20 avril 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/04729

Pôle 5 - Chambre 6

Texte de la décision

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 20 AVRIL 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04729 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUAO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 18/08735





APPELANTE



S.A. SOCIETE GENERALE

RCS de Paris sous le numéro 552 120 222,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, 29 boulevard Haussmann

75009 Paris / France



Représentée par Me Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077





INTIMES



Monsieur [D] [C]

né le 16 février 1962 à AVIGNON (84), de nationalité française

1 chemin du Pin

40180 HINX / FRANCE



Madame [P] [V] épouse [C]

née le 27 juin 1972 à DAX (40), de nationalité française

1 chemin du Pin

40180 HINX / FRANCE





Représentés par Me Garry ARNETON de la SELARL ARLINGTON PARTNERS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0824







COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, chargée du rapport.





Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :





M.Marc BAILLY, Président de chambre,

Mme Pascale LIEGEOIS,Conseillère

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON,Conseillère





Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL









ARRET :



- CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.






*

* *





Selon offre de prêt acceptée le 7 janvier 2002, la société SOCIETE GENERALE a consenti à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] son épouse, un prêt immobilier destiné à financer la construction d'une maison à usage de résidence principale. Ce prêt, d'un montant de 86 439 euros et d'une durée de 240 mois divisée en deux paliers précédée d'une période de différé d'amortissement de 24 mois maximum, était remboursable au taux d'intérêt nominal fixe de 5,40 % l'an.

L'offre de prêt mentionne un taux effectif global de 6,0208 % l'an et un taux de période mensuel de 0,5017 %.



Ce prêt a par la suite fait l'objet de deux avenants successifs.Par avenant du 22 juillet 2013 accepté le 6 août 2013, le taux d'intérêt a été ramené à 3,40 % l'an, et il a été mentionné un taux effectif global de 3,50 % l'an et un taux de période mensuel de 0,2919 %. Par avenant du 4 juin 2015 accepté le 22 juin 2015, le taux d'intérêt a été ramené à 2,20 % l'an, et il a été mentionné un taux effectif global de 2,35 % l'an et un taux de période mensuel de 0,1960 %.



Soutenant que le contrat de prêt et les deux avenants ne respecteraient pas diverses dispositions du code de la consommation, monsieur et madame [C] ont fait assigner la banque à comparaître devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte d'huissier daté du 9 juillet 2018.

' Aux termes de leurs dernières conclusions, pour l'essentiel de leurs prétentions monsieur et madame [C] poursuivaient à titre principal la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels du prêt initial et des deux avenants, à titre subsidiaire la nullité de la clause de stipulation d'intérêts de l'ensemble des prêts et de l'avenant litigieux, et demandaient au tribunal de condamner la banque, en conséquence de cette déchéance, à leur restituer le montant des intérêts indûment perçus et à leur communiquer un nouveau tableau d'amortissement.



' Aux termes de ses dernières conclusions, en ses prétentions essentielles la SOCIETE GENERALE demandait au tribunal de déclarer irrecevable comme étant prescrite l'action de monsieur et madame [C] ; à titre subsidiaire pour le contrat initial et à titre principal pour les avenants, de dire et juger monsieur et madame [C] défaillants à rapporter la preuve du caractère erroné du taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt inital et dans les avenants, conforme aux exigences prévues par le code de la consommation (...) ; à titre très subsidiaire, la seule sanction civile d'un taux effectif global étant la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, de dire et juger qu'une éventuelle réduction du taux d'intérêt applicable au contrat de prêt ne saurait excéder la réparation du préjudice subi par monsieur et madame [C] - dont ils ne rapportent par ailleurs pas la preuve ; en tout état de cause, les débouter de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions.



