa 1 et 554 du code de procédure civile,

Vu les pièces invoquées aux présentes conclusions,



Déclarer hors de la cause la SELARL [HL] Partners, prise en la personne de Maître [A] [HL], agissant ès-qualités d'administrateur judiciaire de Madame [L] [NS] épouse [FW],



Donner acte à la SELARL FIDES, prise en la personne de Maître [O] [J], agissant ès-qualités de liquidateur de Madame [L] [NS] épouse [FW], désignée à cette fonction par jugement d'ouverture rendu le 25 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Paris, de son intervention volontaire à la présente instance,



Par conséquent,

La déclarer recevable et bien fondée,



Y faisant droit,



Donner acte à la SELARL FIDES, prise en la personne de Maître [O] [J], agissant ès-qualités de liquidateur de Madame [L] [NS] épouse [FW], de ce qu'elle s'en rapporte au fond à justice.



Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 1er mars 2022, la société MJS Partners prise en la personne de Me [NR] en sa qualité de Mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW] (GBT), demande à la Cour de :



Vu l'article 380 du Code de procédure civile,

Vu les articles 3.5 a., 4.1, 7.1, 7.4 et 14.2 (a) du règlement CE 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises modifiant le règlement CE 4064/89,

Vu les articles 101.1, 107.1 et 108.3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Vu les articles 2, 3 et 4 du Règlement (CE) 659/1999,

Vu la directive 2014/104 et l'ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles,



À titre principal :



Débouter Allianz Banque, Allianz France et Bibus de l'intégralité de leurs demandes fins et prétentions ;



Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 mai 2021, en ce qu'il a :

- débouté les sociétés Allianz Banque, Allianz France et Bibus de leur demande d'irrecevabilité et de nullité de l'instance,

- transmis à la Cour de Justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du TFUE, les seize questions préjudicielles ('),



À titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement en ce qu'il a transmis à la cour de justice de l'union européenne seize questions préjudicielles :

- Juger qu'il n'est pas de bonne justice de donner immédiatement à l'affaire une solution définitive ;

- Rejeter la demande d'évocation de la présente instance ;

- Renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris ;



À titre infiniment subsidiaire, si la cour devait évoquer la présente affaire au fond par application de l'article 568 du code de procédure civile :



- Inviter les parties à conclure au fond ;



En tout état de cause :



- Condamner Allianz Banque, Allianz France et Bibus au paiement à la société Groupe [O] [FW] de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 28 février 2022, la société BDR&Associés prise en la personne de Me [R] et la société BTSG prise en la personne de Me [UY], désignés en qualité de co-liquidateurs de la société Groupe [O] [FW] ( GBT), demandent à la Cour de :



Donner acte aux concluants, ès-qualités de liquidateurs judiciaires de la SNC GBT de ce qu'ils s'en rapportent à justice ;



Condamner les appelantes aux dépens dont distraction au profit de Maître Eric Allerit, membre de la SELARL Taze-Bernard-Allerit, avocat aux offres de droits, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 1er décembre 2022, la société MJA prise en la personne de Me [UZ] et la société Axyme prise en la personne de Me [E], co-liquidateurs judiciaires à la liquidation judiciaire de [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, demandent à la Cour de :



Déclarer les appelantes principales ou incidentes mal fondées en leur appel, les en Débouter ;



Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 17 mai 2021 en toutes ses dispositions ;



Condamner les sociétés appelantes chacune, à payer la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux concluantes ;



Les condamner en tous les dépens.



Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 1er mars 2022, MM. [M], [Z], [G], [X], [V], [EH] et Mmes [PH] et [WN], demandent à la Cour de :



Vu l'article 380 du Code de procédure civile,

Vu les articles 3.5 a., 4.1, 7.1, 7.4 et 14.2 (a) du règlement CE 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises modifiant le règlement CE 4064/89,

Vu les articles 101.1, 107.1 et 108.3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Vu les articles 2, 3 et 4 du Règlement (CE) 659/1999,

Vu la directive 2014/104 et l'ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles,



À titre principal :



Débouter Allianz Banque, Allianz France et Bibus de l'intégralité de leurs demandes fins et prétentions ;



Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 mai 2021, en ce qu'il a :

- Débouté les sociétés Allianz Banque, Allianz France et Bibus de leur demande d'irrecevabilité et de nullité de l'instance,

- Transmis à la Cour de Justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du TFUE, les seize questions préjudicielles (')



À titre subsidiaire, si la Cour devait infirmer le jugement en ce qu'il a transmis à la Cour de Justice de l'Union européenne seize questions préjudicielles :

- Juger qu'il n'est pas de bonne justice de donner immédiatement à l'affaire une solution définitive ;

- Rejeter la demande d'évocation de la présente instance ;

- Renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris ;



À titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait évoquer la présente affaire au fond par application de l'article 568 du Code de procédure civile :



- Inviter les parties à conclure au fond ;



En tout état de cause :



- Condamner Allianz Banque, Allianz France et Bibus au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.





M. [AI] [FW], Mme [PF] [FW], MM. [U], [C] [FW] et Mme [ZP] [FW], en leur qualité d'ayant cause de leur père [O] [FW] décédé le 3 octobre 2021, bien que régulièrement assignés par actes d'huissier des 8 et 15 novembre 2021, n'ont pas constitué avocat.



Mme [L] [NS] épouse [FW] n'intervient pas en qualité d'ayant cause de feu [O] [FW].



Le 14 février 2022, le procureur général a formulé son avis à l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2021, subsidiairement de déclarer prescrites les demandes.



***



2-Sur les moyens à l'appui de l'action de la société GBT et mandataire ad hoc, Mme [L] [FW] à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-mandataires judiciaires à la liquidation de M. [FW] et les actionnaires minoritaires de la société BTF ('ci-après les demandeurs à l'action')



Par actes des 2 octobre 2019, 17 octobre 2019, 3 juin 2020, 16 juin 2020, 3 novembre 2020, la société GBT, Mme [L] [NS] épouse [FW] et M. [FW], ainsi que les actionnaires minoritaires de la société BTF, ont introduit devant le tribunal de commerce une action en responsabilité civile pour obtenir paiement de dommages-intérêts à l'encontre des sociétés Allianz et Bibus.



Les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-mandataires judiciaires à la liquidation de [O] [FW] sont intervenues volontairement et se sont associées aux demandes formées par M et Mme [FW] et la société GBT.



Au soutien de leurs demandes, il est invoqué des manquements au droit de la concurrence susceptible de leur causer un dommage dont ils demandent réparation, tout en sollicitant préalablement de transmettre diverses questions préjudicielles à la CJUE.



Il est reproché aux sociétés appelantes des manquements tirés du droit des concentrations, des manquements tirés du droit des aides d'Etat et des manquements tirés du droit des ententes.



