12 mai 2022
Cour d'appel de Versailles
RG n° 21/00194

11e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 MAI 2022



N° RG 21/00194 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UIK5



AFFAIRE :



[S] [Z] épouse [G]



C/



S.A.S. SOCIETE FRANCAISE DE RESTAURATION ET SERVICES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : 17/00928



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Philippe CHATEAUNEUF



Me Nicolas SERRE de la SELARL OX







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [S] [Z] épouse [G]

née le 29 Janvier 1971 à [Localité 5] 15EME

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Bruno DE PREMARE de la SELARL PREMARE ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1176 - Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643





APPELANTE



****************





S.A.S. SOCIETE FRANCAISE DE RESTAURATION ET SERVICES

N° SIRET : 338 253 131

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Nicolas SERRE de la SELARL OX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0966 substitué par Me Marine DU DOUËT, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE



****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,



Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,






















Le 23 août 2010, Mme [S] [G] était embauchée par la SAS Société Française de Restauration Rapide en qualité de gérante responsable restauration et services, par contrat à durée indéterminée.



Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités.



A compter du 1er janvier 2014, elle était affectée à la cuisine centrale de la ville de [Localité 6].



Le 7 août 2017, l'employeur convoquait Mme [G] par courrier à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien se déroulait le 28 août 2017.



Le 27 septembre 2017, la SAS Société Française de Restauration Rapide lui notifiait son licenciement pour faute grave. L'employeur reprochait à la salariée d'avoir commandé de nombreux produits alimentaires de haute qualité sans validation de sa hiérarchie, sans établissement de devis ou facture, sans avoir consigné ces produits dans l'inventaire de l'entreprise et ce, dans son intérêt personnel.



Le 16 novembre 2017, Mme [G] saisissait le conseil des prud'hommes de Versailles afin de contester le bien-fondé de son licenciement.



Vu le jugement du 16 décembre 2020 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Versailles qui a':

- Dit que l'affaire est recevable';

- Dit que le licenciement pour faute grave prononcée à l'encontre de Mme [G] est fondé';

- Débouté Mme [G] du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

- Reçu la SAS Française de Restauration et Services Sodexo Éducation en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [G] à payer à la SAS Française de Restauration et Services Sodexo Éducation la somme de 200 euros au titre de la demande reconventionnelle d'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [G] aux dépens.



Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme [G] le 15 janvier 2021.



Vu les conclusions de l'appelante, Mme [G], notifiées le 11 février 2022 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- Déclarer Mme [G] tant recevable que bien fondée en son appel, et y faisant droit ;

- Infirmer le jugement du 16 décembre 2020 du conseil de prud'hommes de Versailles en ce qu'il a :



- Dit que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de Mme [G] est fondé ;

- Débouté en conséquence Mme [G] de ses demandes, fins et conclusions ;

- Reçu la société française de restauration rapide et Services Sodexo Education en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [G] à payer à la société française de restauration rapide et Services Sodexo Education la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [G] aux dépens.

Et statuant à nouveau:

- Juger nul et de nul effet le licenciement pour faute grave de Mme [G] notifié par lettre du 27 septembre 2017,

- et subsidiairement Juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamner la société française de restauration rapide les sommes ci-après :

- Nullité du licenciement et indemnités afférentes (12 mois) 33'123,83 euros (subsidiairement à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse)';

- Indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférent 4'830,00 euros';

- Indemnité légale de licenciement (article L.1223-9 du code du travail) 8'280,96 euros';

- Dommages et Intérêts pour défaut de visite médicale de reprise obligatoire (3 mois) 16'561,92 euros';

- Dommages et Intérêts en réparation du préjudice non directement lié à la perte d'emploi -attitude blâmable et vexatoire de l'employeur durant l'exécution du contrat de travail- non-respect de l'obligation générale de loyauté- violation de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail (6 mois) 16'561,92 euros';

- Rappel sur la prime de treizième mois 1'539,46 euros';

- Rappel sur la prime d'objectifs 558,79 euros';

- Article 700 du code de procédure civile et dépens 4'000,00 euros';

- Dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par Maître Philippe Chateauneuf, Avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.