Par jugement en date du 26 septembre 2019 le tribunal a :



- Déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] au titre du contrat de prêt du 7 janvier 2002 ;



- Condamné la société SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,54 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, de l'avenant du 22 juillet 2013, depuis sa date d'effet jusqu'à la date d'effet de l'avenant conclu le 22 juin 2015 ;



- Condamné la société SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue à la date de la présente décision, de l'avenant du 4 juin 2015 depuis sa date d'effet;



- Dit que, s'agissant des échéances mensuelles de l'avenant du 4 juin 2015 à échoir à compter de la présente décision, leur montant sera diminué de la somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité ;



- Ordonné à la société SOCIETE GENERALE de communiquer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] deux échéanciers conformes à ces dispositions ;



- Débouté monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] du surplus de leurs demandes ;



- Condamné la société SOCIETE GENERALE aux dépens ;



- Autorisé la SELARL ARLINGTON PARTNERS à recouvrer directement contre la société SOCIETE GENERALE les frais compris dans les dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;



- Condamné la société SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Ordonné l'exécution provisoire.





Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 mars 2020, la société SOCIETE GENERALE a interjeté appel de ce jugement. Au terme de la procédure d'appel clôturée le 18 janvier 2022 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.





Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 décembre 2021 l'appelant



demande à la cour,



'Vu l'article L. 110-4 du code de commerce,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 1304 et 1907 du code civil,

Vu les articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation'



de bien vouloir :



'- A titre principal



Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 septembre 2019 en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par monsieur [D] [C] et madame [P] [C] née [V] au titre du contrat de prêt du 7 janvier 2002 ;



Dire et juger que les avenants en date du 22 juillet 2013 et du 4 juin 2015 n'ont pas emporté novation de l'offre de prêt initiale ;



Dire et juger que l'action de monsieur [D] [C] et madame [P]

[C] née [V] est manifestement prescrite en ce qu'elle tendrait à obtenir la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels à titre principal, et la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels à titre subsidiaire, s'agissant des avenants en date du 22 juillet 2013 et du 4 juin 2015 ;



En conséquence,



Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 septembre 2019 en ce qu'il a :



- condamné SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,54 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, de l'avenant du 22 juillet 2013, depuis sa date d'effet jusqu'à la date d'effet de l'avenant conclu le 22 juin 2015 ;



- condamné SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, à la date de la présente décision, de l'avenant du 4 juin 2015, depuis sa date d'effet ;



- dit que s'agissant des échéances mensuelles de l'avenant du 4 juin 2015 à échoir à compter de la présente décision, leur montant sera diminué de la somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité ;





- condamné SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;



-Déclarer irrecevable comme prescrite l'action de à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] ;



- A titre subsidiaire



Dire et juger que monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] n'apportent nullement la preuve du caractère erroné du TEG mentionné dans l'offre de prêt et les avenants ;



Dire et juger que le TEG mentionné dans l'offre de prêt et les avenants est conforme aux exigences prévues par le code de la consommation ;



En conséquence,



Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 septembre 2019 en ce qu'il a :



- condamné SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,54 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, de l'avenant du 22 juillet 2013, depuis sa date d'effet jusqu'à la date d'effet de l'avenant conclu le 22 juin 2015 ;



- condamné SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, à la date de la présente décision, de l'avenant du 4 juin 2015, depuis sa date d'effet ;



- dit que s'agissant des échéances mensuelles de l'avenant du 4 juin 2015 à échoir à compter de la présente décision, leur montant sera diminué de la somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité ;

- condamné SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;



Débouter monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;



- A titre très subsidiaire



Dire et juger que la sanction d'un TEG erroné mentionné dans une offre portant sur un prêt soumis aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation consiste en la déchéance éventuelle, totale ou partielle, du droit de percevoir les intérêts au taux contractuel et aucunement en la nullité de la clause d'intérêts ;



Dire et juger que monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] ne démontrent nullement avoir subi un quelconque préjudice ;



Dire et juger que le prétendu caractère erroné du TEG mentionné dans un avenant permettant la baisse du taux d'intérêts ne cause aucun préjudice à l'emprunteur ;



