16 mai 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/15066

Pôle 5 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 16 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15066 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQUJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00412





APPELANT



MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux 11-13 rue de la banque

75002 PARIS



Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430





INTIMEE



S.A. PACIFICA

Ayant son siège social 8/10 boulevard de Vaugirard

75724 PARIS CEDEX

N° SIRET : 352 358 865 PARIS

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,



Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Sylvie MOLLÈ, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS ET PROCÉDURE





Au cours d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière de taxe sur les conventions d'assurances (TSCA), sur les années 2009 et 2010, il a été reproché à la Sa Pacifica (assurances de biens et personnes) d'avoir appliqué sur les contrats d'assurance couvrant le risque perte totale du véhicule (indemnité complémentaire ou capital décôte) et à la garantie panne mécanique le taux de taxe de 9% alors qu'il aurait fallu appliquer un taux de 18% selon le service vérificateur.



La société Pacifica a fait l'objet d'un redressement selon proposition de rectification du 20 décembre 2012 pour un montant total de 7.101.610 euros au titre de rappels et intérêts de retard.



La notification de redressement a été suivie d'une mise en recouvrement selon avis en date du 30 janvier 2015. La société Pacifica a réglé les sommes réclamées le 20 février 2015 et a introduit le 19 mars 2015 une réclamation contentieuse devant la direction des vérifications nationales et internationales. Le 23 novembre 2017, la réclamation contentieuse a fait l'objet d'une décision de rejet.



Par acte en date du 23 janvier 2018, la société Pacifica a assigné le Directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France.





* * *





Vu le jugement prononcé le 10 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny a statué comme suit :



-Dit que les garanties capital décote et indemnité complémentaire relèvent du taux de TSCA de 9%,

En conséquence, ordonne le remboursement des impositions contestées par la société Pacifica ainsi que des intérêts moratoires correspondant,

-Confirme la décision de rejet de l'administration s'agissant de la TSCA relative à la seule garantie « panne mécanique »,

-Déboute la société Pacifica de sa demande relative à l'assiette de calcul de la taxe sur les conventions d'assurance et dit que cette assiette comprend le montant de la taxe,

-Rejette toute demande au titre des frais irrépétibles,

-Condamne chaque partie à supporter définitivement la charge des dépens exposés lors de laprésente instance.



Vu l'appel déclaré le 22 octobre 2020 par le Directeur régional des finances publiques d'Île-de-France,



Vu les dernières conclusions signifiées le 15 juillet 2021 par le Directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris,



Vu les dernières conclusions signifiées le 8 février 2022 par la société Pacifica,



Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris demande à la cour de statuer comme suit :



Vu l'article 1001 du code général des impôts



-Recevoir le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris en son appel et l'y déclarer fonder ;

-Infirmer le jugement de Bobigny du 10 septembre 2020 dans ses dispositions relatives au taux de 9 % ;

et statuant à nouveau :

-Confirmer la décision de rejet du 23 novembre 2017 ;

-Condamner la société Pacifica à verser à l'État la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-La condamner en outre à tous les dépens de l'instance.





La société Pacifica demande à la cour de statuer comme suit :



Vu l'article L. 59 B du livre des procédures fiscales et les articles 991 et 1001 du code général des impôts



-Prononcer la recevabilité et le bien fondé des demandes de la société Pacifica ;

-Débouter la direction générale des finances publiques de toutes ses demandes, fins et

conclusions ;

-Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 10 septembre 2020 en ce qu'il a admis l'application du taux de TSCA au taux de 9% aux garanties « capital décôte » et « indemnité complémentaire » et, en conséquence, ordonné le remboursement des impositions contestées par la société Pacifica ainsi que des intérêts moratoires correspondants ;

-Condamner la direction générale des finances publiques, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société Pacifica la somme de 5.000 euros ;

-Condamner la direction générale des finances publiques aux entiers dépens.






SUR CE, LA COUR



Sur le taux applicable au tarif prévu à l'article 1001, 5° bis du code général des impôts.



Le Directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France soutient que le tarif prévu au 5° bis de l'article 1001 du code général des impôts à vocation à s'appliquer à toutes les garanties, que ces garanties couvrent des risques encourus par le propriétaire ou l'utilisateur du véhicule, comme la garantie de responsabilité civile, ou des risques encourus par le véhicule assuré, comme la garantie de dommages matériels. Au regard de la diversité des clauses existantes en la matière, une analyse au cas par cas s'impose afin de déterminer l'applicabilité du texte susvisé. En l'espèce, les contrats d'assurance collectifs proposés par la société Pacifica mettent en relation trois parties, à savoir la compagnie d'assurance, les organismes de prêts (les caisses régionales du Crédit Agricole, le Crédit Lyonnais et Sofinco) et les acquéreurs de véhicule (bénéficiaires d'un contrat de prêt). L'examen des conditions générales et les modalités de fonctionnement et de commercialisation des garanties Pacifica attestent que c'est l'acquéreur du véhicule qui a, en l'occurrence, la qualité d'assuré contre les dommages que pourrait subir le véhicule, et non le prêteur qui intervient en tant qu'intermédiaire dans la commercialisation des garanties « Capital décôte » et « Indemnité complémentaire ». Portant sur une assurance de biens qui ne peut jouer qu'à l'occasion d'un sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur, les conventions litigieuses doivent être soumises au taux de 18 % conformément au texte précité.



