5 mai 2022
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 20/02105

Chambre Commerciale

Texte de la décision

N° RG 20/02105 - N° Portalis DBVM-V-B7E-

KPGK





C1



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT



SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 05 MAI 2022





Appel d'un Jugement (N° RG 2016J573)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 29 mai 2020

suivant déclaration d'appel du 13 Juillet 2020



APPELANTE :

S.A.S. TEISSEIRE FRANCE

S.A.S au capital de 1 912 936,00 €, immatriculée au RCS de

GRENOBLE sous le n° 057 504 599) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.

482 Avenue Ambroise CROIZAT CS 70

38920 CROLLES



représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS,







INTIMÉS :

M. [F] [R]

né le 24 Juillet 1968 à GAP

de nationalité Française

1 ter boulevard général de Gaulle

05000 GAP / FRANCE



Compagnie d'assurance CGPA ASSURANCES MUTUELLES

société d'assurance mutuelle à cotisations variable régie par le code des assurances, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

125 rue de la faisanderie

75773 PARIS / FRANCE



représentés par Me Gaëlle LE MAT de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me SALPHATI, avocat au barreau de PARIS,





S.A. AXA FRANCE IARD

S.A au capital de 214 799 030,00 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

313 Terrasses de l'Arche

92727 NANTERRE CEDEX



représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me PREISSL, de la SELARL BOURAYNE & PREISSL, avocat au barreau de PARIS













S.A.S. GRENOBLE LOGISTIQUE DISTRIBUTION - GLD

Société par actions simplifiée au capital de 8.032.000,00 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro 393 845 516, prise en la

personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ZI de la plaine

38560 CHAMP-SUR-DRAC



representée et plaidant par Me BONZY de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE, substituant Me ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE,







COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Marie-Pierre FIGUET, Président,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,



Assistés lors des débats de Mme Sarah DJABLI, Greffier placé.





DÉBATS :



A l'audience publique du 08 Décembre 2021, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,



Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,



Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré,






EXPOSE DU LITIGE :



En exécution d'un contrat du 5 juin 2014 à effet du 1er janvier 2015, la Sas Grenoble Logistique Distribution (GLD) a assuré pour le compte de la Sas Teisseire France (Teisseire) des prestations de services logistiques comprenant la réception des marchandises, leur stockage, la préparation des commandes, leur conditionnement et leur expédition.



Pour garantir son activité de logisticien, la société GLD a souscrit auprès de la Sa Axa Iard (Axa), par l'intermédiaire de M. [F] [R], agent général, une police d'assurance à effet du 1er janvier 2014 couvrant sa responsabilité civile de professionnel des transports.

A compter du mois de mars 2015, la société GLD a sollicité plusieurs modifications des garanties portant notamment sur l'élévation de leurs plafonds et un avenant a été régularisé le 16 septembre 2015, pour prendre effet rétroactivement au 1er juin précédent.



Se prévalant de manquements de la société GLD dans l'exécution de ses prestations, la société Teisseire l'a mise en demeure, le 4 septembre 2015, de l'indemniser de ses préjudices constitués par :

- des écarts d'inventaire,

- des pénalités imposées par ses clients de la grande distribution,

- des coûts supplémentaires de transports,

pour un montant estimé à 4.000.000 euros.



Par courrier du 7 septembre 2015 reçu le 9 septembre suivant, la société GLD a formalisé une déclaration de sinistre auprès de M. [R], agent général d'assurances Axa.

Une mesure d'expertise amiable était diligentée par la compagnie Axa qui, à l'issue, déniait sa garantie.



Le 4 octobre 2016, la société Teisseire a fait assigner la société GLD et son assureur Axa en référé pour obtenir paiement d'une provision au titre de l'écart d'inventaire.

Par ordonnance du 22 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Grenoble a renvoyé les parties à se pourvoir au fond.



Par acte d'huissier du 11 octobre 2016, la société GLD a fait assigner la société Axa devant la juridiction commerciale aux fins de condamnation à la garantir.

La société Teisseire est intervenue volontairement à cette instance par conclusions du 30 novembre 2016.



