15 avril 2022
Cour d'appel de Lyon
RG n° 19/03920

CHAMBRE SOCIALE B

Texte de la décision

AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/03920 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MM6D





Société ASSISTANCE PREVENTION SECURITE



C/

[W]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Mai 2019

RG : 17/00398

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 15 AVRIL 2022







APPELANTE :



Société ASSISTANCE PREVENTION SECURITE (APS)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée parMe Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Sébastien ARDILLIER de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON substitué par Me Antoine DE RANCOURT, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



[H] [W]

né le 18 Août 1959 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Frédérique TRUFFAZ, avocat au barreau de LYON



DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Février 2022



Présidée par Patricia GONZALEZ, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller





ARRÊT : CONTRADICTOIRE



Prononcé publiquement le 15 Avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




********************







EXPOSE DU LITIGE



M. [W] a été employé, par la Société APS, en qualité de technicien SPS, à compter du 1er février 2013, à temps partiel.



Aucun contrat écrit n'a été régularisé.



Il a sollicité une rupture conventionnelle, en novembre 2016 en ces termes :



« Pour faire suite à notre rencontre du 16 novembre 2016, et à votre refus :

- De me compter comme membre associé de la SCOP, pour laquelle je travaille depuis 2013, - De votre refus d'augmenter la durée de mon temps de travail à mi-temps, à 3/4 voire à 4/5 ème de temps, compte tenu de la charge de travail qui m'incombe,

- De votre refus d'augmenter ma rétribution identique depuis 4 ans,

- De votre approche unilatérale à envisager le remboursement de mes frais professionnels,

- Du retard chronique à verser mes salaires et notes de frais.

Je vous présente ci-dessous, ma demande de rupture conventionnelle de contrat avec l'entreprise APS dont vous êtes le gérant. »



Il sollicitait ainsi une indemnité de rupture de 4.000 euros mais cette proposition n'a pas été acceptée par la Sté APS.



Par courrier recommandé avec avis de réception du 9 janvier 2017, le conseil du salarié a également sollicité un règlement amiable de la situation, notamment en l'absence d'horaire fixé par écrit, rappelant l'indemnité de rupture de 4.000 euros sollicitée par son client. Cette demande n'a pas été acceptée.



Par requête du 16 février 2017, M. [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon aux fins de voir notamment requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et voir prononcer la résiliation judiciaire dudit contrat.



Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, par courrier recommandé avec avis de réception du 26 juillet 2017 en indiquant effectuer son préavis de deux mois et quitter l'entreprise le 27 septembre 2017.



Par jugement rendu le 28 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon, dans sa formation de départage a :

- requalifié le contrat de travail de M. [W] en contrat de travail à temps plein,

- requalifié la démission de M. [W] en prise d'acte aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la Sté APS à verser à M. [W] :

. 49.920 euros à titre de rappel de salaire du 1 er février 2013 au 31 janvier 2017,

. 4.992 euros à titre de congés payés y afférent,

. 5.200 euros à titre de rappel de salaire du 1 er mai 2017 au 27 septembre 2017,

. 520 euros, à titre de congés payés y afférent,

. 2.426,72 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 711,03 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

. 9.700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieuse,

. 1.500 euros au titre de l'article 700

- ordonné le remboursement, par la Sté APS, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à Monsieur [W] du jour du licenciement à ce jour, à concurrence de 1 mois dans les conditions prévues à l'article L 1235-4 du Code du travail, - ordonné à la Sté APS, de délivrer, à M. [W] l'ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.



Par déclaration en date du 6 juin 2019, la société APS a interjeté appel de ce jugement.