En conséquence,



Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a prononcé la déchéance partielle du droit de la banque aux intérêts des avenants du 22 juillet 2013 et du 4 juin 2015, et condamné la banque au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;



Débouter monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;



- En tout état de cause



Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 septembre 2019 en ce qu'il a :



- condamné SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,54 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, de l'avenant du 22 juillet 2013, depuis sa date d'effet jusqu'à la date d'effet de l'avenant conclu le 22 juin 2015 ;



- condamné SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, à la date de la présente décision, de l'avenant du 4 juin 2015, depuis sa date d'effet ;



- dit que s'agissant des échéances mensuelles de l'avenant du 4 juin 2015 à échoir à compter de la présente décision, leur montant sera diminué de la somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité ;



- condamné SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;



Débouter monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;



Condamner monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] au paiement, au profit de SOCIETE GENERALE, d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement de l'ensemble des dépens.'





Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 11 août 2020, les intimés, monsieur et madame [C]



demandent à la cour,



'Vu les articles L. 313-1 et suivants et R. 313-1 du code de la consommation,

Vu les articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation,

Vu l'article 1709 du code civil,

Vu l'article 515 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,'



de bien vouloir :



'Débouter purement et simplement la SOCIETE GENREALE de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,



Confirmer que les TEG indiqués dans les avenants successifs à l'offre initiale de prêt sont erronés ;



Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] au titre du contrat de prêt du 7 janvier 2002 ;



Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes formulées par monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C];



Y faisant droit et statuant à nouveau :



A titre principal :



Prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts de la SOCIETE GENERALE au titre du prêt en cause (offre de prêt initial et avenants successifs) ;



Condamner la SOCIETE GENERALE à restituer aux époux [C] le montant des intérêts indument percus en conséquence de la déchéance totale du droit aux intérêts ;



Ordonner à la SOCIETE GENERALE de communiquer aux époux [C] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de la dechéance totale du droit aux intérêts;



A titre subsidiaire :



Prononcer la nullité des stipulations d'intérêts conventionnels du prêt en cause (offre de prêt initial et avenants successifs) ;



Ordonner la substitution des taux conventionnels aux taux légaux en vigueur à la date d'acceptation de chaque offre sans que ceux-ci ne puissent excéder 1,00 % ;



Condamner la SOCIETE GENERALE à restituer aux époux [C] le montant des intérêts indûment percus en conséquence de la nullité de la stipulation d'intérêts ;



Ordonner à la SOCIETE GENERALE de communiquer aux époux [C] un nouveau d'amortissement établi sur la base du taux légal applicable au dernier avenant sans que celui-ci ne puisse excéder 1,00 % ;



A titre infiniment subsidiaire :



Prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts de la SOCIETE GENERALE pour un montant de 20 000 euros, sous réserve de la libre appréciation de la Cour de céans ;



Ordonner à la banque SOCIETE GENERALE de communiquer aux consorts [C] de nouveaux tableaux d'amortissement en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts ;



En tout état de cause :



Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;



Condamner la SOCIETE GENERALE à payer aux époux [C] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamner la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la SELARL ARLINGTON-PARTNERS, représentée par Maitre Garry ARNETON, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'





Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur les demandes au titre du prêt du 7 janvier 2002



En droit, qu'il soit engagé l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, comme le font monsieur et madame [C] à titre principal, ou l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, telle qu'ils l'exercent à titre subsidiaire, la question de la prescription, désormais quinquennale pour l'une et l'autre action, est susceptible de se poser au regard d'un fondement textuel qui n'est toutefois pas le même dans l'un et l'autre cas, quand bien même au final le point de départ de la prescription sera fixé selon un raisonnement analogue.



Ainsi, en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale - anciennement décennale, antérieurement à la loi du 17 juin 2008 - prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, la prescription courant à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur relative au taux effectif global.



Par ailleurs, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, qui vise à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relèverait du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de cette erreur à l'emprunteur.



