12 mai 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/22517

Pôle 5 - Chambre 7

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 12 MAI 2022



(n° 7, 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/22517 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4ML



Décision déférée à la Cour : n° 221C3580 rendue le 22 Décembre 2021 par l'Autorité des marchés financiers





REQUÉRANTES :





BBDE S.A.S.

Prise en la personne de son directeur général

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 441'132'602

Ayant son siège social au [Adresse 1] [Localité 5]



Élisant domicile de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN-DE MARIA-GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me François DE BÉRARD de la SCP LACOURTE-RAQUIN-TATAR, avocat au barreau de PARIS, toque : R170





DÉFENDERESSES AU RECOURS :





BEL S.A.

Prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 542 088 067

Ayant son siège social au [Adresse 3] [Localité 7]



UNIBEL S.A.

Prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 552 002 578

Ayant son siège social au [Adresse 3] [Localité 7]



Élisant toutes domicile au cabinet de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES

[Adresse 6]

[Localité 5]



Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées de Me Jean-charles JAÏS et Me Pierre THOMET du LLP LINKLATERS, avocat au barreau de PARIS, toque : J030







EN PRÉSENCE DE :





L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Mme Patricia CHOQUET, dûment mandatée





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 avril 2022 en application des dispositions des articles 22 du Code de procédure civile et L.153-1-3° du Code de commerce, en chambre du conseil, devant la cour composée de :



' M. Gildas BARBIER, président de chambre, président,

' Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre,

' Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre,



qui en ont délibéré.





GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET



MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Jocelyne AMOUROUX, avocate générale qui a fait connaître son avis





ARRÊT :



' contradictoire



' prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile



' signé par M. Gildas BARBIER, président de chambre et par Mme Véronique COUVET, greffière présente lors de la mise à disposition.





* * * * * * * *



Vu la déclaration de recours déposée au greffe le 31 décembre 2021 par la société BBDE contre la décision de l'Autorité des marchés financiers de conformité du projet d'offre publique de retrait visant les actions de la société Bel, adoptée le 21 décembre 2021 et publiée le 22 suivant ;



Vu l'exposé des moyens déposé au greffe le 14 janvier 2022 par la société BBDE ;



Vu les observations en réponse déposées au greffe le 15 février 2022 par l'Autorité des marchés financiers ;



Vu le mémoire en réponse déposé au greffe le 17 février 2022 par les sociétés Bel et Unibel ;



Vu le mémoire récapitulatif, en réplique, déposé au greffe le 21 mars 2022 par la société BBDE ;



Vu le mémoire récapitulatif, en duplique, déposé au greffe le 29 mars 2022, par les sociétés Bel et Unibel ;



Vu l'arrêt de la Cour du 31 mars 2022 accordant la protection au titre du secret des affaires à la pièce n° 21 produite par la société BBDE et ordonnant que les débats aient lieu en chambre du conseil ;



Vu l'avis du ministère public du 1er avril 2022, transmis le même jour aux parties ;



Après avoir entendu à l'audience du 7 avril 2022, les conseils de la société BBDE, ceux des sociétés Bel et Unibel ainsi que la représentante de l'Autorité des marchés financiers et le ministère public.





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* *







SOMMAIRE












FAITS ET PROCÉDURE4





Présentation des entités4



La genèse de l'offre publique de retrait5



La saisine de l'AMF et la décision de conformité5



Les suites de l'offre publique6



Le recours entrepris6








MOTIVATION6





I. SUR LE MOYEN PRIS DE LA VIOLATION DES RÈGLES APPLICABLES EN PÉRIODE DE PRÉOFFRE7





II. SUR LE MOYEN PRIS DE LA VIOLATION DES PRINCIPES DIRECTEURS DES OFFRES PUBLIQUES8



S'agissant de l'offre d'acquisition du 3 septembre 2021 invoquée par la société BBDE9



S'agissant de la violation des principes d'égalité de traitement et d'information des actionnaires10







III. SUR LE MOYEN PRIS DE LA NON-CONFORMITÉ DE L'ÉVALUATION RÉALISÉE PAR L'EXPERT INDÉPENDANT10



A. Sur la désignation de l'expert indépendant10



B. Sur les méthodes d'évaluation retenues par l'expert indépendant12





IV. SUR LE MOYEN PRIS DE L'ABSENCE DE RÉUNION DES CONDITIONS PERMETTANT LA MISE EN 'UVRE DU RETRAIT OBLIGATOIRE16





V. SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR PROCÉDURE ABUSIVE17





VI. SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES18







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* *







FAITS ET PROCÉDURE







1.La Cour est saisie d'un recours contre la décision du collège de l'Autorité des marchés financiers (ci-après l''«'AMF'») ayant déclaré conforme un projet d'offre publique de retrait portant sur les actions Bel et initié par la société Unibel.





Présentation des entités



2.La société Bel est la société mère du groupe éponyme Bel, leader mondial de la production et de la commercialisation de fromage en portions. Ses actions sont cotées sur le marché Euronext Paris compartiment A.



3.La société Bel est contrôlée par le concert composé du groupe familial [W]-[T], de la Société industrielle commerciale et de participation (ci-après «'Sicopa'»), filiale à 100 % de la société Bel, et de la société Unibel, société holding animatrice du groupe Bel.



4.La société Unibel est, quant à elle, contrôlée par le concert familial [W]-[T].



5.La société BBDE, auteur du recours, est actionnaire minoritaire de la société Bel. Elle est contrôlée par la famille [N], laquelle détient directement plus de 5% du capital de la société Unibel.



6.Les familles [W] et [T] sont liées par un pacte d'actionnaires entré en vigueur le 23 septembre 2013. Ce pacte d'actionnaires a été conclu à la suite de l'annulation, par une décision d'un tribunal arbitral, d'un précédent pacte de 2001 qui liait ces deux familles à la famille [N].







La genèse de l'offre publique de retrait



7.Le 18 mars 2021, la société Lactalis, qui détenait via sa filiale Sofil 23,16 % du capital de la société Bel, a consenti à la société Sicopa une promesse unilatérale d'achat des sociétés qui exploitaient et commercialisaient la marque Leerdammer (les sociétés Royal Bel Leerdammer NL, Bel Italia, Bel Deutschland, Bel Shostka Ukraine), ainsi que la marque Leerdammer et tous ses droits attachés (ci-après le « périmètre Leerdammer »), détenus par la société Sicopa en échange des titres Bel détenus par la société Lactalis, via sa filiale Sofil.



8.Le même jour, le conseil d'administration de la société Bel a approuvé le principe de cette opération d'échange et désigné, sur proposition d'un comité ad hoc, un expert indépendant chargé d'émettre un rapport et une attestation d'équité sur les conditions financières de l'échange et des offres publiques envisagées par les sociétés Bel et Unibel, en cas de réalisation effective de cet échange.



9.Le 19 mars 2021, ce projet a été rendu public par le biais d'un communiqué de presse annonçant l'entrée en négociation exclusive des groupes Bel et Lactalis en vue de la cession du périmètre Leerdammer.