Vu les écritures de l'intimée, la SAS Société Française de Restauration Rapide, notifiées le 15 février 2022 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de':

- Confirmer le Jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Mme [G] à verser à la société Sodexo 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [G] aux dépens, dont distraction au bénéfice de la société OX Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Vu l'ordonnance de clôture du 28 février 2022.




SUR CE,



Sur l'exécution du contrat de travail':



Sur les demandes de rappel de prime de 13ième mois et d'objectifs



Mme [G] expose que son contrat de travail stipule qu'elle bénéficie :

- d'une prime de treizième mois, versée au prorata de son temps de présence effective au cours de l'année civile considérée' et

- d'une prime d'objectifs, pouvant varier de 0 à 8% du salaire brut annuel de base et du treizième mois acquis de l'exercice considéré.



Elle explique qu'à la suite de son licenciement, elle ne s'est pas vu octroyer lesdites primes d'objectifs et de treizième mois, ramenées au prorata de sa présence pour l'exercice en cours, alors qu'elle avait atteint ses objectifs.



L'employeur répond que le bulletin de paie du mois d'octobre 2017 établit que la prime de 13ème mois a été versée et que Mme [G] ne pouvait prétendre à une prime d'objectifs, dès lors qu'elle ne démontre pas les avoir atteints, l'évaluation du résultat ne pouvant intervenir qu'à la fin de l'année. Il ajoute que le document intitulé «'synthèse compte de résultat'» ne démontre pas qu'une rémunération spécifique devait être attribuée en fonction du budget atteint.



Concernant la prime de 13ième mois, Mme [G] réclame une somme de 1 539,46 euros. Il ressort du bulletin de paie du mois d'octobre 2017 qu'une somme de 1 342,85 euros lui a été réglée à ce titre. Au regard du salaire brut de l'appelante s'élevait à la somme de 2 479,48 euros, la prime de 13ième mois qui lui était due, au regard de ses arrêts maladie, s'élevait à la somme de 1 539,46 euros.



La SAS Société Française de Restauration Rapide sera par conséquent condamnée à un rappel de prime de 13ième mois d'un montant de 196,61 euros.



Concernant la prime d'objectifs, l'article 2 du contrat de travail de Mme [G] stipule que :'«'' vous bénéficierez d'une prime d'objectifs variable déterminée selon les dispositions de la politique applicable durant l'exercice considéré pouvant aller de 0 % à 8 % du salaire brut annuel de base et du 13ième mois acquis de l'exercice considéré, qui sera versé en fonction des objectifs qui vous seront fixés'».



La SAS Société Française de Restauration Rapide ne communique aucun élément concernant les objectifs fixés à Mme [G] pour l'année 2017 et la politique applicable durant l'exercice considéré.





La salariée produit en pièce n°34 une synthèse du compte de résultat du site de [Localité 6], dont il ressort qu'elle a réalisé 16 214 euros de bénéfices supplémentaires par rapport aux prévisions budgétisées.



En conséquence et au regard de la prime d'objectifs allouée en 2016, l'employeur sera condamné à payer à Mme [G] une somme de 558,79 euros au titre de la prime sur objectifs 2017.



Sur la nullité du licenciement



Mme [G] conclut à la nullité de son licenciement. Elle se prévaut, tout d'abord, des dispositions de l'article L.1226-9 du code du travail, expliquant qu'il lui a été notifié alors qu'elle n'avait pas bénéficié de la visite de reprise obligatoire de l'article R.4624-22 du code du travail, à la suite de son arrêt maladie du 16 mai au 28 juillet 2017. Elle invoque, par ailleurs, un harcèlement moral, expliquant que l'employeur l'a laissée poursuivre son activité et a continué à la solliciter durant son arrêt maladie, en violation du droit à la déconnexion prévu par l'article L.2242-8-7° du code du travail et de son obligation de sécurité. Elle indique qu'elle subissait une forte pression professionnelle, notamment de la part de son nouveau supérieur hiérarchique, M. [F], qu'elle dénonçait depuis longtemps, notamment lors du bilan de compétence réalisé en décembre 2016.



