19 avril 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/20804

Pôle 4 - Chambre 4

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4



ARRÊT DU 19 AVRIL 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20804 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6L6O



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mai 2018 -Tribunal d'Instance de PARIS 12ème - RG n° 11-18-000027





APPELANT



Monsieur [F] [S]

Né le 20 février 1953

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par Me Stephen CHAUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1235





INTIMEE



EPIC [Adresse 7]

agissant poursuites et diligences en la personne de son Directeur Général y domicilié

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0069



ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BELLIGAUD, avocat au barreau de Paris, toque: E1971





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. François BOUYX, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Michel CHALACHIN, président de chambre

Mme Marie MONGIN, conseillère

M. François BOUYX, conseiller



qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Mme Cynthia GESTY



ARRÊT : contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. Michel CHALACHIN, président et par Mme Cynthia GESTY, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




******

FAITS ET PROCÉDURE



Par acte sous seing privé du 6 décembre 1965, l'office public d'habitation à loyer modéré de la ville de Paris, aujourd'hui l'établissement public à caractère industriel et commercial [Adresse 7], a donné en location à Monsieur [Z] [S] un appartement sis 34 rue de la Véga, hall 8, 1er étage droite, dans le 12ème arrondissement de Paris.



Madame [N] [D] épouse [S] était cotitulaire du bail en application de l'article 1751 du code civil.



Le 24 mars 1977, [Adresse 7] a donné à bail à M. [Z] [S] un [Adresse 5], aujourd'hui [Adresse 6].



M. [Z] [S] est décédé.



Mme [D] veuve [S] est devenue seule titulaire des baux par avenants des 26 avril 2009 et 30 novembre 2009.



Mme [D] est décédée le 6 février 2017.



Monsieur [F] [S], fils de Mme [D], a sollicité le transfert du bail à son profit qui lui a été refusé le 29 juin 2017 au motif qu'il ne remplissait par les conditions de cohabitation et que le logement n'était pas adapté à la taille du ménage.



M. [F] [S] s'étant maintenu dans les lieux après le refus du transfert de bail, [Adresse 7] l'a fait assigner devant le tribunal d'instance du 12ème arrondissement de Paris par acte d'huissier du 14 décembre 2017 afin d'obtenir la résiliation des baux du fait du décès de Mme [D], la constatation du fait que M. [F] [S] ne remplit pas les conditions nécessaires au transfert du bail et qu'il est occupant sans droit ni titre, son expulsion et sa condamnation à verser une indemnité d'occupation ainsi que des dommages et intérêts.



Par jugement du 2 mai 2018, cette juridiction a ainsi statué :



Dit que M. [F] [S] ne justifie pas des conditions pour se voir transférer le bail consenti le 6 décembre 1965 sur l'appartement sis [Adresse 6] et ne peut se voir transférer le bail consenti le 24 mars 1977 sur l'emplacement de [Adresse 6],



Constate la résiliation à la date du 6 février 2017 de ces contrats de baux du fait du décès de Mme [N] [D], veuve [S],



Accorde à M. [F] [S] un délai de six mois à compter de la délivrance du commandement d'avoir à quitter les lieux prévu à l'article L. 524-1 du code des procédures civiles d'exécution pour laisser ces locaux libres de toute occupation,



En conséquence,



À l'expiration de ce délai, ordonne l'expulsion de M. [F] [S] ainsi que de tous occupants de son fait, au besoin avec l'assistance de la force publique faute de départ volontaire,



Dit qu'à défaut, par M. [F] [S] d'avoir libéré les lieux loués dans les délais impartis, [Adresse 7] est autorisé à faire transporter les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tout garde-meubles de son choix, aux frais, risques et frais de M. [S].



Fixe le montant de l'indemnité d'occupation à un montant égal aux loyers et charges que M. [S] aurait payés en cas de non-résiliation du bail à compter du 6 février 2017 et jusqu'à la complète libération des lieux, et condamne M. [S] à en acquitter le paiement intégral,



Rejette le surplus des demandes,



Condamne M. [F] [S] aux entiers dépens de la présente instance,



Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.



Le 12 septembre 2018, M. [F] [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe par la voie électronique.



Par conclusions notifiées par la voie électronique le 6 décembre 2021, il demande à la cour de :



Infirmer le jugement du 2 mai 2018 en ce qu'il a dit que Monsieur [F] [S] ne remplissait pas des conditions de l'article 14 et de l'article 40 de la loi du 6 juillet 1989 relatifs au transfert de bail, pour le bail du 6 décembre 1965 du 34 rue de la Véga [Localité 2], et en ce qu'il a prononcé l'expulsion de Monsieur [F] [S] par Paris Habitat sans proposition de relogement avec un délai de 6 mois suivant commandement de quitter les lieux,



Et statuant à nouveau,



Dire et juger que le bail du 6 décembre 1965 signé par Monsieur [Z] [S], dont la cotitularité du bail de plein droit par Madame [N] [S] par acte du 26 avril 2009, est transféré à Monsieur [F] [S],



À titre subsidiaire,



Constater que Monsieur [S] réside désormais [Adresse 3] depuis mi-

septembre 2021 suivant bail du 2 août 2021,



Condamner Paris Habitat à lui payer la somme de 3 396,33 euros en réparation de son préjudice financier,



Condamner Paris Habitat à rembourser à Monsieur [S] la somme de 939,63 euros correspondant au dépôt de garantie pour le logement [Adresse 3] ainsi qu'aux deux loyers d'août et septembre 2021 de la rue de la Véga,



Condamner Paris Habitat à payer à Monsieur [S] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,



En tout état de cause,

Condamner [Adresse 7] à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Stephen Chauvet, avocat au Barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.