10.Le même jour, la société Bel a annoncé son intention de déposer une offre publique de rachat à un prix de 440 euros l'action et la société Unibel a annoncé son intention de déposer une offre publique de retrait, suivie d'un retrait obligatoire, sur le solde des actions Bel au même prix de 440 euros par action.



11.L'AMF en a informé le marché par un communiqué publié sur son site le 19 mars 2021 marquant ainsi le début de la période de préoffre.



12.À la suite de l'obtention d'un avis favorable unanime de chacune des instances représentatives du personnel consultées dans le cadre de l'opération d'échange, la société Sicopa a levé l'option et, le 13 juillet 2021, a signé le contrat d'échange avec la société Lactalis, via la société Sofil, signature rendue publique par un communiqué de presse du 29 juillet 2021.



13.Après la réalisation des différentes conditions suspensives, dont l'autorisation de la Commission européenne au titre des concentrations, intervenue en août 2021, l'opération d'échange a été exécutée le 30 septembre 2021.



14.À la suite de cette opération, le concert composé du groupe familial [W]-[T], des sociétés Unibel et Sicopa détient 95,46 % du capital et 82,22 % des droits de vote de la société Bel.



15.Le même jour, le 30 septembre 2021, la société Bel a annoncé au marché qu'elle renonçait à déposer un projet d'offre publique de rachat et, de son côté, la société Unibel a annoncé sa décision d'augmenter le prix de l'offre publique de retrait et de retrait obligatoire (ci-après « OPR-RO ») à 550 euros par action.





La saisine de l'AMF et la décision de conformité



16.Le 22 octobre 2021, la société BNP Paribas, agissant en qualité de présentatrice pour le compte de la société Unibel, a déposé auprès de l'AMF un projet d'offre publique de retrait accompagné d'un projet de note d'information.



17.L'initiateur de l'offre a demandé à l'AMF de procéder au retrait obligatoire dès la clôture de l'offre publique de retrait en application des articles 237-1 à 237-3 du règlement général de l'AMF (ci-après «'RGAMF'»).





18.Le 16 novembre 2021, la société Bel a déposé auprès de l'AMF un projet de note en réponse au projet d'OPR-RO initié par la société Unibel, avec le rapport de l'expert indépendant désigné par le conseil d'administration de la société Bel qui conclut au caractère équitable du prix de l'offre.



19.Par une décision du 22 décembre 2021, mise en ligne le même jour sur son site, l'AMF a déclaré conforme le projet d'offre en application de l'article 231-23 de son règlement général et précisé que sa décision emportait visa du projet de note d'information de l'initiateur sous le n° 21-537. Par cette même décision, elle a également apposé le visa n° 21-538 sur le projet de note en réponse de la société Bel.





Les suites de l'offre publique



20.L'offre a été ouverte le 24 décembre 2021 et clôturée le 10 janvier suivant.



21.Le 11 janvier 2022, l'AMF a annoncé qu'à l'issue de la période d'offre, la société Unibel avait acquis 97,41 % du capital et au moins 83,33 % des droits de vote de la société Bel.



22.Le lendemain, le 12 janvier 2022, l'AMF a indiqué, après avoir constaté la réunion des conditions posées aux articles L.433-4,II du code monétaire et financier et 237-1 à 237-3 de son règlement général, que le retrait obligatoire des titres Bel interviendrait le 25 janvier 2022, au prix net de tout frais de 550 euros par action.





Le recours entrepris



23.Par une déclaration déposée au greffe le 31 décembre 2021, la société BBDE a formé un recours en annulation ou en réformation de la décision de conformité du 22 décembre 2021 précitée.



24.Aux termes de son exposé des moyens, déposé le 14 janvier 2022, la société BBDE demande à la Cour d'annuler la décision attaquée ainsi que les visas n° 21-537 et 21-538 et de condamner l'AMF aux entiers dépens.



25.L'AMF considère que le recours en annulation doit être rejeté.



26.Les société Unibel et Bel concluent au rejet du recours et à la condamnation de la société BBDE, à titre reconventionnel, à leur payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts et, en tout état de cause, celle de 250 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



27. Le ministère public considère que le recours doit être rejetté.





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* *





MOTIVATION







28.La société BBDE présente quatre moyens d'annulation :



' le premier, pris de la violation des règles applicables en période de préoffre ;



' le second, pris de la violation des principes directeurs des offres publiques ;



' le troisième, pris de la non conformité de l'évaluation diligentée par l'expert indépendant ;



' le quatrième, pris de l'absence de réunion des conditions de détention permettant la mise en 'uvre d'un retrait obligatoire.





I. SUR LE MOYEN PRIS DE LA VIOLATION DES RÈGLES APPLICABLES EN PÉRIODE DE PRÉOFFRE





29.La société BBDE soutient que l'interdiction d'intervention sur les titres en période de préoffre édictée à l'article 231-38 du RGAMF est absolue et que l'exception à cette interdiction prévue par ce même texte, en cas d'acquisition résultant d'un accord de volontés antérieur, doit être d'interprétation stricte de sorte que seuls une acquisition ou un accord définitif relatif à une acquisition sont susceptibles de répondre aux exigences de ce texte. Elle fait valoir qu'en l'espèce, la promesse unilatérale consentie par la société Lactalis au profit de la société Sicopa ne pouvait caractériser un accord de volontés, lequel n'a existé qu'à compter de la levée de l'option par la société Sicopa le 13 juillet 2021, soit pendant la période de préoffre ouverte le 19 mars 2021. Elle en déduit que la société Sicopa ne pouvait procéder à aucune acquisition après cette date et qu'il appartenait à l'AMF de faire respecter ces dispositions d'ordre public.



30.L'AMF répond que dès le 18 mars 2021, les sociétés Lactalis et Bel s'étaient engagées en vue de la réalisation de l'opération d'échange d'actifs, opération approuvée à l'unanimité par leurs conseils d'administration respectifs, les conditions suspensives de sa réalisation ne dépendant pas de leurs dirigeants respectifs, de sorte que la levée de l'option par la société Sicopa au cours de la période de préoffre ne contrevenait pas à l'interdiction d'acquisition posée à l'article 231-38 du RGAMF.



31.Les sociétés Unibel et Bel partagent cette analyse et soulignent que, contrairement à ce que soutient la société BBDE, une promesse unilatérale n'est pas un acte unilatéral mais bien un contrat résultant d'un accord de volontés et générateur d'obligations réciproques pour les parties. Elles ajoutent que l'article 231-38 du RGAMF ne vise pas un accord de volontés définitif et que l'interprétation soutenue par la société BBDE est contraire à l'approche adoptée par l'AMF qui, lors de l'édiction de son règlement général, a délibérément fait référence à la notion d'accord de volontés et non à un contrat d'acquisition. Elles observent que le recours à une promesse unilatérale est usuel lorsqu'une procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel est nécessaire, comme c'était le cas en l'espèce.



