28 avril 2022
Cour d'appel de Douai
RG n° 20/00377

CHAMBRE 8 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 28/04/2022





N° de MINUTE : 22/471

N° RG 20/00377 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S3I5



Jugement (N° 19/000841) rendu le 25 novembre 2019 par le tribunal d'instance de Dunkerque



APPELANTE



SAS Prioris agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille



INTIMÉE



Madame [O], [B], [G], [R] [N] Épouse [S]

née le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 6] (59)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]



A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 24 mars 2020 à étude, n'a pas constitué avocat



DÉBATS à l'audience publique du 09 février 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe



GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, conseiller



ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022 après prorogation du délibéré du 07 avril 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 janvier 2022












Exposé du litige



Selon offre en date du 7 avril 2018, la société Prioris a consenti à Mme [N] épouse [S] et M. [S] une location avec option d'achat portant sur un véhicule d'occasion de marque Renault modèle Grand Scenic 1,6 Dcl130 Intens, d'un montant de 23'990 euros à rembourser en un loyer de 4 932,83 euros, suivi de 59 loyers de 302,36 euros.



Par courriers recommandés avec accusé de réception en date du 17 janvier 2019, la société CGLE venant aux droits de la société Prioris a mis en demeure Mme [N] épouse [S] et M. [S] de s'acquitter de la somme de 1 611,24 euros au titre des loyers impayés dans le délai de huit jours.



Par courriers recommandés avec accusé de réception du 1er février 2019, la société CGLE venant aux droits de la société Prioris a notifié la résiliation du contrat et mis en demeure Mme [N] épouse [S] et M. [S] de lui payer la somme de 24'665,61 euros avec intérêts au taux légal et de restituer le véhicule en cas de non-paiement.



Par ordonnance en date du 7 mars 2019, le juge de l'exécution près du tribunal de grande instance de Dunkerque a ordonné à Mme [N] épouse [S] et à M. [S] de remettre à leurs frais à la société Prioris le véhicule objet de la location avec option d'achat.



Le véhicule restitué a été vendu aux enchères publiques moyennant le prix de 12 420 euros TTC.



Par exploit d'huissier en date du 12 septembre 2019, la société Prioris a fait assigner Mme [N] épouse [S] devant le tribunal d'instance de Dunkerque pour la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 12'245,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2019 et celle de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais de la procédure de saisie-appréhension de 103,72 euros.



Mme [N] épouse [S] était défaillante en première instance.



Par jugement réputé contradictoire en date du 25 novembre 2019, le tribunal a débouté la société Prioris de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.



Le tribunal a estimé que la société Prioris ne justifiait pas d'une signature électronique sécurisée obtenue dans les conditions fixées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001, dont la fiabilité est présumée, et qui lui appartenait donc de prouver qu'elle avait fait usage d'un procédé fiable d'identification garantissant le lien de la signature identifiant le signataire avec l'acte auquel la signature s'attache, preuve qu'elle ne rapportait pas.



La société Prioris a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue par le greffe le 17 janvier 2020.



Aux termes de ses conclusions déposées le 16 mars 2020, elle demande à la cour, vu les articles 16 du code de procédure civile, 803'1103 et 1104 du code civil, et L.311-1 et suivants du code de la consommation de :



- annuler le jugement rendu par le tribunal d'instance de Dunkerque,

- à défaut le réformer,

en conséquence et en toute hypothèse,



- condamner Mme [N] épouse [S] au paiement de la somme de 12'245,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2019, date de la mise en demeure,

- condamner Mme [N] épouse [S] au paiement de la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et celle de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner Mme [N] épouse [S] aux entiers dépens, en ce compris la somme de 103,72 euros correspondant aux frais de la procédure de saisie-appréhension.



La société Prioris invoque la nullité du jugement en ce que le premier juge a violé le principe du contradictoire prévu par l'article 16 du code de procédure civile, en soulevant d'office un moyen de droit sans l'inviter à formuler ses observations.