Selon acte d'huissier du 11 octobre 2017, la société Axa a fait assigner M. [R] en garantie devant le tribunal de grande instance de Gap qui a renvoyé l'affaire et les parties devant le tribunal de commerce de Grenoble.



Par jugement du 29 mai 2020, cette juridiction a :

- dit recevable les interventions volontaires de la société Teisseire, de M. [R] et de la société CGPA,

- dit les demandes de la société Teisseire non prescrites,

- débouté la société Axa de sa demande de nullité, pour dol et pour défaut d'aléa, de l'avenant n°60.625.884.04 du 16 septembre 2015,

- condamné la société GLD à payer la somme de 317.583 euros à la société Teisseire au titre de l'écart d'inventaire,

- débouté la société GLD de sa demande de garantie à la société Axa au titre de l'écart d'inventaire,

- débouté la société Teisseire de sa demande de réparation de son préjudice de 1.771. 250 euros au titre des pénalités de la grande distribution,

- débouté la société Teisseire de sa demande de réparation de son préjudice de 240.535,68 euros au titre des coûts supplémentaires de transport,

- débouté la société GLD de sa demande à la société Axa de lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice commercial et d'image,

- débouté la société Axa de son appel en garantie de M. [R] et de son assureur CGPA,

- débouté la société Teisseire de sa demande d'une astreinte journalière de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,

- débouté les parties de toutes leurs demandes d'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamné la société GLD à verser une indemnité de 10.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, répartie comme suit :

. 2.000 euros à la société Axa

. 2.000 euros à la société Teisseire

. 1.000 euros à la société CGPA

. 1.000 euros à M. [R],

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné la société GLD aux entiers dépens de l'instance.



Suivant déclaration au greffe du 13 juillet 2020, la société Teisseire a interjeté appel partiel de cette décision.





Prétentions et moyens de la société Teisseire :



Au terme de ses conclusions n°4 notifiées le 29 octobre 2021, la société Teisseire demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :







. jugé recevable l'intervention volontaire de la société Teisseire France à l'instance engagée par la société Grenoble Logistique Distribution à l'encontre de la société Axa France Iard,

. jugé recevable et bien fondée l'action en responsabilité contractuelle engagée par la société Teisseire France à l'encontre de la société Grenoble Logistique Distribution,

. jugé valable la garantie de la société Axa à l'égard de la société Grenoble Logistique Distribution au titre de l'avenant au contrat Axa n° 60.625.884.04,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'application de la garantie Axa aux différents postes de préjudices subis par la société Teisseire France et limité l'indemnisation de la société Teisseire France au seul titre d'un écart de stock pour un montant de 317.583 euros,

- statuant à nouveau,

- condamner la société Axa France Iard in solidum avec la société Grenoble Logistique Distribution au paiement au profit de la société Teisseire France, outre la somme de 317.583 euros au titre des écarts de stocks, la somme de 1.771.250 euros au titre des pénalités imposées par les magasins de la grande distribution, et la somme de 240.535,68 euros au titre des coûts supplémentaires de transport, soit la somme totale de 2.329.368,68 euros, sauf à parfaire, en application de la police d'assurance «Responsabilité Civile des Professionnels du Transport» n°60.625.884.04 souscrite par la société Grenoble Logistique Distribution tel qu'il ressort de l'attestation d'Axa du 1er septembre 2015, avec intérêts légaux à compter du 4 septembre 2015,

- assortir cette condamnation d'une astreinte journalière de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner, en tout état de cause, la société Grenoble Logistique Distribution à payer, outre la somme de 317.583 euros au titre des écarts de stocks, la somme de 1.771.250 euros au titre des pénalités imposées par les magasins de la grande distribution, et la somme de 240.535,68 euros au titre des coûts supplémentaires de transport, soit la somme totale de 2.329.368,68 euros, sauf à parfaire, à la société Teisseire France en réparation des préjudices subis résultant des sinistres qui seraient finalement jugés non couverts par la police d'assurance «Responsabilité Civile des Professionnels du Transport» n°60.625.884.04,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour afin d'arrêter le chiffrage définitif des préjudices de la société Teisseire au titre des pénalités imposées par les magasins de grande distribution et au titre des coûts supplémentaires de transports,

- en tout état de cause,

- condamner in solidum la société Axa France Iard et la société Grenoble Logistique Distribution à régler au profit de la société Teisseire France la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Grenoble, conformément à l'article 699 du code procédure civile.



