18 mai 2022
Cour d'appel de Rouen
RG n° 19/01515

1ère ch. civile

Texte de la décision

N° RG 19/01515 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IEWK







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 18 MAI 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



14/00657

Tribunal de grande instance d'Evreux du 03 avril 2018





APPELANT :



Monsieur [Y] [A]

né le 15 juin 1968 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 14]



représenté et assisté par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen







INTIMES :



Madame [K] [A] épouse [JE]

née le 13 mars 1943 à [Localité 31]

[Adresse 18]

[Localité 28]



représentée et assistée par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure





Madame [F] [A] veuve [L]

née le 04 avril 1946 à [Localité 34]

[Adresse 1]

[Localité 20]



représentée et assistée par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure





Monsieur [HF] [A]

né le 23 septembre 1951 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 27]



représenté et assisté par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure







Madame [D] [A] épouse [IB]

née le 08 septembre 1947 à [Localité 14]

[Adresse 19]

[Localité 16]



représentée et assistée par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure





Madame [J] [A] épouse [B]

née le 25 septembre 1957 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Localité 12]



représentée et assistée par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure





Monsieur [O] [A]

ès qualités d'héritier de [X] [A] et [E] [P] veuve [A]

né le 14 décembre 1983 à [Localité 12]

[Adresse 21]

[Localité 15]



représenté par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure





Madame [FV] [A]

ès qualités d'héritière de [X] [A] et [E] [P] veuve [A]

née le 28 novembre 1988 à [Localité 12]

[Adresse 22]

[Localité 14]



représentée et assistée par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure





Monsieur [Z] [A]

ès qualités d'héritier de [X] [A] et [E] [P] veuve [A]

né le 20 mai 1981 à [Localité 12]

[Adresse 6]

[Localité 13]



représenté et assisté par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de l'Eure





Monsieur [S] [A]

né le 22 juillet 1959 à [Localité 12]

[Adresse 7]

[Localité 26]



représenté et assisté par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen





Monsieur [U] [A]

ès qualités d'héritier de [C] [A]

[Adresse 10]

[Localité 14]



non constitué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice remis le 3 juillet 2019 à domicile





Madame [IX] [A]

ès qualités d'héritière de [C] [A]

[Adresse 24]

[Localité 29]



non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice remis le 3 juillet 2019 à domicile





Madame [GR] [A] épouse [V]

ès qualités d'héritière de [C] [A]

[Adresse 9]

[Localité 23]



non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice délivré selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile le 11 janvier 2021







COMPOSITION DE LA COUR  :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 9 mars 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,



Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :



Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,





GREFFIER LORS DES DEBATS :



Mme Catherine CHEVALIER,





DEBATS :



A l'audience publique du 9 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 mai 2022.





ARRET :



PAR DEFAUT



Prononcé publiquement le 18 mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.








*

* *





EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Mme [H] [W] épouse de M. [T] [A] est décédée le 4 août 2007 à [Localité 12]. Elle a laissé pour lui succéder :

- ses neuf enfants issus de son mariage : [K], [F], [D], [C], [HF], [X], [J], [S] et [Y] [A],

- son époux.



M. [T] [A] est décédé le 5 décembre 2012 à [Localité 12]. Il a laissé ses enfants précités pour lui succéder.



M. [X] [A] est décédé le 16 août 2013. Il a laissé pour lui succéder son épouse [E] [P] et leurs trois enfants : [Z], [O] et [FV] [A].



Par actes d'huissier de justice des 28, 29 et 31 janvier 2014, Mmes [K], [F], [D], [J] et [FV] [A], [E] [P] veuve [A], et MM. [HF], [O] et [Z] [A], ont fait assigner MM. [C], [S] et [Y] [A] devant le tribunal de grande instance d'Evreux.



M. [C] [A] est décédé le 9 juillet 2016. Il a laissé pour lui succéder ses trois enfants : [GR], [U] et [IX] [A]. Ils ont été assignés en intervention forcée les 2 et 6 juin 2017.



Mme [GR] [A] a renoncé à la succession de M. [T] [A] le 7 juillet 2017 auprès du greffe du tribunal de grande instance d'Evreux.



