20 mai 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/18108

Pôle 5 - Chambre 11

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11





ARRÊT DU 20 MAI 2022



(n° 2022/ , 10 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18108 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZML



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2020 -Tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 19/01424







APPELANTS



Madame [K] [V] née le 5 janvier 1961 à [Localité 20] de nationalité française domiciliée

[Adresse 13]

[Adresse 15]



Madame [G] [S] née en 1950 de nationalité marocaine domiciliée

[Adresse 9]

[Localité 25]



Monsieur [A] [F] né le 15 août 1946 à [Localité 16] de nationalité française domicilié

[Adresse 8]

[Localité 25]



Monsieur [I] [B] née le 1er novembre 1947 à [Localité 19] de nationalité française domiciliée

[Adresse 4]

[Localité 25]



Madame [D] [R] née le 11 février 1971 à [Localité 22] (RÉUNION) de nationalité française domiciliée

[Adresse 7]

[Localité 25]



Madame [M] [X] née le 6 septembre 1964 à MOULE (GUADELOUPE) domiciliée

[Adresse 2]

[Localité 25]



Monsieur [O] [E] née le 8 novembre 1968 à [Localité 25] de nationalité française domiciliée

[Adresse 10]

[Localité 25]



Madame [NE] [C] née le 7 mai 1987 à [Localité 21] (GUADELOUPE) de nationalité française domiciliée

[Adresse 7]

[Localité 25]



Monsieur [U] [SC] né le 22 août 1954 à HUSSEIN DEY (ALGÉRIE) de nationalité française domicilié

[Adresse 10]

[Localité 25]



Madame [T] [ZO] née le 1er octobre 1932 à [Localité 23] de nationalité française domiciliée

[Adresse 2]

[Localité 25]



Madame [Y] [H] née le 20 décembre 1952 à [Localité 24] de nationalité française domiciliée

[Adresse 5]

[Localité 25]



Madame [N] [P] née le 1er novembre 1962 à LAULE (PORTUGAL) de nationalité française domiciliée

[Adresse 12]

[Localité 25]



Monsieur [J] [W] né le 25 septembre 1944 en ITALIE de nationalité française domicilié

[Adresse 11]

[Localité 25]



Monsieur [XH] [L] né le 13 novembre 1935 à GOSIER (GUADELOUPE) de nationalité française domicilié

[Adresse 1]

[Localité 25]



Représentés par Me Antoine DE LOMBARDON, avocat au barreau de PARIS, toque : L0190







INTIMÉE



S.A. ENEDIS prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[Adresse 6]

[Localité 14]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 444 608 442



Représentée par Me Julie GOMEZ de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0801,

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre-Adrien DUBROCA, avocat au barreau de PARIS substituant Me Gilles LE CHATELIER, avocat au barreau de LYON







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



M. ARDISSON, Président d chambre

Mme [JP], Conseillèrere

Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE,Conseillère



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO





ARRÊT :

- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. ARDISSON, et par Mme BOGAERS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.




FAITS ET PROCÉDURE



Mme [K] [V], Mme [O] [E], Mme [NE] [C], M. [U] [SC], Mme [T] [ZO], Mme [Y] [H], Mme [N] [P], M. [J] [W], M. [XH] [L], Mme [G] [S], M. [A] [F], Mme [I] [B], Mme [D] [R], Mme [M] [X] sont locataires de l'ensemble immobilier « [Adresse 17] » sis à [Localité 25] (94) et utilisateurs du réseau public de distribution d'électricité. Mme [Z] [FB] est propriétaire d'un pavillon situé à proximité. En novembre 2018 ils ont été informés de l'installation prochaine d'un compteur d'électricité nouvelle génération Linky à leur domicile. Par lettres recommandées avec avis de réception adressées à la société Enedis en novembre et décembre 2018, ils ont manifesté le refus de l'installation de ce compteur.



Suivant exploit du 30 janvier 2019, Mme [K] [V], Mme [O] [E], Mme [NE] [C], M. [U] [SC], Mme [T] [ZO], Mme [Y] [H], Mme [N] [P], M. [J] [W], M. [XH] [L], Mme [G] [S], M. [A] [F], Mme [I] [B], Mme [D] [R], Mme [M] [X] et Mme [Z] [FB] ont fait assigner la société Enedis devant le tribunal judiciaire de Créteil afin d'obtenir le remplacement par un compteur électronique du compteur Linky installé sur l'installation électrique intérieure de certains d'entre eux et une injonction à la défenderesse de ne pas raccorder à un compteur Linky les autres installations électriques intérieures.





