18 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.204

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00309

Titres et sommaires

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Enumération limitative

La prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil est, en application des articles 2240, 2241 et 2244 de ce code, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée, cette énumération étant limitative. Il en résulte qu'une mise en demeure, fût-elle envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'interrompt pas le délai de prescription de l'action en paiement

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Mise en demeure envoyée par lettre recommandée

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2022




Cassation partielle


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 309 F-B

Pourvoi n° K 20-23.204




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MAI 2022

M. [S] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-23.204 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à la société Franfinance location, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [O], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Franfinance location, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 septembre 2020), M. [O], médecin, a, le 10 février 2008, souscrit auprès de la société Profilease un contrat portant sur la location d'un matériel laser transcutané sans aspiration dénommé « Lypolise Laser Fox », d'une durée de soixante mois, moyennant le paiement des loyers mensuels de 743,91 euros.

2. M. [O] a cessé de payer les loyers à compter du 1er janvier 2011.

3. Le 12 octobre 2016, la société Franfinance location (la société Franfinance), qui s'est substituée à la société Profilease, a assigné M. [O] en constatation de la résiliation de plein droit du contrat, en condamnation au paiement des loyers impayés et d'une indemnité contractuelle de résiliation, et en restitution du matériel objet du contrat.

4. M. [O] s'est opposé à ces demandes en soulevant, notamment, la prescription des loyers échus avant le 12 octobre 2011.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011 et l'ensemble de ses moyens au fond et, en conséquence, de constater la résiliation du contrat au « 12 avril 2011 » (comprendre le 27 décembre 2011), de le condamner à payer à la société Franfinance les sommes de 10 908,13 euros au titre des loyers impayés et 13 483,47 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation et des intérêts, assorties des intérêts au taux légal, de rejeter sa demande de délais de paiement et de le condamner à restituer le matériel objet du contrat, alors « que la mise en demeure du débiteur n'interrompt pas la prescription ; qu'en considérant, pour débouter M. [O] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011, que M. [O] avait reçu une première mise en demeure de payer le 27 avril 2011 puis une seconde le 3 avril 2013 pour les loyers dus à compter du 1er janvier 2011, que la société Franfinance location l'avait assigné en justice le 12 octobre 2016 mais que du fait de ces deux interruptions, la prescription quinquennale n'était pas acquise, quand ces deux mises en demeure n'avaient pu interrompre le délai de prescription de l'action en recouvrement de ces loyers, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil :

7. La prescription quinquennale prévue par le premier de ces textes est, en application des deuxième, troisième et quatrième, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée. Cette énumération est limitative.

8. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement des loyers impayés antérieurs au 12 octobre 2011 et, en conséquence, retenir que la société Franfinance est recevable à agir en paiement des loyers, l'arrêt retient que M. [O] a reçu une première mise en demeure de payer les loyers le 27 avril 2011 et une seconde le 3 avril 2013, pour les loyers impayés à compter du 1er janvier 2011, de sorte qu'au jour de la délivrance de l'assignation, le 12 octobre 2016, la prescription quinquennale n'était pas acquise du fait de ces deux interruptions.

9. En statuant ainsi, alors qu'une mise en demeure, fût-elle envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'interrompt pas le délai de prescription de l'action en paiement des loyers, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation prononcée sur le fondement du second moyen, fondée sur une éventuelle prescription des loyers échus avant le 12 octobre 2011, n'affecte que les chefs de dispositif rejetant la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par M. [O] et condamnant ce dernier au paiement des loyers, et, par voie de conséquence, le chef assortissant cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2011, qui se trouve dans un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011 soulevée par M. [O], condamne M. [O] à payer à la société Franfinance location la somme de 10 908,13 euros TCC au titre des loyers impayés et assortit cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2021, l'arrêt rendu le 16 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Franfinance location aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Franfinance location et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [O].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [O] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble de ses moyens au fond et, en conséquence, d'avoir constaté la résiliation du contrat du 10 février 2008 intervenue de plein droit le « 12 avril 2011 » (erreur matérielle, la date exacte est le 27 décembre 2011), condamné M. [O], en application des termes du contrat qu'il a approuvé et signé, à payer à la société Franfinance location les sommes de 10.908,13 euros TTC au titre des loyers impayés et 13.483,47 euros HT au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation et des intérêts, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2011, et enfin d'avoir débouté M. [O] de sa demande de délais de paiement et de l'avoir condamné, sous astreinte de 650 euros par mois de retard à compter de la signification du jugement, à restituer le matériel Lypolise Laser Fox ;

Alors que les juges du fond sont tenus d'examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour retenir que la disparition de la cause du contrat de location alléguée par M. [O] n'était pas établie, la cour d'appel a, après avoir pris connaissance du décret du 12 avril 2011 et rappelé que M. [O] soutenait que l'appareil loué n'utilise que les techniques prohibées par l'article 1er de ce décret, considéré qu'« aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que les techniques ainsi visées peuvent être réalisées avec le matériel objet du contrat, puisque M. [O] ne fournit aucune pièce, mis à part des photographies, permettant de définir la ou les techniques mises en oeuvre dans le cadre de l'utilisation de l'appareil » (arrêt attaqué, p. 5) ; qu'en se déterminant de la sorte, sans examiner si les photographies qu'elle citait ne suffisaient pas à définir la ou les techniques mises en oeuvre dans le cadre de l'utilisation de l'appareil, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

M. [O] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011 et de l'ensemble de ses moyens au fond et, en conséquence, d'avoir constaté la résiliation du contrat du 10 février 2008 intervenue de plein droit le « 12 avril 2011 » (erreur matérielle, la date exacte est le 27 décembre 2011), condamné M. [O], en application des termes du contrat qu'il a approuvé et signé, à payer à la société Franfinance location les sommes de 10.908,13 euros TTC au titre des loyers impayés et 13.483,47 euros HT au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation et des intérêts, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2011, et enfin d'avoir débouté M. [O] de sa demande de délais de paiement et de l'avoir condamné, sous astreinte de 650 euros par mois de retard à compter de la signification du jugement, à restituer le matériel Lypolise Laser Fox ;

Alors que la mise en demeure du débiteur n'interrompt pas la prescription ; qu'en considérant, pour débouter M. [O] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011, que M. [O] avait reçu une première mise en demeure de payer le 27 avril 2011 puis une seconde le 3 avril 2013 pour les loyers dus à compter du 1er janvier 2011, que la société Franfinance location l'avait assigné en justice le 12 octobre 2016 mais que du fait de ces deux interruptions, la prescription quinquennale n'était pas acquise, quand ces deux mises en demeure n'avaient pu interrompre le délai de prescription de l'action en recouvrement de ces loyers, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

M. [O] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble de ses moyens au fond et, en conséquence, d'avoir constaté la résiliation du contrat du 10 février 2008 intervenue de plein droit le « 12 avril 2011 » (erreur matérielle, la date exacte est le 27 décembre 2011), et de l'avoir condamné, sous astreinte de 650 euros par mois de retard à compter de la signification du jugement, à restituer le matériel Lypolise Laser Fox ;

Alors que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en considérant, pour condamner M. [O] à restituer le matériel Lypolise Laser Fox, que la lettre de mise en demeure reçue par M. [O] le 27 avril 2011 indiquait que, dès le prononcé de la résiliation, le matériel devait être immédiatement restitué et qu'il appartenait à ce dernier de s'enquérir de ses modalités de restitution, quand il appartenait à la société Franfinance location, en sa qualité de créancier de l'obligation de restitution, d'indiquer les modalités d'exécution de cette obligation, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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