32.Le ministère public considère que la promesse unilatérale d'achat conclue entre les sociétés Lactalis et Bel est un accord de volontés au sens de l'article 231-38, I du RGAMF et que le moyen doit être rejeté.



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Sur ce, la Cour,



33.Aux termes de l'article 231-38, I et II, du RGAMF :



«'I- Les restrictions d'intervention sur les titres concernés par une offre publique ne sont pas applicables aux acquisitions qui résultent d'un accord de volonté antérieur au début de la période d'offre, ou le cas échéant de la période de préoffre.



II- Durant la période de préoffre, l'initiateur et les personnes agissant de concert avec lui ne peuvent acquérir aucun titre de la société visée.'»



34.Ces dispositions admettent que l'initiateur d'une offre publique puisse acquérir, pendant la période de préoffre, des titres de la société visée lorsque cette acquisition n'est que le résultat, et donc le dénouement, d'un accord de volontés antérieur à la préoffre. Elles visent ainsi les hypothèses d'un accord qui n'a pas pu produire ses effets avant cette période, en raison notamment de la stipulation de conditions suspensives. Ainsi, contrairement à ce que soutient BBDE, elles ne sauraient être interprétées comme exigeant que l'acquisition résulte d'un accord définitif.



35.En outre, ces dispositions visent des acquisitions résultant d'accords de volontés et non des contrats d'acquisition de sorte qu'elles ne sauraient davantage être interprétées comme excluant, par principe, des acquisitions qui, comme en l'espèce, résultent d'un accord de volontés ayant pris la forme d'une promesse unilatérale acceptée par le bénéficiaire.



36.En effet, en premier lieu, le principe même de l'échange du périmètre Leerdammer avec les titres Bel avait été accepté et approuvé tant par le conseil d'administration du groupe Bel que par celui du groupe Lactalis le 18 mars 2021. C'est à la suite de cet accord de principe sur cette opération d'échange que, d'une part, dès le 18 mars, ont été envisagées les offres publiques annoncées le lendemain au marché, marquant ainsi le début de la préoffre comme l'a constaté l'AMF et, d'autre part, un expert indépendant a été désigné par le conseil d'administration de Bel pour établir un rapport tant sur les conditions financières de l'échange que sur celles des offres publiques envisagées.



37.En second lieu, il n'est pas contesté que les conditions suspensives stipulées dans cette promesse, tenant notamment à l'obtention de l'avis favorable des instances représentatives du personnel, ne dépendaient pas de la volonté des dirigeants des sociétés Bel et Lactalis.



38.Il s'en déduit, ainsi que le souligne à juste titre l'AMF, que ces sociétés, via leur conseil d'administration respectif ayant statué à l'unanimité, s'étaient engagées, au sens de l'article 231-38 du RGAMF, en vue d'une opération d'échange d'actifs dès le 18 mars 2021.



39.Dans un tel contexte, la levée de l'option par la société Sicopa en période de préoffre, qui n'est que le dénouement de la promesse unilatérale d'échange qu'elle avait acceptée, ne contrevenait pas au principe d'interdiction posé à l'article précité.



40.Le moyen est rejeté.





II. SUR LE MOYEN PRIS DE LA VIOLATION DES PRINCIPES DIRECTEURS DES OFFRES PUBLIQUES





41.La société BBDE soutient, en premier lieu, que ni le projet de note d'information ni l'attestation d'équité de l'expert indépendant ne font état d'une offre ferme de rachat des actions Bel faite le 3 septembre 2021 au prix de 775 euros, soit 50 % de plus que le prix proposé dans le cadre de l'offre de retrait, information essentielle pour les actionnaires, et que ce faisant, le projet de note d'information n'était pas complet au sens de l'article L.621-8-1 du code monétaire et financier, portant ainsi violation des principes de transparence et d'intégrité du marché rappelés à l'article 231-3 du RGAMF.



42.Elle fait valoir, en second lieu, que l'opération de rachat d'actions Bel diligentée par l'une de ses filiales constitue un détournement des lois et règlements applicables à Bel en matière de rachat de ses propres actions et de réduction inégalitaire de capital qui imposaient, soit le vote unanime par les actionnaires de Bel d'une réduction de capital, soit le rachat par Bel des actions détenues par la société Lactalis par le biais d'un programme de rachat d'actions, limité à moins de 20 %. En choisissant de faire acquérir par l'une de ses filiales les actions détenues par la société Lactalis, Bel a porté atteinte au principe d'égalité de traitement des actionnaires de Bel en contournant les règles de l'unanimité ou de la limitation du quantum de participation rachetée, et au principe d'égalité d'information des actionnaires dans la mesure où le rachat par une filiale des actions de sa société mère aboutit de facto à un détournement des régles applicables en matière de conventions réglementées et notamment à l'information des actionnaires en ces occasions.



43.L'AMF répond, en premier lieu, que la simple intention de se porter acquéreur du contrôle d'une société, voire une simple rumeur, ne saurait s'apparenter à une offre ferme.



44.Elle fait valoir, en second lieu, que le grief pris du détournement des règles applicables en matière de rachat par une société de ses propres actions ne relève pas de la compétence de l'AMF dans le cadre de son appréciation de la conformité d'un projet d' offre publique.



45.Les sociétés Bel et Unibel soutiennent, s'agissant de la prétendue offre d'achat à 775 euros, que ce n'était pas une offre ferme mais une simple marque d'intérêt, son auteur subordonnant tout rachat des actions Bel au prix indiqué à plusieurs conditions, dont des demandes de due diligence confirmatoires et l'abandon pur et simple du projet de cession du périmètre Leerdammer. Elles exposent que cette offre, caduque depuis le 30 septembre 2021, a été immédiatement et formellement rejetée par les actionnaires familiaux majoritaires, à savoir les branches [W] et [T], en conformité avec les objectifs énoncés dans le pacte d'actionnaires qui les lie, dont celui d'assurer la stabilité du contrôle et/ou de l'actionnariat de la société Unibel et d'en préserver le caractère familial. Elles soulignent que cette marque d'intérêt a été transmise en temps utile à l'expert indépendant et à l'AMF.



46.Elles font valoir, s'agissant de la violation des principes d'égalité et d'information des actionnaires, que le moyen de la société BBDE pris d'un prétendu contournement des règles applicables en matière de rachat d'actions, est issu du droit des sociétés et non des principes directeurs des offres publiques et, partant, échappe au contrôle de l'AMF dans le cadre d'une appréciation de la conformité d'une offre publique.



47.Le ministère public considère que la société BBDE ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une offre ferme de rachat du contrôle de la société Bel au prix de 775 euros par action. Il souligne que le moyen pris d'un détournement des règles du droit des sociétés n'entre pas dans le périmètre de contrôle de la Cour.