Sur les manquements tirés du droit des concentrations :



Il est soutenu que :

- l'acquisition des parts d'Adidas International Holding GmbH (AIH GmbH) intervenue en février 1993 constituait une concentration par l'acquisition du contrôle de cette société par le Crédit Lyonnais et in fine par l'Etat, via les différents acquéreurs de parts, dont l'Etat était l'actionnaire majoritaire, à savoir d'une part le Crédit Lyonnais et les entités sous son contrôle et, d'autre part, les AGF et Worms.

- [F], [ZR] et [PG], acquéreurs de parts, étaient dépourvus d'autonomie à l'égard du Crédit Lyonnais et de Clinvest en raison de certaines des clauses des prêts à recours limité qui leur avaient été consentis par le Crédit Lyonnais,

- les sociétés Allianz ont participé aux prêts à recours limité du Crédit Lyonnais, notamment à celui qui a été consenti à Citistar (fonds [ZR]),

- [ZR], [H] et [PG] prenaient toutes les instructions de la société Clinvest ou de la Banque du Phénix et que les fonds d'investissements Coatbrige et [ZR] dépendaient directement de Clinvest et des AGF,

- la société Matinvest (Bibus) a bénéficié d'un prêt à recours limité et de toutes les garanties consenties par le Crédit Lyonnais à chacun des acquéreurs officiels et qu'elle était parfaitement placée pour savoir que chacun des actionnaires intervenant dans le processus n'avait aucune autonomie réelle de décision et que seuls Clinvest et le Crédit Lyonnais détenaient le contrôle.



Il en est déduit que jusqu'à la levée de l'option d'achat le 22 décembre 1994 par Sogedim, le groupe Crédit Lyonnais contrôlait les actifs d'Adidas, et que cette situation devait conduire le Crédit Lyonnais et les appelantes à accomplir les formalités de notification auprès de la Commission européenne, dès lors que le groupe Crédit Lyonnais et la société Adidas dépassaient les seuils de chiffre d'affaires prévus par le Règlement 4064/89. Il est en outre relevé que pour échapper à l'obligation de notification, les entreprises concernées auraient pu se prévaloir de l'article 3.5 a du Règlement 4064/89 'banking clause', qui écarte la qualification de concentration pour certaines opérations transitoires de transaction et de négociation de titres réalisées par des établissements de crédits, financiers ou sociétés d'assurance, mais à condition de bénéficier d'une prorogation du délai d'un an. Or, il est soutenu que la réalisation des participations étant intervenue 2 ans et 6 jours après l'octroi du mandat de vente par BTF à SDBO, et 1 an 10 mois et 10 jours après l'acquisition d'Adidas par les sociétés de portage satellites du groupe Crédit Lyonnais, ce dernier (voire les appelantes) était tenu :

- soit de demander formellement l'autorisation de la Commission de proroger le délai d'un an prévu par le Règlement pour bénéficier de la 'banking clause' ;

- soit de notifier une opération de concentration avec Adidas, au motif que le portage des actions de BTF était devenu durable, et que le groupe Crédit Lyonnais était devenu propriétaire d'Adidas.



Il est constaté que ni l'une, ni l'autre des formalités n'ayant été accomplie -le Journal officiel de l'UE ne faisant état d'aucune décision de la Commission, ni sur l'opération de concentration ni sur le jeu de la 'banking clause', le Crédit Lyonnais, à l'instar des appelantes, a violé les obligations prescrites par le Règlement.



Dans ces circonstances, il est prétendu que par un courrier du 10 février 1993 adressé par le cabinet [EI] [KO] au nom des sociétés Metropole, Banque Phénix filiales d'AGF et la société Matinvest filiale de la Banque Worms, la Commission européenne a été trompée par une présentation mensongère de l'opération au regard de la situation réelle des parties prenantes à l'égard de l'Etat pour obtenir une 'dérogation' à l'obligation de notification.



Sur cette base d'éléments, il est relevé que les Règlements 4064/89 et 139/2004 n'indiquent pas clairement les conséquences liées à la réalisation d'une opération de concentration non notifiée, sauf la possibilité par la Commission d'infliger des amendes en vertu de l'article 4. Il est toutefois soutenu qu'une concentration non notifiée devrait nécessairement être annulée rétroactivement, et que le droit européen impose à tout juge national une obligation de coopération loyale (CJUE C-2/88 Zwartveld) lui commandant d'assurer la pleine effectivité des règles européennes de concurrence (CJUE C-453/99 Courage et C-360/09 Pfeiderer). En conséquence, il est soutenu qu' il appartient aux juges du fond, saisis d'un différend découlant de la réalisation d'opérations de concentrations communautaires, de vérifier au préalable si les formalités substantielles de notification obligatoire ont été accomplies avant de donner effet aux actes juridiques qui se greffent sur la réalisation d'une concentration, ceci étant d'autant plus impérieux que le pouvoir de sanction de la Commission serait prescrit (article 14).



D'où la nécessité selon les intimées, préalablement, de poser les questions n°1 à 5 à la CJUE.



Sur les manquements tirés du droit des aides d'Etat



Il est soutenu que :

- il y a eu une 'double' aide de la part du Crédit Lyonnais répondant aux critères d'aide d'Etat de l'article 107 TFUE : d'une part au bénéfice sélectif de M. [JA] [MD]/[PG]/Sogedim et, d'autre part, au bénéfice sélectif d'une autre banque (sa filiale SDBO), puisque c'est à la SDBO que ces fonds ont été octroyés ;

- la société Bibus ( anciennement Matinvest) est également bénéficiaire d'une double aide d'Etat par le prêt à des conditions favorables du Crédit Lyonnais, via SDBO (pour 100 % du prix d'achat) ; il est fait valoir à cet égard que la fiche de dénouement démontre qu'elle a conservé une partie du profit suite à la vente à [JA] [MD] ; elle a payé le Crédit Lyonnais conformément à la convention de prêt à recours limité à plus de 70% de la plus-value, et a gardé la différence ; le prêt au taux de 0,5% est bien une aide d'Etat (à l'époque les taux étaient à 9%) ;

- la société Bibus a également bénéficié d'un avantage indirect découlant des financements octroyés par la SDBO et le Crédit Lyonnais à [JA] [MD]/[PG]/Sogedim afin d'acheter les parts d'Adidas au moyen de 4,65 millards de francs, octroyés à des conditions avantageuses (qui ressortent d'une comparaison avec les conditions désavantageuses imposées à M. [FW] pour le remboursement de l'emprunt contracté auprès de la SDBO);

- Allianz Banque (ancienne Banque du Phenix) et Allianz France ( anciennement Metropole) sont elles aussi bénéficiaires de cette seconde aide, puisque c'est cette aide qui a permis à [JA] [MD]/[PG]/Sogedim de racheter leur participation et ainsi de les rémunérer pour leur 'portage'.