Sur la prescription, la société Teisseire fait valoir que les conditions générales de vente de la société GLD, prévoyant un délai de prescription d'un an, n'ont pas été annexées au contrat de prestations de services logistiques du 5 juin 2014, qu'elles ne figurent qu'en annexe de l'attestation d'assurance émise en 2013, valable jusqu'au 31 décembre 2014 et qu'elles ne peuvent s'appliquer à la relation contractuelle autonome qui s'est exécutée à compter du 1er janvier 2015, les termes du nouveau contrat excluant expressément les conditions ayant régi les relations antérieures.

Elle relève au surplus que par constat contradictoire signé les 17 mai et 6 juillet 2016, la société GLD a reconnu les écarts de stocks objets de sa réclamation indemnitaire. Elle ajoute que les manquements reprochés ont été continus et que tant leur ampleur, que leurs conséquences financières n'ont été mesurées qu'au mois de mai 2016, que selon les conditions générales de vente invoquées, le délai de prescription annale ne court qu'à compter de l'exécution du contrat et qu'il n'a pu commencer à courir, ce dernier étant toujours en cours.



Sur la responsabilité de la société GLD, elle expose que les manquements imputés sont reconnus, cette dernière n'ayant pas été en mesure de gérer les commandes de ses clients et de remplir ses obligations contractuelles.



Pour les mêmes raisons tenant à l'inapplicabilité des conditions générales de vente, elle considère qu'il ne peut lui être opposé de limitation de garantie.



Elle conteste que l'article 18 du contrat de prestations de services emporte renonciation de sa part à agir à l'encontre de sa cocontractante et de son assureur, ces stipulations ne trouvant à s'appliquer que dans des cas limités qui ne concernent pas les sinistres en litige.



A l'égard de la société Axa, elle rappelle que la compagnie Axa a établi une attestation valable du 1er juin au 31 décembre 2015 concernant sa garantie des manquements commis par son assurée à l'occasion d'inventaires de marchandises, que sa garantie a été valablement engagée par son agent général.

Elle conteste que les conditions d'obtention de cette garantie lui soient opposables, alors qu'elle n'a pas participé aux négociations, et que l'assureur puisse lui opposer les déchéances sanctionnant des manquements de l'assuré.



Elle soutient que :

- le consentement de la société Axa à l'élévation du plafond de ses garanties n'a pas été surpris par le dol,

- la compagnie d'assurances a été informée par son agent général et a donné son accord le 28 août 2015 avant la déclaration des sinistres constatés postérieurement,

- en assignant son agent général et son assureur en garantie, la société Axa a admis que sa garantie était mobilisable,

- en missionnant un expert, la société Axa a exécuté le contrat d'assurances, renonçant à toute nullité,

- l'effet des garanties ayant été fixée au 1er juin 2015, c'est à cette seule date que doit s'apprécier l'existence ou non d'un alea et la compagnie d'assurances ne peut se prévaloir d'évènements postérieurs,

- l'instruction de la demande de modification des garanties a débuté en mars 2015 et le retard dans la formalisation de l'avenant est exclusivement imputable à la société Axa qui ne peut asseoir son refus de garantie sur sa propre turpitude.



Sur l'étendue de ses préjudices, elle estime que la société Axa a mis un terme au processus d'expertise en contradiction avec les termes de sa police qui en fait un préalable obligatoire et que c'est de mauvaise foi qu'elle s'est opposée à la demande subsidiaire d'expertise judiciaire.

Elle considère que l'assureur ne peut lui opposer la clause de sa police instituant une obligation d'inventaire à la date d'effet de la garantie aux motifs que cette obligation était matériellement impossible à mettre en 'uvre, en raison notamment de la rétroactivité de cette date d'effet, que l'inventaire n'est exigé qu'au titre de la preuve du sinistre et qu'en l'expèce, les parties ont reconnu l'écart d'inventaire lors de l'expertise.



A titre subsidiaire, elle sollicite une mesure d'expertise pour déterminer l'étendue finale de ses préjudices.





