11 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.298

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C100374

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 374 F-D

Pourvoi n° P 20-21.298




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

M. [S] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-21.298 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Pau (2e chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la clinique [5], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Clinique [5],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société clinique [5] et de la société Ekip', ès qualités, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, M. Mornet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 mai 2020), le 5 février 1998, M. [Z], chirurgien oto-rhino-laryngologue a conclu, avec la société Clinique [5] (la clinique), un contrat d'exercice professionnel libéral à durée indéterminée prenant effet le 2 janvier 1998.

2. Le 15 juin 2016, M. [Z] a notifié à la clinique qu'il prenait acte de la rupture de son contrat d'exercice professionnel.

3. Le 22 juin 2016, la liquidation judiciaire de la clinique a été prononcée, la société Legrand, devenue la société Ekip', étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire (le liquidateur judiciaire).

4. Le 22 août 2016, M. [Z], a déclaré au passif de la liquidation judiciaire, une créance à titre privilégié d'un montant de 80 816,14 euros en application d'une clause contractuelle prévoyant le paiement par la clinique d'une indemnité en cas de rupture abusive du contrat.

5. Le 19 juillet 2017, M. [Z] a assigné le liquidateur judiciaire ès qualités et la clinique en constatation de la résiliation de son contrat aux torts de celle-ci et en admission de sa créance à hauteur de la somme réclamée.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. M. [Z] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'application de la clause indemnitaire contractuelle, alors « que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en retenant que le docteur [Z] ne justifiait pas du montant de sa créance indemnitaire, dont elle constatait pourtant l'existence en son principe, pour le débouter de sa demande d'indemnisation, la cour d'appel, qui devait fixer le montant de cette créance, a violé les articles 4 et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

8. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer une créance dont il constate l'existence dans son principe.

9. Pour rejeter la demande de M. [Z] tendant à l'application de la clause indemnitaire contractuelle, après avoir retenu que la clinique avait rompu abusivement les relations contractuelles et que le contrat prévoyait une indemnité pour rupture abusive égale à la moitié des honoraires bruts annuels encaissés par la clinique, au nom et pour le compte du praticien, la base de calcul étant la moyenne des honoraires encaissés sur les trois dernières années précédant la cessation d'activité, l'arrêt relève que la seule attestation produite par un expert-comptable « des honoraires cliniques perçus en 2013, 2014 et 2015, ne permet pas de distinguer les honoraires » perçus au titre de l'activité du praticien au sein de la clinique et ceux relevant de son activité au sein d'une autre clinique dans laquelle il intervient depuis 1997.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes relatives à l'indemnité de rupture, l'arrêt rendu le 26 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Clinique [5] et la société Ekip', en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Clinique [5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [Z], demandeur au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'application de la clause indemnitaire prévue dans son contrat.

Alors que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en retenant que le Docteur [Z] ne justifiait pas du montant de sa créance indemnitaire, dont elle constatait pourtant l'existence en son principe, pour le débouter de sa demande d'indemnisation, la cour d'appel, qui devait fixer le montant de cette créance, a violé les articles 4 et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la seule somme de 15.000 euros sa créance à titre de dommages et intérêts, au passif de la liquidation judiciaire de la SA Clinique [5] ;

Alors que doit être intégralement réparé le préjudice subi par le praticien du fait du non-respect du délai de préavis prévu par son contrat d'exercice professionnel ; qu'en relevant, par des motifs impropres à réduire l'indemnité compensatrice de préavis due au Docteur [Z], selon lesquels il « a pu élargir ses plages d'intervention au sein de la clinique [4] dès le mois de juillet 2016 » (arrêt, p. 12), pour limiter sa créance de dommages-intérêts, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, en violation de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit par la SARL Boré, Salvé de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Clinique [5] et la société Ekip', ès qualités, demanderesses au pourvoi incident.

La Selarl Ekip', en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Clinique [5], fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat d'exercice libéral entre M. [Z] et la Clinique [5] était prononcée aux torts de la Clinique [5] au 31 mai 2016 et d'AVOIR fixé à 15 000 euros la créance de M. [Z] à titre de dommages et intérêts au passif de la société Clinique [5] ;

ALORS QUE l'ordonnance du juge-commissaire constatant ou prononçant la résiliation d'un contrat en cours, en application de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, a autorité de la chose jugée entre les parties et est opposable aux tiers ; qu'en jugeant qu'elle « n'(était) pas liée par la décision du juge-commissaire ayant prononcé la résiliation du contrat d'exercice libéral du Docteur [Z], à compter du 22 septembre 2016, en application de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, et que, saisie au fond de l'imputabilité réelle de la rupture, elle p(ouvait) prononcer ou constater la résiliation du contrat à la date à laquelle les parties, ou celle jugée responsable de la rupture des relations contractuelles, (avaient) cessé d'exécuter leurs obligations, antérieurement à la date mentionnée par le juge-commissaire qui (était) incompétent pour statuer sur la nature et la réalité de la créance contestée dans le cadre de la simple procédure de vérification des créances », quand l'autorité de la chose jugée attachée à cette ordonnance faisait obstacle à ce qu'il soit jugé que la résiliation avait eu lieu à une date différente, qu'elle était imputable à la Clinique et qu'elle était abusive, et qu'il soit en conséquence accordé au médecin des dommages et intérêts compensant la brutalité de la rupture, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée par cette ordonnance, en violation de l'article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble l'article L. 641-11-1 du code de commerce.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.