19 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.422

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200500

Titres et sommaires

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Exclusion - Fondement de la caducité - Articles non visés par l'article 911-1 du code de procédure civile

Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues notamment, par l'article 85 du même code. Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948. Il résulte de l'article 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile que la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie. Il découle de la combinaison de ces textes que dans une procédure avec représentation obligatoire, la caducité de la déclaration d'appel ne peut être prononcée sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, qui ne sont pas visés par l'article 911-1, alinéa 3, précité

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Fondement applicable - Portée

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence - Modalités - Détermination - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 mai 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 500 F-B

Pourvoi n° N 21-10.422






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022

M. [L] [J], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 21-10.422 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Selafa Mandataires judiciaires associés (Selafa MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr, exerçant sous le nom commercial Take Eat Easy,

2°/ à l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [J], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020), M. [J] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de requalification en contrat de travail de son contrat de prestation de services avec la société Takeeateasy.fr, placée en liquidation judiciaire, puis a relevé appel du jugement du 21 juin 2018 qui a déclaré la juridiction incompétente.

2. Ayant saisi le premier président d'une requête en application de l'article 84, alinéa 2 du code de procédure civile, il a été autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 19 décembre 2019.

3. Par un premier arrêt du 20 février 2020, une cour d'appel a constaté la caducité de la déclaration d'appel, l'extinction de l'instance et son dessaisissement.

4. Le 20 février 2020, M. [J] a formé une nouvelle déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [J] fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel formé le 20 février 2020 irrecevable, alors « que seule la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile se trouve privée de la possibilité de former un appel principal contre le même jugement en application de l'article 911-1 du même code ; que dès lors, considérant que la caducité de l'appel prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 20 février 2020, dont elle a pourtant constaté qu'elle était fondée sur les articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, rendait irrecevable le second appel formé par M. [J] à l'encontre de la même décision, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que la caducité n'avait pas été prononcée sur le fondement des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile, a violé l'article 911-1 du même code par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 83, 85, 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile et R. 1461-2 du code du travail :

6. Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues notamment par l'article 85 du même code. Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.

7. En application de l'article R. 1461-2 du code du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile.

8. Il résulte de l'article 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile, que la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.

9. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que l'article 85 du code de procédure civile, figurant au rang des dispositions qui instituent une voie de recours particulière pour les jugements ayant statué exclusivement sur la compétence, se réfère certes à la procédure à jour fixe pour ce qui est des règles d'instruction et de jugement applicables à cette affaire, mais que cette voie de recours n'est pas une procédure à jour fixe et n'exclut en rien les règles de la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, auxquelles il se réfère expressément, s'agissant du respect des prescriptions de l'article 901 qui ouvre la sous-section 1 et donc, implicitement, des articles suivants.

10. En statuant ainsi, alors que la caducité de la déclaration d'appel avait été prononcée sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, non visés par l'article 911-1, alinéa 3, précité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la Selafa MJA, en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr, et l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Selafa MJA, en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr, et l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest à payer à M. [J] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [J]

M. [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'appel formé le 20 février 2020 irrecevable, alors :

1°) que seule la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile se trouve privée de la possibilité de former un appel principal contre le même jugement en application de l'article 911-1 du même code ; que dès lors, considérant que la caducité de l'appel prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 20 février 2020, dont elle a pourtant constaté qu'elle était fondée sur les articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, rendait irrecevable le second appel formé par M. [J] à l'encontre de la même décision, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que la caducité n'avait pas été prononcée sur le fondement des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile, a violé l'article 911-1 du même code par fausse application ;

2°) qu'en tout état de cause, il résulte des articles 84 et 85 du code de procédure civile, que l'appel formé à l'encontre d'un jugement rendu par une juridiction devant laquelle la constitution d'un avocat est obligatoire et s'étant prononcée sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, est instruit et jugé selon la procédure à jour fixe de sorte que les règles applicables aux procédures ordinaires sont écartées ; que dès lors, en retenant, pour considérer que la caducité de l'appel prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 20 février 2020, sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile rendait le second appel principal formé par M. [J] à l'encontre de la même décision irrecevable, en application de l'article 911-1 du même code, que, même s'il résultait de l'article 85 que l'appel dirigé contre un jugement statuant sur la compétence devait être instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe, il ne s'agirait pas d'une procédure à jour fixe de sorte que les articles 901 et suivants du code de procédure civile relatifs aux procédures ordinaires, et plus particulièrement l'article 911-1, seraient applicables, la cour d'appel, a violé les articles 84 et 85 du code de procédure civile par refus d'application.

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