Prétentions et moyens de la société GLD :



Selon ses conclusions n°3 notifiées le 27 octobre 2021, la société GLD entend voir :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

. dit les demandes formées par la société Teisseire non prescrites,

. condamné la société GLD à payer à la société Teisseire la somme de 317.583 euros au titre de l'écart d'inventaire,







. débouté la société GLD de sa demande de garantie par la société Axa au titre de l'écart d'inventaire,

. condamné la société GLD à verser une indemnité arbitrée à 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile répartie comme suit :

2.000 euros à la société Axa,

2.000 euros à la société Teisseire ,

1.000 euros à la société CGPA,

1.000 euros à M. [R],

. condamné la société GLD aux entiers dépens,

- statuant de nouveau,

- à titre principal,

- dire et juger les demandes formées par la société Teisseire prescrites et l'en débouter,

- dire et juger les demandes de la société Teisseire non fondées,

- débouter la société Teisseire de sa demande visant à voir désigner un expert judiciaire «pour arrêter le chiffrage définitif des préjudices de la société Teisseire au titre des pénalités imposées par les magasins de grande distribution et au titre des coûts supplémentaires de transport»,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que la société GLD ne pourra être condamnée à indemniser la société Teisseire au-delà de 50.000 euros au titre de l'écart de stock,

- débouter la société Teisseire de sa demande de dommages et intérêts au titre des pénalités et des surcoûts de transport,

- à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la société GLD ne pourra être condamnée à indemniser la société Teisseire au-delà de 50.000 euros au titre de l'écart de stock, des pénalités et des surcoûts de transport,

- en tout état de cause,

- confirmer le jugement pour le surplus, et notamment, en ce qu'il a débouté la société Axa de sa demande de nullité de l'avenant n°60.625.884.04 du 16 septembre 2015 pour dol ou défaut d'aléa,

- condamner la société Axa à garantir la société GLD au titre de l'écart d'inventaire,

- condamner la société Axa à garantie la société GLD au titre des vols par préposé,

- condamner la société Axa à relever et garantir la société GLD de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre,

- condamner la partie qui succombe à verser à la société GLD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie qui succombe aux entiers dépens.



La société GLD soutient que les demandes de la société Teisseire se heurtent à la prescription résultant des stipulations de l'article 11 des conditions générales de vente de la fédération des entreprises de transport et logistique, annexées au contrat de prestations de service conclu entre elles.



Elle fait valoir que :

- l'écart de stock a été constaté lors de l'inventaire réalisé le 30 août 2015 et acté dans un courrier du 4 septembre 2015 alors que les demandes de la société Teisseire n'ont été formulées que par conclusions d'intervention volontaire du 30 décembre 2016,

- le contrat-cadre de prestation de service logistique du 4 juin 2014 comporte une annexe C constituée par les assurances souscrites et rappelant les conditions générales de vente de la fédération des entreprises de transport et logistique, qui ont été paraphées par la société Teisseire, lui sont donc opposables, auxquelles les parties ont expressément voulu se soumettre et qui prévalent sur celles de la société GLD.







A titre subsidiaire, elle estime que le contrat-cadre ne permet pas de définir avec une précision suffisante les prestations qu'elle devait accomplir, que la société Teisseire n'a pas régularisé les contrats d'application et les cahiers des charges propres à chaque prestation, que la preuve de ses manquements n'est donc pas rapportée, que l'organisation d'une expertise par sa compagnie d'assurances n'emporte pas reconnaissance d'une faute contractuelle.



Elle se prévaut au titre de l'écart de stock, de la limitation de garantie prévue par les conditions générales de vente insérées dans le contrat-cadre et, au titre des pénalités, de l'absence de prévisibilité des suites de l'inexécution à défaut de contrat d'application spécifique à chaque marché, interdisant toute condamnation.

Elle conteste en outre tout lien de causalité entre les pénalités réclamées par la société Teisseire et les manquements que cette dernière lui attribue.

Elle relève enfin l'absence de justificatifs des surcoûts de transports réclamés.



