11 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-15.797

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00573

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - conventions et accords collectifs - dispositions générales - interprétation - avis de la commission paritaire permanente - caractère interprétatif - effet rétroactif - portée

L'avis rendu le 23 novembre 2017, par la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation, sur le moment de la pause payée telle que prévue à l'article 22, 8°, e), de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, ayant la valeur d'un avenant et se bornant à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite avait rendu susceptible de controverse, s'impose avec effet rétroactif à la date d'entrée en vigueur de cette convention collective, aussi bien à l'employeur et aux salariés qu'au juge qui ne peut en écarter l'application

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 573 FS-B sur la deuxième branche du moyen

Pourvoi n° J 20-15.797




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2022

La Société de production pharmaceutique et d'hygiène (SPPH), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], a formé le pourvoi n° J 20-15.797 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [U] [B], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société de production pharmaceutique et d'hygiène, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 19 mars 2020), M. [B] a été engagé le 17 septembre 2003 par la Société de production pharmaceutique et d'hygiène (SPPH), en qualité de presseur, puis promu aux fonctions de préparateur le 1er décembre 2003.

2. Le salarié a démissionné le 28 avril 2008.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 17 septembre 2008, afin d'obtenir notamment le paiement de rappels de salaire pour travail de nuit et au titre du temps de pause.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des rappels de salaire au titre du travail de nuit et de la demi-heure quotidienne de pause, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ que selon l'article 22,8°, e) de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique, applicable au salarié en travail posté, ''lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée'' ; que selon ce texte le droit conventionnel au paiement d'une pause payée d'une demi-heure est conditionné au travail du salarié posté pendant au moins six heures ininterrompues ; qu'il s'en induit, tel que soutenu par la société SPPH dans ses conclusions d'appel, que le salarié bénéficiant d'une pause avant que six heures de travail ne se sont écoulées ne travaille pas six heures ininterrompues et ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du droit au paiement de la pause conventionnelle d'une demi-heure ; qu'en retenant néanmoins que le droit au paiement de la pause supplémentaire conventionnelle d'une demi-heure n'était pas conditionné au travail pendant au moins six heures ininterrompues et à l'absence de prise de pause pendant cette durée de six heures, la cour d'appel a violé l'article 22,8°, e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;

2°/ que l'avenant modificatif d'une convention collective n'a pas de caractère rétroactif ; qu'aux termes de l'article 5.2 5° de la convention des collective de l'industrie pharmaceutique ''lorsque la commission [paritaire permanente de négociation] donnera un avis à l'unanimité des organisations signataires représentées, le texte de cet avis, signé par ces organisations, aura la même valeur contractuelle que les clauses de la convention collective et sera annexé à cette convention'' ; que l'annexion à la convention collective de l'industrie pharmaceutique, en vertu de ce texte, d'un avis unanime de la commission paritaire permanente de négociation ayant une valeur d'avenant ne saurait avoir d'effet rétroactif ; que si par un avis unanime du 23 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 mars 2019, la commission paritaire permanente de négociation de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique a considéré que la demi-heure de repos payée prévue par l'article 22,8°, e) de la convention pouvait être accordée avant que six heures de travail ne se soient écoulées, cet avis -ayant la valeur d'un avenant modificatif ajoutant au droit préexistant- n'avait pas d'effet rétroactif ; qu'en considérant néanmoins qu'elle était liée par cet avis de la commission paritaire -dont elle a considéré les règles ; ''applicables en l'espèce''- pour en déduire que le salarié avait droit au paiement de la pause d'une demi-heure prévue par l'article 22,8°, e) de la Convention collective en dépit de son absence de travail ininterrompu pendant au moins six heures, alors que cet avis non rétroactif de la commission paritaire ayant la valeur d'avenant modificatif n'était pas applicable au litige qui est antérieur au mois d'avril 2008, la cour d'appel a violé les articles 5.2 5° et 22,8°, e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;

3°/ subsidiairement, qu'en cas de concours de conventions ou d'accords collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, les plus favorables d'entre eux pouvant seuls être accordés ; que par un accord d'entreprise du 28 avril 2000 la société SPPH a institué une prime d'équipe visant à compenser le travail posté des salariés pendant six heures, sans conditionner pour sa part ce droit à l'ininterruption du travail pendant cette durée ; que cette prime d'équipe accordée aux salariés de la société SPPH a la même cause et le même objet que le paiement de la demi-heure de pause prévu par l'article 22,8°, e) de la convention collective de l'industrie pharmaceutique en cas de travail posté ininterrompu ; qu'en décidant néanmoins que la prime d'équipe prévue par l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 n'avait pas le même objet que le paiement de la demi-heure de pause prévue par la convention collective et que ces deux avantages conventionnels pouvaient en conséquence se cumuler, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 et l'article 22,8°, e) de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, ensemble le principe de faveur. »

Réponse de la Cour

5. D'abord, l'avis d'une commission d'interprétation instituée par un accord collectif ne s'impose au juge que si l'accord lui donne la valeur d'un avenant.