Par jugement du 3 avril 2018, ledit tribunal a :

- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [H] [W], décédée le 4 août 2007, et de M. [T] [A], décédé le 5 décembre 2012,

- désigné pour y procéder la Scp Jouyet, notaire à [Localité 30],

- désigné le magistrat chargé de la mise en état pour suivre les opérations de partage et faire rapport en cas de difficulté,

- dit qu'en cas d'empêchement du magistrat ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente,

- dit que les parties devront remettre au notaire, dès la première convocation, l'ensemble des documents intéressant le dossier,

- dit que le notaire pourra se faire communiquer tous renseignements bancaires concernant les parties et le défunt directement auprès des établissements concernés, des fichiers Ficoba ou Agira, sans que le secret professionnel lui soit opposé,

- dit qu'il pourra également, en cas de besoin, s'adjoindre un expert dans les conditions prévues par l'article 1365 du code de procédure civile aux frais préalablement avancés par les parties au prorata de leurs droits dans l'indivision successorale, dans le délai d'un mois à compter de la demande qui leur sera adressée par le notaire,

- rappelé que, de façon générale, le notaire pourra faire usage des dispositions des articles 1365, 1366, 1371 du code de procédure civile et 841-1 du code civil,

- dit que le notaire devra dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

- ordonné une expertise immobilière des biens composant l'actif successoral et désigné pour y procéder : M. [I] [N], [Adresse 17], avec mission de :

* se rendre sur la parcelle de terre boisée sise [Localité 14] (27), lieudit [Adresse 33], cadastrée G numéro [Cadastre 25] (précédemment J[Cadastre 3]), d'une contenance de 85 ca, puis la maison d'habitation sise [Adresse 4], édifiée sur un terrain cadastré section AE numéro [Cadastre 11] (précédemment J [Cadastre 5]), lieu-dit [Adresse 32], d'une contenance de 5 ares et 6 centiares,

* se faire remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment les titres de propriété des immeubles,

* donner son avis sur la valeur au jour le plus proche du partage du terrain et de la maison en décrivant notamment leur localisation, leurs caractéristiques principales, leur état,

* donner son avis sur la valeur locative de la maison à compter du 6 décembre 2012 au jour le plus proche du partage,

* proposer une mise à prix pour la licitation de chacun des biens,

- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport en deux exemplaires originaux au greffe du tribunal de grande instance d'Evreux dans un délai de six mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge chargé du contrôle des expertises, - dit que l'expert devra transmettre un exemplaire de son rapport au notaire chargé des opérations de liquidation partage,

- dit que l'expert devra, lors de l'établissement de sa première note aux parties, indiquer les pièces nécessaires à sa mission, le calendrier de ses opérations et le coût prévisionnel de la mesure d'expertise,

- dit que l'expert désigné pourra, en cas de besoin, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties, le notaire et le magistrat compétent,

- dit que l'expert devra rendre compte au magistrat chargé du contrôle des expertises de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission,

- dit que, sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser à celles-ci un pré-rapport de ses observations et constatations,

- dit que l'expert devra vérifier que les parties ont été à même de débattre des constatations ou des documents au vu desquels il entend donner son avis et qu'il devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations et qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives,

- subordonné l'exécution de la présente décision en ce qui concerne l'expertise à la consignation au greffe du tribunal de grande instance d'Evreux, régie d'avances et de recettes, par les demandeurs d'une somme de 1 500 euros au plus tard un mois après la date du présent jugement,

- rappelé qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert concerné sera caduque,

- rappelé à l'expert qu'il lui appartient de décliner immédiatement la mission confiée si sa charge de travail prévisible compromet d'emblée le respect du délai imparti,

- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations,

- à l'issue des opérations d'expertise, renvoyé les parties devant le notaire pour l'exécution ou la poursuite des opérations de compte liquidation partage,

- dit qu'à défaut d'accord des parties sur le projet de partage établi par la Scp Jouyet dans les quatre mois suivant le dépôt du dernier rapport d'expertise, il pourra être procédé aux requêtes de la partie la plus diligente à la licitation aux enchères publiques à la barre des tribunaux de grande instance du ressort dans lequel se trouvent les immeubles, c'est à dire Evreux, des immeubles constituant l'actif successoral sur la mise à prix fixée par l'expert désigné,

- dit qu'à défaut d'enchère sur le montant de cette mise à prix, il sera procédé immédiatement à une nouvelle mise en vente sur une baisse de mise à prix à concurrence du quart, sans nouvelle publicité, puis à défaut d'enchère, à une nouvelle baisse de mise à prix de la moitié,

- dit que le cahier des charges qui sera préalablement dressé et déposé au greffe par la partie la plus diligente après accomplissement des formalités légales et d'usage et qu'il devra faire mention du droit de substitution prévu par l'article 815-15 du code civil au bénéfice de chacun des co-indivisaires, sous condition préalable du dépôt du montant de l'adjudication,