Concernant le harcèlement moral, l'employeur répond que Mme [G] se contente de verser aux débats des écrits reposant sur ses seules déclarations et qu'elle ne communique aucun document médical permettant d'attester de la moindre altération de sa santé physique ou mentale.



Concernant le manquement à l'obligation de sécurité, il indique qu'il ressort de plusieurs emails que Mme [G] reconnaît elle-même avoir pris l'initiative de persister à travailler malgré son arrêt maladie et sans demande de sa part. Il ajoute que Mme [G] lui a reproché d'avoir coupé ses accès à distance à son ordinateur professionnel durant son arrêt de travail. Il explique que les autres sollicitations se limitent à trois demandes d'informations extrêmement ponctuelles et indispensables au bon déroulement des activités de la cuisine centrale de [Localité 6] et que ces demandes sont la conséquence directe du fait que la salariée persistait à travailler durant son arrêt maladie. Il souligne que la salariée en arrêt de travail pour maladie, ne peut pas refuser de répondre à une demande ponctuelle de son employeur qui est nécessaire au fonctionnement de l'entreprise et qui n'implique pas l'exercice d'une prestation professionnelle.



- Sur la notification du licenciement en l'absence de visite de reprise



L'article L.1226-9 du code du travail dispose que : « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ».

En application de ces dispositions, Mme [G], dont l'arrêt maladie avait pris fin le 28 juillet 2017 et qui n'avait pas encore bénéficié de visite de reprise, ne pouvait être licenciée que pour faute grave.



Or, pour les motifs développés infra, les griefs reprochés à la salariée sont constitutifs d'une faute grave, de sorte que le moyen n'apparaît pas fondé.



- Sur le harcèlement moral



Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;



Par ailleurs, selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.



Enfin, il résulte des articles L.1152-1 et L.1154-1 que lorsque la salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



En l'espèce, Mme [G] invoque une mésentente avec son supérieur hiérarchique M. [F] qui, selon elle, a voulu l'évincer et l'a licenciée verbalement. Elle ajoute avoir subi une forte pression professionnelle et avoir dû se tenir à la disposition de son employeur durant son arrêt de travail pour maladie, ces sollicitations ayant contribué activement à la dégradation de son état psychologique.



Pour étayer ses affirmations, la salariée produit notamment :



- l'attestation de M. [N], un collègue de travail responsable de site ; cependant, ce témoignage ne fait pas état des relations entre Mme [G] et M. [F] ;

- l'attestation de M. [C], un collègue de travail gérant de restauration et services ; cependant, ce témoin, qui ne travaillait pas avec Mme [G] lorsque M. [F] est devenu son supérieur hiérarchique, ne peut que rapporter les dires de sa collègue ; il ne décrit ainsi aucune scène à laquelle il a personnellement assisté ;

- les mails par lesquels M. [F] lui demande des explications à propos de la commande de magrets de canard ; cependant, en sa qualité de supérieur hiérarchique et en l'absence de Mme [G] du fait d'un arrêt maladie, M. [F] pouvait légitimement lui demander de s'expliquer sur une commande inhabituelle passée durant l'arrêt de travail ;

- un mail du 7 juillet 2017 par lequel Mme [G] informe son directeur régional M. [K] de difficultés relationnelles avec M. [F], auquel elle impute des actes humiliants et suspicieux ; cependant, ces éléments procèdent des seules déclarations de Mme [G] et ne sont corroborés par aucun élément probant ;

- une déclaration de main courante du 3 octobre 2017 dans le cadre de laquelle elle a dénoncé un licenciement verbal de la part de M. [F], qui lui a demandé à deux reprises de quitter son poste sur le champ ; cependant, elle reconnaît que l'information relative à son licenciement lui a été donnée par téléphone par son supérieur hiérarchique «'le lendemain de l'envoi de la lettre de licenciement qu'elle n'avait évidemment pas encore reçue'» (page 7 des conclusions de la salariée) ; il ne saurait donc être considéré que par cette simple information de la décision prise par l'employeur et notifiée la veille, Mme [G] a fait l'objet d'un licenciement verbal ; par ailleurs, les dires de Mme [G] concernant le comportement de M. [F] procèdent de ses seules affirmations ;