Par jugement du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :



reçu Mme [Z] [FB] en son intervention volontaire,

dit que la SA Enedis est irrecevable à soulever une exception d'incompétence devant le juge du fond,

débouté Mme [K] [V], Mme [O] [E], Mme [NE] [C], M. [U] [SC], Mme [T] [ZO], Mme [Y] [H], Mme [N] [P], M. [J] [W], M. [XH] [L], Mme [G] [S], M. [A] [F], Mme [I] [B], Mme [D] [R], Mme [M] [X] et Mme [Z] [FB] de leurs demandes

dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

condamné in solidum Mme [K] [V], Mme [O] [E], Mme [NE] [C], M. [U] [SC], Mme [T] [ZO], Mme [Y] [H], Mme [N] [P], M. [J] [W], M. [XH] [L], Mme [G] [S], M. [A] [F], Mme [I] [B], Mme [D] [R], Mme [M] [X] et Mme [Z] [FB] à payer à la SA Enedis la somme de 1.500,00 euros (mille cinq cennt euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamné in solidum Mme [K] [V], Mme [O] [E], Mme [NE] [C], M. [U] [SC], Mme [T] [ZO], Mme [Y] [H], Mme [N] [P], M. [J] [W], M. [XH] [L], Mme [G] [S], M. [A] [F], Mme [I] [B], Mme [D] [R], Mme [M] [X] et Mme [Z] [FB] aux dépens,

accordé aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes, plus amples au contraires, des parties.



Mme [K] [V], Mme [O] [E], Mme [NE] [C], M. [U] [SC], Mme [T] [ZO], Mme [Y] [H], Mme [N] [P], M. [J] [W], M. [XH] [L], Mme [G] [S], M. [A] [F], Mme [I] [B], Mme [D] [R] et Mme [M] [X] ont formé appel du jugement par déclaration du 11 décembre 2020 enregistrée le 16 décembre 2020.



Suivant leurs dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 mars 2021, Mme [K] [V], Mme [O] [E], Mme [NE] [C], M. [U] [SC], Mme [T] [ZO], Mme [Y] [H], Mme [N] [P], M. [J] [W], M. [XH] [L], Mme [G] [S], M. [A] [F], Mme [I] [B], Mme [D] [R], Mme [M] [X] et Mme [Z] [FB] demandent à la cour, au visa de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, la directive 2009/72 du 13 juillet 2009, l'article 9 du code civil, des articles L. 322-4, L. 341-4, R. 314-5, R. 341-5 du code de l'énergie, de l'article L. 224-8 du code de la consommation et des articles 66, 68, 328 et suivants du code de procédure civile :



d'infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Créteil du 10 novembre 2020

Et, statuant à nouveau,

d'enjoindre à Enedis de ne pas raccorder à un compteur Linky l'installation électrique intérieure utilisée par :

' Mme [K] [V] demeurant [Adresse 13] ;

' Mme [NE] [C] demeurant [Adresse 7] ;

' M. [U] [SC] demeurant [Adresse 10] ;

' Mme [T] [ZO] demeurant [Adresse 2]; ' Mme [Y] [H] demeurant [Adresse 5] ; ' Mme [N] [P] demeurant [Adresse 12] ;

' M. [J] [W] demeurant [Adresse 11] ; ' M. [XH] [L] demeurant [Adresse 1];

' M. [A] [F] demeurant [Adresse 8]

' Mme [M] [X] demeurant [Adresse 2]

' Mme [Z] [FB] demeurant [Adresse 3]

- d'enjoindre à Enedis, dans un délai de 10 jours à compter du prononcé du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de remplacer par un compteur électronique le compteur Linky installé sur l'installation électrique intérieure utilisée par :

' Mme [O] [E] demeurant [Adresse 10] ;

' Mme [G] [S] demeurant [Adresse 9] ;

' Mme [I] [B] demeurant [Adresse 4] ;

' Mme [D] [R] demeurant [Adresse 7],

de condamner la société Enedis à payer à chacun des requérants et à l'intervenante principale la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à l'exception de Mme [O] [E] bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale,

de condamner la société Enedis aux entiers dépens.



Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 juin 2021, la société Enedis demande à la cour, au visa des articles L. 322-4, L. 341-4, R. 341-4 et R. 341-5 du code de l'énergie :



de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 10 novembre 2020 RG n° 19/01424.

de débouter Mme [V], Mme [E], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [B], Mme [R], Mme [X] et Mme [FB] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

de condamner Mme [V], Mme [E], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [B], Mme [R], Mme [X] et Mme [FB] aux entiers dépens.

de condamner Mme [V], Mme [E], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [B], Mme [R], Mme [X] et Mme [FB] à verser à la société Enedis 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 27 janvier 2022.