- rappelé qu'il appartient au notaire chargé des opérations de liquidation d'établir le compte d'administration de l'indivision successorale et de déterminer les créances ou dettes éventuelles de chaque indivisaire ou de tiers envers l'indivision au vu des justificatifs qui lui seront remis par les parties, notamment en ce qui concerne la perception de loyers, revenus, ou primes d'assurance ainsi que du prix d'objets vendus, et plus généralement de toute perception de recette ou de dépense exposée dans l'intérêt de l'indivision, avec la possibilité d'en référer au juge commis en cas de difficulté,

- dit que les dettes contractées par la succession ainsi que les pénalités de retard résultant du paiement tardif des droits de succession seront réparties sur justificatifs produits au notaire entre les indivisaires à proportion de leurs droits respectifs dans la succession,

- dit que M. [Y] [A] est redevable d'une indemnité d'occupation pour le bien sis [Adresse 4] pour la période allant du 6 décembre 2012 jusqu'au jour du partage, dont le montant sera fixé par le notaire au regard des conclusions du rapport d'expertise immobilière et sous le contrôle du juge commis,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les parties aux dépens de l'instance qui seront employés en frais généraux de partage et privilégiés de licitation et supportés par les copartageants à proportion de leur part dans l'indivision successorale,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.



Par déclaration du 5 avril 2019, M. [Y] [A] a formé un appel contre ledit jugement à l'encontre de toutes les parties de première instance, exceptée Mme [GR] [A] qu'il a faite assigner en intervention forcée par exploit du 11 janvier 2021.



Mme [E] [P] veuve [A] est décédée le 12 mars 2019. Elle a laissé pour lui succéder ses trois enfants issus de son mariage avec M. [X] [A].



Conformément à la note en délibéré autorisée en ce sens par le président à l'audience du 9 mars 2022, Me Xavier Vincent, avocat d'une partie des intimés, a produit en cours de délibéré, le 10 mars 2022, une copie intégrale de l'acte de décès de Mme [E] [P] veuve [A].





EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES



Par dernières conclusions notifiées le 17 décembre 2019, M. [Y] [A] demande de :

- se voir indemniser sur le fondement de l'article 1371 du code civil pour enrichissement sans cause et voir condamner la succession à lui payer la somme de 89 976 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation,

- se voir recevoir en sa demande d'attribution préférentielle en application de l'article 831-1 du code précité et voir réformer le jugement en ce qu'il a accordé une indemnité d'occupation,

- voir dire que l'ensemble des intimés, sauf [S] [A] qui intervient pour la première fois en appel, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- voir condamner les intimés, sauf [S] [A], à payer la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel ainsi que l'article 700 du code de procédure civile qui avait été formulé en première instance.



Par dernières conclusions notifiées le 7 mai 2020, Mmes [K] [A] épouse [JE], [F] [A] veuve [L], [D] [A] épouse [IB], [J] [A] épouse [B], M. [HF] [A], MM. [O] et [Z] [A] et Mme [FV] [A], ès qualités d'héritiers de M. [X] [A] et de Mme [E] [P] veuve [A], demandent de voir :

- débouter MM. [Y] et [S] [A] de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer en conséquence la décision de première instance,

- condamner M. [Y] [A] à leur payer, en cause d'appel, la somme de

4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.



Par dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2019 et signifiées respectivements les 8 et 10 octobre 2019 à Mme [IX] [A] et à M. [U] [A], M. [S] [A] sollicite de :

- se voir donner acte de son accord pour que M. [Y] [A] soit indemnisé sur le fondement de l'article 1371 du code civil et se voit accorder l'attribution préférentielle de la maison,

- voir dire et juger n'y avoir lieu à indemnité d'occupation,

- voir débouter M. [Y] [A] de ses demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre,

- voir condamner tout succombant au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.



La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 février 2022. A ladite date, M. [U] [A], Mmes [IX] et [GR] [A], à qui la déclaration d'appel avait été signifiée les 3 juillet 2019 et 11 janvier 2021 respectivement à domicile, à personne et par procès-verbal de recherches infructueuses, n'ont pas constitué avocat.