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Sur ce, la Cour,



S'agissant de l'offre d'acquisition du 3 septembre 2021 invoquée par la société BBDE



48.En premier lieu, cette offre, faite par un opérateur important du secteur aux trois blocs familiaux actionnaires du groupe Bel par une lettre du 3 septembre 2021, était conditionnée à l'abandon de la cession du périmètre Leerdammer et à des due diligence confirmatoires qui, tout en étant présentées dans cette lettre comme étant limitées, n'étaient pas précisées. En outre, son auteur exprimait le souhait «'de pouvoir engager de façon amicale des discussions avec vos familles'», et de rencontrer chacun des destinataires de cette lettre «'dès que possible'» afin de pouvoir leur présenter son projet. Ainsi, une telle offre ne peut être considérée comme une offre ferme mais comme une simple proposition d'entrer en voie de négociation.



49.En deuxième lieu, cette offre, qui a été rejetée par les familles [W]-[T], est devenue caduque le 30 septembre, date de réalisation de la cession du périmètre Leerdammer.



50.En troisième lieu, cette offre a été faite à des conditions financières tenant compte du maintien du périmètre Leerdammer au sein de Bel et son auteur soulignait lui-même que la valorisation du titre Bel à 775 euros lui semblait bien «'supérieure au potentiel de création de valeur d'un groupe Bel indépendant à moyen terme'».



51.Il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'une telle offre ne pouvait constituer une information pertinente et encore moins essentielle pour les actionnaires minoritaires.



52.Ainsi, l'absence de mention de cette offre dans le projet de note d'information et dans le rapport de l'expert indépendant, à qui au demeurant elle avait été transmise, ne constitue pas une violation des principes de transparence et d'intégrité du marché énoncés à l'article 231-3 du RGAMF.



S'agissant de la violation des principes d'égalité de traitement et d'information des actionnaires



53.L'AMF, lorsqu'elle est saisie d'un projet d'offre publique, doit se prononcer sur la conformité de celui-ci aux dispositions législatives et réglementaires prévues aux articles L.433-1 du code monétaire et financier et au titre III de son règlement général. Il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet examen de conformité, de se prononcer, aux lieu et place des juridictions compétentes, sur un prétendu contournement par la société cible des dispositions du droit des sociétés applicables en matière de rachat d'actions à l'occasion d'une opération antérieure à l'offre publique, ces deux opérations fussent-elles liées.



54.Il n'appartient donc pas davantage à la Cour, statuant sur le recours formé contre une décision de conformité d'un projet d'offre publique de retrait, de procéder à un tel examen de sorte qu'en l'espèce, la Cour n'a pas à rechercher si l'échange d'actifs conclu entre les sociétés Lactalis et Bel, via leurs filiales respectives, constitue un contournement des règles applicables en matière de rachat d'actions.



55.Il en résulte qu'est inopérant le grief pris d'une violation des principes directeurs d'une offre publique, que sont l'égalité de traitement et d'information des actionnaires, et qui résulterait d'une violation des dispositions du droit des sociétés régissant le rachat d'actions.



56.À titre surabondant, il convient de constater, ainsi que le soulignent les sociétés Bel et Unibel, que le marché a été informé des termes et de l'avancée de l'opération d'échange critiquée, tant au travers des communiqués de presse du 19 mars 2021, annonçant la signature d'une promesse unilatérale d'achat portant sur la cession du périmètre Leerdammer en échange des actions Bel détenues par Lactalis, du 29 juillet 2021, annonçant la signature du contrat d'échange et celui du 27 août 2021, annonçant l'autorisation de la Commission européenne, que de la note en réponse de la société Bel. En outre, le communiqué de presse du 19 mars 2021 a informé le marché de la désignation d'un expert indépendant par le conseil d'administration de Bel, sur recommandation d'un comité ad hoc aux fins de se prononcer sur le caractère équitable des conditions financières de l'échange. La note en réponse déposée par la société Bel précise que cet expert a remis, le 8 juillet 2021, son rapport assorti d'une attestation d'équité. Les conditions dans lesquelles cette opération d'échange a eu lieu n'a donc pas méconnu le principe d'égalité de traitement et d'information des actionnaires.



57.Le moyen est rejeté.





III.SUR LE MOYEN PRIS DE LA NON-CONFORMITÉ DE L'ÉVALUATION RÉALISÉE PAR L'EXPERT INDÉPENDANT





58.Ce moyen est articulé en deux branches : la première porte sur les modalités de désignation de l'expert qui priveraient ce dernier de son indépendance, la seconde sur la méconnaissance par l'expert des règles applicables en matière d'évaluation multicritères.





A. Sur la désignation de l'expert indépendant





59.La société BBDE, fait valoir, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions des articles 261-1 et 261-4,I du RGAMF ainsi que des recommandations du code Middlenext que les administrateurs en situation de conflits d'intérêts ne doivent pas prendre part à la désignation de l'expert indépendant sauf à jeter un doute sur l'indépendance de ce dernier. Elle souligne que l'expert a été désigné par le conseil d'administration de la société Bel dont plus de la moitié des membres exercent des fonctions au sein des instances dirigeantes de la société Unibel, les plaçant ainsi en situation de conflits d'intérêts de sorte que l'expert désigné par ce conseil d'administration ne peut être considéré comme indépendant au sens des dispositions du RGAMF.



60.L'AMF répond que la désignation de l'expert indépendant est, en l'espèce, conforme aux exigences posées par l'article 261-1 de son règlement général dès lors que du fait de la présence de la société Unibel et de certains membres de son directoire et de son conseil de surveillance au conseil d'administration de la société Bel, le conseil d'administration de la société Bel a désigné, en son sein, le 18 mars 2021, un comité ad hoc composé de 3 membres dont deux indépendants en charge de proposer la nomination d'un expert indépendant, de suivre les travaux de ce dernier et de soumettre un projet d'avis motivé et que lors de sa réunion du 18 mars 2021, le conseil d'administration de la société Bel n'a donc fait qu'entériner la proposition du comité ad hoc.



61.Les sociétés Unibel et Bel partagent l'analyse de l'AMF et ajoutent que ni l'article 261-1, III, du RGAMF, ni l'instruction DOC n° 2006-08 visée par ce texte, n'imposent la moindre restriction quant au droit des membres de l'organe compétent de pouvoir se prononcer sur la désignation de l'expert indépendant, et que l'expert est indépendant lorsqu'il n'est pas en conflit d'intérêts avec les personnes concernées par l'offre, comme le précise l'article 261-4, I du RGAMF, lequel ne saurait être interprété, contrairement à ce que suggère la société BBDE, comme exigeant que les dirigeants de l'initiateur, membre de l'organe dirigeant de la société concernée par l'offre, ne puissent pas prendre part à la désignation de l'expert indépendant.



62.Le ministère public considère que le moyen doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux développés par l'AMF.



***



Sur ce, la Cour,



63.L'article 261-1 du RGAMF impose à la société visée par une offre publique de procéder à la désignation d'un expert indépendant lorsque l'opération est susceptible de générer des conflits d'intérêts au sein de son conseil d'administration, notamment lorsque la société visée est déjà contrôlée au sens de l'article L.233-3 du code de commerce, avant le lancement de l'opération, par l'initiateur de l'offre, et que ce conflit d'intérêts est susceptible de porter atteinte à l'objectivité de l'avis prévu à l'article 231-19 du RGAMF ou de mettre en cause l'égalité des actionnaires ou des porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre.