- le bilan de compétence réalisé en décembre 2016 qui évoque une pression des résultats, une mésentente avec la hiérarchie et un harcèlement moral ; cependant, à nouveau, ces mentions ne résultent que des dires de la salariée, dès lors que le rédacteur du bilan de compétence est extérieur à l'entreprise';

- des échanges de courriels durant son arrêt maladie'; cependant, il ressort de ces échanges que la salariée reconnaît avoir pris l'initiative de continuer à travailler malgré son arrêt maladie et sans demande de son employeur en ce sens ; ainsi, par mail du 28 juin 2017, elle écrit ceci : « Etant donné que je suis en arrêt maladie, j'ai décidé de gérer la cuisine centrale de [Localité 6] à distance, de chez moi, de mon propre chef, je le reconnais...'» ; au surplus, le 7 juillet 2017, lorsque l'employeur, dans le respect de son obligation de sécurité et du droit à la déconnexion de la salariée, lui a coupé ses accès à distance, Mme [G] a écrit au directeur régional, M. [K], afin de s'en plaindre ; enfin, il ressort des pièces communiquées que Mme [G] n'a fait l'objet que de trois sollicitations de la part de l'employeur à propos de la commande inhabituelle de magret de canard passée, de son propre chef, par la salariée durant son arrêt maladie et affectée d'une erreur ; la méconnaissance par l'employeur du droit de la salariée à la déconnexion et de son obligation de sécurité n'est pas caractérisée ; le fait n'est donc pas établi.



En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.



En conséquence, la demande de Mme [G] tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement doit être rejetée.



Sur le bien-fondé du licenciement':



Mme [G] expose que les faits invoqués au soutien de son licenciement procèdent d'un contrôle de stock du 23 juin 2017, alors que la convocation à l'entretien préalable ne lui a été adressée que le 7 août 2017. Elle considère donc qu'ils ne s'opposaient pas à l'exécution de son préavis.

Elle ajoute que la commande litigieuse date du 12 juin 2017, date à laquelle elle était en arrêt maladie, alors que deux personnes avaient accès au logiciel de commande. Elle reconnaît une simple erreur de commande concernant le magret de canard fumé. Elle estime que le licenciement pour faute grave constitue une sanction disproportionnée. Elle soutient avoir apporté les justificatifs aux commandes invoquées par l'employeur et considère que son licenciement procède de la volonté unilatérale et arbitraire de son nouveau supérieur hiérarchique M. [F], invoquant des motifs abusifs, en totale contradiction avec la réalité de son engagement professionnel.



L'employeur répond que Mme [G] était seule à même de procéder à leur achat au moyen du logiciel de commande de l'entreprise. Il explique que la vérification de l'ensemble des commandes passées entre les mois de septembre 2016 et mai 2017 a mis en lumière l'achat de nombreux produits ne correspondant pas aux prestations supposées être délivrées à la ville de [Localité 6] dans le cadre du contrat liant les parties, notamment des queues de homards, des vérines sucrées, des pains surprises, des bouteilles de vins et de champagne. Il ajoute avoir découvert des commandes de marchandises non justifiées par des commandes de la ville de [Localité 6], sans factures, ainsi qu'un mail dans lequel Mme [G] demande que le chèque de règlement d'une prestation exécutée avec les marchandises de l'entreprise soit établi à son nom. Il ajoute que la ville de [Localité 6] a indiqué ne pas connaître M. [Y], M. [V] ou encore Mme [B] qui apparaissent dans le cadre de deux commandes non justifiées.'Il souligne que Mme [G] a entrepris une formation portant sur la création d'entreprise en septembre 2017. Il estime que le manquement de la salariée à son devoir de loyauté et de probité, et le détournement de marchandises lui appartenant au profit d'activités lucratives exercées par Mme [G] en son nom propre sont établis.



En réponse à l'argumentation adverse, l'employeur indique que':

- en la convoquant le 7 août 2017, soit moins de deux mois après la découverte des premiers faits fautifs, il a respecté le délai légal'; que la date de convocation procède des investigations menées, de l'arrêt maladie de Mme [G], de ses congés et de la disponibilité du responsable des ressources humaines durant la période estivale.