***



Aux termes de ses conclusions en date du 26 février 2020, la société APS demande à la cour de :

Vu les articles L 3121-14, L 3245-1 et L 8221-5 du code du travail,

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes au titre du travail dissimulé et au titre du rappel de salaire,

- l'infirmer sur ses autres chefs,

- dit que son contrat de travail était un contrat à temps partiel,

- débouter M. [W] de ses demandes en découlant,

- dire que la prise d'acte s'analyse en une démission,

- débouter M. [W] de ses demandes en découlant,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire,

- dire qu'il ne peut bénéficier que d'un rappel de salaire à hauteur de 34.320 euros et 3.432 euros pour les congés payés au titre de la requalification du contrat,

- en tout état de cause, condamner M. [W] à lui payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***



Aux termes de ses conclusions en date du 25 février 2020, M. [W] demande à la cour de :



Vu l'article L 3123-14 du Code du travail,

Vu l'article L 8223-1 et L 8223-5 du Code du travail,

Vu les jurisprudences précitées,

Vu la Convention collective Syntec,

Vu les pièces versées au débat,



- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

- requalifié son contrat de travail en contrat de travail à temps plein,

- requalifié sa démission en prise d'acte aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société APS lui verser :

. 49.920 euros, à titre de rappel de salaire du 1 er février 2013 au 31 janvier 2017,

. 4.992 euros à titre de congés payés y afférent,

. 5.200 euros à titre de rappel de salaire du 1 er mai 2017 au 27 septembre 2017,

. 520 euros à titre de congés payés y afférent,

. 2.426,72 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil, - ordonné le remboursement, par la Sté APS, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées , du jour du licenciement à ce jour, à concurrence de 1 mois dans les conditions prévues à l'article L 1235-4 du Code du travail,

- condamné la Société APS, aux dépens de la présente instance,



- infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- condamner la Sté APS à lui verser :

- 14.560,32 euros à titre de dommages et intérêts, pour travail dissimulé,

- 14.560,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse,

- 1.096,31 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2017, date de réception de la convocation, par l'employeur, devant le bureau de conciliation, valant mise en demeure,

- 198,08 euros de rappel de salaire, pour le mois de septembre 2017,

- 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner la Sté APS, de lui délivrer, l'ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes à la présente décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours suivant la notification de la présente décision,



L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2022.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.




MOTIFS DE LA DÉCISION





Sur la requalification du contrat de travail à temps plein



Il résulte de l'article L 3123-14 du Code du travail dans sa version applicable au moment de l'embauche que le contrat de travail des salariés à temps partiel, qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, doit être établi par un écrit comportant des mentions obligatoires telles que :

- la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail ;

- la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

- les modalités selon lesquelles les horaires, pour chaque journée travaillée, sont communiqués par écrit au salarié ;

- les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.



Le contrat d'un salarié à temps partiel est présumé à temps complet lorsque le contrat de travail n'est pas matérialisé par écrit.



Cette présomption peut être écartée si l'employeur rapporte une double preuve :

- d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue,

- d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.



M. [W] fait valoir que :

- il a demandé plusieurs fois la régularisation de la situation, ce qui lui a été refusé, et ce d'autant plus que son poste relevait, souvent d'une activité plus soutenue, même d'un temps plein,

- après la saisine du conseil, la Sté APS a porté, sur ses bulletins de salaire, de février, mars et avril 2017, la mention d'un temps plein (151,67 h par mois) et elle reconnaît par là même le travail à temps plein, il y a donc aveu extrajudiciaire au sens de l'article 1354 du Code civil,

- les bulletins de salaire ne sont pas corroborés par les feuilles qui indiquaient seulement le nombre de journées travaillées, sans jamais mentionner de volume horaire,

- dans sa lettre, il demandait notamment la régularisation d'un contrat écrit, sur ses horaires, qui ne correspondaient pas à la réalité de son activité et s'il écrivait, « Je suis resté votre salarié à mi-temps depuis la première demande. », c'est pour le déplorer, car ne correspondant pas à la réalité de ses conditions de travail, par conséquent et en tout état de cause, les éléments produits n'établissent nullement la réalité des horaires effectués,.

