17 mai 2022
Cour d'appel de Poitiers
RG n° 20/02720

1ère Chambre

Texte de la décision

ARRÊT N°280



N° RG 20/02720



N° Portalis DBV5-V-B7E-GD7L















SCCV VILLA PHENICIA



C/



S.A.R.L. ATELIERS [X] ET ASSOCIÉS



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 17 MAI 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 octobre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS





APPELANTE :



Société SCCV VILLA PHENICIA

34 rue des Charbonniers

86190 QUINCAY



ayant pour avocat postulant Me Jessy RENNER, avocat au barreau de POITIERS



ayant pour avocat plaidant Me Justine NIBAUDEAU, avocat au barreau de POITIERS





INTIMÉE :



S.A.R.L. ATELIERS [X] ET ASSOCIÉS

8 bd du Maréchal de Lattre de Tassigny

86000 POITIERS



ayant pour avocat postulant Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU-VEYRIER- LE LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de POITIERS



ayant pour avocat plaidant Me Lola BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :



Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller





GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,







ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE



- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






*****





PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Par contrat en date du 16 avril 2012, la société Alcor Immobilier à laquelle s'est substituée la sccv Villa Phenicia a confié à la société Ateliers [X] et associés une mission complète de maîtrise d''uvre pour la construction à Lagord (Charente-Maritime) de 37 logements individuels groupés.



Par acte du 24 mai 2018, la société Ateliers [X] et associés a fait citer la sccv Villa Phenicia devant le tribunal de grande instance de Poitiers pour obtenir paiement en principal des sommes de 106.901,31 €, solde d'honoraires restant selon elle dû, de 3.830,90 € correspondant à l'indemnité de résiliation stipulée et de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive. Elle a soutenu à l'appui de ses demandes avoir exécuté ses obligations contractuelles, que ni le surcoût allégué des travaux, ni le défaut de conformité, ni le retard de chantier des construction n'étaient justifiés, que les travaux supplémentaires imposés par la société Enedis (Erdf) n'avaient pas été demandés lors de l'octroi du permis de construire alors même que le dossier avait été transmis à cette société en cours d'instruction.



La sccv Villa Phenicia a conclu au rejet de ces demandes, le budget convenu ayant été dépassé, les règles d'accessibilité n'ayant pas été respectées, la mairie ayant refusé la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux, le chantier ayant été achevé avec retard, divers documents de fin de chantier ne lui ayant pas été communiqués. Elle a soutenu avoir dû supporter le coût de travaux supplémentaires, ne pas être tenue au paiement des honoraires afférents, n'avoir pu réaliser le projet initialement conçu et que sa marge bénéficiaire avait été réduite du fait des manquements du maître d'oeuvre. Elle a pour ces motifs contesté être tenue du paiement d'une indemnité de résiliation. Reconventionnellement, elle a demandé à titre principal paiement à titre de dommages et intérêts des sommes de 444.134 € en réparation de son préjudice commercial et de 202 645 € en réparation de son préjudice économique.



Par jugement du 27 octobre 2020, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Poitiers a statué en ces termes :



'Condamne la SCCV Villa Phénicia à payer à la SARL Ateliers [X] et Associés la somme de 96 901,31 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2018.



Rejette les autres demandes.



Condamne la SCCV Villa Phénicia aux dépens.



Ordonne l'exécution provisoire'.



Il a considéré que :



- la demanderesse justifiait que restait due la somme de 106.901,31 € au titre de ses honoraires de maîtrise d'oeuvre ;

- la sccv Villa Phenicia ne justifiait ni du dépassement budgétaire allégué, ni d'un suivi défectueux du chantier, ni d'un retard du chantier, ni d'un défaut de conformité aux règles d'accessibilité ;

- la construction d'un local électrique supplémentaire en raison de l'irrespect de la norme NF C14-100 concernant l'alimentation électrique de l'îlot D avait été à l'origine pour le maître de l'ouvrage d'un préjudice dont la réparation avait été estimée à 10.000 € ;

- les autres préjudices allégués n'étaient pas établis.



Il a rejeté la demande de paiement d'une indemnité de résiliation de la société Ateliers [X] et associés ayant tardé à mettre en oeuvre les prescriptions de la société Erdf et celle d'indemnisation à raison d'une résistance abusive de la sccv Villa Phenicia.