Il en est déduit que ces aides d'Etat sélectives n'ayant pas été notifiées à la Commission en vertu de l'article 108 TFUE ( et des articles 2,3 et 4 du Règlement CE 659/1999 du Conseil), elles sont ipso jure illégales, comme étant une formalité substantielle. Il est prétendu que les sociétés Allianz et Bibus sont co-auteurs de ce manquement de non-notification d'une aide d'Etat, sachant que c'est la déclaration conjointe des acquéreurs affirmant qu'il n'y avait aucun lien entre les acquéreurs détenus indirectement par l'Etat et les autres acquéreurs qui a conduit la Commission à accepter la dérogation. Il est ajouté que les sociétés Bibus et Allianz ont délibérément menti puisqu'elles avaient connaissance des promesses de vente, des conventions de prêts à recours limités, des garanties délivrées par Clinvest et le Crédit Lyonnais, et connaissaient d'autant plus le contrôle par ces derniers que toute l'opération leur a été apportée clef en main par le Crédit Lyonnais qui revendiquait la direction de toutes les opérations, l'aide d'Etat susmentionnée étant un élément clé de ce montage global.



Selon les intimés, indépendamment de la question de savoir à qui incombe la notification, l'aide non notifiée est illégale, ce qui interdit à toute juridiction d'y donner effet d'une manière ou d'une autre, sauf à violer les principes généraux de primauté du droit européen et de coopération loyale.



Aussi, ils estiment que tout juge confronté à cette problématique doit acter l'absence de vérification par les juges du fond jusqu'à ce jour au regard de l'article 107§3 TFUE et, le cas échéant, interroger la CJUE sur l'intensité du contrôle juridictionnel attendu de lui-même en matière d'aide d'Etat, sachant que les juges du fond sont astreints à (i) une obligation d'assistance de la Commission en matière de constatation et de récupération des aides d'Etat illégales, mais aussi au respect de (ii) l'effet direct et de l'effet utile de l'article 108(3) TFUE.



D'où la nécessité selon les intimées de poser, préalablement à la CJUE, les questions 6 à 9, prémisses indispensables de la question n°14.



Sur les manquements tirés du droit des ententes



Il est soutenu qu'une entente illicite résulte d'un accord entre le Crédit Lyonnais, SDBO, Clinvest et [PG]/Sogedim et les défenderesses en vue (i) de faire manquer le mandataire SDBO à ses obligations (ii) d'imposer à BTF SA un prix de cession très inférieur au véritable prix du marché et (iii) soustraire l'opération de notification au titre du contrôle des concentrations et au titre des aides d'Etat.



Il est prétendu que l'entente se matérialise par les éléments suivants :

- les courriers de Maître [EI] à la Commission constituent une modalité de la mise en oeuvre de l'entente illicite telle que stipulée dans l'acte de cession, à savoir qu'on ne s'adresserait qu'à l'autorité de concurrence allemande 'Bundeskartellamt', ces courriers étant également imputables aux appelantes,

- la détention morcellée des actions Adidas entre de multiples acquéreurs avait notamment pour but d'éviter le contrôle des régulateurs, tout d'abord de l'autorité de la concurrence allemande et a fortiori de la Commission européenne,

- plusieurs parties prenantes, dont les appelantes, ayant bénéficié par la conjonction de conventions parallèles et identiques, d'aides d'Etat de manière coordonnée en s'abstenant de veiller à ce que ces aides (et donc l'aide globale) soient dûment notifiées, il y a accord ou à tout le moins pratique concertée au sens de l'article 101 TFUE présentant un objet anticoncurrentiel à savoir la violation des règles d'ordre public applicables en matière de notification d'aide d'Etat,

- il s'agit d'une restriction par objet dès lors que la concurrence relève de l'ordre public et que sa violation est manifeste et grave : la violation par les parties à l'accord de l'obligation de loyauté et d'information à l'égard du mandant et de l'interdiction faite au mandataire de se porter acquéreur est assimilable à la violation de l'obligation d'indépendance qualifiée de restriction par objet par la CJUE (CJUE arrêt du 13 mars 2013 -C-32/11 - Alliance Hungaria, points 46 et 47),

- ces coordinations exclusives ont porté préjudice au bien être des clients finaux de l'organisme de crédit, à savoir les actionnaires de BTF SA, soit les époux [FW] et les 'petits actionnaires',



D'où la nécessité pour les intimés de transmettre préalablement à la CJUE, les questions n°10 à 13.



Sur les dommages allégués



Mme [L] [NS], la société MJS Partners mandataire ad'hoc de la société GBT, et les actionnaires minoritaires de la société BTF font préalablement valoir que leur droit à indemnité pour violation du droit européen est un principe général du droit européen établi par la CJUE dans les arrêts Francovich et Brasserie du pêcheur. Il s'applique intégralement en droit de la concurrence et intemporellement, puisqu'il tire son origine même des Traités. La directive 2014/104 n'est pas créatrice d'un droit à indemnité en vertu du droit de la concurrence. La directive a au contraire été adoptée pour faciliter la mise en oeuvre du droit à réparation que les victimes de violations du droit de la concurrence retirent des Traités. Des actions étaient d'ailleurs introduites, et poursuivies, avant l'entrée en vigueur de la directive 2014/104, c'est pour faciliter cette pratique que la directive fut adoptée.



Ils estiment qu'en l'état actuel de la jurisprudence, il y a lieu de considérer que le dommage subi par les intimés est à tout le moins égal à la valeur boursière actuelle d'Adidas.



Plus précisément, Mme [FW] et le mandataire ad hoc de la liquidation judiciaire de [O] [FW], ne sollicitent pas l'indemnisation de la perte éprouvée par la société BTF en qualité de partie à la convention du 16 décembre 1992 mais la réparation d'un préjudice propre, fut-il simplement moral.



D'où la nécessité selon les intimés de poser préalablement les questions n° 14 à 16.



D'une manière plus générale, les intimés soutiennent qu'il importe de poser l'ensemble des questions à la CJUE pour déterminer, d'une part quelles sont les violations du droit de la concurrence et donc des fautes commises en l'espèce, et d'autre part pour déterminer quel dommage en résulte (lien de causalité) en application du principe général de réparation intégrale.



Il est soutenu qu'à ce stade de la procédure, il n'est pas possible de savoir si ce dommage et sa réparation équivaudront à la valeur boursière actuelle d'Adidas, à un simple euro symbolique pour dommage moral ou à toute autre valeur intermédiaire.



