16 mai 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/15037

Pôle 5 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 16 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15037 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQRE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2020 -TJ de PARIS RG n° 19/04627





APPELANTE



S.N.C. BBR PLAISIR

Ayant son siège social 16, Rue du Louvre

75001 PARIS

N° SIRET : 453 675 365

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Représentée par Me Jérôme CULIOLI, avocat au barreau de NICE





INTIME



MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux 11 Rue de la Banque

75075 PARIS CEDEX 02



Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,



Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stanislas de CHERGÉ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN







ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Sylvie MOLLÈ, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS ET PROCÉDURE



Par acte authentique en date du 17 mai 2013, la société en nom collectif Bbr Plaisir a acquis en qualité de marchand de biens un ensemble immobilier situé 191, rue de Courcelles et 1, avenue Stéphane Mallarmé, Paris 17ème, pour un prix de 950.000 euros.



Afin de pouvoir bénéficier de l'exonération des droits de mutation prévue à l'article 1115 du code général des impôts (CGI), la société Bbr Plaisir avait l'obligation de revendre le bien immobilier dans le délai légal de 5 ans. N'ayant pas respecté cette obligation, la société Bbr Plaisir a versé à l'administration fiscale un montant de droits de 41.563,26 euros le 5 mai 2018.



La société Bbr Plaisir a adressé une réclamation à l'administration fiscale pour demander la décharge des compléments d'imposition mis à sa charge au titre des intérêts de retard pour un montant total de 9.068 euros. Par décision en date du 15 février 2019, cette réclamation a été rejetée.



Par acte d'huissier en date du 11 avril 2019, la société Bbr Plaisir a assigné devant le tribunal judiciaire de Paris la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris.





Par jugement rendu le 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :



- Déboute la société Bbr Plaisir de sa demande de décharge des intérêts de retard ;

- Déboute la société Bbr Plaisir de sa demande de remboursement des intérêts ;

- Déboute la société Bbr Plaisir de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Bbr Plaisir aux dépens.



Par déclaration du 21 octobre 2020, la société Bbr Plaisir a interjeté appel du jugement.





Par dernières conclusions signifiées le 19 janvier 2021, la société Bbr Plaisir demande à la cour de :



- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 13 octobre 2020,

- Ordonner la décharge des intérêts de retard mis à la charge de la société Bbr Plaisir en application de l'article 1727 du code général des impôts, tels qu'ils ont été mis en recouvrement aux termes de l'avis du 31 octobre 2018,

- Condamner la direction générale des finances publiques à procéder au remboursement des intérêts payés par la société Bbr Plaisir en exécution de l'avis de mise en recouvrement du 31 novembre 2018 avec intérêts moratoires depuis le 22 novembre 2018,

- Condamner la direction générale des finances publiques à payer à la société Bbr Plaisir la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la direction générale des finances publiques aux entiers dépens.







Par dernières conclusions signifiées le 15 avril 2021, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris demande à la cour de :



-Juger que la société Bbr Plaisir est mal fondée en leur appel du jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,

- Confirmer ce jugement et les rappels effectués par l'administration,

- Débouter la société Bbr Plaisir de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- La condamner aux entiers dépens de l'instance.






SUR CE, LA COUR



La société Bbr Plaisir fait valoir, sur le fondement de l'article 1115 du CGI, que les obligations légales ont été respectées dès lors que l'administration fiscale a perçu l'intégralité des taxes additionnelles aux droits d'enregistrement au taux de droit commun dans un délai de 5 ans, soit le 5 mai 2018. Le montant acquitté est équivalent au prix d'acquisition dans le cas où elle aurait respectée son engagement de revendre le bien acquis le 17 mai 2013. Elle estime qu'elle n'est pas débitrice des intérêts de retard visés à l'article 1727 du CGI puisque l'administration n'a subi aucun préjudice.



Le directeur régional des finances publiques soutient, aux termes de l'article 1840 G ter du CGI, que la date de perception des droits dus par la non-revente dans les 5 ans de l'engagement fixe le point de départ du calcul et ne remet pas en cause l'application d'intérêts de retard. Le point de départ a été valablement fixé au 1er août 2013 en vertu de l'article 647 dudit code, soit au 1er jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de présentation de l'acte d'acquisition dans un délai de 1 mois à compter de la date de l'acte. L'appelante ne peut prétendre au remboursement des intérêts de retard dès lors qu'elle n'a pas fourni des actes de cession d'une fraction des biens au moment de la procédure de contrôle ou en appui de ses prétentions. L'appelante était dans l'obligation d'acquitter les droits de mutations auxquels s'ajoute l'intérêt de retard, alors même que les droits d'enregistrement ont été réglés de manière spontanée avant l'expiration du délai de revente.



Ceci étant exposé,



Selon l'article 1115 du CGI, « sous réserve des dispositions de l'article 1020, les acquisitions d'immeubles, de fonds de commerce ainsi que d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans. En cas d'acquisitions successives par des personnes mentionnées au premier alinéa, le délai imparti au premier acquéreur s'impose à chacune de ces personnes. »



Selon l'article 1727 du CGI, alors applicable, « toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code.