Sur la nullité de l'avenant du 16 septembre 2015, la société GLD fait valoir que :

- elle n'a commis aucun dol dans la souscription de l'avenant au contrat d'assurance demandé depuis mars 2015 et auquel Axa a donné son accord le 28 août suivant avec effet rétroactif au 1er juin,

- l'avenant a été émis par Axa postérieurement à la déclaration du sinistre, qui était accompagnée de la réclamation de la société Teisseire,

- elle ne saurait subir les conséquences du retard mis par l'assureur à traiter sa demande d'augmentation de sa couverture,

- elle n'a pris connaissance des vols commis à son préjudice que lors de l'inventaire postérieur à la signature de l'avenant qui n'est donc pas privé d'alea et donc de cause,

- la garantie pour vol par préposé n'a pas été modifiée par l'avenant,

- l'effet rétroactif de l'avenant résulte de la volonté commune des parties échangée bien avant la matérialisation de l'acte et la survenance des dysfonctionnements invoqués par la société Teisseire et c'est à cette date d'effet que doit s'apprécier l'existence d'un alea, la date d'édition de l'avenant étant indifférente,

- le défaut d'alea n'emporte qu'une nullité relative que la compagnie Axa a couvert en acceptant de régulariser l'avenant.



Elle considère qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat d'assurance qui puisse exclure la garantie souscrite, puisqu'en raison de la rétroactivité de la prise d'effet de l'avenant, elle ne pouvait réaliser d'inventaire à cette date, que la condition d'inventaire était donc impossible à remplir, qu'en acceptant l'effet rétroactif, la compagnie Axa a accepté de garantir les potentiels sinistres antérieurs à la signature de l'avenant.

Elle estime enfin que l'assureur est de mauvaise foi en refusant sa garantie au titre du vol par préposé pour défaut de preuves alors qu'elle l'a tenue informée de son dépôt de plainte et des poursuites à l'encontre des auteurs identifiés.





Prétentions et moyens de la société Axa :



Par conclusions n°2 notifiées le 10 août 2021, la société Axa sollicite de la cour, au visa des articles L.112-6, L.113-2, L.118-8, L.124-2 du code des assurances, 1109, 1110, 1165, 1133 et 1964 anciens du code civil, l'infirmation partielle de la décision et qu'elle :

- à titre principal,

- dise nul et de nul effet l'avenant n° 60.625.884.04 du 16 septembre 2015,

- dise l'action de la société Teisseire France irrecevable comme prescrite,

- déboute la société Grenoble Logistique Distribution, ainsi en tout état de cause que la société Teisseire France, de toutes leurs demandes,

- à titre subsidiaire,





- limite toute condamnation de la société Axa France Iard à la somme de 50.000 euros maximum et subsidiairement, limiter à la somme de 150.000 euros maximum toute condamnation au titre de la garantie «vol par préposés»,

- fasse application des plafonds de garantie issus de sa police d'assurance n°60.625.884.04 du 1er janvier 2014, soit 50.000 euros au titre de la garantie «différence d'inventaire», 450.000 euros par sinistre au titre des dommages matériels et 100.000 euros par sinistre au titre des dommages immatériels garantis par la responsabilité civile contractuelle vis-à-vis des clients, déduction faite de la franchise applicable,

- en tout état de cause,

- condamne M. [F] [R] in solidum avec la société CGPA à garantir la société Axa France Iard de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- condamne toute partie succombante à payer à la société Axa France Iard la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



La société Axa se prévaut de la nullité du contrat d'assurances et soutient qu'en application des dispositions de l'article L.112-6 du code des assurances, elle est bien fondée, nonobstant son attestation d'assurance qui ne vaut que comme présomption de garantie, à opposer l'exception de nullité au tiers victime, que l'obligation faite à l'assuré de déclarer les circonstances nouvelles et les aggravations du risque assuré trouve à s'appliquer au contrat modifié par avenant, s'agissant du même contrat et que la mauvaise foi de l'assuré doit s'apprécier tant au jour de la souscription qu'en cours d'exécution de la police.



Elle reproche à la société GLD de ne pas l'avoir informée, durant les pourparlers relatifs à la modification de sa police, des dysfonctionnements ayant affecté ses différents sites logistiques depuis le début de l'année 2015, comme des réclamations de la société Teisseire qui s'en sont suivies entre mai et septembre 2015 et du résultat de l'inventaire réalisé fin août 2015, alors qu'elle estime que ces doléances sont à l'origine des demandes successives d'augmentation rétroactive des garanties.