Les sociétés MJA prise en la personne de Me [UZ] et Axyme prise en la personne de Me [E], agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires à la liquidation judiciaire de M. [O] [FW], soutiennent également à l'appui de leur action en responsabilité civile et indemnisation que les conditions dans lesquelles l'acquisition des titres de BTF GmbH est intervenue, et le portage mis en place par le Crédit Lyonnais contreviennent aux dispositions européennes sur la concurrence, en ce qu'elles ont constitué une violation des règles de notification des opérations de concentration économique et des aides d'Etat.



Elles en déduisent que si les conditions d'acquisition sont irrégulières, elles emportent la nullité de l'achat par les acquéreurs des titres Adidas, et que les conséquences pour la procédure collective, sous patrimoine commun, de M. [O] [FW], d'Act et de BT Gestion sont considérables, et permettraient le paiement non seulement de tout le passif, mais aussi des indemnités réclamées par les CDR ensuite de l'annulation des sentences arbitrales.



3-Sur les moyens d'irrecevabilité soulevés par les sociétés Allianz Banque et Allianz France et Bibus



Les sociétés Allianz soutiennent que sont irrecevables en leurs demandes : les ayants-cause de M. [FW], Mme [FW] à titre personnel, la société GBT et son mandataire ad hoc la société MJS chargée d'exercer les droits propres, les sociétés MJA et Axyme prises en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de M. [O] [FW], les sociétés BDR Associés et BTSG en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société GBT, et les 'consorts [Z]' en ce que :

- les demandes de dommages-intérêts ne reposent sur aucun préjudice relevant de droits propres ou ne sont que le corollaire du préjudice de la société BTF,

- les demandes de dommages-intérêts sont prescrites,

- des renonciations à agir ont été stipulées par le compromis d'arbitrage du 16 novembre 2017.



La société Bibus soutient d'une part que l'action des demandeurs est prescrite et d'autre part qu'ils ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui de la société dont ils étaient actionnaires.



Sur la prescription des actions en responsabilité civile engagée par la société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société GBT pour exercer les droits propres du dirigeant distincts des prérogatives conférées au liquidateur judiciaire de la société GBT, Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel et au titre de ses droits propres, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW], et les actionnaires minoritaires de la société BTF, à l'encontre des sociétés Allianz et de la société Bibus :





Les sociétés Allianz et la société Bibus soutiennent à l'appui de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée à leur encontre des moyens et arguments similaires, à savoir que :

- cette action est une action en responsabilité civile devant un tribunal judiciaire et que les prétendues infractions au droit de la concurrence sont traitées comme des fautes civiles. Il s'en déduit qu'il y a lieu d'appliquer les règles de prescription concernant les actions en responsabilité civile extra-contractuelle à savoir l'article 2270-1 du code civile applicable de 1986 à 2008, et non celles concernant la poursuite de ces infractions devant les Autorités de la concurrence ;

-l'article 25 du règlement n°1/2003 appliqué par le tribunal de commerce ne concerne que le pouvoir de sanction de la Commission en matière de concurrence ;

-les demandeurs à l'action en responsabilité allèguent avoir subi un préjudice à la suite de la cession de leur participation dans la société Adidas le 12 février 1993, puis de la valorisation retenue lors de la revente de 1994 puis de l'introduction en bourse de la société Adidas en octobre 1995, en sorte qu'ils ont connu tous les éléments de faits et de droit leur permettant d'agir en novembre 1995, à savoir : les prêts à recours limité consentis par le Crédit Lyonnais, le dépassement des seuils communautaires et l'absence de publication au J.O de l'UE d'une notification et décision de la Commission ;

- le courrier de Maître [EI] [KO] de février 1993 transmis par la Commission européenne le 2 avril 2019 n'était pas utile pour agir, dès lors que les questions préjudicielles ont déjà été posées à la Cour de cassation en 2017;

- le point de départ de la prescription décennale prévue par l'article 2270-1 était en octobre ou novembre 1995, et que l'action était prescrite au plus tard en novembre 2005;

-la prescription des faits ayant été acquise en 2005, la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'est pas applicable. Il en est de même pour la directive dommage qui ne s'applique pas rétroactivement (article 22) ainsi que pour l'article L.482-1 du code de commerce, issue de l'ordonnance de transposition n°2017-303 relative aux actions en dommages-intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles entrée en vigueur le 11 mars 2017 qui allonge le délai de prescription de l'action en responsabilité civile et ne peut s'appliquer pour une action prescrite avant son entrée en vigueur en vertu de l'article 2222 du code civil ;

-même si l'article L482-1 devait s'appliquer et à supposer qu'une entente ait eu lieu, les pratiques anti-concurrentielles alléguées seraient instantanées, à savoir une entente sur le prix ou sur l'absence de notification des prétendues aides d'Etat ou concentration ou encore la violation des obligations du mandataire, en sorte que les effets se seraient cristallisés à la date de cession litigieuse des parts d'AIH Gmbh le 12 février 1993;

- ces règles ne remettent pas en cause le principe d'effectivité du droit de l'Union tel que dégagé par l'arrêt C-637/17 Cogeco rendu par la CJUE le 28 mars 2019 et que les demandeurs à l'action en responsabilité civile connaissaient depuis les premières procédures intentées en 1996, les faits et actes qu'ils imputent aux cessionnaires de 1993 et du dommage allégué qui consiste en réalité en la perte d'une chance de vendre des droits à un prix supérieur à celui auquel ils ont été vendus ;

- les questions préjudicielles n°15 et 16 concernant la prescription sont inutiles, le tribunal était à même de juger par lui-même que ces actions étaient prescrites et relèvent davantage d'une consultation que d'une demande d'interprétation d'un texte du droit de l'Union.





Mme [NS] et la société MJS partners, prise en la personne de Me [NR] en qualité de mandataire ad hoc de la société GBT concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et font valoir que:



- comme l'a relevé le tribunal, dès lors que le coeur du litige est l'exercice d'un droit tiré du droit européen de la concurrence - à savoir le droit à réparation intégrale du dommage résultant d'infraction au droit de la concurrence- le délai de prescription relève du droit européen, en sorte qu'il appartient à la CJUE de dire si l'action est prescrite et que la transmission des questions n°15 et 16 est nécessaire ;

- pour les infractions aux articles 101 et 102 TFUE, les articles 10.2 de la directive 2014/104 et L.482-1 du code de commerce s'appliquent dès lors que les infractions dénoncées sont continues et que les faits générateurs du dommage sont toujours en cours, ou bien que ces infractions étaient instantanées mais continuent à produire des effets durables dans le temps ;

