21 avril 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/03114

Pôle 6 - Chambre 5

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 21 AVRIL 2022



(n° 2022/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03114 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB22L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/00886





APPELANTE



Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985





INTIMÉS



Monsieur [P] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Anne NACHBAR, avocat au barreau de PARIS



SELARL [C] MJ prise en la personne de Maître [K] [C] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ACE OF TRANSFER

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentée par Me Maria-christina GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère



Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats



ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






EXPOSÉ DU LITIGE



Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2015, M. [P] [J] a été embauché par la société Ace of transfer en qualité de directeur commercial moyennant une rémunération de 3 650 euros pour une durée mensuelle de travail de 139 heures.



Par jugement du 14 juin 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert la liquidation judiciaire de la société Ace of transfer et désigné la SELARLU [C] MJ en qualité de liquidatrice. Celle-ci a notifié les motifs économiques de son licenciement à M. [J] le 28 juin 2017 lequel a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé de sorte que la relation de travail a pris fin le 19 juillet 2017.



L'AGS a refusé de prendre en charge les salaires de M. [J].



M. [J] a alors saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 27 mars 2018 afin d'obtenir la fixation de ses créances de salaires au passif de la liquidation de la société Ace of transfer. Par jugement du 13 janvier 2020 auquel la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section commerce, a :

- fixé la créance de M. [J] au passif de la société Ace of transfer aux sommes suivantes :

- 3 650,01 euros au titre du salaire du mois de juin 2017,

- 2 311,67 euros au titre du salaire du mois de juillet 2017,

- 186,90 euros au titre de l'indemnité de repas de juin 2017,

- 7 740,96 euros au titre des congés payés non pris pour la période du 1er décembre 2015 au 19 juillet 2017,

- 1 211,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3 000 euros de dommages-intérêts en application de l'article 1236-1 du code civil,

- 1 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement opposable à l'AGS, dans les limites de sa garantie,

- débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

- condamné Me [C] ès qualités aux entiers dépens.



L'AGS a régulièrement relevé appel du jugement le 17 avril 2020.



Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant, transmises par voie électronique le 8 juillet 2020, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'UNEDIC, délégation AGS CGEA IDF Est prie la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- déclarer inopposables à l'AGS les dommages-intérêts pour retard de paiement de salaire,

- dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des éventuelles créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15 à L. 3253-21 du code du travail (plafond 5 de l'année 2017),

- statuer ce que de droit sur les dépens.



Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé transmises par voie électronique le 7 octobre 2020 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [J] prie la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'intérêts au taux légal,

- assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2017, subsidiairement à compter de la convocation devant le bureau de jugement,

- fixer sa créance à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.



Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée, tranmsises par voie électronique le 10 juillet 2020 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELARLU [C] MJ ès qualités de liquidatrice de la société Ace of transfer prie la cour d'infirmer le jugement et débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2022.






MOTIVATION



Sur la qualification des relations contractuelles :



La cour rappelle que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail de rapporter la preuve de l'existence d'une activité rémunérée accomplie sous la subordination de l'employeur ; que le lien de subordination se caractérise par le pouvoir de l'employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné et enfin, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif de supporter la charge de la preuve.



L'AGS sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'existence de la relation de travail entre la société Ace of transfer et M. [J] en faisant valoir que :

- M. [J] n'apporte aucun élément sur les prestations effectuées en tant que salarié,

- il n'apporte aucun élément de preuve de son expérience justifiant le salaire élevé qui lui a été octroyé alors qu'en 13 ans, il n'a travaillé que 7 mois,

- il ne justifie pas du versement d'un salaire pendant la période de travail alléguée,

- il ne produit aucun élément sur l'existence d'un lien de subordination,

- Me [C] dans son rapport atteste qu'aucune comptabilité ne lui a été remise afin de vérifier la réalité de l'activité de la société et la société n'a jamais cotisé à l'URSSAF, et fait état de ce que le gérant a indiqué que les locaux avaient été restitués au propriétaire depuis quelques mois lorsque l'activité n'existait plus

- il ressort du contrat de travail que M. [J] travaillait avec M. [U], gérant de la société, coutumier des procédures collectives, interdit de gérer et condamné pour faillite pesonnelle,



M. [J] s'oppose à la demande et sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir que le contrat de travail étant apparent, l'AGS ne rapporte par la preuve du caractère fictif de ce contrat.