Elle relève que jusqu'au 1er octobre 2015, elle a été tenue dans l'ignorance des réclamations formalisées par la société Teisseire dès le 15 juillet et conteste avoir expressément renoncé à invoquer la nullité du contrat dans sa correspondance du 22 septembre 2016.



Elle soulève également la nullité du contrat pour absence d'aléa et donc de cause aux motifs qu'à la date de souscription de l'avenant, les risques couverts étaient déjà réalisés et connus de l'assuré, que l'effet rétroactif de l'avenant est sans incidence.



Elle conteste tout retard dans le traitement des demandes de la société GLD qui n'ont cessé d'évoluer, comme toute confirmation du contrat et renonciation à sa nullité par la mise en 'uvre de l'instruction du sinistre, à défaut de tout règlement, relevant que le procès-verbal dressé par l'expert le 17 mai 2016 précise qu'il ne constitue pas une reconnaissance des garanties ou une acceptation des responsabilités.



La société Axa se prévaut également de l'inapplicabilité de :

- la garantie «différence d'inventaire» en l'absence d'inventaire contradictoire établi au jour de la prise de garantie prévu par les conditions particulières,

- la garantie «vol par préposé» qui ne couvre pas la responsabilité contractuelle de l'assuré et en l'absence de lien de causalité entre les vols allégués et les écarts d'inventaire.



Elle invoque également :

- la renonciation à recours figurant à l'article 18 du contrat conclu entre les sociétés Teisseire et GLD, dont le champ n'est pas limité, mais vise tous recours sans restriction,





- la prescription des demandes au regard du délai annal des conditions générales de vente intégrées au contrat de prestation de service en son annexe C paraphée par les parties,

- l'absence de préjudice imputable à la société GLD au titre de l'écart de stock alors que des réserves expresses ont été émises, tant par son assurée que par son expert,

- l'absence de prévisibilité du dommage invoqué au titre des pénalités de retard versées par la société Teisseire à ses clients, de preuve du règlement de ces pénalités et de justification du lien de causalité entre ces retards et les dysfonctionnements allégués ayant affecté les entrepôts de la société GLD durant l'été 2015,

- le défaut de justificatifs du préjudice allégué au titre des coûts supplémentaires de transport et l'absence de garantie d'assurance à ce titre.



Enfin, elle se prévaut des limitations de responsabilité prévues par les conditions générales du contrat, que les plafonds de garantie de la police d'assurance ne sont pas de nature à écarter.



A l'égard de la société GLD, elle estime que cette dernière est seule reponsable des préjudices commercial et d'image qu'elle invoque alors qu'elle-même n'a commis aucun abus dans l'exercice de son droit de poursuivre la nullité de la police d'assurance.



Subsidiairement, la société Axa soutient que son agent général a commis des fautes dans la gestion de son mandat en ne lui transmettant que le 1er octobre la déclaration de sinistre dont il a accusé réception dès le 9 septembre et en ne l'informant pas complètement sur le risque à couvrir, que c'est dans l'ignorance de l'existence de ce sinistre qu'elle a finalisé un avenant à la police d'assurances avec effet rétroactif au 1er juin 2015 et émis l'attestation correspondante le 16 septembre 2015.





Prétentions et moyens de la société CGPA et de M. [R] :



Au terme de leurs écritures notifiées le 26 mars 2021, la société CGPA et M. [R] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement notamment en ce qu'il a débouté Axa de toutes ses demandes à l'encontre de M. [R] et de CGPA ;

- subsidiairement, en cas d'infirmation,

- déclarer irrecevable faute de qualité pour agir de la société Teisseire ,

- déclarer irrecevable l'action de la société Teisseire comme prescrite,

- débouter Axa de toutes ses demandes à l'encontre de M. [R] et de CGPA,

- à titre encore plus subsidiaire,

- juger que le préjudice d'Axa ne pourrait s'analyser qu'en termes de perte de chance,

- en tout état de cause,

- condamner les succombants à payer à chacun, M. [R] et CGPA, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les succombants en tous les dépens, dont distraction au profit de la Scp Guidetti- Bozzarelli - Le Mat, avocat.