- à supposer même que la directive ne soit pas applicable rationae temporis, il n'en demeure pas moins que l'article 10.2 de cette directive ne fait que concrétiser le principe général d'effectivité du droit de l'Union, principe qui imposait déjà, même avant son entrée en vigueur, que les règles de droit national en matière de prescription ne portent pas atteinte à la substance du droit à réparation que les intimées tirent directement du droit européen, tel est le sens de l'arrêt Cogeco,

- si le cabinet [EI] a transmis les informations au cabinet [Y] des sociétés [FW] , il lui a uniquement fait part de la présentation officielle du dossier et non du véritable montage mis en place ; à la date de découverte des scellés du dossier pénal [FW], le délai de prescription n'avait pas commencé à courir, la fraude perdurant ;

- en ce qui concerne le défaut de notification 'concentration' et 'aide d'Etat', d'une part la directive 2014/104 ne s'applique pas à la réparation de dommages causés par de tels défauts de notification et, d'autre part, il s'agit d'infractions continues, d'autant plus que les appelantes ne se sont pas contentées de s'abstenir de notifier mais ont en outre accompli des actes visant à tromper la vigilance de la Commission européenne ;

- d'une manière générale, concernant toutes les violations invoquées, en droit de la concurrence, la prescription commence à courir à compter de la fin du comportement ;

- même si l'article 25§2 du règlement 1/2003 n'est pas directement applicable en cas d'action devant le juge national, cette disposition illustre le principe d'effectivité qui lie le juge national et c'est à ce titre que le tribunal de commerce à évoqué cet article ;

- en application du principe d'effectivité, la jurisprudence retient que le délai de prescription d'une action en indemnisation pour infraction au droit de la concurrence ne court qu'à partir d'une décision de justice définitive constatant l'infraction au droit de la concurrence, en considérant qu'auparavant la victime n'a que des soupçons qui ne font pas débuter le délai de prescription ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse de l'application de l'article 2270-1 du code civil dans sa version applicable au litige, le dommage des intimés s'est en l'espèce aggravé très significativement au cours des 10 dernières années.



Les sociétés MJA prise en la personne de Me [UZ] et Axyme prise en la personne de [K] [E] agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires à la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT gestion, font valoir que les conditions dans lesquelles l'acquisition des titres de BTF GmbH est intervenue, et le portage mis en place par le Crédit Lyonnais contreviennent aux dispositions européennes sur la concurrence, en ce qu'elles ont constitué une violation des règles de notification de opérations de concentration économique et des aides d'Etat. Elles soutiennent que si les conditions d'acquisition sont irrégulières, elles emportent la nullité de l'achat par les acquéreurs des titres d'Adidas, et les conséquences pour la procédure collective, sous patrimoine commun, de M. [O] [FW], ACT et BT Gestion sont considérables, et permettraient le paiement non seulement de tout le passif, mais aussi des indemnités réclamées par les CDR ensuite de l'annulation de sentences arbitrales.



Elles prétendent que la jurisprudence de la CJUE (28 mars 2019 arrêt Cogeco précité) exclut l'application de la législation nationale si celle-ci a pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à réparation. Or elles soutiennent qu'en l'espèce elles n'ont connu les éléments sur les conditions de 'captation du mandat' et l'organisation mise en place par le Crédit Lyonnais et la SDBO avec l'aide des appelantes, que dans le cadre de la procédure pénale dans laquelle elles ont été attraites devant le tribunal correctionnel de Paris en 2018, en sorte que la prescription n'est pas acquise.



Les actionnaires minoritaires de la société BTF précisent que :



- l'objet de la présente procédure est de demander des dommages-intérêts à l'encontre des sociétés appelantes aux motifs qu'elles leur ont causé d'importants dommages résultant de diverses violations du droit européen de la concurrence dont elles ont été co-auteur ;

- le dommage allégué ne résulte pas de la différence de prix de cession et le prix de l'introduction en bourse mais un dommage résultant de la violation par les appelantes des règles tirées du droit européen qui s'imposaient à elles ;

- le dommage qui s'est constitué à la date de la cession des titres BTF GmbH ne pouvait trouver sa source dans un événement postérieur (tel que l'introduction en bourse d'Adidas);

- le dommage ne pouvait se manifester à eux qu'à la condition qu'ils aient bénéficié d'une information exhaustive et exacte portant sur (i) l'opération d'achat/vente des titres dans l'ensemble de ses composantes et (ii) l'information qui avait été donné de cette opération à la Commission, autrement dit ce n'est qu'à la condition que les intimés aient été en mesure d'apprécier si les règles du droit européen trouvaient à s'appliquer et si oui ou non ils pouvaient être victimes d'un dommage résultant de la violation de ces règles ;

- les échanges du cabinet [EI] [KO] avec la Commission européenne -qui participait évidemment de cette information- n'ont été découverts fortuitement que le 2 avril 2019 dans le cadre d'une procédure pénale à laquelle les actionnaires minoritaires n'étaient pas partie ; cette dissimulation a eu pour conséquence que les intimés ont été empêchés de connaître la totalité des accords et pratiques concertées auxquels les appelantes ont été parties de sorte que le délai de prescription n'a pu courir en application de l'article 2270-1 du code civil dans sa version applicable à la cause ;

- en l'absence de notification de l'opération, le droit national échoue à régler sans l'aide du droit européen les questions de prescription que posent la présente espèce.



***



La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.






SUR CE, LA COUR



1-Sur l'intérêt à agir



A la suite du décès de [O] [FW] survenu le 3 octobre 2021, la Cour constate que ses ayants-cause n'ont pas repris l'instance pour formuler des demandes.



La Cour constate également que les sociétés BDR et BTSG en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société GBT, ainsi que la société Fides en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [FW] s'en rapportent à justice sur les mérites de l'appel.



La Cour rappelle que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci.



Dès lors, la société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société GBT pour exercer les droits propres du dirigeant distincts des prérogatives conférées au liquidateur judiciaire de la société GBT et alléguant d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel et au titre de ses droits propres, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de [O] [FW], et les actionnaires minoritaires en ce qu'ils sollicitent la réparation d'un préjudice personnel et distinct de celui de la société, sont recevables à agir en responsabilité à l'encontre des sociétés Allianz et Bibus au titre de leur participation dans les opérations litigieuses.







2- Sur la prescription



Il est constant que l'action de la société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société GBT pour exercer les droits propres du dirigeant distincts des prérogatives conférées au liquidateur judiciaire de la société GBT, de Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel et au titre de ses droits propres, des sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW], et des actionnaires minoritaires de la société BTF à l'encontre des sociétés Allianz et de la société Bibus, est une action en responsabilité civile extra-contractuelle visant à obtenir des dommages-intérêts en réparation de préjudices résultant d'infractions au droit de la concurrence constituant des fautes civiles.



Aux termes de l' article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, applicable à la cause, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Il en résulte que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.