64.Cette même disposition précise que l'expert indépendant est désigné, dans les conditions fixées par une instruction de l'AMF, par l'organe social compétent de la société visée sur proposition d'un comité ad hoc composé d'au moins trois membres et comportant une majorité de membres indépendants. Ce comité assure le suivi des travaux de l'expert et prépare un projet d'avis motivé.



65.Cette disposition, qui vise à résoudre le conflit d'intérêts tel que celui dénoncé par la société BBDE, n'exige pas que les membres du conseil d'administration en situation de conflits d'intérêts s'abstiennent de participer à la désignation de cet expert mais impose uniquement que cette désignation intervienne sur proposition d'un comité ad hoc composé majoritairement d'administrateurs qui ne sont pas en situation de conflit d'intérêts.



66.Elle ne saurait être remise en cause par les recommandations du code Middlenext qui n'ont pas la force obligatoire du RGAMF.





67.En l'espèce, la désignation de l'expert indépendant est intervenue conformément aux dispositions du RGAMF précitées, le conseil d'administration de Bel ayant désigné un comité ad hoc composé de trois membres dont deux indépendants de l'initiateur, et désigné l'expert proposé par ce comité ainsi qu'il résulte du communiqué de presse du 19 mars 2021 et de la note en réponse de la société Bel, ce qu'au demeurant la société BBDE ne conteste pas.



68.Ainsi, comme le souligne à juste titre l'AMF dans ses observations, le conseil d'administration s'est borné à entériner la proposition du comité ad hoc.



69.Enfin, contrairement à ce que suggère la société BBDE, l'article 261-4, I du RGAMF qui énonce que l'expert indépendant ne doit pas être en situation de conflits d'intérêts avec les personnes concernées par l'offre, n'impose aucune restriction au droit des membres des organes compétents de se prononcer sur la désignation de cet expert.



70.Le moyen, en ce qu'il critique les modalités de désignation de l'expert indépendant, est rejeté.





B. Sur les méthodes d'évaluation retenues par l'expert indépendant





71.Aux termes de son attestation d'équité du 15 novembre 2021, pour procéder à l'évaluation du titre Bel, l'expert indépendant a retenu, à titre principal, la méthode dite de l'actualisation des flux de trésorerie prévisionnels ou «'DCF'» (acronyme du terme anglais Discounted Cash Flow) consistant à «'actualiser des flux de trésorerie de la société tels qu'ils ressortent de son plan d'affaires à un taux qui reflète l'exigence de rentabilité du marché vis à vis de l'entreprise et en tenant compte d'une valeur de sortie du plan'». (attestation d'équité du 15 novembre 2021, p.56 et 57). L'expert s'est notamment fondé sur le plan d'affaires du Groupe Bel 2021-2024 transmis par la société Bel, plan qui tient compte de la cession du périmètre Leerdammer, ainsi que sur les données financières et historiques transmises par la société Bel ou issues de ses comptes consolidés.



72.L'expert indépendant a retenu, à titre secondaire, la méthode dite des comparables boursiers consistant à déterminer la valeur d'une société «'par application de multiples observés sur un échantillon d'autres sociétés cotées du même secteur d'activité à des agrégats jugés pertinents'».



73.Enfin, il s'est référé, à titre indicatif, aux cours de bourse du titre Bel entre mars 2019 et mars 2021, à la méthode des transactions comparables et à la valeur induite par le cours de bourse des titres Unibel.



74.Pendant l'instruction, l'AMF a été destinataire d'observations adressées les 2 et 6 décembre 2021 par la société BBDE, accompagnées d'une note établie par son expert conseil, observations qui, adressées également à l'expert indépendant, ont conduit ce dernier à établir le 14 décembre 2021 un addendum à son attestation d'équité, qui a été intégré dans la note en réponse de la société Bel. Ces observations mettaient notamment en cause le fait que la méthode des transactions comparables n'ait été retenue dans l'attestation d'équité qu'à titre indicatif.



75.Dans sa décision, l'AMF a notamment relevé que la société BEL a été valorisée tant par la banque présentatrice que par l'expert indépendant selon une analyse multicritères tenant compte des caractéristiques de cette société, et que «'si la méthode des transactions comparables était retenue au même rang que les autres méthodes d'évaluation retenues, le prix de l'offre publique ne serait pas remis en cause'».



76.La société BBDE soutient que l'attestation d'équité ne respecte pas les exigences d'une évaluation multicritères. Elle fait valoir, en premier lieu, que l'expert indépendant s'est fondé, pour la méthode d'actualisation des flux de trésorerie, sur le plan d'affaires et les données financières produites par la direction de Bel alors que celle-ci est dans la dépendance de l'initiateur pour être nommée par ce dernier, lequel a tout intérêt que le plan d'affaires dégage la plus faible valeur possible. Elle ajoute que l'expert, comme il l'indique lui même, n'a pas cherché à valider les données produites dont il a seulement vérifié la cohérence et la vraisemblance, et s'est donc abstenu de respecter le principe d'un examen critique.



77.En deuxième lieu, la société BBDE soutient que l'expert indépendant a, à dessein, majoré le taux d'actualisation utilisé dans le cadre de la méthode des flux de trésorerie actualisés, sans expliciter ni justifier les majorations retenues, et qu'en l'absence de ces majorations, et d'un coefficient bêta retenu à hauteur de 0,53 plutôt que 0,83, le taux d'actualisation s'établirait à 4,3 et la valorisation du titre à 1004 euros.



78.En troisième lieu, la société BBDE reproche à l'expert indépendant de ne s'être référé à la méthode des transactions comparables qu'à titre indicatif et non à titre principal au mépris de l'approche multicritères et de s'être fondé, dans le cadre de cette méthode, sur une sélection de transactions comparables qui n'est pas complète en ce qu'elle omet la transaction réalisée en 2016 par laquelle Bel a acquis le contrôle du groupe Materne Mont Blanc (ci-après «'MOM'»), celle relative au périmètre Leerdammer réalisée en début d'année 2021 et l'offre ferme de rachat du 3 septembre 2021.



79.En quatrième lieu, la société BBDE soutient que l'évaluation faite par l'expert est contestable en ce qu'elle écarte la méthode de la somme des parties.



80.L'AMF répond, s'agissant du caractère prétendument non indépendant des données prévisionnelles établies par la société Bel, que l'expert a mené ses travaux sous la supervision du comité ad hoc constitué pour les besoins de l'opération et composé d'une majorité d'administrateurs indépendants. Elle souligne que le plan d'affaires, élaboré dans le cadre du processus de prévision stratégique du groupe, a été présenté au comité exécutif et aux organes de gouvernance et n'a pas été remis en cause par les administrateurs indépendants présents au conseil d'administration du groupe.