SUR CE, LA COUR,



Sur les demandes de Mme [Z] [FB]



La cour relève que si Mme [FB] était partie au litige devant les premiers juges, son nom ne figure pas sur la déclaration d'appel du 11 décembre 2020. Elle n'a donc pas la qualité d'appelante et n'est par conséquent pas partie à l'instance d'appel.



Toutes demandes formées par Mme [Z] [FB] à l'encontre de la société Enedis ou par la société Enedis à l'encontre de Mme [Z] [FB] seront donc déclarées irrecevables, en application de l'article 122 du code de procédure civile.





Sur les demandes des autres requérants



Mme [V], Mme [E], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [B], Mme [R] et Mme [X] soutiennent qu'il n'existe pas d'obligation légale ou contractuelle pour les abonnés d'accepter le compteur Linky et déplore un défaut d'information quant aux caractéristiques essentielles du compteur. Ils estiment avoir le droit de refuser l'installation du compteur Linky sur le fondement du droit au respect de la vie privée ' en ce que la circulation d'un courant CPL à l'intérieur de leur domicile ne leur est d'aucune utilité et constitue une perturbation disproportionnée de leur vie privée - et de l'illégalité du mode de collecte des données.



La société Enedis expose le contexte dans lequel elle a développé son compteur communicant « Linky » et rappelle les obligations qui pèsent sur elle, en sa qualité de gestionnaire du réseau public d'électricité. Elle fait valoir qu'en vertu du contrat unique, les usagers ne peuvent s'opposer à la pose d'un tel compteur. Enfin elle relève l'absence de violation de la vie privée des appelants.



Il convient de rappeler en premier lieu que le développement du compteur communicant résulte tout d'abord du droit européen, à savoir la directive n° 2009/72 du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE. Ainsi les États-membres sont tenus de mettre en place des systèmes intelligents de mesure de la consommation électrique qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d'électricité.



Au plan national, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a, dans sa délibération du 2 juillet 2014, souligné les avantages des compteurs communicants.



La mise en place des systèmes intelligents était subordonnée à la réalisation d'une évaluation préalable qui devait avoir lieu au plus tard le 3 septembre 2012. L'expérimentation du compteur communicant Linky a été lancée en mars 2010 par ERDF devenue Enedis dans l'agglomération de [Localité 18] et le département d'Indre-et-Loire et s'est achevée le 31 mars 2011. La CRE a ensuite avalisé le déploiement des compteurs dans sa délibération du 7 juillet 2011. L'obligation de déploiement des compteurs Linky a été transposée à l'échelle nationale par les articles L. 341-4 et R. 341-4 du code de l'énergie.



Aux termes de l'article L. 341-4 alinéas 1 et 2 du code de l'énergie :

« Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en 'uvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée.

Dans le cadre du déploiement des dispositifs prévus au premier alinéa du présent article et en application de la mission fixée au 7° de l'article L. 322-8, les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d'alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales. Un décret précise le contenu des données concernées ainsi que les modalités de leur mise à disposition. ».



En vertu de l'article R. 341-4 du code de l'énergie :

« Pour l'application des dispositions de l'article L. 341-4 et en vue d'une meilleure utilisation des réseaux publics d'électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en 'uvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients.

Les dispositifs de comptage doivent comporter un traitement des données enregistrées permettant leur mise à disposition au moins quotidienne.

Les utilisateurs des réseaux et les tiers autorisés par les utilisateurs y ont accès dans des conditions transparentes, non discriminatoires, adaptées à leurs besoins respectifs et sous réserve des règles de confidentialité définies par les articles R. 111-26 à R. 111-30. ».



Un calendrier de déploiement a été fixé à l'article R. 341-8 du code de l'énergie en transposition de la directive européenne 2009/72/CE. Le déploiement doit couvrir 80 % des dispositifs de comptage des installations d'utilisateurs raccordées en basse tension d'ici au 31 décembre 2020 dans la perspective d'atteindre un objectif de 100 % d'ici 2024.



La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a, dans son communiqué du 15 juin 2018, souligné que la généralisation des compteurs résultait d'une obligation légale de modernisation des réseaux afin de répondre aux objectifs européens et nationaux de la transition énergétique. Le consommateur n'a pas le droit de s'opposer au changement de compteur.