Les fautes reprochées au soutien de la demande de paiement de dommages-intérêts relèvent de faits allégués entre le 10 décembre 1992 (date du mémorandum et lettre d'engagement) et le 22 décembre 1994 (date de levée de l'option d'achat par la société Sogedim du capital d'Adidas).



Les opérations alléguées préjudiciables aux demandeurs à l'action sont la vente le 12 février 1993 des titres Adidas détenus par la société BTF GmBH au prix de 2.085 millions de francs, le rachat de ces titres pour 4.650 millions de francs le 22 décembre 1994 par la société Sogedim et la valorisation de la société Adidas à 11 milliards de francs fin 1995.



En substance, il est soutenu par les demandeurs à l'action en responsabilité civile à l'encontre des sociétés Allianz et la société Bibus, que celles-ci auraient participé à une pratique concertée visant à faire manquer le mandataire SDBO à ses obligations, d'imposer à BTF SA un prix de cession très inférieur au véritable prix du marché et de soustraire l'opération de notification au titre du contrôle des concentrations et au titre des aides d'Etat. Les conséquences dommageables invoquées de ces manquements au droit de la concurrence auraient un effet sur la validité des actes subséquents, à savoir les opérations de vente des 12 février 1993 et 22 décembre 1994, pouvant donner lieu à un préjudice matériel ou moral pour les actionnaires directs et indirects de la société BTF SA distinct de celui subi par la société elle-même.



Cependant, il ressort d'une part :

- de la première action introduite devant le tribunal de commerce de Paris en février 1996 par les liquidateurs judiciaires des sociétés du groupe [FW] et des époux [FW] à l'encontre de la SDBO, Clinvest, le Crédit Lyonnais et l'association des petits porteurs de BTF aux fins d'annulation de la vente Adidas, les fautes reprochées aux défendeurs étant liées aux crédits bancaires (soutien abusif, rupture abusive) et à la cession des parts d'AIH GmbH en raison d'une violation du mandat de vente conféré à SDBO en 1992, et ayant donné lieu in fine à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015,

- de l'acte du 15 octobre 1996 de l'association des petits actionnaires minoritaires de la société BTF (association APPAVLA), assignant pour l'annulation de la vente litigieuse Adidas devant le tribunal de commerce de Paris notamment le Credit Lyonnais, SDBO, AIH Adidas GMBH, la société Adidas, Me [UZ] représentant des créanciers de BTF, [PG], [ZR], [F] Holding, Matinvest, Clinvest, Metropole, Banque General du Phenix, M. [FW], Me [UZ] et Me [MC] en leur qualité de co-liquidateurs des sociétés FIBT, ACT, GBT, BT Gestion et de M et Mme [FW], et visant le rapport [KN] du 10 avril 1995 et les conventions de prêt à recours limité accordées par le Crédit Lyonnais à diverses sociétés le 10 février 1993,

- du rapport d'expertise [KN] au tribunal de commerce de Paris établi le 10 avril 1995, et communiqué aux conseils notamment de M. [FW], Me [UZ] et [MC], décrivant les bénéficiaires et les modalités des prêts participatifs à recours limité (page 190),

- du courrier du 1er février 1993 des conseils du groupe [FW] (pièces 42-1 et 42-2 Mme [FW] et MJS) évoquant la nullité encourue d'une vente signée sans condition d'autorisation de l'Office des cartels allemand et de la Commission européenne, dans le cas où une autorisation est nécessaire,

- de la convention de cession du 12 février 1993 sous la condition suspensive que le Bundeskartellamt n'interdise pas la cession,

- des courriers du cabinet [EI] [KO] des 10 et 16 février 1993 et du courrier de la Commission européenne à ce cabinet du 22 février 1993,

- de l'assignation d'octobre 1998 du mandataire ad hoc de la CEDP, nommé à la demande de 53 actionnaires minoritaires de BTF SA reprenant l'ensemble du montage financier organisé par le Credit Lyonnais en deux phases s'apparentant à un actionnariat de transition,



et d'autre part des allégations des demandeurs à l'action à savoir :

- du dépassement des seuils de chiffre d'affaires par le Crédit Lyonnais et Adidas du règlement 4065/89 (pièces de MJS et Mme [FW] 21 et 22 'les Echos du 30/03/1993 et du 25/02/1994")

- de l'absence de notification des opérations au titre du droit des concentrations ou aides d'Etat comme en atteste le Journal officiel de l'UE,



Que la nature et l'identité des auteurs des manquements invoqués ainsi que l'ensemble des éléments faits et de droit concourant à la manifestation des dommages allégués étaient connus des demandeurs au plus tard en octobre 1995 lors de l'introduction en bourse de la société Adidas et de sa valorisation substantielle.



S'agissant plus spécifiquement des courriers du cabinet [EI] [KO] des 10 et 16 février 1993 et du courrier de la Commission européenne à ce cabinet du 22 février 1993, les demandeurs à l'action prétendent avoir découvert cette correspondance en 2019 lors de l'analyse des scellés du dossier pénal de 2013 et des demandes de communications à la Commission le 2 avril 2019 et allèguent que c'est seulement à cette date qu'ils ont découvert les fausses déclarations à la Commission européenne et de la fraude en résultant.



Toutefois, comme le relèvent les sociétés appelantes, il ressort de la lettre d'engagement du 16 décembre 1992 des sociétés GBT et BTF envers la SDBO que Me [EI] a été désigné comme l'avocat de SDBO, et donc l'avocat du mandataire des vendeurs et non des acquéreurs ou de certains d'entre eux, et ce afin de préparer tous les actes et l'exécution de toutes démarches et formalités afférentes à l'opération visée. Il n'est pas allégué par les demandeurs à l'action que l'avocat des sociétés BTF et GBT (Me [Y]) n'avait pas été informé des démarches faites auprès de la Commission par le cabinet Serra Michaud, avocat du mandataire.



Par ailleurs, il ne peut être sérieusement soutenu que la prescription des actions des demandeurs doit être retardée jusqu'à la découverte en 2019 de ces courriers, alors que les consorts [FW] exposent avoir invoqué les manquements au droit européen de la concurrence et sollicité l'envoi de questions préjudicielles dans un mémoire en réplique dès décembre 2016 produit dans le cadre de l'examen du pourvoi en cassation formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris.



Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de fixer sur le fondement de l'article 2270-1 du code civil, dans sa version applicable à la cause, le point de départ du délai de prescription des actions des demandeurs à octobre 1995 et que celle-ci était donc acquise en octobre 2005.



