21 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.826

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00513

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 avril 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 513 F-D

Pourvoi n° Z 20-22.826




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 AVRIL 2022

Mme [R] [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-22.826 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-3), dans le litige l'opposant à la société Auchan France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 septembre 2020), Mme [W], engagée par la société Auchan le 13 avril 2008 en qualité d'hôtesse de caisse, a été déclarée inapte à la reprise de son poste par la médecine du travail à l'issue d'un second examen en date du 20 octobre 2014. Elle n'a pas accepté le poste de reclassement d'hôtesse de caisse en caisse minute, qui lui a été proposé par l'employeur, puis n'a pas fait l'objet d'un autre reclassement ou d'un licenciement.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment le paiement des salaires courants depuis le 20 novembre 2014 et la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le premier et le troisième moyens, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre des primes de progrès des trimestres 1, 2, 3 et 4 de l'année 2018 et des primes des trimestres 1, 2, 3 et 4 de l'année 2019, alors « que l'employeur doit rapporter la preuve du paiement du salaire indépendamment de la délivrance de bulletins de paye ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande au titre des primes de progrès, la cour d'appel a relevé qu'elle ne démontrait pas avoir été privée du paiement de cette prime en ne versant pas aux débats les bulletins de salaire antérieurs ou postérieurs à l'année 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil :

5. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

6. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement des primes trimestrielles de progrès pour les années 2018 et 2019, l'arrêt retient que celle-ci ne verse aux débats aucun de ses bulletins de salaire antérieurs ou postérieurs à l'année 2018 et ainsi ne démontre pas avoir été privée du versement de cette prime.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'elle ne remettait pas en cause l'existence de la prime revendiquée de sorte qu'il incombait à l'employeur de rapporter la preuve de son paiement, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [W] de sa demande au titre des primes de progrès des trimestres 1, 2, 3, et 4 de l'année 2018 et des primes des années 1, 2, 3 et 4 de l'année 2019, l'arrêt rendu le 25 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Auchan France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Auchan France à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat aux Conseils, pour Mme [W]

Premier moyen de cassation

Mme [W] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 15 novembre 2019 ;

1°) Alors qu'après l'ordonnance de clôture, sont recevables les demandes de révocation de celle-ci pour cause grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté Mme [W] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture aux motifs que formulée quelques jours avant l'audience, elle apparaît tardive ; que Mme [W] pouvait pourtant solliciter la révocation de l'ordonnance de clôture dès lors que celle-ci avait été prononcée, peu important la date de cette demande ; que la cour d'appel a donc violé les articles 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 783 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2°) Alors que l'ordonnance de clôture peut être révoquée s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [W] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a considéré que la grève des avocats et la crise sanitaire étaient des éléments étrangers à l'affaire et ne constituaient donc pas des causes graves au sens de l'article 784 du code de procédure civile ; qu'en ajoutant ainsi à cet article une condition qu'il ne prévoyait pas, la cour d'appel l'a violé ;

3°) Alors que les parties ont le droit de refuser la procédure sans audience proposée par le juge, si bien que peut constituer une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture le délai excessif écoulé entre la clôture et l'audience, peu important le refus opposé par une partie à une procédure sans audience ; qu'en l'espèce, Mme [W] a fait valoir qu'il s'était passé près de 10 mois entre la clôture et l'audience (conclusions du 28 août 2020, p 4, § 4), ce qui constituait une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture ; que la cour d'appel a débouté Mme [W] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture sans examiner ce moyen, relevant seulement par un motif inopérant que Mme [W] avait refusé la procédure sans audience le 30 avril 2020 ; qu'en statuant ainsi, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et 784 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en l'espèce.

Deuxième moyen de cassation

Mme [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande au titre des primes de progrès des trimestres 1, 2, 3 et 4 de l'année 2018 et des primes des trimestres 1, 2, 3 et 4 de l'année 2019 ;

1°) Alors que l'employeur doit rapporter la preuve du paiement du salaire indépendamment de la délivrance de bulletins de paye ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [W] de sa demande au titre des primes de progrès, la cour d'appel a relevé qu'elle ne démontrait pas avoir été privée du paiement de cette prime en ne versant pas aux débats les bulletins de salaire antérieurs ou postérieurs à l'année 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1353 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2°) Alors que les juges ne peuvent rejeter une prétention d'une partie sans avoir examiné les pièces produites par celle-ci à l'appui de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté Mme [W] de sa demande de condamnation de la société Auchan en paiement des primes de progrès pour les années 2018 et 2019 sans avoir examiné les pièces produites à l'appui de cette demande, notamment des bordereaux de versement de sa prime de progrès établis le 16 mars 2017 et le 14 décembre 2017 ; que la cour d'appel a donc violé l'article 455 du code de procédure civile.

Troisième moyen de cassation

Mme [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande au titre de son épargne salariale et de son abondement ;

Alors que l'employeur est, dès la souscription d'un plan d'épargne d'entreprise, tenu à une obligation d'information qui porte sur l'existence de ce plan, son contenu et les éventuelles modifications apportées ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [W] de sa demande tendant à la condamnation de la société Auchan à justifier de la situation de son épargne salariale et de son abondement, la cour d'appel a considéré qu'elle ne démontrait pas la mise à l'écart dont elle se prévalait ni avoir adressé la moindre demande d'information à son employeur sur la situation de son épargne ; qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur tenu d'une obligation d'information devait établir qu'il l'avait exécutée, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce et L 3332-7 du code du travail.

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