- le délai entre l'entretien préalable et la notification du licenciement s'explique par le temps laissé à Mme [G] pour apporter des réponses aux faits reprochés.



S'agissant des conditions ayant entouré le licenciement, l'employeur explique que M. [F] a, dès le 27 septembre 2017, pris soin d'informer, par téléphone, Mme [G] qu'il venait de lui notifier son licenciement et l'invitait à récupérer ses effets personnels'; que malgré cette annonce, elle a refusé de quitter le site le 28 septembre 2017 au motif qu'elle n'aurait pas encore reçu sa lettre de licenciement, de sorte qu'il a attendu que la salariée se résolve d'elle-même à partir.



Enfin, de manière générale, l'employeur conclut au débouté de la salariée de ses demandes de dommages et intérêts, considérant qu'elle ne justifie pas des préjudices allégués.



Mme [G] a été licenciée pour faute grave.



La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.



L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.



Aux termes de la lettre de licenciement, la salariée a été licenciée pour avoir, entre les mois de septembre 2016 et mai 2017, procédé à des commandes de produits sans lien avec le marché liant la SAS Société Française de Restauration Rapide à la ville de [Localité 6], sans validation de la hiérarchie, sans devis, sans facture et sans que ces produits ne soient reportés dans les inventaires. Il lui est également reproché d'avoir, dans le cadre de la commande d'une prestation, demandé à son interlocuteur d'établir le chèque de règlement à son nom.



Si Mme [G] se prévaut du délai ayant séparé le contrôle du stock le 23 juin 2017 de sa convocation à l'entretien préalable et de la notification de son licenciement, il ressort des éléments de la procédure que les délais légaux des articles L.1332-4 et L.1232-6 du code du travail ont été respectés. Il apparaît qu'à la suite de la découverte d'une quantité importante de magret de canard fumé, l'employeur a sollicité des explications de la salariée, puis a procédé à un contrôle plus général des commandes. L'employeur a ensuite laissé à la salariée la possibilité de fournir les éléments justificatifs des commandes, cette dernière ayant ainsi adressé un mail accompagné de pièces le 12 septembre 2017. En outre, il doit être relevé que Mme [G] a été en arrêt maladie jusqu'au 28 juillet 2017, de sorte qu'elle n'était pas dans l'entreprise. Compte tenu de ces éléments et de la période des vacances d'été, les délais ayant séparé le premier contrôle du stock de la convocation de la salariée à l'entretien préalable, puis de la notification du licenciement, n'apparaît pas incompatible avec son licenciement pour faute grave.



Il ressort du cahier des charges du contrat liant la ville de [Localité 6] à la SAS Société Française de Restauration Rapide que le marché portait sur la réalisation de déjeuners et de goûters à destination des enfants et du personnel encadrant, ainsi que du foyer municipal (séniors, personnel communal, intervenants, stagiaires). Il apparaît que les prestations ne nécessitaient pas de commande de produits festifs, ni d'alcool, puisque la composition des repas est ainsi décrite :

« - un potage (de novembre à mars), un hors d''uvre, ou une entrée ;

- un plat protidique principal : viande, abats, volaille, poissons ou 'ufs ;

- un plat d'accompagnement. Il devra être proposé en alternance un plat de légume dits verts et un plat de féculents ;

- un fromage ou un laitage ;

- un dessert : les pâtisseries seront limitées à toutes les deux semaines et les produits industriels seront à éviter. Des glaces seront servies toutes les deux semaines sur la période de juin à septembre.

- pain frais »,

« le titulaire ne devra servir que des boissons non alcoolisées ».



Or, le listing des commandes passées entre les mois de septembre 2016 et mai 2017 établissent que Mme [G] a commandé, entre les mois de septembre et mars 2017, une quantité importante de produits festifs, tels que des petits fours sucrés et salés, canapés, mignardises, verrines sucrées, saumon fumé, queues de homard, des bouteilles de vin et de champagne.



L'employeur communique également la commande de 7,5 kg de magret de canard fumé que Mme [G] reconnaît in fine avoir passée le 12 juin 2017.