Il a compensé entre elles ces créances.



Par déclaration reçue au greffe le 25 novembre 2020, la société sccv Villa Phenicia a interjeté appel de ce jugement.



Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2021, elle a demandé de :



'Vu le Code Civil et notamment ses articles 1217, 1219, 1231-1 et 1231-2,

Vu le Code de Procédure Civile et notamment ses articles 100, 115 et 700,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

[...]

- DIRE ET JUGER recevable l'appel formé par la SCCV VILLA PHENICIA

A titre principal :



- INFIRMER le jugement du 27 octobre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de Poitiers en ce qu'il a :

o CONDAMNE la SCCV VILLA PHENICIA à payer à la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES la somme de 96 901, 31 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2018

o REJETE la demande de condamnation de la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES à verser à la SCCV VILLA PHENICIA la somme de 444 134 € en réparation de son préjudice commercial résultant de la perte de marge pour le dit projet de construction, montant augmenté des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée avec capitalisation des intérêts,

o REJETE la demande de condamnation de la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES à verser à la SCCV VILLA PHENICIA la somme de 202 645 € en réparation de son préjudice économique, montant augmenté des intérêts au taux légal courant à compter de l'assignation délivrée avec capitalisation des intérêts,

o REJETE la demande de condamnation de la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES à payer à la SCCV VILLA PHENICIA la somme de 3 000 € au titre des disposition de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que mettre à sa charge les entiers dépens de l'instance,



Par conséquent, statuant à nouveau :



- CONDAMNER la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES à verser à la SCCV VILLA PHENICIA la somme de 308.493,16€ en réparation de son préjudice financier montant augmenté des intérêts au taux légal courant à compter de l'assignation délivrée avec capitalisation des intérêts ;



- CONDAMNER la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES à verser à la SCCV VILLA PHENICIA la somme de 444.134 € en réparation de son préjudice commercial résultant de la perte de marge pour le projet de construction, montant augmenté des intérêts au taux légal courant à compter de l'assignation délivrée avec capitalisation des intérêts,



A titre subsidiaire :



- INFIRMER le jugement du 27 octobre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de Poitiers en ce qu'il a :

o REFUSE de réduire la demande de paiement des honoraires impayés à la somme de 50 300,66€ TTC,

o REJETE la demande de condamnation de la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES à payer à la SCCV VILLA PHENICIA la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que mettre à sa charge les entiers dépens de l'instance.



Par conséquent, statuant à nouveau :



- REDUIRE la demande de paiement des honoraires impayés à la somme de 50 300, 66 € TTC,



En tout état de cause,



- CONDAMNER la SARL ATELIERS [X] ET ASSOCIES à payer à la SARL VILLA PHENICIA la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que mettre à sa charge les entiers dépens de l'instance.

- CONFIRMER le jugement rendu le 27 octobre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Poitiers en ce qu'il a :

o REJETE les autres demandes de la SARL ATELIERS [X] & ASSOCIES tendant à obtenir :

' La condamnation de la SCCV VILLA PHENICIA au paiement de la somme de 3 830,90 € au titre de l'indemnité de résiliation,

' La condamnation de la SCCV VILLA PHENICIA au paiement de la somme de 3 000 € pour résistance abusive,

' La condamnation de la SCCV VILLA PHENICIA au paiement de la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile'.



Elle a soutenu être fondée à opposer une exception d'inexécution en raison des manquements de la société Ateliers [X] et associés, à savoir :



- une sous-estimation du coût des travaux, de 276.813 € ;

- un retard d'achèvement du chantier, les logements n'ayant pu être livrés comme convenu à un bailleur social ;

- un suivi insuffisant du chantier;

- un défaut de diligence à mettre en oeuvre les préconisations de la société Erdf (Enedis) ;

- un défaut de conformité de la construction aux normes d'accessibilité, le maire ayant refusé la délivrance du certificat de conformité.



Elle a chiffré comme suit son préjudice :



- 484.986 € (hors taxes) correspondant au surcoût supporté, soit :



- surcoût des travaux : 376.869 € ;

- surcoût des honoraires de maîtrise d'oeuvre : 29.395 € ;

- local électricité de l'îlot D : 26.240,76 €.



