11 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.542

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100380

Titres et sommaires

AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Procédure d'inscription - Demande d'inscription - Demande d'une société autre qu'une société civile professionnelle ou société d'exercice libéral - Article 3 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 - Application (non)

Le décret n° 2016-882 du 29 juin 2016, applicable à l'exercice de la profession d'avocat par des sociétés autres que les sociétés civiles professionnelles (SCP) et les sociétés d'exercice libéral (SEL), et notamment par les sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL), ne renvoie pas à l'article 3 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 exigeant que la société d'exercice libéral comprenne, parmi ses membres, au moins un avocat inscrit au barreau auprès duquel elle sollicite son inscription. Il en résulte que l'absence d'une telle inscription d'un avocat de la société fait seulement obstacle à une postulation de la société dans le ressort du barreau concerné

AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Procédure d'inscription - Demande d'inscription - Demande d'une société autre qu'une société civile professionnelle ou société d'exercice libéral - Article 3 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 - Application (non) - Effet

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Rejet


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 380 F-B

Pourvoi n° T 20-18.542




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

1°/ Le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],

2°/ le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié [Adresse 1], [Localité 4],

ont formé le pourvoi n° T 20-18.542 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige les opposant à Mme Claudia Martin-Laviolette, domiciliée [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris et du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme Martin-Laviolette, et l'avis de Mme Legoherel, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, M. Mornet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2020), Mme Laviolette, avocate inscrite au barreau de Sarreguemines, et M. Martin, avocat inscrit au barreau de Metz, qui exercent leur activité professionnelle au sein d'une association inter-barreaux Metz-Sarreguemines, ont créé la SARL Martin-Laviolette avocats, ayant son siège à Paris, sous condition suspensive de son inscription au tableau des avocats du barreau de Paris.

2. Par un arrêté du 5 novembre 2018, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le conseil de l'ordre) a rejeté la demande au motif qu'aucun des deux associés n'était inscrit au barreau de Paris.

3. Mme Laviolette et M. Martin ont formé un recours contre cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le conseil de l'ordre et le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris font grief à l'arrêt de dire qu'il doit être procédé à l'inscription de la SARL Martin-Laviolette au tableau des avocats du barreau de Paris, alors :

« 1°/ que les avocats exercent leur profession, comprenant le monopole de l'assistance et de la représentation en Justice, de la postulation et de la plaidoirie devant les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, soit à titre individuel, soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale et ayant pour objet l'exercice de la profession d'avocat ; que l'inscription au tableau, qui doit correspondre au lieu effectif de l'exercice complet de la profession d'avocat, y compris la postulation, d'une telle entité doit par suite nécessairement être faite au barreau auquel l'un au moins de ses associés exerçant en son sein est inscrit ; qu'en décidant le contraire, au motif erroné et inopérant que l'exercice de la postulation, qui est soumise à la règle de la territorialité, ne serait pas consubstantiel à la profession d'avocat, la cour d'appel a violé les articles 7, 8, 8-1 de la loi du 31 décembre 1971, 3 du décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 et 18 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;

2°/ que selon l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, le conseil de l'ordre est seul compétent pour statuer sur l'inscription au tableau ; que dès lors, et en l'absence des dispositions législatives ou réglementaires contraires, il lui appartient d'apprécier l'opportunité d'inscrire à son tableau une société dont aucun des membres avocats n'y est inscrit ; et qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé l'article 17 de la loi susvisée du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la cour d'appel a exactement énoncé que le décret du 29 juin 2016, applicable à l'exercice de la profession d'avocat par des sociétés autres que les SCP et les SEL, et notamment aux SARL, ne renvoyait pas à l'article 3 du décret du 25 mars 1993 exigeant que la société d'exercice libéral comprenne, parmi ses membres, au moins un avocat inscrit au barreau auprès duquel elle sollicitait son inscription et que l'absence d'une telle inscription d'un avocat de la société faisait seulement obstacle à une postulation de la société dans le ressort du barreau concerné.

6. En second lieu, en l'absence de disposition législative ou réglementaire l'y autorisant, le conseil de l'ordre ne peut apprécier l'opportunité d'inscrire au tableau une société dont aucun des membres n'y est inscrit, s'agissant d'une condition formelle de l'inscription.

7. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a dit qu'il devait être procédé
à l'inscription de la SARL au tableau des avocats du barreau de Paris.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris et le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'arrêté du 5 novembre 2018 du Conseil de l'ordre du barreau de Paris et d'avoir dit qu'il doit être procédé à l'inscription de la Sarl Martin-Laviolette sur le tableau des avocats du Barreau de Paris ;

Aux motifs qu'il est constant que le décret du 29 juin 2016 qui est applicable à l'exercice de la profession d'avocat par des sociétés autres que les SCP et SEL, et notamment les SARL, ne renvoie pas à l'article 3 du décret du 25 mars 1993 qui exige que la société d'exercice libéral comprenne parmi ses membres au moins un avocat inscrit au barreau auprès duquel elle sollicite son inscription.

La règle de la territorialité qui gouverne la postulation (sauf devant les cours d'appel statuant en matière sociale) ne fait pas obstacle à cette liberté d'inscription mais a simplement pour effet de limiter l'activité de la nouvelle société comme peut l'être celle d'un bureau secondaire, l'exercice de la postulation qui revenait autrefois aux avoués n'étant pas consubstantielle à la profession d'avocat.

La nouvelle rédaction de l'article P 31 du RIPB qui ne repose pas sur l'application des règles légales et réglementaires ne régit pas la demande d'inscription de la Sarl Martin-Laviolette qui est antérieure à son entrée en vigueur.

L'arrêté du 5 novembre 2018 qui a rejeté la demande d'inscription de la Sarl Martin-Laviolette au motif qu'aucun des associés n'était inscrit au tableau du barreau de Paris doit donc être infirmé ;

1°- ALORS QUE les avocats exercent leur profession, comprenant le monopole de l'assistance et de la représentation en Justice, de la postulation et de la plaidoirie devant les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, soit à titre individuel, soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale et ayant pour objet l'exercice de la profession d'avocat ; que l'inscription au tableau, qui doit correspondre au lieu effectif de l'exercice complet de la profession d'avocat, y compris la postulation, d'une telle entité doit par suite nécessairement être faite au barreau auquel l'un au moins de ses associés exerçant en son sein est inscrit ; qu'en décidant le contraire, au motif erroné et inopérant que l'exercice de la postulation, qui est soumise à la règle de la territorialité, ne serait pas consubstantiel à la profession d'avocat, la cour d'appel a violé les articles 7, 8, 8-1 de la loi du 31 décembre 1971, 3 du décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 et 18 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 ;

2°- ALORS QUE selon l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, le Conseil de l'Ordre est seul compétent pour statuer sur l'inscription au tableau ; que dès lors, et en l'absence des dispositions législatives ou règlementaires contraires, il lui appartient d'apprécier l'opportunité d'inscrire à son tableau une société dont aucun des membres avocats n'y est inscrit ;
et qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé l'article 17 de la loi susvisée du 31 décembre 1971.

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