17 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-81.377

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00570

Texte de la décision

N° N 21-81.377 F-D

N° 00570


GM
17 MAI 2022


CASSATION PARTIELLE



M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 MAI 2022



Mme [H] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 2021, qui, pour harcèlement moral, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [H] [W], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,




la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement en date du 29 août 2019, le tribunal correctionnel a déclaré Mme [H] [W] coupable de harcèlement moral, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.

3. Mme [W], puis le ministère public, ont relevé appel de cette décision.

Examen de la recevabilité du mémoire personnel


4. Ce mémoire, transmis directement à la Cour de cassation par la demanderesse, est parvenu au greffe le 18 mars 2021, soit plus d'un mois après la date du pourvoi, formé le 17 février 2021 ; à défaut de dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, il n'est pas recevable au regard de l'article 585-1 du code de procédure pénale.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué par un arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Mme [W], alors :

« 1°/ que l'huissier qui délivre une citation à la dernière adresse déclaré du prévenu appelant, conformément à l'article 503-1 du code de procédure pénale, est tenu d'effectuer les diligences prévues par les articles 555, 556, 557 et 558 dudit code, que l'intéressé demeure ou non à l'adresse dont il a fait le choix ; qu'en affirmant, pour statuer par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Mme [W], qui n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter, que citée à son adresse déclarée en vertu des dispositions de l'article 503-1 du code de procédure pénale, elle n'a pas signé l'accusé de réception de la lettre recommandée prévue par les dispositions légales, et ne comparaît pas, sans relever que l'ensemble des diligences prévues par l'article 558 du code de procédure pénale ont été effectuées, et sans qu'elles résultent de l'acte de signification, la cour d'appel a violé les articles 503-1, 558, 591 à 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'acte de signification indique tout à la fois que « n'ayant pu trouver l'intéressé ou personne n'ayant voulu recevoir l'acte et vérifications faites que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée » et que le nom ne figure pas sur les boîtes aux lettres, ce dont il résulte qu'elle n'y habite plus ; qu'une telle contradiction entache l'acte de nullité ; que dès lors, en statuant néanmoins par arrêt contradiction à signifier, la cour d'appel a violé les articles 503-1, 558, 591 à 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en absence de signature de l'avis de réception ou de retour du récépissé et de comparution à l'audience de la partie citée, la juridiction n'est pas valablement saisie ; qu'en l'espèce, en statuant par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Mme [W], tout en constatant qu'elle n'a pas signé l'accusé de réception et qu'elle n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter, la cour d'appel a violé les articles 503-1, 558, 591 à 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'à supposer que l'huissier ait constaté que Mme [W] n'habitait plus à l'adresse déclarée dans l'acte d'appel effectué par son avocat, il aurait dû accomplir des diligences minimales pour connaître sa nouvelle adresse ; qu'en rendant un arrêt contradictoire à signifier, sans même constater que l'huissier avait tenté de trouver la nouvelle adresse de la prévenue, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des pièces de procédure que l'acte par lequel l'huissier a signifié à Mme [W] la citation à comparaître devant la cour d'appel indique qu'après vérification du tableau des occupants, des boîtes aux lettres et de la porte du logement, ledit acte a été déposé en l'étude de cet officier ministériel, et que l'avis de signification prévu à l'article 558 du code de procédure pénale a été adressé à l'intéressée par lettre recommandée avec accusé de réception, ou qu'un avis de passage ayant été laissé au domicile de l'appelante, une lettre simple a été adressée à cette dernière accompagnée d'un récépissé à réexpédier ou à déposer à l'étude, dans le délai imparti, conformément à la loi.

7. Mme [W] n'a pas comparu à l'audience de la cour d'appel.

8. Pour statuer par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de l'intéressée, l'arrêt énonce que, citée à son adresse déclarée en vertu des dispositions de l'article 503-1 du code de procédure pénale, Mme [W] n'a pas signé l'accusé de réception de la lettre recommandée prévue par les dispositions légales, et ne comparaît pas.

9. En se déterminant par ces motifs, dont il résulte que l'huissier a procédé à la formalité prévue par l'article 558, alinéa 2, du code de procédure pénale, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

10. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le second moyen

Énoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [W] à une peine de six mois d'emprisonnement sans aménagement, alors :

« 1°/ que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier le caractère indispensable au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; qu'en affirmant, pour condamner Mme [W] à la peine de six mois d'emprisonnement sans aménagement, que les faits poursuivis sont particulièrement graves et démontrent une inaptitude à oeuvrer dans le commerce ou encore que cette peine est propre d'une part à sanctionner la gravité de l'infraction qu'elle a commise et d'autre part à la dissuader durablement de réitérer une tel comportement agressif, toute autre sanction pénale ne pouvant atteindre cet objectif, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants à établir le caractère indispensable de la peine et le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, a violé les articles 132-1, 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2, 591 à 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en affirmant, pour condamner Mme [W] à la peine de six mois d'emprisonnement sans aménagement, que les faits poursuivis sont particulièrement graves et démontrent une inaptitude à œuvrer dans le commerce ou encore que cette peine est propre d'une part à sanctionner la gravité de l'infraction qu'elle a commise et d'autre part à la dissuader durablement de réitérer une tel comportement agressif, toute autre sanction pénale ne pouvant atteindre cet objectif, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcé au regard de sa personnalité, de sa situation matérielle, familiale et sociale a violé les articles 132-1, 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2, 591 à 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que la juridiction qui prononce une peine inférieure ou égale à six mois d'emprisonnement ferme doit ordonner, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, l'aménagement de la totalité de la peine ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé, qu'à défaut de tout renseignement sur sa personne ou sur l'actualité de sa situation sur le plan socio professionnel, elle fait le choix de confirmer la peine prononcée ; qu'en se déterminant ainsi, alors que l'aménagement de la peine était obligatoire, l'impossibilité de déterminer les modalités de la mesure n'étant pas de nature à y faire obstacle, la cour d'appel a méconnu les articles 132-1, 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2, 591 à 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale :

12. Il résulte de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est inférieure ou égale à six mois au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, son aménagement est obligatoire et ce n'est qu'en cas d'impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné que le juge peut l'écarter. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

13. Pour confirmer le jugement ayant condamné Mme [W] à la peine de six mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué énonce que, même en faisant abstraction des cinq mentions de condamnations présentes sur le casier judiciaire, parfois anciennes, les faits poursuivis sont particulièrement graves et démontrent une inaptitude à oeuvrer dans le commerce.

14. Les juges retiennent qu'à défaut de tout renseignement sur sa personne ou sur l'actualité de sa situation sur le plan socio-professionnel, la cour fait le choix de confirmer la peine prononcée, Mme [W] ne soutenant par ailleurs pas son appel alors qu'elle contestait sa culpabilité au cours de l'enquête.

15. La cour d'appel en déduit que la peine d'emprisonnement demeure, dès lors, la seule de nature à sanctionner utilement l'intéressée, peine qu'elle ne saurait aménager dans l'immédiat.

16. En prononçant ainsi, alors que l'aménagement de la peine était obligatoire, l'impossibilité de déterminer les modalités de la mesure en l'absence de l'intéressée n'étant pas de nature à y faire obstacle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.

17. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE irrecevable le mémoire personnel de Mme [W] ;

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions sur la peine, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 21 janvier 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept mai deux mille vingt-deux.

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