18 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00935

CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

ARRÊT DU

18 Mai 2022





CV / NC



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N° RG 21/00935

N° Portalis DBVO-V-B7F -C6AS

--------------------











[U] [J]



SARL [Adresse 7]



C/



[M] [B]



-------------------





































GROSSES le

aux avocats









ARRÊT n°











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile

Section commerciale







LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,





ENTRE :



Maître [U] [J] en qualité de mandataire judiciaire de la SARL [Adresse 7]

[Adresse 5]

[Localité 3]



SARL [Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]



représentés par Me Hélène PLENIER, SCP HANDBURGER PLENIER, avocate au barreau du GERS





APPELANTS d'un jugement du tribunal de commerce d'Auch en date du 24 septembre 2021, RG 2021 000205



D'une part,





ET :



Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 9] (59)

de nationalité française

domicilié : [Adresse 1]

[Localité 6]



représenté par Me Clara BOLAC, membre de la SCP D'ARGAIGNON-BOLAC, substituée à l'audience par Me Marie-Luce D'ARGAIGNON, avocate postulante au barreau du GERS

et Me Rodolphe PIRET, membre de la SELARL DRAGON BIERNACKI PIRET, avocat plaidant au barreau de DOUAI





INTIMÉ



D'autre part,





COMPOSITION DE LA COUR :



l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 16 mars 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :



Cyril VIDALIE, Conseiller



qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :



Valérie SCHMIDT et Jean-Yves SEGONNES, Conseillers



en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,



L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par écrit



Greffière : Nathalie CAILHETON



ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile



' '

'



Par acte du 15 février 2008, M. [M] [B] a consenti à SARL Bocages un bail par lequel il lui a loué 5 roulottes n°101, 401, 502, 503 et 604 stationnées dans un parc résidentiel de loisirs implanté à [Localité 8] (32), en vue d'une exploitation commerciale, moyennant le paiement d'un loyer de 2 660 euros hors taxes payable le 15 des mois de mars, juin, septembre et décembre de chaque année.



Une sous location autorisée par le bailleur a été convenue entre la SARL Bocages et la SARL [Adresse 7].



Par jugement du 18 septembre 2013, le tribunal de commerce de Nevers a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SARL Bocages.



Par arrêt du 9 janvier 2019, la présente cour a jugé que le bail s'est poursuivi entre M. [M] [B] et la SARL [Adresse 7] et condamné cette dernière au paiement d'une somme de 52 421 euros au titre de loyers impayés entre le 1er avril 2010 et le 31 décembre 2017, ainsi que d'une autre somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.



Par jugement du 8 février 2019, le tribunal de commerce d'Auch a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la SARL [Adresse 7] et désigné Maître [U] [J] en qualité de mandataire judiciaire.



M. [M] [B] a déclaré sa créance à titre chirographaire à hauteur de 55 916,31 euros, et établi une nouvelle déclaration de créance le 10 avril 2019 portant son montant à 75 866,31 euros en y incluant les loyers échus au cours de l'année 2018 et du 1er semestre de l'année 2019.



La créance a été admise par ordonnance du juge-commissaire du 30 octobre 2019.



Exposant que les loyers postérieurs et exigibles n'étaient pas payés, M. [M] [B] a présenté une requête au juge-commissaire afin de voir constater la résiliation du bail, et d'être autorisé à reprendre possession des roulottes.



Par ordonnance du 15 janvier 2021, le juge-commissaire a constaté la résiliation du bail, et débouté M. [M] [B] de sa demande de revendication de matériel jugée tardive.



M. [M] [B] a contesté cette décision qui a été portée devant le tribunal de commerce d'Auch.



Par jugement du 24 septembre 2021, le tribunal de commerce d'Auch a :



- confirmé l'ordonnance du 15 janvier 2021 du juge-commissaire au redressement judiciaire de la SARL [Adresse 7] en ce qu'elle a constaté la résiliation au 10 avril 2020 du bail conclu entre la SARL [Adresse 7] et M. [M] [B] et portant sur 5 roulottes n° 101, 401, 502, 503 et 604 dont ce dernier est propriétaire,

- Infirmé l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle déboutait M. [M] [B] de sa demande en revendication de matériel,

- autorisé M. [M] [B] à reprendre immédiatement possession des dites roulottes, préalablement débranchées par la SARL [Adresse 7] des différents réseaux auxquels elles sont raccordées et désolidarisées du sol, dès signification du présent jugement, et ce, que les roulottes soient occupées ou non,

- dit que cette restitution devra avoir lieu à première demande de M. [M] [B] ou de la personne qu'il aura mandatée pour effectuer cette reprise, qu'en cas d'obstacle ou d'absence de réponse utile de la part de la SARL [Adresse 7], M. [M] [B] pourra solliciter au besoin le concours de la force publique,

- autorisé M. [M] [B] à se faire assister ou représenter pour la reprise de possession de ses roulottes par un huissier de justice qui aura le cas échéant mission de dresser un état des lieux contradictoire des roulottes,

- condamné la SARL [Adresse 7] à verser à M. [M] [B] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL [Adresse 7] aux entiers dépens, liquidés pour le greffe à la somme de 113 euros.



