19 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.616

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200504

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Pièces - Communication - Communication simultanée à la notification des conclusions - Défaut - Office du juge - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 906 que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables. Cet article n'édicte pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions, même lorsque l'affaire est fixée à bref délai en application de l'article 905-1 précité. Il appartient, toutefois, au juge de rechercher si ces pièces ont été communiquées en temps utile

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Conclusions - Dépôt - Communication et notification aux parties - Sanction - Irrecevabilité - Effets - Pièces versées au soutien des conclusions - Office du juge

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 mai 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 504 F-B

Pourvoi n° W 21-14.616








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022

1°/ M. [X] [E], domicilié [Adresse 2],

2°/ la société Emera exploitations, société par actions simplifiée,

3°/ la société Emera, société par actions simplifiée,

4°/ la société Emera plus santé, société par actions simplifiée,

ayant toutes trois leur siège [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° W 21-14.616 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1 - chambre 3), dans le litige les opposant à la société FJMN, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [E] et des sociétés Emera exploitations, Emera et Emera plus santé, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société FJMN, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2021), ayant découvert fortuitement que le groupe Emera, avec lequel il était lié par un accord de partenariat, faisait l'objet d'une opération de cession de titres au bénéfice d'un tiers, le groupe Aplus, dont la société FJMN est subrogée dans les droits, a assigné le groupe Emera devant un juge des référés aux fins notamment de le voir condamné à communiquer certaines informations relatives à cette opération.

2. Par ordonnance du 27 février 2020, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé. La société FJMN a interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt de déclarer recevables les pièces et conclusions de la société FJMN, et en conséquence d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société FJMN, et statuant à nouveau et y ajoutant, de condamner les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] à communiquer à la société FJMN : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de quatre mois, alors :

« 1°/ que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; que l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé avec les pièces visées à peine d'irrecevabilité ; qu'en retenant que les conclusions et les pièces étaient recevables quand bien même les pièces n'avaient pas été produites avec les conclusions d'appel dans le délai d'un mois imparti à l'appelant, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ;

2°/ que, à tout le moins, le principe de contradiction suppose que l'intimé se soit vu notifier les pièces visées à l'appui de conclusions en demande dans le délai d'un mois qui lui est imparti à compter de la notification de ces conclusions lorsque l'affaire est fixée à bref délai ; qu'en considérant qu'il était suffisant que les pièces visées par les conclusions de l'appelant soient versées avant la clôture, peu important qu'elles n'aient pas été produites dans le délai d'un mois imparti à l'intimé pour y répondre, si bien qu'il n'y avait pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 905-2 du code de procédure civile, alinéas 1 et 2, issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

6. Il résulte de l'article 906 que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

7. Cet article n'édictant pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions, même lorsque l'affaire est fixée à bref délai en application de l'article 905-1 précité, le juge est toutefois tenu de rechercher si ces pièces ont été communiquées en temps utile.

8. Ayant relevé que les intimés avaient conclu, le 19 juin 2020, dans le délai imparti par l'article 905-2 du code de procédure civile, et que si l'appelante avait communiqué à la partie adverse les pièces, figurant sur son bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions, après l'expiration du délai des intimés pour conclure, la sanction de cette communication tardive ne pouvait, au regard de l'article 906 du même code, être l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante, notifiées dans le délai de l'article 905-2 requis, c'est à bon droit et sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel, après avoir constaté que l'appelante avait communiqué ses pièces le 24 juin, permettant ainsi aux intimés de conclure utilement au fond bien avant la date de clôture fixée au 22 octobre 2020, a déclaré recevables les conclusions et pièces de l'appelante.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [E], la société Emera exploitations, la société Emera et la société Emera plus santé aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E], la société Emera exploitations, la société Emera, la société Emera plus santé et les condamne à payer à la société FJMN la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. [E] et les sociétés Emera exploitations, Emera et Emera plus santé

Premier moyen de cassation

Les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables les pièces et conclusions de la société Fjmn, et en conséquence d'avoir infirmé l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société Fjmn, et statuant à nouveau et y ajoutant, condamné les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] à communiquer à la société Fjmn : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de 4 mois.

Alors que 1°) les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; que l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé avec les pièces visées à peine d'irrecevabilité ; qu'en retenant que les conclusions et les pièces étaient recevables quand bien même les pièces n'avaient pas été produites avec les conclusions d'appel dans le délai d'un mois imparti à l'appelant, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ;

Alors que 2°) à tout le moins, le principe de contradiction suppose que l'intimé se soit vu notifier les pièces visées à l'appui de conclusions en demande dans le délai d'un mois qui lui est imparti à compter de la notification de ces conclusions lorsque l'affaire est fixée à bref délai ; qu'en considérant qu'il était suffisant que les pièces visées par les conclusions de l'appelant soient versées avant la clôture, peu important qu'elles n'aient pas été produites dans le délai d'un mois imparti à l'intimé pour y répondre, si bien qu'il n'y avait pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ;

Alors que 3°) à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions devant être déposées dans le délai strict imparti à l'appelant d'un mois en cas de fixation de l'affaire à bref délai, l'ensemble des prétentions de l'appelant, en ce compris la demande visant à obtenir l'annulation d'un chef de dispositif du jugement ; qu'en considérant que la cour d'appel statuant au vu des dernières conclusions, il importait peu que les premières conclusions remises dans le délai imparti d'un mois n'aient pas critiqué les chefs de dispositif du jugement, la cour d'appel a violé les articles 905-2, 910-4 et 954 du code de procédure civile.

Second moyen de cassation, subsidiaire.

Les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société Fjmn, et statuant à nouveau et y ajoutant, condamné les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] à communiquer à la société Fjmn : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de 4 mois.

Alors que le juge des référés ne peut ordonner l'exécution d'une obligation de faire que pour prévenir un dommage imminent, faire cesser un trouble manifestement illicite, ou en présence d'une obligation non sérieusement contestable ; que l'absence de contestation sérieuse d'une obligation suppose que l'obligation soit incontestable en son principe ; qu'une promesse unilatérale d'achat est le contrat par lequel un acheteur, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la vente dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation de laquelle ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que le bénéficiaire est libre d'exercer cette option ; qu'en l'espèce, l'article 6-1-1 de l'accord de partenariat du 4 mai 2016 stipulait que devait être transmis à « à Aplus tout accord engageant relatif à une opération pouvant entraîner un changement de contrôle Emera », c'est-à-dire obligeant M. [E] à céder le contrôle défini comme la perte de plus de 50% d'Emera, directement ou indirectement ; qu'en considérant que la promesse d'achat faite au bénéfice du Groupe Emera, libre de céder ou non le contrôle en suite de cet engagement, était un « acte engageant », la cour d'appel a commis une erreur de qualification de la promesse ne permettant pas de caractériser l'absence de contestation sérieuse sur l'existence même de l'obligation de transmettre le document litigieux, étant constant que l'accord de cession de contrôle a été dûment transmis ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 873 al. 2 du code de procédure civile.

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