Ce déploiement s'inscrit dans le cadre de la mission de service public incombant à la société Enedis.



Cette obligation a également été confirmée par le comité de règlement des différends de la CRE (le CORDIS) dans sa décision du 5 septembre 2019.



La société Enedis, en tant que gestionnaire du réseau public d'électricité, a l'obligation, dans le cadre de sa mission de service public, d'installer ces équipements de comptage, de les entretenir et de les renouveler. Ces compteurs électriques constituent des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité relevant de la propriété des collectivités territoriales et n'appartiennent donc pas aux usagers de sorte que l'obligation de déployer ces compteurs communicants s'impose à la société Enedis peu important qu'ils soient placés dans les parties privatives des usagers. En l'espèce, la commune de Vitry-sur-Seine a transféré sa compétence d'AODE (Autorité Organisatrice de la Distribution d'Energie) au Syndicat intercommunal pour le gaz et l'électricité en Île-de-France (SIGEIF). Les dispositifs de comptage appartiennent donc au SIGEIF.



Les compteurs de Mme [V], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [E], Mme [R] et Mme [X] se situent à l'extérieur de leur domicile.



Parmi eux, ceux de Mme [V], Mme [B], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], M. [F], Mme [X] n'ont pas à ce jour été remplacés.



Enfin, le service public de l'électricité se déclinant en deux missions confiées au fournisseur d'électricité (ici EDF et Engie) et au distributeur Enedis, les appelants ont souscrit un contrat unique avec la société EDF et la société Engie, contrat qui les oblige également vis-à-vis de la société Enedis chargée de l'acheminement. Le document intitulé « Synthèse des dispositions générales relatives à l'accès et à l'utilisation du Réseau Public de Distribution basse tension pour les clients en Contrat Unique » prévoit au sein de l'article 2.2 3) que « Le dispositif de comptage permet la mesure et le contrôle des caractéristiques de l'électricité acheminée ainsi que leur adaptation aux conditions contractuelles. Il est fourni par le GRD, à l'exception du Disjoncteur qui doit être fourni par le Client dans le cas où celui-ci demande une puissance supérieure à 36 kVA. La pose d'un compteur communicant s'effectue à l'initiative du GRD [Gestionnaire du Réseau Public de Distribution] conformément aux dispositions des articles R. 341-4 à R. 341-8 du code de l'énergie. ». En outre l'article 3 prévoit que le client s'engage à :

« 2) garantir le libre accès et en toute sécurité du GRD au dispositif de comptage

Le client s'engage à prendre toute disposition pour permettre au GRD d'effectuer :

la pose, la modification, l'entretien et la vérification du matériel de comptage. Dans le cadre du déploiement des Compteurs Communicants, le client doit laisser le GRD procéder au remplacement du Compteur conformément aux dispositions de l'article R. 341-4 à 8 du code de l'énergie ;

(...) ».



Ainsi, il ne ressort pas de ces dispositions contractuelles d'une part que les usagers aient le choix du modèle de compteur ni d'autre part qu'ils puissent s'opposer à sa pose à laquelle la société Enedis est, en tant que GRD, tenue.



Le jugement sera confirmé sur ce point.



En deuxième lieu, il est acquis que le compteur Linky fonctionne au moyen de la technique du CPL (courant porteur en ligne) c'est-à-dire que les informations récoltées par le compteur sont envoyées sous forme de signal électrique, signal qui circule dans les câbles du réseau électrique basse tension jusqu'au poste de distribution du quartier où est logé le concentrateur, en se superposant au courant électrique. Les requérants estiment qu'ils sont dans l'impossibilité d'empêcher l'intrusion de ce signal dans leur domicile ce qui constitue une perturbation grave de leur vie privée.



La société Enedis rappelle à juste titre que le CPL, utilisé dans notre vie quotidienne depuis plusieurs dizaines d'années, n'a pas démontré de dangerosité sanitaire. A cet égard, non seulement des mesures d'émission des compteurs Linky ont été réalisées par le Laboratoire National de Métrologies et d'Essai mais le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), qui a réalisé un rapport dans le cadre d'une campagne de mesures réalisée à la demande de l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), n'a pas identifié de risque sanitaire quant à l'exposition aux champs électromagnétiques émis par les compteurs Linky dans la mesure où les niveaux sont très largement inférieurs aux valeurs limites d'exposition.