Le tribunal a considéré que la demande de résiliation du bail était suffisamment justifiée par la production du bail commercial, et des documents justifiant du défaut de paiement des loyers.



S'agissant de la demande de reprise des roulottes, le tribunal a retenu qu'en signant le bail commercial soumis au décret du 30 septembre 1953, les parties ont reconnu être informées des conséquences attachées au caractère commercial du bail, de sorte qu'elles ont considéré les roulottes comme des immeubles devant être raccordés aux réseaux de fluides et d'assainissement, et dont l'enlèvement nécessitait la désolidarisation du sol ; qu'en outre les roulottes relevaient de la catégorie des immeubles par destination en vertu des articles 524 et 525 du Code civil ; qu'ainsi, M. [M] [B] était fondé à demander leur restitution dès la résiliation du bail.



La SARL [Adresse 7] et Maître [U] [J], agissant en qualité de mandataire judiciaire, ont formé appel le 10 octobre 2021, désignant en qualité d'intimé M. [M] [B], et visant dans leur déclaration les chefs du jugement qui ont :



- infirmé l'ordonnance rendue par le juge commissaire de la SARL [Adresse 7] qui a débouté Monsieur [B] de sa demande de revendication de matériel et autorisé M. [M] [B] à reprendre immédiatement possession des roulottes dès signification du jugement, le cas échéant avec le concours d'un huissier et de la force publique,



- condamné la SARL [Adresse 7] à payer à Monsieur [B] la somme de 2 500 € sur le fondement de dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.



Un avis de désignation d'un conseiller de la mise en état a été diffusé le 11 octobre 2021.




La déclaration d'appel a été signifiée le 2 décembre 2021 à M. [M] [B].



L'affaire a été fixée à bref délai par ordonnance du 15 décembre 2021.





La SARL [Adresse 7] et Maître [U] [J] ont déposé leurs conclusions le 23 décembre 2021.



La procédure a été communiquée au ministère public le 18 janvier 2022.



M. [M] [B] a déposé ses conclusions le 21 janvier 2022.



Le ministère public a déclaré s'en rapporter à la décision de la Cour le 8 mars 2022.



Par uniques conclusions du 23 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, et abstraction faite des donner acte qui ne constituent pas des prétentions, la SARL [Adresse 7] et Maître [U] [J] demandent à la Cour de :



- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 24 septembre 2021, sauf en ce qu'il a constaté que le bail conclu entre la SARL [Adresse 7] et M. [M] [B] était résilié,

- débouter M. [M] [B] de ses demandes,

- condamner M. [M] [B] à leur payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.



La SARL [Adresse 7] et Maître [U] [J] présentent l'argumentation suivante :



- la décision du juge-commissaire n'est pas discutée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail,



- le tribunal a retenu que les roulottes sont des immeubles par destination ; or un tel immeuble est affecté à un immeuble dont il constitue l'accessoire ; la propriété des roulottes est donc rattachée au terrain, propriété des époux [R], et elles ne peuvent faire l'objet d'un droit de propriété distinct, ce qui justifie l'infirmation du jugement,



- les roulottes sont des meubles, et leur revendication se trouve soumise à la procédure prévue par les articles L.624-9 du Code de commerce, de sorte que l'action de M. [M] [B] est irrecevable et infondée.



Par uniques conclusions du 21 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, M. [M] [B] demande à la Cour de :



- confirmer le jugement du 24 septembre 2021 du tribunal de commerce d'Auch en toutes ses dispositions et en conséquence,

- constater la résiliation au 10 avril 2020 du bail conclu entre la SARL [Adresse 7] et lui, et portant sur 5 roulottes n°101, 401, 502, 503 et 604 dont il est propriétaire,

- l'autoriser à reprendre immédiatement possession des dites roulottes, dès signification de l'ordonnance à intervenir, et ce, que les roulottes soient occupées ou non,

- dire et juger que cette restitution devra avoir lieu à première demande de sa part ou de la part de la personne qu'il aura mandatée pour effectuer cette reprise,

- dire et juger qu'en cas d'obstacle ou d'absence de réponse utile de la part de la SARL [Adresse 7], il pourra solliciter au besoin le concours de la force publique,

- l'autoriser à se faire assister ou représenter pour la reprise de possession de ses roulottes par un huissier de justice qui aura le cas échéant mission de dresser un état des lieux contradictoire des roulottes,

- rejeter toutes demandes contraires,

- condamner la SARL [Adresse 7] et Maître [U] [J] ès-qualité à lui régler une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner la SARL [Adresse 7] et Maître [U] [J] ès-qualité aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui régler une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.



