11 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.763

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00560

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 560 F-D

Pourvoi n° W 20-17.763




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2022

Mme [N] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-17.763 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile sociale), dans le litige l'opposant à l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire, après débats en l'audience publique du 16 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 26 mai 2020), Mme [T] a été engagée à compter du 14 janvier 1998 par l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire, en qualité de secrétaire de groupement. Sa durée de travail est passée du temps partiel au temps complet à compter du 1er janvier 2000.

2. En application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et d'un accord national conclu pour mettre en œuvre la création d'emplois par l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées relevant de la convention collective du 15 mars 1966, l'employeur a procédé à une réduction du temps de travail en mettant unilatéralement en place, à compter du 29 mai 2000, une annualisation du temps de travail sur la base d'un horaire hebdomadaire moyen de trente-cinq heures, ou mille six cents heures annuelles, en maintenant le niveau de rémunération des salariés.

3. Le 25 juillet 2011, la salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir un rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2000 au 1er juin 2003, conformément aux modalités précisément définies par un arrêt rendu le 18 septembre 2007 par la cour d'appel de Riom dans une autre affaire, ainsi que le versement de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

4. Ayant été licenciée le 15 octobre 2012, elle a contesté cette mesure en cours de procédure.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en relevant que le décompte produit par Mme [T] pour justifier du bien-fondé de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ne fait pas apparaître le dépassement des seuils de déclenchement des heures supplémentaires mentionnés par l'arrêt du 18 septembre 2007, compris entre 1 449 heures et 1 512 heures annuelles, cependant, d'une part, que ce décompte mentionnait une durée mensuelle de travail de 159,72 heures, soit une durée annuelle de 1 916,64 heures excédant les seuils fixés par l'arrêt du 18 septembre 2007, de sorte que la salariée avait présenté à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures effectuées afin de permettre à l'employeur d'y répondre et, d'autre part, qu'il n'a pas été constaté que l'employeur ait fourni des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 212-1-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, et le même article, alinéa 1er, dans sa rédaction issue de cette loi :

6. Selon ce texte, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, l'arrêt relève que l'intéressée produit un décompte qui ne fait pas apparaître le dépassement des seuils de déclenchement des heures supplémentaires mentionnés par l'arrêt du 18 septembre 2007. Il en déduit que la salariée échoue à rapporter la preuve, dont elle a la charge de ce dépassement, nécessaire au succès de sa demande.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme [T]


Mme [T] fait grief à l'arrêt attaqué de L'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS, 1°), QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en relevant que le décompte produit par Mme [T] pour justifier du bien-fondé de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ne fait pas apparaître le dépassement des seuils de déclenchement des heures supplémentaires mentionnés par l'arrêt du 18 septembre 2007, compris entre 1 449 heures et 1 512 heures annuelles, cependant, d'une part, que ce décompte mentionnait une durée mensuelle de travail de 159,72 heures, soit une durée annuelle de 1 916,64 heures excédant les seuils fixés par l'arrêt du 18 septembre 2007, de sorte que la salariée avait présenté à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures effectuées afin de permettre à l'employeur d'y répondre et, d'autre part, qu'il n'a pas été constaté que l'employeur ait fourni des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS, 2°), QU'en se bornant à relever que le décompte produit par Mme [T] pour justifier du bien-fondé de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ne fait pas apparaître le dépassement des seuils de déclenchement des heures supplémentaires mentionnées par l'arrêt du 18 septembre 2007, sans s'expliquer sur les bulletins de paie de la salariée produits après la réouverture des débats desquels il ressortait que sa durée mensuelle de travail était de 159,72 heures et, partant que sa durée annuelle de travail était de 1 916,64 heures, ce qui excédait les seuils de déclenchement fixés par l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 18 septembre 2007, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

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