En l'espèce, monsieur et madame [C] insistent sur le fait qu''entièrement profanes, l'un comme l'autre, en matière économique et financière, ils ont aveuglément fait confiance à leur établissement de crédit et n'ont pas pu évaluer ou déterminer les erreurs contenues dans le contrat qu'ils ont ratifié', avant d'écrire (en gras et souligné dans le texte): 'Autrement dit, à ce titre, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où les emprunteurs auraient dû connaître l'erreur alléguée'.

Ils ne disposaient pas des compétences techniques nécessaires, le calcul du taux effectif global étant d'une particulière complexité, pour évaluer l'ampleur de l'erreur de l'établissement de crédit.



Or l'offre de prêt acceptée le 7 janvier 2022 comporte des mentions suffisamment précises, sous une présentation accessible, permettant à un lecteur même profane, concrètement, de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour calculer le taux effectif global et donc, a contrario, quels sont ceux qui n'ont pas été inclus.



En effet, l'offre de prêt détaille, en page 7, le montant des frais ayant été pris en compte dans le calcul du taux effectif global (outre un tableau, en page 2, indiquant le coût total du crédit et notamment le coût de l'assurance DIT obligatoire et facultative).

En avant dernière page figure un tableau récapitulant le détail des frais spécialement liés aux garanties pris en compte pour le calcul du taux effectif global. De plus, l'article 8 A in fine des conditions générales annexées à l'offre de prêt, stipule que le coût de l'assurance facultative n'est pas compris dans le taux effectif global.



En outre, toujours en page 7, il apparaît le paragraphe suivant :



'TAUX EFFECTIF GLOBAL

Pour satisfaire aux prescriptions des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation (...) la SOCIETE GENERALE informe l'emprunteur que :

(...)

b) le taux du prêt assurance comprise (intérêts + cotisation d'assurance, calculée sur 100% du montant du prêt) + frais de dossier + frais annexes le cas échéant, ressort à 5,7862%

(....)'



Ainsi les emprunteurs, au prix de la lecture attentive et exhaustive qu'il est légitime d'attendre de personnes s'engageant pour au moins 20 ans, sans avoir besoin d'aucune compétence en science mathématique ou financière étaient en mesure de se convaincre de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulte nécessairement des 'omissions' ou anomalies alléguées, en l'espèce l'absence de prise en compte en leur entièreté des frais de l'assurance décès invalidité, dans l'assiette de calcul du taux effectif global.



Le délai de prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts pour erreur de calcul affectant le taux effectif global ' ou de l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, exploitant les mêmes griefs ' a donc commencé à courir au jour de l'acceptation de l'offre le 7 janvier 2007 et non pas de manière différée, tel que le soutiennent monsieur et madame [C], à une date d'ailleurs assez mal déterminée puisqu'ils ne présentent à la cour aucune analyse mathématique, les pièces versées aux débats (pièces 7 et 8) se rapportant aux seuls avenants.



Comme ils l'écrivent eux-mêmes le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où les emprunteurs auraient dû connaître l'erreur alléguée, et monsieur et madame [C] ne justifient d'aucun élément ou circonstance qui aurait pour effet de différer le point de départ de la prescription à une autre date que celle de l'acceptation de l'offre.



Il sera ici rappelé que toute prescription répond à un impératif de sécurité juridique et que son point de départ ne saurait être artificiellement retardé par l'emprunteur, sauf à lui conférer un caractère purement potestatif.



A la date de l'assignation délivrée à la banque le 9 juillet 2018 l'action en nullité de la stipulation d'intérêt et l'action en déchéance du droit de la banque à se prévaloir des intérêts conventionnels étaient donc l'une et l'autre déjà prescrites, depuis le 7 janvier 2007 pour la première, et depuis le 19 juin 2013 en ce qui concerne la seconde, par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription.