M. [M] [B] présente l'argumentation suivante :



- les roulottes étant utilisées pour l'activité de l'entreprise, elles en constituent l'objet au sens de l'article L.622-14 du Code de commerce, ce qui justifie l'application des dispositions de cet article à l'exclusion de toute autre, sans qu'il y ait lieu de rechercher si elles constituent des meubles ou des immeubles,



- il ressort des dispositions des articles L.145-1 et L.145-2 du Code de commerce qu'un bail commercial ne peut porter que sur des immeubles, et le bail litigieux a été qualifié de commercial,



- il est établi par un constat d'huissier que les roulottes reposent sur des pneumatiques inutilisés depuis l'origine qui sont hors d'état, ne disposent pas d'un dispositif d'attache à un véhicule tracteur, sont dotées d'un escalier empêchant leur déplacement, sont dépourvues de plaque minéralogique, et sont raccordées aux réseaux d'électricité, d'eau, et d'assainissement.






Motifs



Il résulte de la disposition non contestée du jugement du tribunal de commerce du 24 septembre 2021 que le bail a été résilié à la date du 10 avril 2020.



Il ressort de l'article 'Restitutions des roulottes-enlèvement' inséré dans l'acte que le preneur est tenu de restituer les roulottes au moment où le bail prend fin.



Cette stipulation fonde la demande de restitution de M. [M] [B].



Les appelants opposent à sa demande les dispositions de l'article L.624-9 du Code de commerce qui dispose que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire.



Il ressort cependant du procès-verbal de constat établi par Maître [I] [K], huissier de justice, le 4 novembre 2019, que les roulottes sont dotées d'appareils électriques, d'éviers, de robinetteries, et de sanitaires, impliquant des raccordements à des réseaux fixes d'alimentation en électricité et en eau, ainsi que d'évacuation des eaux usées ; il est en outre constant qu'elles n'ont pas été déplacées depuis leur installation ; elles présentent donc un caractère de fixité et doivent être considérées comme des biens immobiliers par nature, exclus en tant que tels du champ d'application de l'article L.624-9 du Code de commerce.



En outre, les appelants ne versent aux débats ni le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ni le justificatif de sa publication permettant de déterminer le point de départ du délai de trois mois prévu par ce texte.



De plus, l'action en résiliation d'un bail immobilier est soumise à l'article L.622-14 du Code de commerce imposant au bailleur de respecter un délai de trois mois suivant le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, lorsque la demande porte sur le défaut de paiement des loyers afférents à une occupation postérieure au dit jugement, ce qui est le cas en l'espèce. Il ne peut dès lors être reproché au bailleur d'avoir agi plus de trois mois après ce jugement puisqu'il n'avait pas la possibilité de le faire auparavant.



La SARL [Adresse 7] et Maître [U] [J] ne peuvent enfin reprocher à M. [M] [B] de ne pas être le propriétaire des roulottes qui ne pourraient appartenir qu'aux propriétaires des terrains sur lesquels elles sont implantées, puisque son action est fondée sur les droits nés de l'acte de bail.



Le jugement sera confirmé.



M. [M] [B] ne démontrant pas le caractère abusif de la procédure, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.



En application de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.



En l'espèce, la SARL [Adresse 7], qui a succombé en première instance, a été à juste titre condamnée à supporter les dépens de première instance.



Son appel étant injustifié, elle sera tenue avec Me [U] [J] es qualité d'en supporter les dépens.



L'article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.



La SARL [Adresse 7] et Me [U] [J] es qualité seront condamnés à payer à M. [M] [B] 2 000 euros en application de ces dispositions.



Les dépens et cette somme, alloués par la Cour, trouvent leur origine dans le présent arrêt, postérieur à l'ouverture de la procédure collective, et entrent dans les prévisions de l'article L.622-17 du Code de commerce, de sorte que la SARL [Adresse 7] peut être condamnée à les payer.





PAR CES MOTIFS :



La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,



Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Auch du 24 septembre 2021,



Y ajoutant,



Condamne la SARL [Adresse 7] et Me [J] es qualité aux dépens d'appel,



Condamne la SARL [Adresse 7] et Me [J] es qualité à payer à M. [M] [B] 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Le présent arrêt a été signé par Cyril VIDALIE, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La Greffière,Le Président,

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