La société CGPA et M [R] soutiennent que les demandes de la société Teisseire sont irrecevables en raison d'une part de la prescription annale prévues aux conditions générales annexées au contrat, et d'autre part de son défaut de qualité pour agir compte tenu de sa renonciation à tout recours en vertu de l'article 18 du contrat.



Ils font valoir que la garantie de la responsabilité contractuelle de la société GLD à l'égard de ses clients est basée sur le fait dommageable et non la réclamation, que l'assureur ne couvre que les sinistres inconnus de l'assuré à la date de souscription sauf à supprimer l'alea qui est de l'essence même du contrat



d'assurance, que ce dernier ne peut porter sur un risque déjà réalisé sans être atteinte d'une nullité d'ordre public.

Ils considèrent en conséquence que les sinistres ayant donné lieu à la mise en cause de la société GLD ne peuvent être couverts que par les garanties du contrat d'origine souscrit en 2014.



Ils relèvent que la société Teisseire ne justifie pas de ses préjudices, ni ne fournit d'éléments sur ses propres garanties d'assurance, rendant ses préjudices hypothétiques, que les revendications sont limitées par l'existence d'une renonciation à recours et par une limitation de responsabilité.



Ils soutiennent que :

- la garantie «différence d'inventaire» n'est pas mobilisable, ses conditions d'inventaire contradictoire n'ayant pas été respectées,

- la garantie «vol par préposé» ne s'applique pas à la responsabilité contractuelle de l'assuré et la preuve des vols n'est pas rapportée,

- l'indemnisation de pénalités de retard se heurte à l'imprévisibilité du préjudice et à l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre les écarts de stocks invoqués et les indemnités,

- la preuve des coûts supplémentaires de transport n'est pas fournie,

- les limitations de responsabilité et les plafonds de garantie doivent s'appliquer aux réclamations de la société Teisseire.



Ils considèrent que M. [R] n'a commis aucune faute dès lors qu'il a estimé que les sinistres survenus avant la date de souscription de l'avenant ne pouvaient être garantis que par la police existante à la date des faits dommageables, qu'il a réclamé des informations complémentaires sur le sinistre confirmé par l'assuré pour un montant limité, que la gestion qu'il a faite du sinistre a été conforme aux instructions de sa mandante, que l'avenant a été émis avec la conviction qu'il ne pouvait modifier l'indemnisation des sinistres déclarés.

Ils contestent le lien de causalité entre le délai de transmission de la déclaration de sinistre et la conclusion de l'avenant et considèrent à titre subsidiaire, que le préjudice invoqué par la compagnie d'assurance ne peut être qu'une perte de chance.





La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 novembre 2021.






MOTIFS DE LA DECISION :





1°) sur la prescription de l'action de la société Teisseire :



La société Teisseire agit à l'encontre de la société GLD en se prévalant de ses défaillances dans l'exécution du contrat de prestations de services logistiques signé entre elles le 5 juin 2014.



Selon son article 2.1, ce contrat-cadre a pour objet de définir les conditions générales d'exécution d'un ensemble de prestations logistiques et ses dispositions prévalent sur tous accords ou propositions antérieurs, comme sur toutes autres conditions générales figurant dans des documents envoyés ou remis par les sociétés Tesseire ou GLD.



L'article 20.7 précise que les annexes au contrat en font partie intégrante.



L'annexe C intitulée «assurances GLD» comporte une attestation d'assurances émise le 10 décembre 2013 par la compagnie Axa constituant la page 23 du contrat, ainsi que les conditions générales de vente régissant les opérations effectuées par les opérateurs de transport et /ou de logistique établies par la Fédération des Entreprises de Transport et de Logistique de France et constituant la page 24 du contrat.

Comme chaque page de la convention, cette page 24 comporte les deux logos des sociétés signataires et les paraphes de chacune d'entre elles.



La société Teisseire soutient que ces conditions générales de vente sont en réalité une annexe de l'attestation d'assurance la précédant.