- 308.496,16 € correspondant à la perte financière subie ;

- 441.134 € correspondant à la perte de gain (perte de marge).



Subsidiairement, elle a soutenu que la créance d'honoraires de l'appelante était d'au plus 50.300 € (toutes taxes comprises).



Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2021, la société Ateliers [X] et associés a demandé de :



'Vu les dispositions de l'article 1147 (1231-1) du Code Civil,

Vu les dispositions de l'article 1134 (1103) du Code Civil,

Vu le contrat d'architecte,

Vu le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS le 27 octobre 2020,



A titre principal,



Confirmer le jugement en ce que l'action en paiement initiée par la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES à l'égard de la Société VILLA PHENICIA a été accueillie et jugée bien fondée ;





Par conséquent,

Confirmer le jugement en ce que la Société VILLA PHENICIA a été condamnée à verser à la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES le solde de ses honoraires,



Cependant,



Réformer le jugement en ce que la demande reconventionnelle du maître d'ouvrage a été accueillie à hauteur de 10.000 € et en ce que le montant des honoraires restants dus à l'architecte a été limité en conséquence à la somme de 96 901,31 € par compensation,



Réformer le jugement en ce que la SCCV VILLA PHENICIA a été condamnée à payer à la SARL ATELIERS [X] ET ASSOCIES la somme de 96 901,31 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2018,



Statuant de nouveau,



Condamner la SCCV VILLA PHENICIA à verser à la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES une somme de 106.901,31 € au titre du solde des honoraires impayés, assortie des intérêts moratoires tels que prévus au contrat à compter de la date des factures litigieuses,



Condamner la SCCV VILLA PHENICIA à verser à la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES une somme de 3.830,90 € au titre de l'indemnité de résiliation contractuellement prévue,



Condamner la SCCV VILLA PHENICIA à verser à la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,



En tout état de cause,



Condamner la SCCV VILLA PHENICIA à verser à la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES une somme de 5. 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens



Dire et juger mal-fondées et injustifiées les demandes présentées par la SCCV VILLA PHENICIA à l'encontre de la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES



Par conséquent



Débouter la SCCV VILLA PHENICIA de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles présentées à l'encontre de la Société ATELIERS [X] ET ASSOCIES'.



Elle a maintenu sa demande en paiement du solde d'honoraires, selon elle contractuellement dû.



Elle a contesté toute faute dans l'exécution de ses obligations :



- la réalisation d'un local électrique supplémentaire ayant été imposée par la société Enedis et le préjudice retenu par le premier juge de ce chef ayant été évalué forfaitairement sans le moindre élément de preuve ;

- aucune date d'achèvement du chantier n'ayant été convenue ;

- l'augmentation du budget du projet étant demeurée dans la limite convenue de 15 % du chiffrage initial ;

- le suivi du chantier ayant été assuré ;

- un second rapport en date du 6 juillet 2017 du cabinet Qualiconsult ayant fait suite à un premier en date du 16 juin précédent établissant le respect des règles relatives à l'accessibilité aux logements des personnes handicapées.



Elle a soutenu que l'appelante ne justifiait ni du surcoût, ni des préjudices financiers allégués, n'ayant procédé que par affirmation.



Elle a pour ces motifs maintenu ses demandes de paiement de l'indemnité de résiliation et de dommages et intérêts pour résistance abusive.



L'ordonnance de clôture est du 14 février 2022.






MOTIFS DE LA DÉCISION



A - SUR LES MANQUEMENTS



L'article 1134 ancien du code civil (articles 1103, 1104 et 1193 nouveaux) applicable en l'espèce dispose notamment que 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites'.



L'article 9 du code de procédure civile rappelle que : 'Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.



L'appelante reproche à l'intimée :



- un dépassement excessif du budget prévisionnel ;

- d'avoir tardé à exécuter les prescriptions de la société Enedis s'agissant de la desserte électrique de l'îlot D ;

- d'avoir réalisé un ouvrage non conforme aux règles d'accessibilité.