6. Ensuite, un avenant ne peut être considéré comme interprétatif qu'autant qu'il se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse.

7. Selon l'article 22,8°,e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, qui se rapporte aux majorations de salaire dues à l'organisation et à la durée du temps de travail, on appelle travail par poste l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée.

8. Après avoir relevé qu'était en litige l'application de l'article 22, 8°,e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, la cour d'appel a constaté que, par un avis rendu le 23 novembre 2017, sur le moment de la pause payée telle que prévue à l'article précité, la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation, instituée par l'article 5 de la convention collective, avait décidé, à l'unanimité des organisations syndicales représentées, que « Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste en travail d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Cette demi-heure de repos peut-être accordée avant que les six heures de travail se soient écoulées ou à la suite immédiate de ces six heures. », que cet avis aurait la même valeur contractuelle que les clauses de la convention collective et qu'il serait annexé à cette convention. Elle a constaté que cet avis avait été étendu par arrêté du 27 mars 2019.

9. Cet avis d'interprétation ayant la valeur d'un avenant et se bornant à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite avait rendu susceptible de controverse, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il était applicable aux demandes du salarié. Elle en a exactement déduit que le fait que la pause de trente minutes, accordée au salarié, n'ait pas été placée à la suite de la période de travail de six heures était sans incidence sur son droit à la rémunération de son temps de pause.

10. Enfin, en cas de concours d'instruments conventionnels collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé.

11. Ayant, d'une part, relevé que l'accord d'entreprise de mise en oeuvre de la loi Aubry sur la réduction, l'organisation et l'aménagement du temps de travail, du 28 avril 2000, n'envisageait pas expressément la rémunération du temps de repos des salariés travaillant en équipe et, d'autre part, retenu que la prime d'équipe, stipulée à l'article 4 de cet accord d'entreprise, qui était fixée uniformément à une certaine somme pour tous les membres de l'équipe, quels que soient leur emploi et leur coefficient de rémunération respectifs, était une contrepartie accordée aux salariés pour le passage en travail en équipes alternatives, la cour d'appel a pu en déduire que cet avantage avait un objet distinct de la rémunération de la demi-heure de repos prévue par l'article 22, 8°,e) de la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 et que ces deux avantages conventionnels pouvaient se cumuler.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société de production pharmaceutique et d'hygiène aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société de production pharmaceutique et d'hygiène ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société de production pharmaceutique et d'hygiène