MOTIFS



Sur la demande d'une créance d'assistance



M. [Y] [A] expose qu'il a sacrifié plusieurs années de sa vie et a quitté sa vie professionnelle et de famille, ainsi que son cadre de vie, en Loire-Atlantique, pour aller vivre auprès de son père et s'en occuper en continu 24h/24, 7 jours/7, de janvier 2010 au 5 décembre 2012 ; qu'avant cette période, il l'aidait déjà beaucoup dans les gestes de la vie quotidienne, alors que ses frères et soeurs se contentaient de passer de temps en temps le voir, que son investissement a permis de ne pas mettre en vente la maison pour payer un hébergement dans une maison de retraite.



Mmes [A] épouse [JE], [A] veuve [L], [A] épouse [IB], [A] épouse [B], M. [HF] [A], MM. [O] et [Z] [A] et Mme [FV] [A], ès qualités, répondent que M. [Y] [A], qui a bénéficié d'un logement gratuit et de divers avantages, n'établit pas que son assistance a excédé les exigences de la piété filiale et qu'elle a réalisé à la fois son appauvrissement et un enrichissement corrélatif de M. [T] [A], dont l'état de dépendance ne nécessitait pas la présence constante d'une tierce personne à ses côtés ; qu'hormis Mme [A] épouse [JE] du fait de son éloignement, ils rendaient régulièrement visite à leur père ; que, chassé de son précédent logement en 2010, M. [Y] [A] a choisi de s'installer chez son père par facilité et souci d'économie, qu'il a ensuite oeuvré pour les éloigner de lui, qu'à aucun moment, il n'a versé une participation aux charges.



De son côté, M. [S] [A] indique que son frère [Y] est en droit de solliciter une indemnité pour enrichissement sans cause puisque, de janvier 2010 au 5 décembre 2012, celui-ci a été le seul à sacrifier son existence pour aller vivre avec leur père, s'en occuper et lui permettre de finir ses jours dans sa maison et de bénéficier d'une économie substantielle, que leur père le considérait comme son bâton de vieillesse.



Selon l'article 1371 dans sa version en vigueur au jour de l'assignation, les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.







Le devoir moral d'un enfant envers l'un de ses parents n'exclut pas qu'il puisse obtenir une indemnité pour l'aide et l'assistance apportées, dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif de son parent. Il incombe à la partie qui invoque l'enrichissement sans cause d'établir que l'appauvrissement par elle subi et l'enrichissement corrélatif de son parent ont eu lieu sans cause.



M. [Y] [A] verse aux débats des attestations de proches selon lesquels :

- il a quitté la Loire-Atlantique, sa vie de famille et de père, a abandonné son projet de création d'une activité de marchand ambulant, pour venir aider son père domicilié dans l'Eure en janvier 2010 jusqu'au décès de celui-ci,

- il gérait et organisait le quotidien de ce dernier qui était dépendant.



Il produit aussi un courrier dactylographié de son père aux termes duquel celui-ci a confirmé expressément cette intervention de son fils près de lui et le fait qu'il négligeait sa vie personnelle et professionnelle.



De leur côté, les intimés s'opposant à M. [Y] [A] produisent une attestation de M. [M] [L] selon lequel, d'après plusieurs contacts téléphoniques avec l'ex-compagne de M. [Y] [A], ce dernier aurait été expulsé de son domicile par la gendarmerie et que, par la suite, il avait élu domicile chez son père. Ce seul témoignage, émanant d'un proche de Mme [F] [A] veuve [L], n'est corroboré par aucun autre élément de preuve.



En revanche, M. [Y] [A] ne démontre pas que sa présence au quotidien chez son père était imposée par l'état de santé de celui-ci en janvier 2010. Le questionnaire sur l'état médical de ce dernier, selon lequel il était incapable de faire sa toilette, se vêtir, se déplacer, faire ses transferts et gérer son incontinence, a été établi par son médecin généraliste le 12 juin 2012, soit plus de deux ans plus tard. De plus, en septembre 2009, M. [Y] [A] avait sollicité l'octroi d'une place en foyer logement dans une résidence à [Localité 14] pour son père. Il le considérait ainsi à cette époque comme une personne autonome.



Il résulte du certificat de travail de la société Arcadinter-Groupe Dlsi, des avis d'impositions produits par M. [Y] [A] et de ses conclusions, que celui-ci a poursuivi une activité professionnelle en 2010 et 2011 comme conducteur d'engins, de sorte qu'il n'était pas en permanence avec son père.