1 - sur le coût des travaux



En page 3 du contrat de maîtrise d'oeuvre, il a été stipulé que : 'Au jour de la signature du contrat, le maître d'ouvrage dispose d'une enveloppe financière de :

2 769 112,;50 € HTsoit3 311 858,55 € TTC

étant entendu que le taux de TVA applicable est de 19,6 %'.



Le coût prévisionnel des travaux a été évalué comme suit :

'montant prévisionnel des TRAVAUX (démolitions, bâtiment, voirie et réseaux divers, hors fondations spéciales) :

2 586 750,00 €soit3 072 225,00 € TTC'.



En page 4, il a été rappelé en ces termes que d'autres dépenses seraient à supporter par le maître d'ouvrage :



'L'attention du maître d'ouvrage est attirée sur le fait que, outre le coût des travaux, les honoraires de la maîtrise d'oeuvre et les frais directs, d'autres dépenses seront nécessaires à la réalisation de son opération telles que notamment :

[...]

' Branchements ou modifications électricité, gaz, téléphone, eau potable, E.U/E.V., TV, etc.

[...]

Il appartient au maître d'ouvrage de faire estimer ces différents postes et de s'assurer de leur financement'.



En page 3, les honoraires de l'architecte ont été estimés à 200.362,50 € hors taxes, soit 239.633,35 € toutes taxes comprises (tva : 19,6 %).



La rémunération a été détaillée en pages 4 à 7 du contrat. Elle est de 7,8 % du montant hors taxes des travaux. A ce montant s'ajoutent notamment le coût de missions supplémentaires (dossier qualitatif des ouvrages : 0,90 %) et divers frais à charge du maître d'ouvrage. Le règlement de ces honoraires a été convenu échelonné.



En page 4 du cahier des clauses générales du contrat, il a été stipulé que:



'L'architecte fournit l'estimation définitive du coût prévisionnel des travaux dans la limite d'une variation de plus ou moins 15 % en monnaie constante par rapport à l'estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux approuvé à l'APS.

Cette limite ne vaut que si le programme défini au CCP ou en annexe est inchangé'.



La charge de la preuve du dépassement du montant prévisionnel des travaux incombe à l'appelante.



Le seul document produit est un avenant en date du 7 juillet 2014 produit en copie signée du seul maître d'oeuvre, ayant augmenté de 239.633,55 € à 257.543,56 € (montants toutes taxes comprises) une prestation convenue et chiffré le montant prévisionnel des travaux à 2.568.750 € hors taxes, soit 3.303.690 € toutes taxes comprises (tva à 20 %). 



Aucun récapitulatif du coût des travaux validé par les parties n'a été produit aux débats.



L'appelante a produit un tableau récapitulatif (pièce n° 25) du coût total de la construction. Déduction faite des dépenses sans lien avec les travaux de construction (formalité, promotion, frais financiers, tva résiduelle, commercialisation) et des dépenses contractuellement stipulées devoir venir

s'ajouter au montant prévisionnel des travaux, le coût des travaux 'construction vrd' est de 2.607.893,30 € hors taxes, soit 3.119.040,39 € toutes taxes comprises (tva : 19,6 %). Ce montant n'excède pas les prévisions contractuelles.



2 - sur l'installation électrique



Le permis de construire délivré à la société Alcor Immobilier est du 16 juillet 2012. La demande initiale est du 27 avril 2012. Elle a été complétée les 31 mai et 14 juin 2012. Il n'est justifié d'aucune demande spécifique ou prescription concernant la desserte électrique de l'ensemble immobilier à construire. Divers courriels ont été échangés entre la société Erdf devenue Enedis et le maître d'oeuvre. Par courrier électronique en date du 17 juin 2016, [R] [P] de la société Erdf a indiqué, en suite d'échanges téléphoniques et d'une réunion de chantier le 9 juin précédent, qu'un local technique devait être accolé à l'îlot D afin d'en assurer la desserte électrique. Par courriel en date du 27 juillet 2016, [D] [X], maître d'oeuvre, s'est étonné de cette demande, rappelant que le permis de construire avait été délivré sans observation sur ce point. Par courriel en date du 8 août suivant, [R] [P] précité a rappelé les précédents échanges et indiqué que :



'A défaut de mise à disposition de colonnes électriques (pas de parties communes), la demande création de locaux techniques (1 local par ilot) se justifie par l'application et le respect de la NF C 14-100.

