11 mai 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.600

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100362

Titres et sommaires

COMPENSATION - Compensation légale - Exception - Article 1347-2 du code civil - Application en cas de demande de compensation judiciaire (non)

Il résulte des articles 1347-2 et 1348 du code civil que les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par le premier d'entre eux ne s'étendent pas aux créances et dettes qui font l'objet d'une demande de compensation judiciaire sur le fondement du second et dont l'appréciation incombe aux juges du fond

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 362 FS-B

Pourvoi n° C 21-16.600




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

Mme [U] [B], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-16.600 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [H] [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de Mme [B], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 février 2021) et les productions, [W] [B] est décédé le 3 juin 1992, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [B], et sa concubine, Mme [C], instituée légataire de la plus large quotité disponible par testament du 1er septembre 1989.

2. Un jugement du 26 février 1998, devenu irrévocable, a ordonné le partage de la succession, retenu que Mme [C] avait recelé des sommes au préjudice de la succession et ordonné leur réintégration dans la succession.

3. Un jugement du 25 mai 2012 a autorisé Mme [B] à faire procéder à la saisie des rémunérations de Mme [C].

4. Reprochant à Mme [B] d'occuper sans droit ni titre une maison dont elle est propriétaire, Mme [C] l'a assignée en expulsion et indemnisation. Mme [B] a formé une demande de compensation entre les sommes dues par elle au titre de l'indemnité d'occupation et celles dues par Mme [C] au titre du recel successoral.

5. Mme [B] a été condamnée à payer à Mme [C] une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 13 février 2013 jusqu'à la libération effective des lieux.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [B] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de compensation judiciaire, alors « que les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par l'article 1347-2 du code civil ne s'étendent pas aux créances et dettes faisant l'objet d'une demande en compensation judiciaire, dont l'appréciation appartient aux juges du fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme [B] formulait une demande de compensation judiciaire ; que dès lors, en se bornant à appliquer les dispositions de l'article 1347-2 du code civil pour rejeter la demande de compensation, sans apprécier si la compensation pouvait être prononcée en justice, la cour d'appel a violé les articles 1347-2 et 1348 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1347-2 et 1348 du code civil :

7. Il résulte de ces textes que les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par le premier d'entre eux ne s'étendent pas aux créances et dettes qui font l'objet d'une demande de compensation judiciaire sur le fondement du second et dont l'appréciation incombe aux juges du fond.

8. Pour rejeter la demande de compensation judiciaire formée par Mme [B], l'arrêt retient qu'en application de l'article 1347-2 du code civil, la compensation ne peut s'opérer dans le cas d'une demande de restitution d'une chose dont le propriétaire a été injustement dépouillé et que la demande de compensation porte, d'une part, sur une indemnité d'occupation d'un bien sans droit ni titre dont la propriétaire est privée de la jouissance, qui n'a pas consenti à la compensation, d'autre part, sur des sommes dues au titre d'un recel successoral.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de compensation formée par Mme [B] entre la créance que Mme [C] détient sur elle au titre de l'indemnité d'occupation et celle que Mme [B] détient au titre du recel successoral, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour Mme [B].

Mme [U] [B] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de L'AVOIR déboutée de sa demande visant à voir ordonner la compensation entre toute créance que Mme [H] [C] pourrait détenir sur elle à l'issue de la présente instance – comprenant sa créance au titre de l'indemnité d'occupation –, et la créance que Mme [B] détenait sur Mme [C] au titre du recel successoral ;

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Mme [B] demandait, en tout état de cause, que soit ordonnée nécessaire compensation entre toute créance que Mme [C] pourrait détenir sur elle à l'issue de la présente instance, et la créance que l'exposante détenait sur Mme [C] au titre du recel successoral (conclusions d'appel, p. 15, et dispositif) ; que Mme [C] ne formulait aucune observation sur cette demande ; que dès lors, en jugeant, pour débouter Mme [B] de sa demande, qu'en vertu de l'article 1347-2 du code civil, la compensation « ne peut s'opérer dans le cas de demande de restitution d'une chose dont le propriétaire a été injustement dépouillé », et qu'« en l'espèce, la demande de compensation porte d'une part sur une indemnité d'occupation d'un bien sans droit ni titre dont la propriétaire est privée de la jouissance, qui n'a pas consenti à la compensation et d'autre part de sommes dues au titre d'un recel » (arrêt attaqué, p. 7), sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE les exceptions aux règles de la compensation légale énumérées par l'article 1347-2 du code civil ne s'étendent pas aux créances et dettes faisant l'objet d'une demande en compensation judiciaire, dont l'appréciation appartient aux juges du fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme [B] formulait une demande de compensation judiciaire ; que dès lors, en se bornant à appliquer les dispositions de l'article 1347-2 du code civil pour rejeter la demande de compensation, sans apprécier si la compensation pouvait être prononcée en justice, la cour d'appel a violé les articles 1347-2 et 1348 du code civil ;

3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'exclusion de la compensation ne peut porter que sur un dépôt, un prêt à usage ou une chose dont la restitution est demandée et dont le propriétaire a été injustement privé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné Mme [B] à payer à Mme [C] une indemnité d'occupation ; que la créance au titre de cette indemnité ne correspondait pas à l'obligation de restitution d'une chose dont Mme [C] aurait été injustement privée ; qu'en jugeant le contraire (arrêt attaqué, p. 7), et se fondant sur les dispositions de l'article 1347-2 du code civil pour débouter Mme [B] de sa demande de compensation, la cour d'appel a violé ces mêmes dispositions par fausse application ;

4°) ET ALORS, en tout état de cause, QUE la demande de compensation avec l'objet du recel ne peut être écartée au motif que l'héritier receleur aurait été injustement privé de la chose dont il demande la restitution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « la demande de compensation porte d'une part sur une indemnité d'occupation d'un bien sans droit ni titre dont la propriétaire est privée de la jouissance, qui n'a pas consenti à la compensation et d'autre part de sommes dues au titre d'un recel » (arrêt attaqué, p. 7) ; que dès lors, en déboutant Mme [B] de sa demande de compensation au motif que « la compensation ne peut s'opérer dans le cas de demande de restitution d'une chose dans le propriétaire a été injustement dépouillé », la cour d'appel a violé l'article 1347-2 du code civil.

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