La Cour rappelle d'une part que par l'application combinée des articles 26,II de la loi du 17 juin 2008 et de l'article 2 du code civil, la loi du 17 juin 2008, qui ne dispose que pour l'avenir, n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur, d'autre part, que la durée de la prescription des actions personnelles ou mobilières, fixée à cinq ans par l'article 2224 du code civil, s'applique aux prescriptions en cours à compter du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée de dix ans prévue par l'article 2270-1 du code civil.



Autrement dit, les actions des demandeurs étaient prescrites avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.



Toutefois les actions des demandeurs ayant pour objet la réparation d'un dommage résultant d'infractions au droit de la concurrence, il y a lieu de s'interroger sur l'applicabilité des dispositions de la directive 2014/104/UE (ci-après 'la directive dommage') et des règles de transposition en droit national.



Il résulte des articles 1er et 2 de la directive dommage que celle-ci vise à favoriser l'exercice effectif du droit à réparation intégrale des dommages résultant des infractions aux articles 101 ou 102 du TFUE ou au droit national de la concurrence. L'article 4 prévoit que :

'Conformément au principe d'effectivité, les États membres veillent à ce que toutes les règles et procédures nationales ayant trait à l'exercice du droit de demander des dommages et intérêts soient conçues et appliquées de manière à ne pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit, conféré par l'Union, à réparation intégrale du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. Conformément au principe d'équivalence, les règles et procédures nationales relatives aux actions en dommages et intérêts découlant d'infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne sont pas moins favorables aux parties prétendument lésées que celles régissant les actions similaires en dommages et intérêts découlant d'infractions au droit national'.



L'article 10 de ladite directive, invoqué par les intimés prévoit effectivement que les délais de prescription ne commencent pas à courir avant que l'infraction au droit de la concurrence ait cessé et que le demandeur ait pris connaissance ou puisse raisonnablement être considéré comme ayant connaissance du comportement fautif, du préjudice et de l'identité de l'auteur de l'infraction. De plus, en vertu de l'article 10, paragraphe 3, de ladite directive, le délai de prescription ne peut être inférieur à 5 ans.



Toutefois, l'article 22 précise que les Etats membres veillent à ce que les dispositions nationales adoptées en application de l'article 2 afin de se conformer aux dispositions substantielles de la présente directive ne s'appliquent pas rétroactivement. Or la Cour retient que les règles de prescription édictées par l'article 10, paragraphe 3, ne sont pas des règles purement procédurale en ce qu'elles affectent l'exercice d'un droit subjectif, et partant constituent des règles substantielles (conclusions de Mme l'avocat général Kokott dans l'affaire Cogeco précité points 61 et suivants ; cf également CJUE du 8 novembre 2012, C-469/11).

Aussi, il ressort clairement de l'article 22 de la directive 2014/104 que la législation nationale transposant en droit national l'article 10, paragraphe 3, peut s'appliquer à une action introduite après l'entrée en vigueur de la législation nationale, même si elle porte sur des faits ou des sanctions antérieurs à son entrée en vigueur, à condition que cette action ne soit pas prescrite en vertu de l'ancienne législation lors de l'entrée en vigueur de la législation nationale de transposition.



L'ordonnance en droit français de transposition n°2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages-intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, a introduit l'article L.482-1 du code de commerce qui fixe à cinq ans le délai de prescription de l'action en dommages-intérêts avec pour point de départ la connaissance cumulative de trois éléments factuels (les actes et qualification de pratique anticoncurrentielle, le dommage et l'identité de l'un des auteurs de la pratique). Ce même article prévoit deux causes de report du point de départ du délai de prescription et précise ainsi que 'la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n'a pas cessé'.



Conformément à l'article 22 précité de la directive, l'ordonnance du 9 mars 2017 prévoit en son article 12 II que les dispositions qui allongent la durée de la prescription s'appliquent lorsque le délai n'est pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Ainsi, comme l'énonce l'article 2222 du code civil, la loi qui allonge le durée d'une prescription est sans effet sur une prescription acquise.



Il s'ensuit que les règles de prescription de l'article L.482-1 du code de commerce en ce que le point de départ est reporté à la cessation de la pratique anticoncurrentielle, ne sont en l'espèce pas applicables à l'action des demandeurs dont la prescription était acquise en 2005. Il n'y a dès lors pas lieu de s'interroger sur le caractère continu ou non des pratiques litigieuses alléguées.



La Cour observe en outre que les dispositions de l'article 2270-1 du code civil telles qu'appliquées au présent litige ne sont pas contraires au principe d'effectivité énoncé à l'article 4 de la directive dommage et interprété par la CJUE dans son arrêt du 28 mars 2019 précité. En effet, l'application d'un délai de prescription de 10 années avec pour point de départ la connaissance effective des manquements invoqués au droit de la concurrence et l'ensemble des éléments de faits ou de droit concourant à la manifestation des dommages allégués, ne rend pas impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à réparation. Par ailleurs, s'agissant du principe d'équivalence, il apparaît, en l'occurrence, que ce principe n'est pas méconnu, dès lors qu'il est constant que les règles nationales relatives au délai de prescription s'appliquent tant aux actions en dommages et intérêts fondées sur le droit de l'Union qu'à celles fondées sur le droit national et que leur applicabilité ne dépend pas de la question de savoir si le droit de demander la réparation intégrale d'un préjudice découle d'une violation des règles nationales de concurrence ou du droit de la concurrence de l'Union.



Dès lors, la transmission de la question préjudicielle n°15, tant dans sa formulation que de son objet, est inutile.



La Cour rappelle également que les règles de prescriptions de l'article 25 du règlement CE n°1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en 'uvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ne s'appliquent qu'aux pouvoirs de sanctions de la Commission (amendes et astreintes) visées aux articles 23 et 24.



La Cour constate en dernier lieu que l'action en réparation fondée sur la violation des obligations de notification et de suspension en matière de concentration et d'aides d'Etat ne relève pas de la directive dommage précitée, laquelle est limitée aux infractions des articles 101 et 102 TFUE.



En matière de concentration, il ressort des dispositions des règlements n°4064/89 et n°139/2004 relatifs au contrôle des opérations de concentration entre entreprises que la violation de l'obligation de notification ou de suspension (articles 4 et 7), si elle donne lieu à des sanctions spécifiques (amendes-article14), n'emporte cependant pas automatiquement incompatibilité de la concentration avec le marché intérieur, cette dernière question étant distincte et autonome de celle du respect des obligations de notification et de suspension de l'opération de concentration. La déclaration d'incompatibilité d'une opération de concentration avec le marché intérieur résulte de l'examen effectué par la Commission au titre des articles 6 ou 8 des règlements précités, en sorte que les actes juridiques ultérieurement posés sur le fondement de cette concentration ne sont pas davantages invalidés par la violation de l'obligation de notification ou de suspension, ou de prorogation.