Nous vous rappelons que votre projet, au sens de la norme, relève du logement collectif et non pas du logement individuel'.



Par courriel en date du 13 septembre 2016, le maître d'oeuvre a transmis à la société Enedis un plan de l'ilot D modifié en considération de ses observations.



Le procès-verbal de réception des travaux par la société Enedis est en date du 14 février 2017, sans observation.



Il n'est pas justifié de la demande de permis de construire modificatif. Le projet de demande n'est pas daté. La notice 'PCM4 - Notice descriptive' produite, non signée, est datée du 19 septembre 2017. Les plans annexés comportent l'indication suivante : 'PCM Le 29.11017"



Il en résulte, alors même que la société Erdf/Enedis avait formulé ses observations courant juin 2016, que les dispositions prises pour solliciter un permis de construire modificatif sont de septembre 2017, soit 15 mois plus tard. Le maître d'oeuvre ne justifie pas de ce retard relevé par le premier juge. Dans un courrier recommandé en date du 16 octobre 2017 distribué le lendemain, l'appelante lie ce retard à l'exigence du maître d'oeuvre de voir établi un avenant au contrat initial.



Le désaccord des parties sur les conséquences financières de l'exécution de travaux non mentionnés au permis de construire ne caractérise pas une faute du maître d'oeuvre.



3 - sur le suivi du chantier



L'intimée justifie par la production des comptes-rendus de réunion de chantier d'un suivi régulier de celui-ci. Elle a produit les mises en demeure en date des 24 février 2015, 14 et mars 2017 adressées à la société Pro M intervenue sur le chantier.



Il n'est pas justifié d'un retard de chantier, aucune date d'achèvement de celui-ci n'ayant été stipulée entre les parties.



4 - sur l'accessibilité



Le rapport final de contrôle technique de la société Qualiconsult en date du 29 juin 2017 comporte cinq avis défavorables, sans lien avec l'installation électrique.



La déclaration d'achèvement des travaux, au 29 mai 2017, a été reçue le 4 juillet suivant en mairie de Lagord. Par courrier en date du 29 septembre 2017, le maire de cette commune a indiqué que cette déclaration était irrecevable aux motifs que : 'l'attestation accessibilité que vous avez jointe signale que certaines dispositions ne respectent pas les règles d'accessibilité applicables'.



L'attestation de vérification de l'accessibilité aux personnes handicapées en date du 16 juin 2017 relève 9 manquements, principalement l'absence de mains courantes, de bande d'appel à la vigilance, de contremarches et de nez de marches contrastés. Une seconde attestation en date du 6 juillet 2017 ne relève aucun manquement. Aucune indication n'a été communiquée sur un nouveau rejet de la déclaration de conformité.



Ces développements ne permettent pas de caractériser un faute de l'intimée dans l'exécution de ses obligations contractuelles.





B- SUR LES DEMANDES EN PAIEMENT



1 - sur les honoraires



L'article 1315 ancien (1353 nouveau) précise que 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver' et que 'réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.



a - sur l'exception d'inexécution



Une partie est fondée à ne pas exécuter ses obligations lorsque son cocontractant manque à ses obligations principales.



Il résulte des développements précédents que l'appelante n'est pas fondée à opposer cette exception en l'absence de faute de l'intimée.



b - sur le solde restant dû



Le maître d'oeuvre a établi cinq notes d'honoraires (montants toutes taxes comprises) :



- n° 1 (facture n° 12.04.758) en date du 27 avril 2012 17.253,62 €

- n° 2 (facture n° 12.09.840) en date du 21 septembre 2012 25.880,44 €

- n° 3 (facture n° 14.08.1264) en date du 25 août 2014 75.794,63 €

- n° 4 (facture n° 15.10.1529) en date du 28 octobre 2015 5.726,02 €

- n° 5 (facture n° 17.03.1888) en date du 30 mars 2017 50.380,66 €.



Il n'est pas justifié du caractère erroné de cette facturation.



L'appelante ne justifie pas de paiements autres que ceux allégués par le maître d'oeuvre.