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SOCIETE DE PRODUCTION PHARMACEUTIQUE ET D'HYGIENE à payer à Monsieur [B] les sommes de 1.455,55 € à titre de rappels de salaires sur travail de nuit, outre 145,55 € de congés payés afférents, et de 5.819,52 € à titre de rappel de salaire sur la demi-heure quotidienne de pause, outre 581,95 euros de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE : « l'article 5 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 a instauré une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation chargée notamment, selon l'article 5.2, de rendre des avis sur son interprétation ; que ce texte précise que lorsque la commission donnera un avis à l'unanimité des organisations signataires représentées, le texte de cet avis, signé par ces organisations, aura la même valeur contractuelle que les clauses de la convention collective et sera annexé à cette convention ; Attendu qu'est en litige l'application de la majoration de salaire stipulée en ces termes à l'article 22 8º e) de la convention collective précitée : « e) On appelle travail par poste l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite. Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée. Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle sauf accord du salarié, ne soit pas excessive » ; que par un avis d'interprétation, donné le 23 novembre 2017 à l'unanimité des organisations syndicales représentées et étendu par arrêté du 27 mars 2019, la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation a estimé que : « Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste en travail d'une durée supérieure à 6 heures, il leur sera attribué 1 demi-heure de repos payée. Cette demi-heure de repos peut être accordée avant que les 6 heures de travail se soient écoulées ou à la suite immédiate de ces 6 heures » ; que la commission a en outre rappelé que son avis aurait la même valeur contractuelle que les clauses de la convention collective et serait annexé à cette convention ; Attendu que ces règles sont applicables en l'espèce dès lors que M. [B] travaillait, conformément à son contrat de travail et à l'article 3 de l'accord d'entreprise du 28 juillet 2000 : - une semaine sur deux le matin de 6 heures à 13 heures 30 avec une pause de 30 minutes fixée entre 9 heures 30 et 12 heures, - l'autre semaine l'après-midi de 13 heures 30 à 21 heures avec une pause de 30 minutes placée entre 17 heures et 17 heures 30 ; qu'il résulte en effet de l'avis d'interprétation ayant valeur contractuelle qu'est sans incidence le fait que la pause n'ait pas été placée à la suite de la période de travail de six heures ; Attendu que l'accord d'entreprise du 28 avril 2000, qui a introduit un « aménagement du temps de travail organisé sous forme de deux équipes alternatives », stipule également, dans son article 4 relatif au contrôle des horaires collectifs, sous un sous-titre intitulé « Rémunération », l'octroi de l'avantage suivant : - au 1er janvier 2001, hausse de 2 % appliquée à l'ensemble des salariés, - à compter de la même date, élévation de la prime d'équipe de 300 à 500 francs, ces dispositions valant pour les années 2000 et 2001 au regard de la négociation annuelle obligatoire ; que le contrat de travail de M. [B] prévoit le paiement d'une prime d'équipe mensuelle de 85 euros par mois, pour autant qu'il travaillera en équipe ; Attendu que les parties s'opposent sur l'objet même de la prime d'équipe ; que l'employeur soutient qu'à l'époque de l'accord d'entreprise, la rémunération de la demi-heure de pause n'était pas considérée comme applicable du fait qu'elle était prise au cours de la période de travail de six heures, que les parties à cet accord ont cependant décidé de manière volontaire l'octroi du temps de pause et que la prime d'équipe était entendue comme une indemnisation de ce temps, compte tenu des sujétions particulières de la nouvelle organisation du travail ; qu'il en déduit que la prime d'équipe ne peut pas se cumuler avec une autre rémunération du temps de pause dès lors qu'elles ont le même objet et la même cause ; que M. [B] prétend au contraire que la prime d'équipe n'a été qu'une concession de l'employeur uniquement liée à la mise en oeuvre du travail en équipe ; Attendu que si, en cas de concours de conventions ou accords collectifs de travail, les avantages ne peuvent se cumuler s'ils portent sur le même objet, deux accords collectifs peuvent se cumuler si leur objet est distinct ; Attendu que les précédentes décisions rendues par la cour d'appel de Dijon au sujet de l'objet de la prime d'équipe ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée à l'égard de M. [B] dès lors qu'elles ont été prononcées dans le cadre d'instances opposant l'employeur à d'autres salariés et qu'il n'y a donc pas identité de parties au sens de l'article 1355 du code civil ; Attendu que lors d'une réunion extraordinaire du comité social économique de l'entreprise tenue le 6 mars 2019, le représentant de l'employeur (M. [P]) et divers représentants du personnel, dont M. [X], signataire en son temps de l'accord d'entreprise, ont discuté du litige relatif au paiement des 30 minutes de pause ; qu'alors que M. [P] soutenait que la prime de pause correspondait à cette rémunération, M. [X] a immédiatement répondu que cette prime n'était pas la « pause payée » (page 4) ; que plus tard (page 8), M. [P] a déclaré « à l'époque on était tous d'accord car c'était 7h de travail en continu, voir les anciens PV de CE », ce à quoi M. [X] a répondu « oui mais c'est très important que l'on réexplique » ; que ces propos ne peuvent pas être considérés comme la reconnaissance par M. [X] de ce que, dans l'esprit des parties à l'accord d'entreprise du 28 avril 2000, la prime d'équipe avait pour objet de rémunérer les 30 minutes de pause alors que : - M. [P] parlait en réalité, en