17 mai 2022
Cour d'appel de Rennes
RG n° 20/00742

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N°195/2022



N° RG 20/00742 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QOC2













M. [M] [L]

Mme [K] [L]



C/



CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DU HAUT BLAVET

































Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 07 Mars 2022 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial





ARRÊT :



contradictoire, prononcé publiquement le 17 Mai 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 10 mai 2022 à l'issue des débats





****



APPELANTS :



Monsieur [M] [L]

né le 09 Mars 1953 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représenté par Me Klaudia MIOSGA, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC



Madame [K] [L]

née le 27 Octobre 1946 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Klaudia MIOSGA, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/001455 du 21/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)













INTIMÉE :



La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DU HAUT BLAVET agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Laurence BEBIN de la SELARL KOVALEX, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC








FAITS ET PROCÉDURE



Le 7 juin 1985, M. [M] [L] et Mme [K] [L], sa soeur, (les consorts [L]) ont acquis, en indivision pour moitié chacun, un bien immobilier situé [Adresse 4], à [Localité 6] (22).



Par jugement du 9 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Saint- Brieuc a condamné M. [L] à payer à la caisse de crédit mutuel du Haut Blavet (la caisse de crédit mutuel) la somme de 70 835,93 euros outre les intérêts au taux contractuel de 7,10 %, avec capitalisation des intérêts, au titre d'un prêt immobilier non remboursé contracté le 16 décembre 2003.



Le 11 décembre 2008, la caisse de crédit mutuel a fait inscrire une hypothèque définitive sur le bien immobilier appartenant en indivision aux consorts [L], situé à [Localité 6].



Les 28 juin et 2 juillet 2018, elle a assigné les consorts [L] devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en partage de l'indivision et en licitation de l'immeuble.



Par jugement du 17 décembre 2019 le tribunal de grande instance de Saint- Brieuc a :

-rejeté la demande de nullité de l'assignation signifiée les 28 juin et 2 juillet 2018,

-ordonné l'ouverture de la liquidation partage de l'indivision existant entre M. [M] [L] et Mme [K] [L],

-dit qu'il appartiendra à M. [M] [L] et Mme [K] [L] de se rapprocher dans les plus brefs délais du notaire de leur choix,

-dit que le juge commis est celui qui est désigné par l'ordonnance de roulement du président du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc,

-dit qu'en cas d'empêchement du juge commis, il sera pourvu à son remplacement, par ordonnance rendue sur simple requête, émanant du président de la chambre civile du même tribunal,

-ordonné la vente à la barre du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc de l'immeuble situé à [Localité 6], [Adresse 4], cadastré section A n°[Cadastre 1] pour une contenance de 8 ares et 19 centiares, conformément aux clauses et conditions du cahier des charges qui sera dressé par l'avocat du créancier sur la mise à prix de 128 000 euros avec faculté de baisse du quart du prix à défaut d'enchérisseur,

-débouté M. [M] [L] et Mme [K] [L] de leurs demandes,

-débouté la caisse de crédit mutuel du Haut Blavet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté la demande d'exécution provisoire,

-condamné M. [M] [L] aux entiers dépens.



Les consorts [L] ont fait appel le 29 janvier 2020 de l'ensemble des chefs du jugement.



Ils exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 3 juin 2020, auxquelles il est renvoyé.



Ils demandent à la cour de :

-infirmer le jugement,

-débouter la caisse de crédit mutuel de toutes ses demandes,

-la condamner aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La caisse de crédit mutuel expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 27 août 2020, auxquelles il est renvoyé.



Elle demande à la cour de :

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-condamner M. [L] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 février 2022.



Par conclusions de procédure notifiées et déposées au greffe le 22 février 2022, auxquelles il est renvoyé, la caisse de crédit mutuel demande à la cour d'ordonner le rejet des débats des pièces communiquées par les appelants le 14 février 2022.



Les consorts [L] n'ont pas notifié de conclusions en réponse.




MOTIFS DE L'ARRÊT



1) Sur les pièces communiquées par les appelants le 14 février 2022



Les appelants ont été informés le 30 septembre 2021 que la clôture de l'instruction serait ordonnée le 15 février 2022.



Le 14 février 2022, soit la veille de l'ordonnance de clôture, ils ont communiqué quatre nouvelles pièces numéros 14 à 17 (14 - courrier du notaire adressé à Mme [L] le 30/05/1985 ; 15- courrier du notaire adressé à Mme [L] le 20/09/1985 ; 16 - justificatif de la pension d'invalidité de Mme [L] ; 17 - notification de retraite de Mme [L]).



En application des articles 15, 16 et 802 du code de procédure civile, ces pièces seront déclarées irrecevables en ce qu'elles ont été communiquées tardivement, de telle sorte que l'intimé n'a pas disposé d'un délai suffisant pour en prendre utilement connaissance et compléter ses conclusions, le cas échéant.