La société Pacifica rappelle que les garanties « Capital Décôte » et « Indemnité Complémentaire » sont commercialisées dans le cadre d'un contrat collectif d'assurance auquel souscrit un partenaire ayant la qualité d'établissement financier qui les propose exclusivement aux personnes concluant un contrat de financement avec lui. Elles ont pour objet de garantir le risque de crédit qui serait constaté si le véhicule financé par un prêt venait à disparaitre ou à être inutilisable. Selon l'intimée, l'article 1001-6° bis du code général des impôts prévoit un taux par défaut de sorte que les exceptions doivent être interprétées strictement. Le taux de 18 % prévu par l'article 1001-5° bis du code général des impôts ne peut s'appliquer que lorsque le risque garanti est directement relatif à un véhicule terrestre à moteur. En l'espèce, les garanties ne sont pas indissociablement liées au véhicule terrestre à moteur au sens de l'article précité. De plus, le bénéficiaire de l'assurance est l'établissement prêteur dans la mesure où le risque couvert est de nature pécuniaire et permet de garantir à cet établissement le paiement du capital restant dû ou autres sommes dont l'emprunteur est redevable lorsque le véhicule disparaît ou est inutilisable. Ces garanties relèvent par conséquent du taux de TSCA de 9% prévu à l'article 1001-6° bis du code général des impôts.



Ceci étant exposé,



Il résulte des dispositions de l'article 1001 5° du code général des impôts que ' Le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurances est fixé (...) :

5° bis «A 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules

terrestres à moteur autres que les assurances relatives à l'obligation d'assurance en matière de véhicules terrestres à moteur ''.

Et du 6° de ce même article ' Pour toutes autres assurances : A 9 %'.



Sur ce fondement en droit, la société Pacifica fait valoir que la taxe à appliquer sur les garanties ' indemnité complémentaire' et ' capital décôte', garanties proposées aux assurés propriétaires d'un véhicule automobile, relèvent du 6° de l'article 1001.



Aucune partie ne sollicite l'infirmation du jugement qui a confirmé la décision de rejet de l'administration fiscale concernant la garantie 'panne mécanique'et admis que cette garantie relevait de la taxe de 18%.



Le litige porte exclusivement sur la taxe applicable (9% ou 18%) au titre des garanties 'capital décôte' et ' indemnité complémentaire'.



L'objet des garanties 'Capital décôte' et 'indemnité complémentaire' consiste à offrir à l'assuré un complément d'indemnisation en cas de de perte totale du véhicule assuré. La perte totale couvre les 2 situations suivantes :

- véhicule déclaré techniquement ou économiquement irréparable par un expert automobile suite à des dommages consécutifs à un accident, à un vol, à du vandalisme , un incendie, une explosion,un attentat, acte de terrorisme, un événement naturel , catastrophe naturelle,

- véhicule volé et non tetrouvé dans un délai de 30 jours à compter de la date de dépôt de plainte.



Contrairement à ce que soutient la société Pacifia, ce complément d'indemnisation bénéficie à l'assuré et non au préteur, ce dernier proposant cette assurance lors de la souscription du prêt permettant le financement de l'achat du véhicule. Si les fonds sont versés par l'assureur à l'organisme financeur auprés duquel l'assurance a été souscrite, il appartient à ce dernier , conformément aux conventions de mandat de gestion versés aux débats, de procéder au règlement des sinistres et donc de reverser les sommes aux assurés, bénéficiaires de ce complément d'indemnisation. Le moyen selon lesquel l'assurance ainsi proposée permettrait à l'établissement de crédit de se prémunir contre un risque de perte financière est inopérant de même que celui selon lequel le montant de la garantie serait calculé en fonction du risque encouru par l'établissement financier .



Les garanties 'capital décôte' et ' indemnité complémentaire' sont ainsi indissociables des risques couverts par les garanties principales du contrat d'assurance (dommage matériel et responsabilité civile) et permettent de les compléter afin d'offrir à l'assuré un complément d' indemnisation.



Ces assurances couvrent ainsi les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur autres que les assurances relatives à l'obligation d'assurance en matière de véhicules terrestres à moteur, selon les termes de l'article 1001 5° du code général des impôts précité .



Ces garanties sont donc éligibles au taux de 18%.



Le jugement déféré doit être infirmé de ce chef.



La cour n'estime pas devoir entrer en voie de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



la cour,



INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que les garanties 'capital décôte' et 'indemnité complémentaire' relèvent du taux de TSCA de 9% ;



Statuant de nouveau de ce chef :



DIT que les garanties 'capital décôte' et 'indemnité complémentaire' relèvent du taux de TSCA de 18% ;



CONFIRME la décision de rejet du 23 novembre 2017 ;



CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;



REJETTE toutes autres demandes ;



CONDAMNE la société Pacifia aux entiers dépens.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT









S.MOLLÉ E.LOOS

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