La cour observe qu'outre le contrat de travail et les bulletins de salaire, M. [J] verse aux débats son certificat de travail, la DADSU, une liste des salariés de la société Ace of transfer pour le mois de juin 2017 faisant apparaître son nom (page 8) et sa date d'embauche au 1er décembre 2015 ainsi qu'une attestation de l'ancien gérant, confirmant la réalité du contrat de travail et une attestation, certes non conforme à l'article 202 du code de procédure civile, émanant de M. [Z] se présentant comme le directeur général de la société VSP selon laquelle M. [J] était son commercial au sein de la société Ace of transfer pour plusieurs clients. Ces éléments suffisent à établir l'existence d'un contrat de travail apparent, peu important le non respect du formalisme de l'attestation de M. [Z].



Il appartient donc à l'AGS et la SELARLU [C] MJ ès qualités de prouver le caractère fictif du contrat et les élément communiqués n'y suffisent pas, l'absence de présentation de la comptabilité mentionnée dans le rapport du mandataire liquidateur n'étant pas imputable à M. [J] pas plus que les antécédents de faillite personnelle et interdiction de gérer de M. [U]. Par ailleurs, la référence dans ce même rapport à un courriel transmis par le commissaire priseur émanant du dirigeant de la société selon lequel 'aucun actif n'existe pour cette société et que les locaux sis [Adresse 2] ont été restitués à son propriétaire depuis quelques mois, lorsque l'activité n'existait plus', ne suffit pas non plus à établir le caractère fictif du contrat de travail, aucun élément concret ne venant le corroborer.



La cour retient en conséquence l'existence d'un contrat de travail au profit de M. [J].





Sur les demandes financières :



Au vu du contrat de travail et des bulletins de paie des mois de juin et juillet 2017 édités lors de la rupture du contrat de travail, la cour confirme le jugement des chefs suivants :

- rappel de salaire pour le mois de juin 2017 soit une somme de 3 650,01 euros,

- rappel de salaire pour le mois de juillet 2017 soit une somme de 2 311,67 euros brut

- indemnité de repas pour le mois de juin 2017 : 186,90 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés du 1er décembre 2015 au 19 juillet 2017 : 7 740,69 euros,

- indemnité de licenciement : 1 211,80 euros.



S'agissant des intérêts au taux légal,



Les intérêts au taux légal ont été arrêtés par le jugement du 14 juin 2017 ouvrant la liquidation judiciaire de la société Ace of transfer. La demande présentée par M. [J] à ce titre est rejetée et le jugement est confirmé de ce chef.



Sur la demande de dommages-intérêts :



M. [J] soutient que l'inexécution fautive par l'AGS dans le paiement des sommes qui lui sont dues lui a causé un préjudice distinct dont il demande réparation sur le fondement de l'article 1236-1 du code civil. Cependant la mauvaise foi alléguée n'est pas établie de sorte que la demande de dommages-intérêts est rejetée.





Sur la garantie de l'AGS



La présente décision est opposable à l'AGS qui doit sa garantie dans les conditions légales.





Sur les autres demandes



La SCP [C] ès qualités est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [J] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confimé du chef du montant alloué sur ce fondement.







PAR CES MOTIFS



La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,



DÉCLARE la présente décision opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie légale,



DÉBOUTE M. [P] [J] de la demande qu'il présente au titre des intérêts au taux légal et sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil,



Y ajoutant :



CONDAMNE la SELARLU [C] ès qualités de liquidatrice de la société Ace of transfer aux dépens et à verser à M. [P] [J] la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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