Elle fait également grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande en paiement au motif erroné qu'elle ne justifiait pas d'une signature électronique sécurisée obtenue dans les conditions fixées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 dont la fiabilité est présumée, et partant ne justifiait pas de la signature du contrat alléguée par Mme [N] épouse [S], alors que la débitrice ne soulevait pas elle-même n'avoir pas signé électroniquement le contrat de location et qu'il appartient à la partie intéressée d'invoquer et de prouver les faits. Elle ajoute qu'elle versait aux débats la convention sur la preuve associée à l'offre de contrat de location avec option d'achat certifiant la force probante du contrat, et qu'en tout état de cause, les pièces produites, dont le procès-verbal de livraison, la facture, l'historique des paiements, et la procédure de saisie-appréhension démontraient que Mme [N] épouse [S] était bien sa cocontractante.



La société Prioris à signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à Mme [N] épouse [S] par acte d'huissier délivré le 24 mars 2020 par dépôt de l'acte à l'étude d'huissier.



L'intimée n'a pas constitué avocat.



Par avis en date du 4 avril 2022, au visa de l'article 1231-5 du code civil anciennement 1152, la cour a invité la société Prioris à faire par de ses observations au plus tard pour le 12 avril 2022 sur la question de la réduction de la clause pénale en raison de son caractère manifestement excessif. La cour n'a pas été destinataire d'observations de la société Prioris dans les délais requis.



Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par la société Prioris, la cour renvoie à ses écritures.






MOTIFS



Sur la nullité du jugement



En application de l'article 16 du code de procédure civile, alinéas 1 et 3, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire, et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.



En l'espèce, pour débouter la société Prioris de ses demandes, le premier juge a relevé d'office le défaut de fiabilité de la signature électronique de Mme [N] épouse [S] apposée au contrat, et ce, sans inviter la société Prioris à présenter ses observations sur ce point. Ce faisant, le premier juge a violé le principe du contradictoire énoncé à l'article 16 du code de procédure civile, en sorte que le jugement déféré doit être annulé.



En application des dispositions de l'article 562 alinéa du code de procédure civile la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.



Dès lors, il y a lieu de statuer sur les demandes de la société Prioris.



Sur la demande en paiement



Le contrat de location avec option d'achat litigieux a été contracté par voie dématérialisée.



La société Prioris verse aux débats le contrat de location avec option d'achat sur support 'papier' comportant les signatures électroniques de Mme [N] épouse [S] et de M. [S], ainsi qu'un document intitulé 'Convention sur la preuve associée à l'offre de contrat de location avec option d'achat, conditions générales d'utilisation du service de souscription sur support dématérialisé' comportant la signature électronique des locataires, qui énonce les modalités et le déroulement des opérations de conclusion du contrat par voie dématéralisée, et rappelant que la signature électronique est un procédé technique visant à donner aux contrats sur support électronique la même valeur probante qu'aux contrats formalisés sur support 'papier', et que ce procédé permet d'authentifier le signataire, de recueillir son consentement et d'assurer durablement la conservation du document signé dans son intégrité et de manière inaltérable.



Il sera tout d'abord constaté que Mme [N] épouse [S], défaillante en première instance, ne contestait pas avoir signé le contrat, et c'est à tort que le premier juge a soulevé l'absence de fiabilité de la signature électronique de cette dernière, alors que l'intéressée ne l'invoquait pas et ne démontrait pas ce fait.



En outre, l'article 1 de la Convention intitulée 'convention sur la preuve associée à l'offre de contrat de location avec option d'achat, conditions générales d'utilisation du service de souscription sur support dématérialisé' dispose que 'conformément à l'article 1316-1 du code civil, les parties reconnaissent aux documents électroniques signés la qualité de document original et les admettent comme preuve, au même titre que les document établis sur un support papier'.