La lecture des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société GLD, à effet du 1er janvier 2014, versées par ailleurs aux débats, permet de constater que la garantie de l'activité de manutentionnaire consécutive à un transport est notamment conditionnée par la communication à l'assureur des conditions générales de vente de l'assuré.

S'il est manifeste que ces conditions générales de vente ont pu être précédemment communiquées par la société GLD à son assureur Axa, il n'en demeure pas moins qu'en les annexant en page 24 du contrat-cadre, serait-ce pour éclairer le cocontractant sur l'étendue des garanties d'assurance souscrites, les signataires en ont fait des stipulations contractuelles et s'y sont soumises.



L'article 11 de ces conditions générales de vente prévoit que les actions auxquelles le contrat conclu entre les parties peut donner lieu se prescrivent dans le délai d'un an à compter de l'exécution du contrat.



La société Teisseire a fait connaître sa réclamation par courrier recommandé du 4 septembre 2015 en se prévalant des manquements commis par sa cocontractante durant l'été 2015.



Le contrat-cadre du 5 juin 2014 prévoyait la régularisation entre les parties de contrats d'application pour chaque type de prestations et au cas par cas, définissant pour chacun d'eux un délai de réalisation dont le terme constitue dès lors le point de départ de la prescription annale prévue aux conditions générales de vente, chaque contrat d'application constituant une prestation distincte.



Si aucun contrat d'application n'est produit, il résulte des pièces versées que les réclamations des clients de la société Teisseire, leurs factures d'indemnités de rupture d'approvisionnement ou de retard, comme les factures des transporteurs, couvrent une période du 1er avril au 6 novembre 2015.

A défaut d'éléments plus précis, les dates de ces réclamations et factures doivent donc être considérées comme justifiant de l'exécution des prestations objet des contrats d'application et constituer le point de départ du délai annal de prescription.



Concernant la prestation de stockage et de gestion des stocks, l'écart d'inventaire dont se prévaut la société Teisseire résulte de l'inventaire réalisé le 27 août et réactualisé le 30 septembre 2015.

En se prévalant de cet inventaire pour justifier d'un écart préjudiciable, la société Teisseire a clôturé une période d'exécution du contrat au 30 septembre 2015, date constituant dès lors le point de départ du délai de prescription.



Si le procès-verbal relatif aux écarts de stock établi le 17 mai 2016 dans le cadre de l'expertise amiable a été signé par la société GLD, il comporte l'indication expresse, sous la mention «important» en caractères majuscules et gras, que ce document n'emporte pas acceptation des responsabilités éventuelles, ni reconnaissance des garanties souscrites aux contrats d'assurance.



Ainsi, la société Teisseire ne justifie d'aucune reconnaissance par la société GLD de son droit à indemnisation de nature à interrompre le cours de la prescription qui lui est opposée.



Dans son assignation devant le juge des référés du 4 octobre 2016, la société Teisseire a sollicité d'une part, une provision au titre de l'écart de stock, d'autre part la reprise des opérations d'expertise relatives aux autres sinistres.

Cette assignation intervenue plus d'un an après l'inventaire terminé le 30 septembre 2015 n'a pu interrompre le cours d'une prescription déjà acquise et les demandes de la société Teisseire formalisées dans son courrier du 4 septembre 2015 au titre d'une part de l'écart d'inventaire, d'autre part des réclamations de ses clients se trouvent atteintes par la prescription.



Le jugement, qui a considéré que les demandes de la société Teisseire n'étaient pas prescrites, devra en conséquence être infirmé et l'appelante déclarée irrecevable en ses demandes.





2°) sur les appels en garantie':



La société Teisseire n'étant pas recevable à rechercher la responsabilité de sa concontractante, les appels en garantie formés à l'encontre de la société Axa d'une part, de la société CGPA et M. [R] d'autre part sont devenus sans objet.





PAR CES MOTIFS':



Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,



INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 29 mai 2020,



statuant à nouveau,



DECLARE la Sas Teisseire France irrecevable en ses demandes d'indemnisation,



REJETTE toutes les demandes de condamnation présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE la Sas Teisseire France aux dépens de première instance et d'appel.





SIGNE par Mme FIGUET, Présidente et par Mme DJABLI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





La GreffièreLa Présidente

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.