Pour cette dernière commande, Mme [G] argue d'une erreur, la commande portant en réalité sur une quantité de 750 grammes. Cependant, alors qu'il ressort du courriel de son supérieur hiérarchique, M. [F], que ses investigations n'ont pas permis de rattacher l'achat de ce produit au menu d'un repas, la cour constate que la salariée ne fournit aucune explication justificative sur ce point.



S'agissant des autres commandes, Mme [G] a communiqué deux devis des 26 septembre 2016 et 18 octobre 2016 validés par la mairie, relatifs aux «'v'ux du maire aux personnels'» et «'buffet pour la fête de noël le 16 décembre 2016'», ainsi que les factures correspondantes des 14 et 16 décembre 2016. Cependant, ces pièces ne suffisent pas à justifier les volumes des commandes passées pendant plusieurs mois.



Mme [G] explique qu'elle a souhaité améliorer la qualité des prestations en vue de l'appel d'offre à venir dans le cadre du renouvellement du marché. Cependant, la seule attestation particulièrement peu circonstanciée de membres du foyer ne permet pas de justifier les commandes précitées, le témoignage ne comportant notamment aucune information datée.



En outre, l'exploitation de l'ordinateur professionnel de Mme [G] a permis de retrouver deux devis des 6 septembre 2016 et 9 mars 2017 relatifs aux départs à la retraite de M. [Y] et M. [V] et un échange de courriels entre la salariée et Mme [B] courant mars 2017 à propos de la prestation concernant M. [V], dans le cadre duquel Mme [G] demande à Mme [B] d'établir le chèque de règlement à son nom. L'employeur communique en pièce n°14 un email du 22 août 2018 de Mme [J], salariée de la mairie de [Localité 6] indiquant que : «'' nous n'avons pas (et pas eu) de Mme [B] ou de M. [V] dans l'effectif communal permanent ou temporaire ...'».



Mme [G] soutient que ces pièces correspondent à des exercices réalisés dans le cadre d'un bilan de compétence. Elle produit une attestation de M. [C] expliquant : «'...Pour l'aider je trouve une petite formation (bilan de compétences) que j'ai nommé Nous (les gérants) qui pourrait très vite lui donner un semblant de moral. En effet, doutant d'elle-même elle a bien voulu suivre cette formation sous mon évaluation. Pour ce faire, le soir après le travail et ou le WE on échangeait ses cours par mail ou par tel. Cet outil de formation l'a réconforté sur ses acquis ses compétences et au-delà lui a redonné le moral'...». Cependant, l'attestation du 12 octobre 2017 certifiant de l'accompagnement de Mme [G] dans le cadre d'un bilan de compétence du 15 novembre 2016 au 5 mars 2017 a été signée par M. [P]. En outre, la cour constate que le document de synthèse du bilan de compétence est circonscrit à la période courant du 3 novembre au 22 décembre 2016 et que la salariée ne justifie ni de l'exercice prétendument donné, ni même du moindre échange par mail avec M. [C]. De surcroît, il doit être relevé que Mme [G] a utilisé son adresse professionnelle pour échanger avec Mme [B] et que les prestations figurant sur les devis relatifs aux départs à la retraite de M. [Y] et M. [V] figurent, aux mois correspondants, sur le listing des commandes passées par Mme [G].



Les témoignages communiqués par Mme [G] attestant de son engagement et de sa compétence professionnelle ne permettent pas d'expliquer les commandes injustifiées et la demande de la salariée de se voir remettre un chèque de règlement d'une prestation à son nom.



Si la salariée soutient avoir été licenciée par téléphone, pour les motifs précités, le licenciement verbal n'est pas caractérisé.



Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont par conséquent établis.



Nonobstant l'ancienneté et les qualités professionnelles de Mme [G], ils sont d'une gravité telle qu'il doit être considéré que l'employeur rapporte la preuve de faits imputables à la salariée qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.



En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement pour faute grave de Mme [G] était fondé et a débouté cette dernière de ses demandes.



Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale de reprise



Mme [G] réclame le paiement d'une somme de 16 561,92 euros de dommages et intérêts au titre de l'absence de visite médicale obligatoire.