Il avance qu'il a mis fin à son activité de poissonnier ambulant pour venir aider son père. Mais, l'attestation provisoire de déclaration d'une activité non sédentaire qu'il produit mentionne une autorisation pour l'activité de vente de poissons et de fruits et légumes pour une durée maximale d'un mois du 9 décembre 2008 au 9 janvier 2009 et bien antérieure à la date de son départ en janvier 2010 pour s'installer au domicile paternel. La fin de cette activité n'est donc pas liée à cet événement.



La preuve des sacrifices professionnels que M. [Y] [A] invoque pour se consacrer aux soins que nécessitait son père n'est pas apportée. Celle de son sacrifice matériel consistant à quitter la maison de la grand-mère de sa compagne qu'il avait entièrement réhabilitée ne l'est pas davantage. Les photographies non datées et les attestations qu'il verse aux débats pour en justifier ne sont pas à elles seules suffisantes pour corroborer ses affirmations.



Par ailleurs, si M. [Y] [A] justifie qu'il était présent lors des visites mensuelles du médecin généraliste, promenait son père, faisait les courses, achetait et allait chercher les médicaments et le matériel médical, il ressort de ses propres pièces que M. [T] [A] bénéficiait trois fois par jour de l'aide et de soins (pendant 45 minutes, soit au total 2h15 par jour) dispensés par des aides à domicile, tiers professionnels rémunérés (Adef 27, puis, Apac [Localité 30] du 1er février 2011 au 5 décembre 2012), et ce depuis au moins mai 2009 comme cela ressort d'un courrier de protestation de sa part adressé à la responsable de secteur le 26 mai 2009. Contrairement aux indications de M. [Y] [A] dans ses conclusions qui contredisent les plannings et les recommandations établis par ses soins, son père prenait lui-même ses médicaments sous le contrôle des aides à domicile. De même, les prestations de ménage et de lavage du linge, ainsi que l'élaboration des repas, étaient effectuées par les intervenants à domicile. La préparation des piluliers était réalisée par Mme [G], infirmière, comme celle-ci l'indique dans son attestation.



M. [Y] [A] ne démontre pas que ''assistance qu'il a apportée à son père est allée au-delà de la simple entraide familiale et qu'elle n'était pas sans contrepartie. S'il est justifié que M.[Y] [A] a effectué un virement de 300 euros le 22 octobre 2010 et mensuellement à compter du 11 janvier 2011 de son compte à La Banque Postale sur celui de son père au Crédit Agricole, sa cause n'est pas démontrée. Il ressort des relevés bancaires de M. [T] [A] qu'un chèque de banque de 9 000 euros y a été débité le 27 septembre 2010. Les intimés s'opposant à M. [Y] [A] avancent que lesdits virements correspondent au remboursement de cette avance faite pour l'achat un véhicule 4x4 par M. [Y] [A]. Ce dernier ne réplique pas à ce moyen. Il précise seulement qu'il faisait les courses et assumait l'assurance du véhicule automobile qu'il avait acheté spécialement pour son père, mais sans produire les relevés bancaires et/ou l'attestation de l'assureur qui en font la preuve.



Il n'a pas d'explication sur la cause d'un chèque de 5 000 euros débité du compte bancaire de M.[T] [A] le 27 septembre 2012, soit environ deux mois et demi avant son décès. Il n'en a pas davantage relativement à de nombreux débits effectués entre 2010 et 2012, par carte pour des dépenses de téléphone portable, d'internet, dans des bars, tels que dénoncés par les parties adverses, et par chèque (1 500 euros le 22 avril 2010, 500 euros le 28 septembre 2010), alors que M. [T] [A] ne pouvait pas se déplacer seul.



Il s'en déduit, d'une part, que, de janvier 2010 jusqu'au 5 décembre 2012, M. [Y] [A] n'a pas participé financièrement aux charges de son hébergement chez son père, profitant ainsi d'un accueil gratuit et, d'autre part, qu'il a bénéficié de l'aide financière de son père.



N'établissant pas s'être appauvri et avoir apporté corrélativement un enrichissement à son père, M. [Y] [A] sera débouté de sa demande tendant à la fixation d'une créance d'assistance sur l'indivision successorale. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.





Sur la demande d'attribution préférentielle



M. [Y] [A] la justifie par le fait qu'il travaille régulièrement et qu'il a des revenus stables.



Les intimés s'opposant à lui font valoir qu'il n'a aucune intention de verser une soulte à l'indivision et ne démontre pas qu'il serait en mesure de s'en acquitter, qu'il n'a aucunement facilité un règlement amiable des successions de ses parents.



M. [S] [A] donne son accord pour qu'il soit fait droit à cette demande.



Aux termes de l'article 831-2 du code civil, tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès.