81.S'agissant de la critique portant sur la majoration du taux d'actualisation des flux de trésorerie, l'AMF fait valoir que la critique n'est étayée par aucun élément et que l'expert indépendant a expliqué en quoi le taux proposé par l'expert conseil de la société BBDE n'était pas pertinent, et conclu qu'il était «'hors spectre des taux usuels sectoriels avec les conséquences d'une majoration excessive de la valorisation qui ne s'inscrit pas dans une approche d'expertise indépendante au sens du règlement général de l'AMF'».



82.S'agissant de la critique portant sur la prise en compte de la méthode des transactions comparables à titre indicatif, l'AMF observe qu'une telle méthode n'était pas adaptée dès lors que le scénario d'une cession globale du groupe était exclu tant par l'initiateur que par le management de Bel et que l'offre de retrait n'est génératrice d'aucune synergie particulière. Quant à l'exclusion de l'opération d'acquisition de MOM et de celle de cession du périmètre Leerdammer, l'AMF renvoie aux réponses faites par l'expert indépendant dans son addendum du 14 décembre 2021 : MOM n'intervient pas dans le secteur fromager mais sur un autre marché (snacking sain fruitier et végétal) qui ne représente que 20 % du chiffre d'affaires du groupe, tandis que la cession du périmètre Leerdammer est intervenue dans le cadre d'un échange d'actifs, sans stipulation de prix.



83.S'agissant de la critique portant sur l'exclusion de la méthode de la somme des parties, l'AMF souligne que le caractère intégré du groupe Bel dont les actifs, à l'inverse d'une société de portefeuille, ne sauraient être évalués individuellement.



84.Les société Bel et Unibel répondent, en premier lieu, que le plan d'affaires a été élaboré dans le cadre du processus de prévision stratégique de Bel au cours du second semestre 2021 et repose sur des objectifs de marge opérationnelle et un taux de croissance organique significativement plus élevés que le précédent plan. Elles ajoutent qu'il a été approuvé par les administrateurs indépendants de Bel et que tant la banque présentatrice que l'expert indépendant l'ont qualifié d'amibitieux, ce qui a d'ailleurs conduit le second à appliquer une prime de réalisation de 0,5 % au taux d'actualisation des flux de trésorerie. Elles soulignent que l'expert indépendant n'est pas l'auditeur de la société concernée et il ne lui appartient donc pas de valider la fiabilité des données comptables et financières communiquées par la société visée, ce que l'expert indépendant a rappelé dans son attestation d'équité par le formule d'usage mise en avant par la société BBDE.



85.Elles exposent, en deuxième lieu, que les critiques de la société BBDE relatives aux primes additionnelles retenues pour fixer le taux d'actualisation des flux de trésoreries avaient déjà été faites à l'attestation d'équité du mois de novembre 2021 et que l'expert indépendant a pris la peine d'y répondre dans l'addendum du 14 décembre 2021, réponses dont ne tient pas compte la société BBDE dans ses écritures devant la Cour, cette société n'indiquant pas en quoi ces réponses seraient critiquables.



86.Elles font valoir, en troisième lieu, qu'il n'existe aucune obligation de retenir la méthode des transactions comparables à titre principal, l'expert indépendant étant tenu de retenir la ou les méthodes les plus adaptées à l'entreprise et d'en justifier, ce qu'il a fait en l'espèce en expliquant les raisons de son choix. Elles soulignent qu'au demeurant, les critiques ont peu de portée pratique puisque la méthode des transactions comparables conduit à une valorisation du titre Bel dans une fourchette incluant le prix de l'offre. Elles ajoutent que l'expert indépendant a également parfaitement expliqué pourquoi il excluait dans les valeurs de références, la cession de MOM et le périmètre de Leerdammer.



87.En quatrième lieu, elles observent que si la société BBDE annonce contester le choix de l'expert indépendant d'avoir écarté la méthode de la somme des parties, elle n'articule aucun argument au soutien de cette critique, les développements suivant cette annonce ayant trait à la méthode des transactions comparables.



88.Le ministère public considère que le moyen doit être rejeté.



***



Sur ce, la Cour,



89.À titre liminaire, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 262-1, I du RGAMF :



«'L'expert indépendant établit un rapport sur les conditions financières de l'offre ou de l'opération dont le contenu est précisé par une instruction de l'AMF. Ce rapport contient notamment la déclaration d'indépendance mentionnée au II de l'article 261-4, une description des diligences effectuées et une évaluation de la société concernée. La conclusion du rapport est présentée sous la forme d'une attestation d'équité'».



90.L'instruction DOC n° 2206-15, adoptée par l'AMF en application de ce texte, précise notamment que l'évaluation de la société visée par l'offre doit reposer sur une approche multicritères qui comprend la mise en 'uvre de méthodes d'évaluation complétée par un examen de références de valorisation. Elle indique que l'expert indépendant mène ses travaux dans le respect du principe d'examen critique, lequel implique une appréciation du «'caractère pertinent du plan d'affaires qui a été établi et validé par la direction de la société'».



91.En l'espèce, la Cour relève, en premier lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert indépendant que ce dernier, pour l'application de la méthode dite DCF, qui n'est pas contestée par la société BBDE en son principe, s'est notamment fondé sur le plan d'affaires stratégique de Bel pour les exercices 2021-2024 que lui a communiqué la direction de Bel, et ce conformément aux préconisations de l'instruction AMF précitée.



92.La circonstance que le direction de Bel, société visée, soit dans la dépendance d'Unibel, société initiatrice, ne peut suffire à établir que les données ayant ainsi servi à l'élaboration du plan d'affaires auraient été tronquées ou biaisées, étant observé que la société BBDE ne verse aucun élément aux débats de nature à étayer ses allégations et qu'il est constant que ce plan d'affaire a été soumis et approuvé par le conseil d'administration de Bel sans que les administrateurs indépendants, n'en contestent la pertinence, la cohérence ou le réalisme. En outre, comme en attestent les nombreux échanges de l'expert indépendant avec le comité ad hoc, récapitulés en annexe 1 de l'attestation d'équité, ses travaux ont été suivis par ce comité ad hoc, composé d'administrateurs indépendants, institué précisément en vue de résoudre le conflit d'intérêts dénoncé par la société BBDE.



93.Enfin, contrairement à ce que soutient la société BBDE, la précision apportée par l'expert indépendant selon laquelle il n'a pas « cherché à valider les données historiques et prévisionnelles utilisées » ne saurait traduire une absence d'analyse critique des éléments prévisionnels qui lui ont été transmis par la direction de Bel, mais ne fait que rappeler, ainsi que l'expert indépendant l'explique à juste titre dans son addendum du 14 décembre 2021,qu'il n'intervient pas en qualité d'audit et qu'il ne lui appartient donc pas de vérifier la fiabilité des données mais uniquement d'en apprécier la cohérence et la vraisemblance. Les développements figurant en pages 65 à 68 de l'attestation, rappelés et explicités par l'expert indépendant dans l'addendum du 14 décembre 2021, attestent que ce dernier a procédé à une analyse critique de ce plan d'affaires qu'il qualifie d'ambitieux, et en particulier de son objectif profitabilité opérationnelle qu'il qualifie de volontariste et «'présentant un risque de réalisation du fait des changements stratégiques importants qu'il implique'».