Aux termes de l'article 3 'Force probante des documents électroniques signés', il est prévu :



' Les parties conviennent et reconnaissent expressément que les documents sur support électronique signés selon le procédé décrit ci-dessus constituent les originaux des documents ; qu'il sont établis et conservés dans des conditions l'intégrité ; qu'ils sont parfaitement valables entre elles et constituent une preuve littérale au sens des article 1364 et suivant du code civil. A cet égard , les parties s'engagent à ne pas contester la recevabilité, l'inopposabilité ou la force probante des éléments contenus dans les documents électroniques signés, sur le fondement de leur seule nature électronique. En conséquence, les documents électroniques visés par les présentes conventions valent preuve de leur contenu, de l'identité du ou des signataires, des conséquence de droit ou de fait qui découlent de chaque document électronique signé'.

Pour les besoin de la gestion ultérieure du présent contrat, dans tous les cas où la consultation électronique ne sera pas possible, il est admis par les parties qu'elles pourront établir des copies sur support papier dénommées 'extraits conventionnels' corespondant à la reproduction littérale de l'original du contrat tel qu'il pourra être visualisé sur l'espace client dédié. Ces copies pourront être utilisées, le cas échéant comme moyen de preuve, dans les conditions admises par la jurisprudence, en l'état du droit positif'



En conséquence, la copie du contrat établie sur support papier, comportant la mention de la signature électronique de Mme [N] épouse [S] et M. [S], fait preuve du contrat, de son contenu, de l'identité des signataires et de leur consentement audit contrat, étant au surplus observé que le véhicule leur a bien été livré en exécution du contrat le 23 avril 2018, qu'il a été restitué par eux pour être vendu aux enchères publiques le 1er juillet 2019, qu'ils ont réglés des loyers, et ont transmis lors de la conclusion du contrat par voie électronique les copie de leur carte nationale d'identité qui figurent également au dossier.



En vertu de l'article L.312-40 du code de la consommation dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 'En cas de défaillance dans l'exécution par l'emprunteur d'un contrat de location assorti d'une promesse de vente ou d'un contrat de location-vente, le prêteur est en droit d'exiger, outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.'



Dans ce cadre, le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour déterminer nonobstant les modalités de fixation initiale de l'indemnité de résiliation, assimilable à une clause pénale, si en se plaçant au moment où il statue, celle-ci a un montant manifestement excessif.



Même si la clause pénale est assimilable à une forme particulière de dommages et intérêts, il n'en demeure pas moins qu'elle doit être justement corrélée à de légitimes considérations d'équité.



Au regard de l'économie du contrat, des loyers payés et du prix de revente du véhicule, l'indemnité de résiliation à hauteur de 22 814,97 va bien au delà de la stricte réparation du préjudice subi par la société Prioris et apparaît en conséquence d'un montant manifestement excessif. Ainsi, cette clause pénale peut être justement réduite à hauteur de 15 000 euros.



Aussi, au regard du décompte de créance arrêtés au 29 août 2019, la créance de la société Prioris s'établit ainsi que suit :



- loyers impayés du 25/09/2018 au 25/01/2019 : 1 850,64 euros,

- indemnité de résiliation réduite d'office : 15 000,00 euros,

- à déduire prix de vente du véhicule : -12 420 euros,

total : 4 430,64 euros



Réformant le jugement déféré, il convient en conséquence de condamner Mme [N] épouse [S] à payer à la société Prioris la somme de 4 430,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2019, date de l'assignation à défaut de réception de la mise en demeure.



Sur les demandes accessoires



Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens mais confirmé en celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile.



Partie perdante, Mme [N] épouse [S] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris les frais de saisie-appréhension du véhicule justifiés à hauteur de 103,72 euros.



Compte tenu de la disparité économique entre les parties, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la société Prioris la charge de ses frais irrépétibles exposés en appel.





PAR CES MOTIFS



La cour statuant par arrêt rendu par défaut ;



Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en celle ayant débouté la société Prioris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Réduit d'office l'indemnité de résiliation à hauteur de 15 000 euros ;



Condamne Mme [O] [N] épouse [S] à payer à la société Prioris la somme de 4 430,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2019 ;



Dit que la société Prioris conservera la charge de ses frais irrépétibles exposés en

appel ;



Condamne Mme [O] [N] épouse [S] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de saisie-appréhension du véhicule à hauteur de 103,72 euros.





Le GreffierLe Président









G. PrzedlackiY. Benhamou

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