II. ' L'intérêt de retard n'est pas dû :

1. Au titre des éléments d'imposition pour lesquels un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas les mentionner en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées ;

2. Au titre des éléments d'imposition afférents à une déclaration souscrite dans les délais prescrits, lorsque le principe ou les modalités de la déclaration de ces éléments se heurtent, soit à une difficulté d'interprétation d'une disposition fiscale entrée en vigueur à compter du 1er janvier de l'année précédant l'échéance déclarative, soit à une difficulté de détermination des incidences fiscales d'une règle comptable, et que les conditions suivantes sont remplies :

1° Le contribuable de bonne foi a joint à sa déclaration la copie de la demande, déposée avant l'expiration du délai de déclaration, par laquelle il a sollicité de l'administration, de manière précise et complète, une prise de position sur la question sans obtenir de réponse ;2° L'administration n'a pas formellement pris position sur la question avant l'expiration du délai de déclaration ;

2 bis. Si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur la valeur locative des biens mentionnés au I de l'article 1496 et à l'article 1498 et s'il est démontré, d'une part, que le contribuable de bonne foi a acquitté l'imposition sur la base du rôle établi par l'administration et, d'autre part, que celui-ci ne résultait ni d'un défaut ni d'une inexactitude de déclaration ;

3. Sauf manquement délibéré, lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés, appréciée pour chaque bien, n'excède pas le dixième de la base d'imposition en ce qui concerne les droits d'enregistrement ou la taxe de publicité foncière ;

III. ' Le taux de l'intérêt de retard est de 0,20 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé.

IV. ' 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement.

V. ' Le montant dû au titre de l'intérêt de retard est réduit de 50 % en cas de dépôt spontané par le contribuable, avant l'expiration du délai prévu pour l'exercice par l'administration de son droit de reprise, d'une déclaration rectificative à condition, d'une part, que la régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi et, d'autre part, que la déclaration soit accompagnée du paiement des droits simples ou, s'agissant des impositions recouvrées par voie de rôle, que le paiement soit effectué au plus tard à la date limite de paiement portée sur l'avis d'imposition. »



Selon l'article 1840 G ter du CGI, « I. ' Lorsqu'une exonération ou une réduction de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière ou de taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière a été obtenue en contrepartie du respect d'un engagement ou de la production d'une justification, le non-respect de l'engagement ou le défaut de production de la justification entraîne l'obligation de payer les droits dont la mutation a été exonérée. Les droits, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, doivent être acquittés dans le mois qui suit, selon le cas, la rupture de l'engagement ou l'expiration du délai prévu pour produire la justification requise. »





La société Bbr Plaisir demande que soit ordonnée la décharge des intérêts de retard mis à sa charge, tels qu'ils ont été mis en recouvrement le 31 octobre 2018.



D'une part, il n'est pas contesté que les droits de mutation de la société Bbr Plaisir, marchand de biens, ont été rendus exigibles à la date du 17 mai 2013 au titre de l'acte d'acquisition d'un ensemble immobilier, constitué de trois locaux commerciaux à Paris 17e, pour un prix de 950.000 euros. Ces mêmes droits de mutation ont toutefois fait l'objet d'une exonération au visa de l'engagement de la société Bbr Plaisir de revendre le bien immobilier dans un délai maximal de cinq ans à compter du 17 mai 2013.



D'autre part, la société Bbr Plaisir fait valoir qu'elle s'est acquittée des droits de mutation d'un montant de 41 563 euros avant le terme de ce délai. En s'acquittant des droits dus avant le terme, elle ne serait pas débitrice des intérêts s'y rattachant. Mais la société Bbr Plaisir a reconnu dans son courrier du 05 mai 2018 qu'elle « n'a pas à ce jour revendu ces biens et qu'elle est redevable des droits dont elle était dispensée », ce que confirme l'administration fiscale le 1er juin 2018, sans être démentie ultérieurement en 2019 : « les biens acquis n'ont pas été revenus dans le délai de cinq ans ».



Par ailleurs, la dette éventuelle d'un montant de 41 563 euros, étalée sur une période entre le 17 mai 2013 et le 5 mai 2018, a représenté un préjudice financier subi par le Trésor public du fait de l'encaissement tardif de sa créance, contrairement aux allégations de l'appelante. De plus, la société Bbr Plaisir, professionnel averti, avait été clairement informée, préalablement à sa démarche initiale en 2013, des dispositions de l'article 1840 G ter du CGI selon lequel les droits, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, doivent être acquittés dans le mois qui suit la rupture de l'engagement, soit la date théorique du 05 juin 2018.



La société Bbr Plaisir est donc malfondée à invoquer a posteriori la non-application de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI. De ce point de vue, le calcul des intérêts a été effectué à compter du premier jour du mois suivant la limite de publication au service de la publicité foncière, soit un point de départ au 1er août 2013 et un point d'arrivée au 31 mai 2018, dates fixées par l'administration fiscale dans son décompte de droit commun de l'intérêt de retard. Le taux a été réduit de moitié pour la fraction courant après le 1er janvier 2018 (pièce 1).



Il en résulte que la demande de la société Bbr Plaisir d'ordonner la décharge des intérêts de retard doit être rejetée.



C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont débouté la société Bbr Plaisir de sa demande de décharge et de remboursement des intérêts de retard.



Le jugement déféré sera confirmé sur ces chefs.



La solution du litige conduira à rejeter toutes les autres demandes.





PAR CES MOTIFS



la cour,



CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



REJETTE toute autre demande ;



CONDAMNE la société Bbr Plaisir aux dépens.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT











S.MOLLÉ E.LOOS

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