La perturbation de leur vie privée par l'usage de la technologie du courant porteur en ligne n'est donc pas caractérisée, en l'absence d'éléments probants fournis par les appelants. L'efficacité de la pose d'un filtre, revendiquée par les requérants, n'est pas démontrée, et en tout état de cause ne s'impose pas à la société Enedis.



En troisième lieu, les appelants font valoir qu'en vertu du droit à la libre disposition de leurs données personnelles résultant de l'article R. 341-5 du code de l'énergie, ils peuvent décider de ne pas être dotés d'un dispositif permettant de créer ces données tel que le compteur Linky.



Aux termes de l'article R. 341-5 précité : « Chaque utilisateur des réseaux publics d'électricité a la libre disposition des données relatives à sa production ou à sa consommation enregistrées par les dispositifs de comptage.

Les gestionnaires de réseaux publics d'électricité ont le droit d'utiliser ces données pour tout usage relevant de leurs missions. Ils communiquent, à leur demande, aux fournisseurs d'énergie et aux responsables d'équilibre, pour l'exercice de leurs missions, les données concernant leurs clients respectifs et aux autorités concédantes, dans les conditions précisées par les cahiers des charges des concessions, les données sous une forme agrégée intéressant la concession. ».



La cour relève cependant que l'article susvisé encadre l'utilisation des données par les GRD.



D'autre part, la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) indique dans son communiqué du 15 juin 2018 :

« La généralisation des compteurs résulte d'une obligation légale de modernisation des réseaux qui répond à des directives européennes. Vous n'avez donc pas le droit de vous opposer au changement du compteur d'énergie de votre logement.

(')

Les traitements effectués sur les données utilisées et produites par les compteurs communicants sont encadrés par le code de l'énergie. Certaines fonctionnalités de paramétrage sont offertes aux abonnés. Certaines données sont collectées par défaut. D'autres le sont après accord de l'abonné.(...). »



L'usager peut donc s'opposer à l'enregistrement de la courbe de charge et au traitement des données détaillées, sans qu'il puisse en être déduit, comme le font les appelants, un droit à s'opposer à l'installation du compteur Linky.



En outre, le compteur enregistre la courbe de charge dans la mémoire interne du dispositif de comptage, sauf si le consommateur s'y oppose, et ce au pas horaire.



En effet, en vertu de l'article D. 341-21 du code de l'énergie :

« La courbe de charge d'électricité, mentionnée au 4° de l'article D. 341-19 correspond à une série de valeurs moyennes de puissance électrique soutirée par le consommateur, mesurée à une fréquence de temps donnée.

La courbe de charge d'électricité est enregistrée, au pas horaire, dans la mémoire du dispositif de comptage, sauf si le consommateur s'y oppose.

A la demande du consommateur, la courbe de charge est collectée dans le système informatique du gestionnaire de réseau et mise à sa disposition, sans préjudice d'une collecte effectuée par le gestionnaire de réseau dans les conditions fixées à l'article D. 322-16. ».



Les appelants ne démontrent ni que la société Enedis méconnaîtrait le règlement général sur la protection des données ni que ces données seraient collectées à un rythme inférieur au pas horaire.



Par ailleurs, la société Enedis est tenue en application des articles L. 111-73 et R. 111-26 à R. 111-30 du code de l'énergie à assurer la confidentialité des informations recueillies et il n'est pas prouvé de violation de ces textes par l'intimée.



Enfin, le moyen tiré du défaut allégué d'information précontractuelle sur le compteur Linky par la société Enedis est inopérant dans la mesure où l'intimée, en tant que gestionnaire du réseau de distribution de l'électricité, n'en est pas débitrice.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les requérants de l'ensemble de leurs demandes.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Mme [V], Mme [E], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [B], Mme [R] et Mme [X] succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, ils seront aussi condamnés in solidum aux dépens. Il apparaît équitable de condamner in solidum les appelants à verser à la SA Enedis, qui a dû engager des frais en qualité d'intimée, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,



CONSTATE que Mme [Z] [FB] n'a pas interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 10 novembre 2020 ;



DECLARE irrecevables toutes les demandes formées par Mme [Z] [FB] à l'encontre de la société Enedis ou par la société Enedis à l'encontre de Mme [Z] [FB] ;



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,



CONDAMNE in solidum Mme [V], Mme [E], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [B], Mme [R] et Mme [X] aux dépens ;



CONDAMNE in solidum Mme [V], Mme [E], Mme [C], M. [SC], Mme [ZO], Mme [H], Mme [P], M. [W], M. [L], Mme [S], M. [F], Mme [B], Mme [R] et Mme [X] à payer à la société Enedis la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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