Il n'est pas contesté que M. [Y] [A] était, au jour du décès de son père, domicilié au [Adresse 4], dans la maison appartenant à ses parents dont il demande l'attribution préférentielle. Il remplit la condition d'habitation effective de l'immeuble indivis.





Toutefois, dans cette hypothèse, l'attribution préférentielle n'est pas de droit. A défaut d'accord amiable, le juge saisi d'une telle demande qui est facultative dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier les intérêts en présence, comme prévu par l'article 832-3 du code précité.



M. [Y] [A] justifie, au vu de son avis d'impôt 2019, que ses revenus mensuels pour l'année 2018 se sont élevés à 1 617 euros par mois (salaires annuels de 19 412 euros). Mais, il n'établit pas le montant de ses charges, notamment s'il doit s'acquitter du remboursement d'emprunts, ni, plus généralement, ses capacités à régler une soulte à ses coïndivisaires pour lui permettre d'obtenir l'attribution de cet immeuble.



En conséquence, sa demande d'attribution préférentielle dudit immeuble indivis sera rejetée. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.





Sur la demande d'une indemnité d'occupation



Les intimés s'opposant à M. [Y] [A] indiquent qu'il est toujours en possession des clés de l'immeuble dont ils ne disposent pas, qu'il leur en refuse l'accès par des menaces, que cet immeuble n'est pas inhabitable car l'expert judiciaire a déterminé une valeur locative, que, jouissant seul de cet immeuble indivis, l'appelant est redevable d'une indemnité d'occupation.



M. [Y] [A] répond que ses frères et soeurs avaient tous les clés de la maison avant et après le décès de leur père, comme le confirme [S] ; que cet immeuble est inhabitable car il n'y a plus d'eau, ni d'électricité, et des travaux urgents sont à faire notamment au niveau de la toiture ; qu'il est le seul à l'entretenir.



Selon l'article 815-9 alinéa 2 du code civil, l'indivisaire qui jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.



C'est le cas lorsqu'il empêche les autres indivisaires de jouir du bien indivis. Ainsi, l'indivisaire qui détient seul les clés de l'immeuble indivis en a la jouissance privative et exclusive.



Comme jugé ci-dessus, M. [Y] [A] bénéficie, depuis le décès de M. [T] [A] le 5 décembre 2012, de la jouissance de la maison d'habitation indivise de ses parents où il a établi sa domiciliation.



Toutefois, cette jouissance n'est pas privative. Les intimés s'opposant à M. [Y] [A] ne prouvent pas que ce dernier les ait empêchés de jouir de cet immeuble. MM. [S] et [R] [A] attestent que tous les enfants disposaient d'un jeu de clés de cet immeuble. M. [S] [A] ajoute que nul n'a été empêché de venir dans l'immeuble et de l'entretenir. Ces témoignages ne sont pas contredits par la preuve contraire et le rapport de l'expertise judiciaire immobilière n'est pas produit. Les intimés s'opposant à M. [Y] [A] ne démontrent pas davantage qu'ils ont été victimes de menaces de sa part pour accéder à l'immeuble indivis.



Les conditions de l'article 815-9 n'étant pas réunies, les intimés s'opposant à

M. [Y] [A] seront déboutés de leur réclamation. Le jugement du tribunal ayant dit que ce dernier était redevable d'une indemnité d'occupation pour la période du 6 décembre 2012 jusqu'au jour du partage, dont le montant sera fixé par le notaire, sera infirmé.



Sur les demandes accessoires



Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles seront confirmées.



Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.



L'équité et la nature familiale de ce litige commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt par défaut, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort :



Dans les limites de l'appel formé,



Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que M. [Y] [A] était redevable d'une indemnité d'occupation pour le bien sis [Adresse 4] pour la période allant du 6 décembre 2012 jusqu'au jour du partage, dont le montant sera fixé par le notaire au regard des conclusions du rapport d'expertise immobilière et sous le contrôle du juge commis,



Et statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,



Déboute Mmes [K] [A] épouse [JE], [F] [A] veuve [L], [D] [A] épouse [IB], [J] [A] épouse [B], M. [HF] [A], MM. [O] et [Z] [A] et Mme [FV] [A], ès qualités d'héritiers de M. [X] [A] et de Mme [E] [P] veuve [A], de leur demande d'indemnité d'occupation à la charge de M. [Y] [A],



Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,



Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de partage.







Le greffier,La présidente de chambre,

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