Par conclusions notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2021, [Adresse 7] demande à la cour de :



Débouter Monsieur [F] [S] de l'ensemble de ses demandes,



La cour confirmera le jugement entrepris en date du 2 mai 2018 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l'absence de condamnation de Monsieur [F] [S] au titre des articles 699 et 700 du code de procédure civile,



La cour infirmera le jugement entrepris en date du 2 mai 2018 sur ces points et statuant de nouveau, il lui est demandé de :



Condamner Monsieur [F] [S] à payer à [Adresse 7] à la somme de 2 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2021.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur le droit au transfert du bail



L'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 dispose, notamment, que lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.



L'article 40 de ladite loi précise que cet article est applicable aux logements appartenant aux organismes d'habitations à loyers modérés à condition que le bénéficiaire du transfert ou de la continuation du contrat remplisse les conditions d'attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage. Ces deux conditions ne sont pas requises envers le conjoint, le partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ou le concubin notoire et, lorsqu'ils vivaient effectivement avec le locataire depuis plus d'un an, les ascendants, les personnes présentant un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles et les personnes de plus de soixante-cinq ans.



Or, il est constant et non contesté que M. [S] n'était pas âgé de plus de 65 ans au jour du décès de sa mère survenu le 6 février 2017 pour être né le 20 février 1953.



L'appelant produit une lettre du bailleur du 26 juillet 2016 selon laquelle il est reconnu comme occupant du logement et de 'nombreuses attestations' qui se résument en réalité à celle de M. [E] et à une lettre non signée ni datée rédigée par une autre occupante de l'immeuble.



Cependant, le premier document est une réponse du bailleur, effectuée sans vérification matérielle, à un courrier de Mme [S] affirmant la présence de son fils à son domicile.



Les deux autres documents établissent seulement la présence régulière de M. [S] au domicile de sa mère depuis le mois d'août 2015.

Ces pièces sont donc insuffisantes à établir que l'appelant résidait effectivement au domicile de sa mère entre le 6 février 2016 et le 6 février 2017, et ce d'autant que les attestations établies par la caisse d'allocations familiales de la Gironde le 11 avril 2017 et la Carsat d'Aquitaine ainsi que l'attestation d'hébergement du 14 juin 2017 rédigée par Mme [P] [U] montrent que M. [S], lequel ne s'explique pas sur ce point, est en réalité domicilié à [Adresse 4] depuis l'année 2003.



De plus, il résulte de l'article L. 621-2 du code de la construction et de l'habitation, dont M. [S] ne conteste pas qu'il puisse être appliqué dans le cadre du présent litige, que les locaux insuffisamment occupés sont ceux qui comportent un nombre de pièces habitables, non compris les cuisines, supérieur de plus d'un au nombre de personnes qui y ont effectivement leur résidence principale.



L'appartement étant constitué de trois pièces principales et M. [S] étant célibataire au jour du décès de sa mère, il ne pouvait prétendre au transfert du bail à son profit.



C'est donc à bon droit que le tribunal a constaté la résiliation du bail du fait du décès de Mme [S], ordonné l'expulsion de l'occupant passé un délai de grâce de six mois pour quitter les lieux et condamné ce dernier à verser une indemnité d'occupation, M. [S] ne pouvant bénéficier des dispositions protectrices des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989.



Il a également justement constaté que M. [S] ne pouvait prétendre au transfert du bail consenti sur l'emplacement de stationnement n°17, ce qui n'est pas contesté en appel.





Sur le relogement de M. [S] et ses demandes indemnitaires











L'article 40 de la loi du 6 juillet 1989 prévoyant la faculté pour l'organisme bailleur de proposer au descendant bénéficiaire du transfert, mais pour lequel la taille du logement est inadaptée, un relogement dans un local plus petit, un contrat de bail portant sur un appartement de type 2 situé [Adresse 3] dans le 12ème arrondissement de Paris a été signé le 2 août 2021 au profit de M. [S].



S'agissant d'une simple faculté à laquelle le bailleur a fait droit en raison de la situation sociale difficile de l'appelant qui ne pouvait juridiquement prétendre au maintien dans les lieux, ce dernier n'est pas fondé à réclamer l'indemnisation d'un préjudice quelconque, l'intimé n'ayant commis aucune faute et ne pouvant être jugé responsable du fait que M. [S] a été contraint d'abandonner certains meubles et de l'électroménager, d'exposer des frais au titre de l'aménagement de son nouveau logement et de régler le dépôt de garantie ainsi que deux loyers pendant deux mois en raison de la lenteur du déménagement qu'il ne pouvait confier à un professionnel compte tenu de la modicité de ses revenus.



Il sera donc débouté de ses demandes en paiement des sommes de 3 396,33 euros et de 939,63 euros en réparation de préjudices matériels et financiers ainsi que de sa demande de dommages et intérêt en réparation d'un préjudice moral.





Sur les autres demandes



C'est à bon droit que le premier juge n'a pas fait application, en équité, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du bailleur, étant également rappelé que celles de l'article 699 du même code ne sont pas applicables devant le tribunal d'instance.



M. [S] succombant en son appel, il doit être condamné aux dépens et il est équitable d'allouer à [Adresse 7] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés pour défendre ses intérêts devant la cour.

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



Y ajoutant :



Condamne M. [S] à verser à [Adresse 7] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,



Condamne M. [S] aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





Le greffier, Le président,

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