évoquant un temps de travail de sept heures, du fait que, selon l'interprétation de l'époque, les dispositions de la convention collective relatives à la rémunération du temps de pause n'étaient pas applicables, - M. [X] a ensuite précisé (page 15) qu'au moment de la signature de l'accord collectif, il n'était délégué syndical que depuis 15 jours, il avait pris le relais d'un délégué qui avait démissionné brutalement, il n'avait pas « la science infuse » ; Attendu qu'en l'absence d'autre pièce utile, la cour ne peut se fonder que sur les termes même de l'accord et les bulletins de paie pour interpréter la stipulation litigieuse ; que l'accord souligne en préambule l'effort consenti par les salariés dans le cadre du travail en équipe et n'envisage pas expressément la rémunération du temps de repos, non prévue alors que selon l'interprétation faite à l'époque par l'entreprise, l'article 22 8 e de la convention collective n'était pas applicable à l'organisation qu'elle entendait mettre en place ; que la prime d'équipe n'a pas été stipulée dans l'article relatif à la modalité d'organisation de la réduction du temps de travail, mais dans l'article 4 relatif au contrôle des horaires collectifs ; que le montant initial de la prime d'équipe était fixé uniformément à 300 francs pour tous les membres de l'équipe, quels que soient leur emploi et leur coefficient de rémunération respectifs alors que selon l'accord du 6 juillet 1998 relatif aux salaires alors applicable, les salaires minima mensuels allaient de 6.699 francs pour la catégorie de base 1A à 7.242 francs pour la catégorie 2B à laquelle sera ultérieurement embauché M. [B], 7.966 francs pour la catégorie 3B à laquelle il a accédé au cours de sa carrière, 9.143 francs pour la catégorie 4B correspondant à des fonctions d'encadrement ; que ce montant de 300 francs était largement inférieur à la rémunération du temps de repos, soit 12 heures par mois, qui aurait été égale à 530,02 francs pour la catégorie 1A, 572,98 francs pour la catégorie 2B, 630 francs pour la catégorie 3B ; que son élévation à 500 francs à compter du 1er janvier 2001 n'a pas pu modifier la nature de la prime et a laissé son montant inférieur à celui de la rémunération du temps de repos ; que lors de son embauche le 17 septembre 2003, M. [B] a été recruté au niveau 2B pour un salaire net de 1.115 euros, soit à peu près le salaire minimal de 1.112,16 euros prévu par l'accord du 10 avril 2002 relatif aux salaires ; que sa prime d'équipe a été fixée à 85 euros alors que 12 heures de travail représentaient 88,22 euros ; que cependant ses bulletins de paie font apparaître dès l'origine un montant de 95 euros qui est demeuré inchangé même quand le salaire de base a augmenté (1.200 euros en décembre 2003, 1.283,69 en mars 2004) ; que la prime n'est passée à 96,90 euros qu'en janvier 2005 quand le salaire de base a été élevé à 1.347,63 euros ; que ces faits font présumer que la prime d'équipe avait, lors de son instauration, un objet distinct de la rémunération des temps de repos et n'a été qu'une contrepartie au passage en travail en équipes alternatives ; qu'ils n'établissent pas que cette prime aurait changé de nature au cours de l'exécution du contrat de travail de M. [B] ; Attendu que M. [B] est donc en droit d'obtenir les rappels de salaires correspondant à la rémunération des temps de repos conformément à l'article 22 de la convention collective ; que cependant, ce rappel doit être calculé sur la base de 12 heures par mois, et non de 21,65 heures comme il le soutient ; que la formule proposée par le salarié dans les motifs de ses conclusions (page 6) n'est d'ailleurs pas cohérent avec leur dispositif puisque cette formule aboutirait à un total de 11.639,04 euros alors que le jugement dont il demande la confirmation lui a alloué 5.819,52 euros ; qu'il y a lieu de tenir compte de la variation du salaire de base telle qu'elle est révélée par les bulletins de paie ; que le calcul effectué par la cour parvient à un total de 6.255,78 euros si on retient 12 heures de repos à rémunérer chaque mois ; que le montant de 5.819,52 euros alloué par le conseil de prud'hommes n'excède pas les droits de M. [B] de sorte que son jugement doit être confirmé » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES EN LES SUPPOSANT ADOPTES QUE « les horaires de Monsieur [B] étaient fixés en alternance, une semaine sur deux de 6 heures à 13 heures 30 et de 13 heures 30 à 21 heures ; Attendu que l'article 22 de la Convention Collective de l'Industrie Pharmaceutique prévoit dans son paragraphe 8, des majorations de salaires dues à l'organisation et la durée du travail ; Que lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompues dans un poste d'une durée supérieures à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de pause payée. Que la SAS SPPH ne fournit aucun accord d'entreprise, différent quoique aussi favorable que la Convention Collective ; En conséquence, le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de Monsieur [B] à la hauteur de 5 819.52 euros à titre de rappel de salaire sur la demi-heure quotidienne de pause, outre 581.95 euros de congés payés. Attendu que Monsieur [B] travaillait de 6 heures à 13 heures 30 et de 13 heures 30 à 21 heures en alternance, que l'accord d'entreprise du 12 novembre 2002 prévoit qu'est considéré comme travail de nuit, tout travail effectué entre 22 heures et 7 heures, que son article 5 dispose que les heures de nuit donnent lieu à une majoration de 25 % appliquée au salaire mensuel brut à la prime d'équipe ; Attendu que Monsieur [B] a travaillé de 6 heures à 7 heures tous les jours une semaine sur deux ; En conséquence, le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de rappel de salaire à la hauteur de 1 455.55 euros au titre de cette majoration, outre 145.55 euros de congés payés afférents » ;