94.En deuxième lieu, la Cour relève que l'allégation selon laquelle l'expert indépendant aurait à dessein majoré le taux d'actualisation de flux de trésorerie prévisionnels n'est soutenue par aucune démonstration, BBDE se bornant à affirmer que certains des composants de ce taux (prime de risque réalisation, bêta désendetté, prime de taille et prime de risque pays) ne sont pas suffisamment explicités ou justifiés dans leur quantum. À cet égard, force est de constater que, contrairement à ce qui est soutenu, l'expert indépendant a pris le soin de justifier chacun de ces composants en leur quantum en pages 69 et 70 de son rapport et en pages 13 et 14 de son addendum. En outre, ainsi que le souligne l'expert indépendant dans cet addendum,le taux d'actualisation fixé à 7,7 % est compris dans les moyenne des taux d'actualisation publiées par les analystes suivant des sociétés comparables qui oscillent entre 7 et 8 %.



95.En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société BBDE, l'approche multicritères n'implique pas de recourir à une méthode d'évaluation en particulier et pas davantage à celle des transactions comparables mais, ainsi que le précise l'instruction DOC n° 2206-15 précitée, de mettre en 'uvre la ou les méthodes d'évaluation les mieux adaptées à la société concernée, à charge pour l'expert indépendant d'expliquer clairement la démarche qui l'a conduit à privilégier une méthode par rapport à une autre et de justifier sa décision d'exclure toute méthode ou référence de valorisation.



96.En l'espèce, l'expert indépendant s'est conformé à ces préconisations en expliquant clairement en page 61 de son rapport, les raisons pour lesquelles il n'a retenu qu'à titre indicatif la méthode des transactions comparables, en exposant que les transactions intervenues depuis 2017 concernaient des projets de rapprochement industriel et intégraient par conséquent des primes liées à la prise de contrôle et aux synergies attendues par l'acquéreur, ce qui ne correspond pas à l'opération d'offre de retrait visant les actions de Bel.



97.En outre, ainsi que l'a relevé l'AMF dans la décision attaquée, l'application à titre principal de cette méthode fait ressortir une fourchette de valorisation incluant le prix de l'offre proposé par la société Unibel, de sorte que la critique de la société BBDE est vaine. Enfin, cette dernière n'apporte aucun élément contredisant utilement l'analyse de l'expert, explicitée en pages 8 à 10 de l'addendum, l'ayant conduit, pour la mise en 'uvre de cette méthode, à exclure de la sélection des transactions comparables la cession du périmètre Leerdammer et l'acquisition du groupe MOM. Quant à l'offre faite par la lettre du 3 septembre 2021, elle n'avait pas à être prise en considération pour les mêmes motifs que ceux exposés aux paragraphes 48, 49 et 50 du présent arrêt.



98.En quatrième lieu, si la société BBDE annonce critiquer l'exclusion par l'expert indépendant de la méthode dite de la somme des parties, elle ne développe aucun argument au soutien de cette critique.



99.Le moyen est rejeté.





IV. SUR LE MOYEN PRIS DE L'ABSENCE DE RÉUNION DES CONDITIONS PERMETTANT LA MISE EN 'UVRE DU RETRAIT OBLIGATOIRE





100.Dans la décision attaquée, l'AMF a relevé que «'l`initiateur, qui remplit d'ores et déjà les conditions de détention relatives au retrait obligatoire (les actions détenues par les actionnaires minoritaires représentant moins de 10 % du capital et des droits de vote de la société BEL), a demandé à l'Autorité des marchés 'nanciers de procéder au retrait obligatoire dès la clôture de l'offre publique de retrait, en application des articles 237-1 à 237-3 du règlement général'».



101.La société BBDE conteste le constat de l'AMF sur la condition de détention relative au retrait obligatoire. Elle soutient que les dispositions des articles L.433-4, II, 1 du code monétaire et financier et 237-1 du RGAMF qui exigent, pour la mise en 'uvre du retrait obligatoire, que les titres des actionnaires minoritaires ne représentent pas plus de 10 % du capital et des droits de vote de la société, doivent être interprétées en ce qu'elles exigent, côté actionnaires majoritaires, que ces derniers détiennent cumulativement au moins 90 % du capital et des droits de vote. Elle fait valoir qu'une telle interprétation est conforme à la Directive 2004/25/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, et en particulier à son considérant n° 25 et à son article 15. Elle souligne qu'en l'espèce, à l'issue de la période d'offre, l'initiateur et les personnes agissant de concert avec lui détiennent 83,33 % des droits de vote, soit moins de 90% des droits de vote de Bel, dans la mesure où les 1 591 472 actions d'autocontrôle temporairement dépourvues de droit de vote doivent être prises en compte dans le calcul du seuil en application de l'article 223-11 du RGAMF. Elle en déduit que l'AMF ne pouvait déclarer conforme le retrait obligatoire en considérant que l'initiateur en remplissait d'ores et déjà les conditions de détention.



102.L'AMF répond que le corolaire d'une détention par les actionnaires minoritaires qui ne représente pas plus de 10 % du capital et des droits de vote de la société concernée comme condition de mise en 'uvre d'un retrait obligatoire, n'est pas systématiquement une détention par le ou les actionnaires majoritaires de plus 90 % du capital et des droits de vote, puisque doivent être prises en compte dans le calcul du seuil en application de l'article 223-11 du RGAMF les actions autodétenues et/ou d'autocontrôle, indépendamment de la privation des droits de vote qui y sont attachés et qu'à l'évidence, les actions d'auto-détention, ou d'autocontrôle ne sont pas des actions détenues par des actionnaires minoritaires.



103.Les sociétés Bel et Unibel partagent l'analyse de l'AMF. Elles ajoutent que l'article 15 de la directive invoquée par la société BBDE laisse une grande marge d'appréciation aux États membres tant sur le montant du seuil que sur son mode de calcul. Elles soulignent que la transposition par la France de cette directive quant aux modalités de calcul du seuil du retrait obligatoire n'a pas fait l'objet d'observation de la part de la Commission dans son rapport, publié en 2012, sur la transposition par la France de la Directive OPA.



104.Le ministère public considère que les conditions du retrait obligatoire sont réunies.





***







Sur, la Cour,



105.La conformité d'un projet d'offre publique de retrait déposé par des actionnaires majoritaires doit s'apprécier au regard des règles et principes applicables aux offres publiques et, en particulier, s'agissant des conditions de seuil, au regard du seuil de l'offre publique de retrait et non au regard du seuil du retrait obligatoire, lequel s'apprécie à la date clôture de l'offre publique conformément aux termes des articles L.433-4, II, 1 du code monétaire et financier et 237-2 du RGAMF.



