21 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.318

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00529

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 avril 2022




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 529 F-D

Pourvoi n° K 20-21.318





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 AVRIL 2022

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la plateforme industrielle courrier Paris-Est Lognes, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-21.318 contre le jugement statuant selon la procédure accélérée au fond rendu le 7 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Meaux (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société La Poste, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du CHSCT de la plateforme industrielle courrier Paris-Est Lognes, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Meaux, 7 octobre 2020), les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) de la plateforme industrielle courrier Paris-Est Lognes (PIC de Lognes) ont, dans le contexte du développement de l'épidémie de Covid-19, par une délibération du 7 mai 2020 réitérée le 5 juin suivant, voté le recours à une expertise pour risque grave sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail. Ils ont désigné le cabinet E 3 Conseil avec une mission comprenant la détermination des risques pour les postiers de leurs conditions de travail au regard des connaissances actuelles sur la Covid-19, des propositions de préconisations propres à minimiser les risques de transmission du virus entre agents et à créer des conditions de travail respectueuses de la santé physique et mentale de ces derniers.

2. Par acte d'huissier du 7 juillet 2020, la société La Poste a fait assigner le CHSCT selon la procédure accélérée au fond pour faire annuler cette délibération.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le CHSCT fait grief au jugement d'annuler la délibération litigieuse, alors :

« 1°/ que le risque grave auquel est subordonné le recours à l'expertise s'apprécie au regard de la seule situation des travailleurs ; qu'en retenant qu'il y avait lieu de prendre en compte, pour apprécier l'existence d'un risque grave sur le site de la plateforme industrielle courrier Paris-Est Lognes PIC de Lognes, la mission de service public dévolue à La Poste, le président du tribunal a violé les articles L. 4612-1, L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail ;

2°/ qu'il appartient au juge saisi d'un recours tendant à l'annulation de la délibération d'un CHSCT décidant une expertise pour risque grave d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le comité pour caractériser le risque ; qu'en écartant l'existence d'un risque grave après avoir refusé de prendre en compte le risque lié à une transmission de la Covid-19 par contact avec des surfaces inertes au motif inopérant que ce mode de transmission, reconnu par l'OMS, n'était pas au nombre de ceux actés par le gouvernement français, le président du tribunal judiciaire a statué par un motif impropre à justifier sa décision et violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail ;

3°/ que les mesures de prévention éventuellement mises en oeuvre par l'employeur ne permettent pas d'écarter l'existence d'un risque grave justifiant le recours à une expertise lorsque ces mesures se révèlent inefficaces et que subsiste un danger pour la santé et la sécurité des salariés ; qu'en retenant qu'aucun risque ne pouvait être retenu au titre du non-respect de la distanciation physique quand il résultait de ses constatations qu'en dépit des mesures de prévention prises par l'employeur, les distances physiques n'étaient pas respectées entre les agents de la PIC de Lognes, le président du tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail ;

4°/ que les juges doivent motiver leurs décisions ; qu'en retenant que l'absence de protocole de lavage des mains n'était pas de nature à accroître le risque de transmission du SRAS-Cov-2 sans indiquer sur quels éléments reposait une telle affirmation, le président du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges doivent motiver leurs décisions ; qu'en écartant tout risque au titre de l'insuffisance des mesures de nettoyage et de désinfection sans répondre au moyen du CHSCT qui faisait valoir que les agents de la PIC de Lognes n'avaient bénéficié d'aucune formation pour apprendre à désinfecter leur espace de travail, le président du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, le tribunal judiciaire qui a constaté que, tenue de prévenir autant que possible l'exposition de ses agents au virus SARS-Cov-2 à l'origine de la maladie Covid-19 en considération des modes de transmission faisant l'objet d'un consensus sur le territoire français, la société La Poste avait rendu le port du masque obligatoire et avait pris des mesures de désinfection, d'information et d'organisation de nature à assurer les conditions de distanciation sociale et d'hygiène conformes aux recommandations du gouvernement, de sorte qu'elle avait pris des mesures de prévention adaptées et que l'existence d'un risque grave, au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail, demeuré applicable à La Poste, n'était en conséquence pas caractérisée, abstraction faite du motif surabondant visé par la première branche du moyen, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Poste à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 600 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT de la plateforme industrielle courrier Paris-Est Lognes


Le CHSCT de la PIC de Lognes fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la délibération votée le 7 mai, confirmée le 5 juin 2010, décidant le recours à une mesure d'expertise pour risque grave.

1° ALORS QUE le risque grave auquel est subordonné le recours à l'expertise s'apprécie au regard de la seule situation des travailleurs ; qu'en retenant qu'il y avait lieu de prendre en compte, pour apprécier l'existence d'un risque grave sur le site de la PIC de Lognes, la mission de service public dévolue à La Poste, le président du tribunal a violé les articles L. 4612-1, L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.

2° ALORS QU'il appartient au juge saisi d'un recours tendant à l'annulation de la délibération d'un CHSCT décidant une expertise pour risque grave d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le comité pour caractériser le risque ; qu'en écartant l'existence d'un risque grave après avoir refusé de prendre en compte le risque lié à une transmission de la Covid-19 par contact avec des surfaces inertes au motif inopérant que ce mode de transmission, reconnu par l'OMS, n'était pas au nombre de ceux actés par le gouvernement français, le président du tribunal judiciaire a statué par un motif impropre à justifier sa décision et violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.

3° ALORS QUE les mesures de prévention éventuellement mises en oeuvre par l'employeur ne permettent pas d'écarter l'existence d'un risque grave justifiant le recours à une expertise lorsque ces mesures se révèlent inefficaces et que subsiste un danger pour la santé et la sécurité des salariés ; qu'en retenant qu'aucun risque ne pouvait être retenu au titre du non-respect de la distanciation physique quand il résultait de ses constatations qu'en dépit des mesures de prévention prises par l'employeur, les distances physiques n'étaient pas respectées entre les agents de la PIC de Lognes, le président du tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.

4° ALORS QUE les juges doivent motiver leurs décisions ; qu'en retenant que l'absence de protocole de lavage des mains n'était pas de nature à accroître le risque de transmission du SRAS-Cov2 sans indiquer sur quels éléments reposait une telle affirmation, le président du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile.

5° ALORS QUE les juges doivent motiver leurs décisions ; qu'en écartant tout risque au titre de l'insuffisance des mesures de nettoyage et de désinfection sans répondre au moyen du CHSCT qui faisait valoir que les agents de la PIC de Lognes n'avaient bénéficié d'aucune formation pour apprendre à désinfecter leur espace de travail, le président du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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