Cependant, il ressort du courriel de la médecine du travail du 28 septembre 2017 que l'employeur avait réalisé les démarches nécessaires pour que Mme [G] bénéficie d'une visite de reprise, le rendez-vous ayant été fixé au 18 octobre 2017.





En outre, la cour constate que la salariée ne rapporte pas la preuve de son préjudice. Si elle communique un certificat médical de son médecin traitant du 23 août 2017 conditionnant la reprise de son activité professionnelle à la limitation du port de charge à 5 kg et à l'absence de mouvements répétitifs pendant un mois à compter du 28 août 2017, Mme [G] ne démontre pas avoir porté ce document à la connaissance de l'employeur ou du médecin du travail.



En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire.



Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non-respect du droit à la déconnexion et de la violation de l'obligation de sécurité



Pour les motifs précités, aucune méconnaissance du droit à la déconnexion de la salariée et de l'obligation de sécurité de l'employeur n'est caractérisée. De surcroît, il ressort des motifs développés supra que la matérialité d'éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.



En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire.



Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice non directement lié à la perte d'emploi - attitude blâmable et vexatoire de l'employeur durant l'exécution du contrat de travail (article 1240 du code civil) - non-respect de l'obligation générale de loyauté - violation de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail (article L 1222-1 du code du travail)



Mme [G] soutient avoir fait l'objet d'un licenciement brutal et vexatoire, dès lors qu'elle a été licenciée verbalement et qu'il lui a été demandé de quitter les lieux sur le champ, se permettant d'évoquer la possibilité de faire appel aux forces de l'ordre pour faire quitter les locaux. Elle rappelle que l'employeur a attendu un mois et demi pour la convoquer à un entretien préalable après la connaissance des griefs invoqués, trois semaines entre la date de la lettre le 7 août et l'entretien du 28 août 2017 et le dernier jour du délai légal d'un mois entre la date de l'entretien préalable le 28 août 2017 et la notification du licenciement le 27 septembre 2017.



Cependant, les éléments de la procédure ne permettent pas de caractériser une attitude blâmable et vexatoire de la part de l'employeur, ni un manquement de ce dernier à ses obligations de loyauté et de bonne foi.



En effet, pour les motifs précités, les délais ayant séparé le premier contrôle du stock de la convocation de la salariée à l'entretien préalable, puis de la notification du licenciement, sont justifiés par les recherches effectuées par l'employeur, par le droit de réponse accordé au salarié, par l'absence de la salariée en arrêt maladie et par la période estivale.

Par ailleurs, alors que Mme [G] reconnaît que l'information relative à son licenciement lui a été donnée par téléphone par son supérieur hiérarchique «'le lendemain de l'envoi de la lettre de licenciement qu'elle n'avait évidemment pas encore reçue'» (page 7 des conclusions de la salariée), il ne saurait être considéré que par cette simple information de la décision prise par l'employeur et notifiée la veille, Mme [G] a fait l'objet d'un licenciement verbal. En outre, il résulte de la lettre que l'employeur a adressée à la salariée le 2 octobre 2017 que bien qu'avisée de son licenciement, Mme [G] a refusé de quitter les lieux malgré les demandes de son supérieur hiérarchique. Aucun élément probant ne démontre que ces demandes ont été formulées avec brutalité, l'employeur précisant dans le courrier précité qu'il n'a pas souhaité faire appel aux forces de l'ordre.



En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée du chef des dépens et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme [G]. Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile est accordé à société OX Avocats.



En revanche, le jugement sera infirmé du chef des frais irrépétibles et il n'apparaît pas inéquitable de laisser aux parties la charge de ces frais.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



statuant publiquement et contradictoirement,



Confirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions relatives aux primes de 13ième mois et d'objectifs et aux frais irrépétibles,



Statuant à nouveau des chefs infirmés,



Condamne la SAS Sodexo à payer à Mme [S] [G] les sommes suivantes :

- 196,61 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois,

- 558,79 euros au titre de la prime sur objectifs 2017 ;



Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;





Condamne Mme [S] [G] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la société OX Avocats ;



Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et M. Ronan GABILLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

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