106.La circonstance que l'initiateur de l'offre demande à l'AMF, lors du dépôt de son projet d'offre, de procéder au retrait obligatoire dès la clôture de l'offre publique de retrait impose certes à l'AMF d'exercer son contrôle de conformité dans la perspective de la mise en 'uvre d'un retrait obligatoire, mais ne lui impose pas de vérifier si, dès le dépôt du projet d'offre publique, l'initiateur remplit les conditions de seuil du retrait obligatoire.



107.Il s'en déduit qu'en l'espèce, le constat fait par l'AMF selon lequel l'initiateur remplit d'ores et déjà, à la date du dépôt du projet d'offre, la condition de seuil relative au retrait obligatoire est sans portée sur son appréciation de la conformité de l'offre publique de retrait, étant précisé que, contrairement à ce que soutient la société BBDE, l'AMF n'a pas, dans la décision attaquée, déclaré conforme le retrait obligatoire mais s'est prononcée uniquement sur la conformité de l'offre publique de retrait. Ce n'est que par une décision publiée le 12 janvier 2022 que l'AMF a constaté que les conditions du retrait obligatoire étaient réunies et la mise en 'uvre de ce retrait dont elle a fixé le prix et la date.



108.Le moyen est dès lors inopérant.





V. SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR PROCÉDURE ABUSIVE





109.Les sociétés Bel et Unibel soutiennent que le recours de la société BBDE traduit un comportement fautif caractérisant un abus du droit d'agir en ce qu'il s'inscrit dans un contexte de contestation systématique dans la seule volonté de nuire au concert familial [W]-[T], au mépris de toute logique économique dès lors que la famille [N] détient directement ou indirectement un tiers du capital de la société Unibel. Elles ajoutent que la société BBDE, au soutien de son recours, fait volontairement une interprétation tronquée des faits et/ou de la réglementation applicable et produit au soutien de son recours une lettre pourtant confidentielle dont la publicité mal maîtrisée est susceptible de créer un trouble auprès de certains des actionnaires de la société Unibel et de ses salariés, ce que la société BBDE ne pouvait ignorer. Elle soulignent que cette dernière présentent les mêmes critiques que celles qui avaient été transmises à l'expert indépendant, lequel y a répondu, sans que la société BBDE n'en tienne compte, ni même d'ailleurs n'annexe à sa déclaration de recours l'addendum de l'expert indépendant du 14 décembre 2021. Elles soutiennent avoir, du fait de ce recours fautif, subi un préjudice résultant de perturbations au sein du management du groupe Bel et de ses équipes qui qui ont du consacrer du temps et de l'énergie pour minimiser l'impact de ce recours tant auprès des actionnaires, que des salariés et des partenaires commerciaux plutôt que de se concentrer sur la mise en 'uvre du plan stratégique. Elles font valoir avoir subi un préjudice réputationnel résultant des accusations lourdes de fraude à la loi, et de violation des règles de la préoffre, proférées par la société BBDE au soutien de son recours.



110.La société BBDE conclut au rejet de cette demande. Elle souligne qu'elle n'est animée d'aucune intention de nuire mais de la seule volonté de faire légitimement valoir ses droits dans le cadre de l'expropriation de ses titres Bel et de son éviction progressive du groupe Bel, que ses moyens sont sérieux en fait et en droit et n'avaient pas été soumis à l'appréciation de l'AMF. Elle exposer que son recours ne paralyse en rien l'opération de retrait, et a une logique économique dès lors que l'augmentation de la valeur du titre Bel a ipso facto une incident sur la valeur du titre Unibel au sein de laquelle la famille [N] a une participation importante. Elle ajoute que le multiplication des procédures n'est pas en elle même constitutive d'une faute.



111.Le ministère public considère que les sociétés Bel et Unibel ne rapportent pas la preuve d'une faute ou d'une intention de nuire de nature à caractériser un abus du droit d'agir.



***



Sur ce la Cour,



112.L'exercice d'une action en justice ne peut constituer un abus de droit, au sens de l'article 32-1 du code de procédure civile, que dans des circonstances particulières le rendant fautif.



113.En l'espèce, la société BBDE, en sa qualité d'actionnaire minoritaire de Bel, avait un intérêt né et actuel à contester la décision de l'AMF de conformité de l'offre publique de retrait des titres Bel, peu important que les actionnaires de BBDE soient également actionnaires de la société Unibel, initiateur de l'offre, la valeur du titre Bel ayant au demeurant une incidence sur la valeur du titre Unibel.



114.Dès lors, la circonstance que son recours puisse s'inscrire dans le cadre d'un conflit de longue date opposant la famille [N], d'une part, et les familles [W]-[T], d'autre part, ne suffit pas à établir que l'exercice de cette voie de recours soit inspiré par une intention de nuire.



115.Par ailleurs, si les moyens développés par la société BBDE reposent sur une appréciation erronée d'éléments de fait et de la législation applicable, aucun élément ne permet de retenir que cette dernière avait conscience du caractère mal fondé de ses arguments.



116.En outre, il convient de relever qu'elle a présenté divers moyens au soutien de son recours qui tous n'étaient pas dirigés contre l'attestation d'équité établie par l'expert indépendant. Aussi, la circonstance que le moyen dirigé contre cette attestation ne tient pas compte des réponses que cet expert a pu faire, dans l'addendum du 14 décembre 2021, aux critiques que la société BBDE lui avait adressées et qu'elle a reprises au soutien de son recours, ne peut suffire à établir son caractère fautif, étant constaté par ailleurs, que l'addendum du 14 décembre 2021, figurant dans la liste des pièces, a été joint à l'exposé des moyens déposé dans le délai prévu à l'article R.621-46 du code monétaire et financier.



117.Enfin, la production par la société BBDE de la lettre du 3 septembre 2021 était nécessaire pour permettre à la Cour de déterminer s'il s'agissait d'une offre ferme d'achat, et partant, d'une information essentielle pour les actionnaires minoritaires. Il est constant que cette pièce était connue tant des parties à l'instance que de l'AMF, comme cette dernière l'a admis à l'audience. Dès lors, la circonstance qu'elle ait été produite sans précaution particulière pour garantir sa confidentialité n'a pas pu faire dégénérer en abus l'exercice du recours.



118.La demande, mal fondée, est rejetée.





VI. SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES





119.La société BBDE succombe en son recours.



120.L'équité commande qu'elle soit condamnée à verser aux sociétés Bel et Unibel la somme globale de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.







*

* *





PAR CES MOTIFS







La Cour,



REJETTE le recours formé par la société BBDE à l'encontre de la décision n° 221C350 de l'Autorité des marchés financiers de conformité du projet d'offre publique de retrait visant les actions de la société Bel ;



REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par les sociétés Bel et Unibel ;



CONDAMNE la société BBDE à payer aux sociétés Bel et Unibel une somme globale de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la société BBDE aux dépens.









LA GREFFIÈRE,











Véronique COUVET

LE PRÉSIDENT,











[L] [R]

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