En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables comme étant prescrites, l'ensemble des demandes de monsieur et madame [C] au titre d'une inexactitude du taux effectif global affiché dans l'offre de prêt qu'ils ont acceptée le 7 janvier 2002.





Sur les demandes au titre des avenants



Sur la prescription



La banque appelante estime que la prescription s'étend aux avenants, puisqu'en l'absence de novation ils forment un tout avec le contrat initial.



Or, les avenants stipulant un nouveau taux d'intérêt conventionnel et un nouveau taux effectif global, l'éventuelle prescription des demandes de monsieur et madame [C] s'y rapportant doit s'apprécier par rapport aux dates des avenants et non pas au regard de la date de conclusion du contrat de prêt initial, peu important en cela, que les parties aient expressément spécifié que ces avenants n'emportent pas novation.



Les avenants ayant été acceptés le 6 août 2013 et le 22 juin 2015, l'assignation, datée du 9 juillet 2018, a bien été délivrée avant que n'expire le délai de prescription quinquennale prévu par la loi.



Le jugement déféré sera donc confirmé en ce que le tribunal a considéré comme recevable la demande de monsieur et madame [C] concernant les avenants au contrat de prêt.







Sur le fond



Le premier juge, après avoir rappelé avec rigueur et exactitude les principes gouvernant la détermination du taux effectif global ainsi que les règles relatives à la charge de la preuve de son caractère erroné, a réalisé un examen attentif des pièces fournies et fait une analyse pertinente et exhaustive des faits de la cause.



En particulier, si l'annexe à l'article R. 313-1, ancien, du code de la consommation n'a pour objet que de définir la méthode dite 'd'équivalence' de calcul du taux effectif global visée par ce texte, et non la méthode dite 'proportionnelle' seule applicable aux crédits immobiliers, la précision figurant au paragraphe d) de cette annexe, aux termes duquel le résultat du calcul de ce taux est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale, est d'application générale et impose à l'emprunteur, pour l'ensemble des contrats de prêt et quelle que soit la méthode de calcul du taux effectif global dont ils relèvent, de démontrer que l'erreur alléguée entraîne un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans l'offre ou le contrat.



Monsieur et madame [C] comme en première instance soutiennent que la banque a omis d'intégrer les frais de l'assurance décès invalidité obligatoire, au calcul des taux effectifs globaux. Monsieur et madame [C] sur la foi du rapport de leur analyste la société RCL EXPERTS ET CONSEILS revendiquent un taux effectif global de 4,04 % au lieu de 3,50 % s'agissant du premier avenant, soit un écart de 0,54 % et un taux effectif global de 3,02 % au lieu de 2,35 % s'agissant du second, soit un écart de 0,67 %.



Comme retenu par le premier juge il est établi que les primes d'assurances, de 17,29 euros par mois n'ont pas été intégrées dans l'assiette du taux effectif global.

A cet égard les intimés relèvent avec pertinence que le faible écart entre le taux d'intérêt et le taux effectif global correspond à la prise en compte des frais de dossier et de renégociation, uniquement, et cela qu'il s'agisse du premier avenant ou du second.



Il s'agit bien de l'assurance obligatoire exigée de monsieur [C], de sorte que les développements de l'appelant sur le caractère facultatif de l'assurance souscrite par madame [C] sont inopérants.



Le premier juge a pu également à bon droit écrire 'Toutefois la banque ne peut soutenir ne pas être tenue d'intégrer les frais d'assurance au calcul du taux effectif global dans un avenant dès lors que l'article L.312-14-1 du code de la consommation précise qu'en cas de renégociation du prêt l'avenant comprend le taux effectif global calculé sur la base des échéances et frais à venir et que cette assurance est une condition d'octoi du prêt.'