1. ALORS QUE selon l'article 22-8 e) de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique, applicable au salarié en travail posté, « lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée » ; que selon ce texte le droit conventionnel au paiement d'un pause payée d'une demi-heure est conditionné au travail du salarié posté pendant au moins six heures ininterrompues ; qu'il s'en induit, tel que soutenu par la société SPPH dans ses conclusions d'appel, que le salarié bénéficiant d'une pause avant que six heures de travail ne se sont écoulées ne travaille pas six heures ininterrompues et ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du droit au paiement de la pause conventionnelle d'une demi-heure ; qu'en retenant néanmoins que le droit au paiement de la pause supplémentaire conventionnelle d'une demi-heure n'était pas conditionné au travail pendant au moins six heures ininterrompues et à l'absence de prise de pause pendant cette durée de six heures (arrêt p. 5 § 6), la cour d'appel a violé l'article 22-8 e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;

2. ALORS QUE l'avenant modificatif d'une convention collective n'a pas de caractère rétroactif ; qu'aux termes de l'article 5.2 5° de la convention des collective de l'industrie pharmaceutique « lorsque la commission [paritaire permanente de négociation] donnera un avis à l'unanimité des organisations signataires représentées, le texte de cet avis, signé par ces organisations, aura la même valeur contractuelle que les clauses de la convention collective et sera annexé à cette convention » ; que l'annexion à la convention collective de l'industrie pharmaceutique, en vertu de ce texte, d'un avis unanime de la commission paritaire permanente de négociation ayant une valeur d'avenant ne saurait avoir d'effet rétroactif ; que si par un avis unanime du 23 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 mars 2019, la commission paritaire permanente de négociation de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique a considéré que la demi-heure de repos payée prévue par l'article 22-8 e) de la convention pouvait être accordée avant que six heures de travail ne se soient écoulées, cet avis -ayant la valeur d'un avenant modificatif ajoutant au droit préexistant- n'avait pas d'effet rétroactif ; qu'en considérant néanmoins qu'elle était liée par cet avis de la commission paritaire -dont elle a considéré les règles « applicables en l'espèce » (arrêt p. 5 § 5)- pour en déduire que le salarié avait droit au paiement de la pause d'une demi-heure prévue par l'article 22-8 e) de la Convention collective en dépit de son absence de travail ininterrompu pendant au moins six heures, alors que cet avis non rétroactif de la commission paritaire ayant la valeur d'avenant modificatif n'était pas applicable au litige qui est antérieur au mois d'avril 2008, la cour d'appel a violé les articles 5.2 5° et 22-8 e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;

3. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en cas de concours de conventions ou d'accords collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, les plus favorables d'entre eux pouvant seuls être accordés ; que par un accord d'entreprise du 28 avril 2000 la société SPPH a institué une prime d'équipe visant à compenser le travail posté des salariés pendant six heures, sans conditionner pour sa part ce droit à l'ininterruption du travail pendant cette durée ; que cette prime d'équipe accordée aux salariés de la société SPPH a la même cause et le même objet que le paiement de la demi-heure de pause prévu par l'article 22-8 e) de la convention collective de l'industrie pharmaceutique en cas de travail posté ininterrompu ; qu'en décidant néanmoins que la prime d'équipe prévue par l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 n'avait pas le même objet que le paiement de la demi-heure de pause prévue par la convention collective et que ces deux avantages conventionnels pouvaient en conséquence se cumuler, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 de l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 et l'article 22-8 e) de la Convention collective de l'industrie pharmaceutique, ensemble le principe de faveur.

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