En matière d'aides d'Etat, si la Commission dispose d'une compétence quasi-exclusive pour apprécier la compatibilité d'une aide d'Etat au regard de l'article 107§3, TFUE, en revanche la sanction de l'interdiction prévue à l'article 108§ 3, TFUE en vertu duquel l'Etat membre qui envisage d'accorder une aide ne peut la mettre à exécution avant que la Commission ait abouti à une décision finale quant à sa compatibilité appartient au juge national. Plus particulièrement, il lui revient de veiller à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de cette obligation de notification préalable des aides d'Etat à la Commission en tirant toutes les conséquences d'une telle méconnaissance en ce qui concerne tant la validité des actes comportant la mise à exécution de mesures d'aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de ladite obligation (CJCE 21 nov 1991, affaire C-354/90, Fédération national du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, point 12 ; CJUE 3 mars 2020, Vodafone Magyarorszag, C-75/18 points 21 et suivants).



Or, en l'espèce, les opérations litigieuses de vente des participations du groupe Adidas ne constituent pas en elles-mêmes l'acte d'octroi d'éventuelles aides d'Etat et l'action des demandeurs ne vise pas la récupération d'une aide illégale, mais relève d'une action en dommages-intérêts causés par une aide supposée illégale.



La CJUE a précisé, dans un arrêt du 23 janvier 2019, affaire C-387/17 (point 72 et 73), à propos d'un recours en responsabilité devant une juridiction nationale du fait de la violation des règles de l'Union en matière d'aides d'Etat que 'dès lors qu'il n'existe pas de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire pour autant, d'une part, que ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des droits qui trouveraient leur origine dans l'ordre juridique interne (principe de l'équivalence) et, d'autre part, qu'elles ne rendent pas impossible ou excessivement difficile, en pratique, l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich, C-368/04, point 45) et [...] ainsi, les seules règles de prescription applicable en l'espèce sont celles du droit national, interprétées à la lumière des principes d'effectivité et d'équivalence'.



Au regard de l'ensemble de ces considérations, en l'espèce, si les demandeurs à l'action peuvent se prévaloir au titre de fautes civiles de violations aux obligations de notification en matière de concentration ou d'aides d'Etat pour réclamer l'indemnisation d'un prétendu dommage en résultant, cette action en responsabilité demeure régie par les règles de prescriptions nationales, à savoir l'article 2270-1 du code civil dans sa version applicable. Or, l'application d'un délai de prescription de 10 années avec pour point de départ la connaissance effective des manquements invoqués au droit de la concurrence et l'ensemble des éléments de faits et de droit concourant à la manifestation des dommages allégués, ne rend pas impossible ou excessivement difficile l'exercice d'un droit à réparation. Par ailleurs, en ce qui concerne le principe d'équivalence, il apparaît, en l'occurrence, que ce principe n'est pas méconnu, dès lors qu'il est constant que les règles nationales relatives au délai de prescription s'appliquent tant aux actions en dommages et intérêts fondées sur le droit de l'Union qu'à celles fondées sur le droit national et que leur applicabilité ne dépend pas de la question de savoir si le droit de demander la réparation intégrale d'un préjudice découle d'une violation des règles nationales de concurrence ou du droit de la concurrence de l'Union.



Il s'ensuite que la transmission de la question préjudicielle n°16 n'est pas utile pour la détermination des règles de prescriptions applicables et que l'action en dommages-intérêts des demandeurs fondée sur une violation des dispositions du droit de l'Union en matière de concentration et d'aide d'Etat est bien prescrite en application des dispositions de l'article 2270-1 du code civil.



Il en découle qu'il n'est pas nécessaire de poser les autres questions préjudicielles.



2-Sur les demandes de dommages-intérêts des sociétés Allianz au titre de procédure abusive



Les sociétés Allianz seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, faute pour elles de rapporter la preuve d'une intention de nuire ou légèreté blâmable de la part des intimés qui ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour leur défense.



3-Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile



La société MJS Partners en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW], Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, ainsi que MM. Mmes [M], [Z], [G], [X], [V], [EH], [PH] et [WN], parties perdantes seront in solidum condamnés aux dépens de première instance et d'appel.



En application de l'article 700 du code de procédure civile :



- La société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW], Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, ainsi que MM. Mmes [M], [Z], [G], [X], [V], [EH], [PH] et [WN], qui succombent, seront déboutés de leur demande,



- La société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW], Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, ainsi que MM. Mmes [M], [Z], [G], [X], [V], [EH], [PH] et [WN] seront solidairement condamnés à payer 30 000 euros à la société Bibus,



- La société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW], Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, seront condamnés à payer 30 000 euros à chacune des sociétés Allianz Banque et Allianz France.





PAR CES MOTIFS,



DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de la société Fides, prise en la personne de Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW], désigné par jugement du 25 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Paris,



MET HORS DE CAUSE la société [HL] Partners, prise en la personne Me [HL], en sa qualité d'administrateur judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW],



DÉCLARE recevable l'intervention forcée de la société BTSG, prise en la personne de Me [UY] en sa qualité de co-liquidateur judiciaire de la société Groupe [O] [FW],



INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,



Statuant de nouveau et y ajoutant,



CONSTATE que la société Fides, prise en la personne de Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de Mme [L] [NS] épouse [FW], s'en rapporte à

justice,



CONSTATE que les ayants cause de [O] [FW] n'ont pas repris l'instance,



DÉCLARE irrecevables comme étant prescrites les actions :

- de la société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW],

- des sociétés BDR & Associés et BTSG agissant en la personne de Me [R] et [UY] en qualité de co-liquidateurs de la société Groupe [O] [FW],

- de Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel et au titre de ses droits propres,

- des sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW],

- de MM et Mmes [M], [Z], [G], [X], [V], [EH], [PH] et [WN],





DIT n'y avoir lieu de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles,



CONDAMNE in solidum la société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW], Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion, ainsi que MM. Mmes [M], [Z], [G], [X], [V], [EH], [PH] et [WN], aux dépens de première instance et d'appel,



CONDAMNE in solidum la société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW], Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion à payer la somme de 30 000 euros à chacune des sociétés Allianz Banque et Allianz France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE in solidum la société MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc de la société Groupe [O] [FW], Mme [L] [NS] épouse [FW] agissant à titre personnel, les sociétés MJA et Axyme en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la liquidation judiciaire de M. [O] [FW] et des sociétés [I] Colas Tahiti et BT Gestion ainsi que MM. Mmes [M], [Z], [G], [X], [V], [EH], [PH] et [WN] à payer à la société Bibus la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



DIT qu'une copie de la présente décision sera envoyée à titre d'information à la Cour de justice de l'Union européenne,











La greffière,





Liselotte FENOUIL



La Présidente,





[S] [P]

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