En effet, dans le cas où les parties, sans qu'il ne soit question de l'octroi de nouveaux fonds, ont entendu modifier les modalités d'exécution du contrat de prêt initial postérieurement à sa conclusion, hypothèse particulière dans laquelle il n'y a pas à proprement parler d'opération de crédit, trouve application l'article L. 312-4-1 ancien du code de la consommation, en vertu duquel en cas de renégociation du prêt, les modifications du prêt initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant, et cet avenant comprend d'une part, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé et d'autre part, le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculé sur la base des seules échéances et frais à venir.



Comme l'a exactement indiqué le tribunal, la banque était tenu d'intégrer les frais d'assurance au calcul du taux effectif global, et faute de l'avoir fait, ceux mentionnés dans les avenants sont nécessairement erronés.



C'est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que le tribunal a ensuite fait observer que la banque, qui ne propose aucun calcul, est malvenue à critiquer le caractère lacunaire du rapport de ses contradicteurs.



Les deux rapports sur lesquels s'appuient monsieur et madame [C] rappellent la formule dûment utilisée pour le calcul du taux effectif global, et ne font pas erreur sur les données des avenants, de sorte que la critique de pur principe opposée par la banque, laquelle n'allègue même pas de la fausseté des résultats obtenus par l'analyste, est insuffisante à les priver de toute force probante.



Au final il doit être retenu que monsieur et madame [C] rapportent la preuve suffisante d'une erreur affectant l'exactitude du taux effectif global affiché dans chacun des avenants au contrat de prêt.



En droit, la déchéance du droit du prêteur aux intérêts du prêt constitue la seule sanction applicable, et son étendue est déterminée en fonction du préjudice réellement subi par les emprunteurs.



Contrairement à ce que soutient la SOCIETE GENERALE, ce préjudice ne disparaît pas du seul fait que la renégociation du prêt a conduit à un taux d'intérêt plus avantageux pour les emprunteurs.



La cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, à hauteur de 2 000 euros pour chacun des avenants.



Le jugement déféré, confirmé sur le principe de la sanction, est infirmé quant à son appréciation.



Sur les dépens et frais irrépétibles



La banque appelante, qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des entiers dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande des intimés formulée sur ce même fondement, dans la limite de la somme de 2 500 euros.







PAR CES MOTIFS





La cour, statuant dans les limites de l'appel,



CONFIRME le jugement déféré,



-en ce que le tribunal a déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] au titre du contrat de prêt du 7 janvier 2002 ;



-en ce que recevant la demande de monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C], le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société SOCIETE GENERALE au titre des avenants émis les 22 juillet 2013 et 4 juin 2015 ;



-en ce que la société SOCIETE GENERALE a été condamnée aux dépens et la SELARL ARLINGTON PARTNERS autorisée à recouvrer directement contre la société SOCIETE GENERALE les frais compris dans les dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;



-en ce que la société SOCIETE GENERALE a été condamnée à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



INFIRME le jugement déféré en ce que le tribunal a :



-condamné la société SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,54 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue, de l'avenant du 22 juillet 2013, depuis sa date d'effet jusqu'à la date d'effet de l'avenant conclu le 22 juin 2015 ;



-condamné la société SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] une somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à chaque échéance mensuelle, échue à la date de la présente décision, de l'avenant du 4 juin 2015 depuis sa date d'effet ;



-dit que, s'agissant des échéances mensuelles de l'avenant du 4 juin 2015 à échoir à compter de la présente décision, leur montant sera diminué de la somme correspondant au douzième du taux de 0,67 % appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité ;



-ordonné à la société SOCIETE GENERALE de communiquer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] deux échéanciers conformes à ces dispositions ;





Et statuant à nouveau des chefs infirmés :





CONDAMNE la société SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] la somme de 2 000 euros au titre de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels en raison du caractère erroné du taux effectif global contenu dans chacun des avenants émis les 22 juillet 2013 et 4 juin 2015 ;





CONDAMNE la société SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [D] [C] et madame [P] [V] épouse [C] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles d'appel ;





DÉBOUTE la société SOCIETE GENERALE de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;





CONDAMNE la société SOCIETE GENERALE aux dépens.







LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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