2) Sur la demande de nullité de l'assignation



Les appelants ont fait appel du chef du jugement qui a rejeté leur demande d'annulation de l'assignation signifiée les 28 juin et 2 juillet 2018.



Dans le dispositif de leurs conclusions ils ne renouvellent pas leur demande au titre de la nullité de l'assignation.



En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.



3) Sur les demandes de la caisse de crédit mutuel



La caisse de crédit mutuel fonde ses demandes sur les dispositions de l'article 815-17 du code civil :

« Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y ait eu indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.

Les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles.

Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis.'»



La caisse de crédit mutuel justifie être créancier personnel de M. [L] par la production du jugement rendu à l'encontre de celui-ci le 9 septembre 2008.



L'action engagée par la caisse de crédit mutuel en application de l'article 815-17 alinéa 3 du code civil est soumise aux conditions de l'action oblique.



La dette de M. [L] est déterminée et résulte du jugement ayant acquis force de chose jugée du 9 septembre 2018 et du décompte produit par la caisse de crédit mutuel arrêté au 24 mai 2018, faisant état d'une créance de 96 771,90 euros à cette date.



Le fait que Mme [L] n'était pas partie à la procédure qui a donné lieu à la condamnation de son frère et n'a pas pu discuter du montant de la dette est indifférent dans le cadre de la présente procédure.



La carence de M. [L] est établie : il a été condamné le 9 septembre 2008 à rembourser la caisse de crédit mutuel mais n'a versé depuis cette date aucune somme à celle-ci. Il ne conteste pas n'avoir fait aucune proposition de paiement ni envisagé de vendre le bien immobilier dont il est propriétaire à [Localité 7], comme le relève le tribunal. En tout état de cause, la valeur de ce bien, objet d'une procédure de saisie, courant 2018, dans le cadre de laquelle la mise à prix avait été fixée à la somme de 13 000 euros, n'est manifestement pas suffisante pour couvrir la dette. De plus, la procédure de saisie n'a pas été menée à son terme en raison de l'absence d'enchérisseur.



De ces circonstances il ressort que la créance de la caisse de crédit mutuel est en péril, le débiteur, dont les revenus mensuels sont inférieurs à 1100 euros, n'ayant pas, comme il le soutient, d'autres biens que l'immeuble situé à [Localité 7] et le bien indivis visé par l'action en partage.



Les appelants font valoir que les droits de M. [L] dans le cadre du partage de l'indivision portant sur le bien situé à [Localité 6] sont limités car Mme [L] a remboursé seule le prêt destiné à acquérir le bien, qu'elle peut demander à M. [L] le remboursement de ce qu'elle a payé et que de ce fait la caisse de crédit mutuel doit être déboutée de ses demandes.



Si effectivement les dispositions de l'article 815-17 du code civil permettent seulement au créancier d'engager une action en partage et ne donnent pas au créancier plus de droits que le débiteur n'en a dans le partage, il n'est pas démontré en l'espèce que M. [L] n'aura aucun droit à l'issue du partage et que l'action de la caisse de crédit mutuel est vaine.



Au regard des quelques éléments dont la cour dispose, en tenant pour vrai le fait que Mme [L] a financé seule l'acquisition du bien (81 743 euros selon le décompte du notaire du 30 mai 1985, en pièce 4), et en retenant qu'une partie de cette somme a été prise en charge entre 1996 et 2000 par une assurance invalidité, que le délai de prescription de 5 ans est opposable à Mme [L] en ce qui concerne les charges et qu'une indemnité d'occupation peut lui être réclamée pour l'usage privatif du bien, et compte-tenu de la valeur du bien, soit 148 000 euros au 29 mai 2018 selon un rapport produit par la caisse de crédit mutuel, il n'est pas établi que les droits de M. [L] sur la moitié du prix de vente de l'immeuble, après déduction des sommes dues à Mme [L] et comptes entre les coïndivisaires, ne lui permettront pas de payer une partie de sa dette envers la caisse de crédit mutuel.



Enfin, comme le rappelle le tribunal, le souhait de M. [L] et de Mme [L] d'acquérir un bien en indivision pour que l'un ou l'autre ait la jouissance de la maison en toute hypothèse, soit un des objectifs mentionnés par le notaire dans son courrier du 30 mai 1985 (pièce 4), ne peut faire obstacle à l'action du créancier fondée sur les dispositions de l'article 815-17 du code civil aux fins de recouvrer sa créance.



Le jugement sera donc confirmé pour avoir ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage.



S'agissant de la licitation, fondée sur les dispositions de l'article 1377 du code de procédure civile, le jugement sera également confirmé, le partage ne pouvant avoir lieu sans la vente du bien.



Les autres chefs du jugement, qui ne sont ni critiqués dans les conclusions des appelants, ni dans celles de l'intimée, seront confirmés.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Déclare irrecevables les pièces n°s 14 à 17 communiquées le 14 février 2022 par les appelants,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Déboute M. [M] [L] et Mme [K] [L] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute la caisse de crédit mutuel du Haut Blavet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [M] [L] aux dépens.





LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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