Reste due en principal la somme de 106.821,30 €, montant à augmenter des frais de recouvrement (articles L 441-3, L 441-6 et D 441-5 du code de commerce) de 80 € (2 x 40), soit un total de 106.901,30 €. Les intérêts de retard sont dus au taux légal à compter du 24 mai 2018, date de l'assignation.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu ces montants.



2 - sur l'indemnité de résiliation



L'article 9.2 du cahier des clauses générales du contrat de maîtrise d'oeuvre stipule, en cas de résiliation à l'initiative du maître d'ouvrage :



- aucune indemnité en cas de faute de l'architecte ;

- le versement en l'absence de faute de l'architecte du versement par le maître d'ouvrage 'd'une indemnité de résiliation égale à 20 % de la partie des honoraires qui lui aurait été versée si sa mission n'avait pas été prématurément interrompue'.



Le résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre par l'appelante n'est pas justifiée par des manquements de l'intimée la privant de l'indemnité de résiliation stipulée au contrat. Le jugement sera pour ces motifs infirmé de ce chef.



L'appelante ne justifiant pas du caractère erroné de l'évaluation faite de cette indemnité, le montant de 3.830,90 € (montant toutes taxes comprises) sera retenu. Les intérêts de retard sont dus au taux légal à compter du jugement.



3 - sur une résistance abusive de l'appelante



L'article 1153 ancien alinéa 4 du code civil (1231-6 nouveau) applicable au cas d'espèce dispose que 'le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance'.



L'intimée ne justifie pas d'un préjudice subi indépendant du retard de paiement que viennent réparer les intérêts moratoires. Sa demande présentée de ce chef sera en conséquence rejetée.



C - SUR UN PRÉJUDICE SUBI PAR L'APPELANTE



La charge de la preuve de la faute du maître d'oeuvre et du préjudice en étant résulté incombe à la sccv Villa Phenicia.



Les développements précédents établissent l'absence de faute de l'intimée.



Pour justifier du préjudice qu'elle aurait subi, l'appelante a produit :



- une attestation de vente le 29 décembre 2015 en l'état futur d'achèvement à une Société Immobilière 3F de divers lots (un bâtiment avec 13 logements, 13 emplacements de stationnement) au prix de 1.175.936,97 € ;

- une attestation de [W] [S], expert-comptable (tgs France anciennement Soregor) aux termes de laquelle : 'la SCCV VILLA PHENICIA..a subi une perte sèche et définitive de 308 493 € depuis sa création en 2013 et dont le projet n'a pas pu aboutir' et : 'De plus, aucune rémunération n'a été perçue au titre de la gestion de l'opération et sur toute la durée de celle-ci'.



Le projet de la sccv Villa Phenicia comportait 37 logements. La vente de 13 de ceux-ci en l'état futur d'achèvement n'est, à défaut d'autre élément d'appréciation, pas constitutive d'un préjudice. L'attestation de l'expert-comptable ne relie en rien la perte d'exploitation à une faute quelconque du maître d'oeuvre.



En l'absence de preuve d'une faute de ce dernier et d'un préjudice lui étant imputable, l'appelante n'est pas fondée à solliciter paiement de dommages et intérêts. Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande pour un montant forfaitaire de 10.000 €.



D - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE



Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application de ces dispositions en cause d'appel.



E - SUR LES DÉPENS



La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.





PAR CES MOTIFS,



statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,





INFIRME le jugement du 27 octobre 2020 du tribunal judiciaire de Poitiers sauf en ce qu'il :



'Condamne la SCCV Villa Phénicia aux dépens.



Ordonne l'exécution provisoire' ;



et statuant à nouveau de ces chefs d'infirmation,



CONDAMNE la sccv Villa Phénicia à payer à la société Ateliers [X] et Associés la somme de 106.901,31 € (montant toutes taxes comprises) avec intérêts de retard au taux légal à compter du 24 mai 2018 ;



CONDAMNE la sccv Villa Phénicia à payer à la société Ateliers [X] et Associés la somme de 3.830,90 € (montant toutes taxes comprises) avec intérêts de retard au taux légal à compter du jugement ;



DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;



REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la sccv Villa Phénicia aux dépens d'appel.





LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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