- plusieurs éléments démontrent qu'il ne pouvait prévoir son rythme de travail et se tenait à la disposition de l'employeur, il était « technicien SPS », ETAM coeff 250, niveau 1.4.2 et du fait de ses fonctions, il ne pouvait avoir d'autonomie, comme l'aurait eue un coordonnateur, cadre, il devait intervenir au gré des instructions de la société APS pour faire face à l'activité en cours (selon les chantiers obtenus), et afin de satisfaire les demandes des clients, ainsi que les impératifs sur les chantiers ; il pouvait lui arriver de gérer différents chantiers, avec les déplacements en conséquence mais cela n'implique pas pour autant une autonomie complète,

-il ne tirait pas un revenu « principal » de la société Saonetrack ; la société ne rapporte pas la preuve de la prévisibilité de son rythme de travail.



La société APS réplique que :

-le salarié reconnaît être salarié à temps partiel, pour lui avoir écrit, dans sa lettre datée du 21 novembre 2016 : « Votre refus d'augmenter la durée de mon temps de travail à mi-temps, à 3/4 voire à 4/5 ème de temps », « Je suis resté votre salarié à mi-temps depuis la première demande et il était rémunéré sur la base de 86,67 heures sans le contester,

- le salarié était totalement autonome dans le cadre de son activité salariale, ce que révèlent les pièces du dossier,

- la jurisprudence a considéré qu'une activité salariale, exercée concomitamment à l'activité litigieuse, implique que le salarié connaissait son rythme de travail et ne se tenait pas à la disposition permanente de son employeur.



Faute de contrat écrit, le contrat de travail est présumé être à temps complet et il appartient à l'employeur, qui conteste la présomption, de rapporter la preuve contraire.



Il n'est pas contesté que M. [W] a été embauché par contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2013 par la société APS sans l'établissement d'un contrat écrit de sorte que ce contrat est en conséquence présumé être à temps complet.

Il n'est pas par ailleurs contesté que M. [W] est gérant d'une Eurl Saonetrack spécialisée dans le secteur d'activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion. Cette société a été immatriculée au RCS en janvier 2010.



La question de la durée du temps de travail n'a pas été évoquée de manière écrite par les parties avant le second semestre 2016, ce qui ne prive pas M. [W] de faire valoir ses droits cependant.



La société, pour rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, se réfère aux affirmations du salarié dans ses courriers, aux bulletins de salaire et à des tableaux d'activité.



Selon procès-verbal d'assemblée générale du 16 novembre 2016 de la société APS, la candidature de M. [W] au rang d'associé a été rejetée, ce qui a entraîné un courrier du 21 novembre 2016 par lequel le salarié a notamment critiqué ce refus, noté le refus de l'employeur d'augmenter la durée de son temps de travail de mi-temps à 3/4, voir 4/5ème de temps compte tenu de la charge de travail lui incombant, son refus d'augmenter sa rémunération identique depuis 4 ans, son 'l'approche unilatérale à envisager le remboursement de mes frais professionnels', et le retard chronique à verser les salaires et notes de frais, entraînant la demande de rupture conventionnelle. Il était fait état de quatre chantiers pour lesquels il exerçait ses fonctions de technicien SPS et la salarié écrivait 'je suis néanmoins resté votre salarié à mi-temps depuis la première demande, ce qui démontre mon engagement et, probablement, ma valeur ajoutée pour l'entreprise'.



Par courrier recommandé avec avis de réception du 9 janvier 2017, le conseil du salarié a fait valoir l'absence de contrat écrit et la présomption de contrat de travail à temps plein, l'absence d'établissement de la durée exacte du travail et sa variabilité, une demande de requalification et le paiement de rappels de salaires et congés payés sur la base d'un temps plein, outre le paiement d'une indemnité pour travail dissimulé. Il a précisé que compte tenu de la charge de travail importante qui incombait au salarié, sa situation devait être revenue sur la base d'un temps plein.



Par courrier du 26 juillet 2017, le salarié a donné sa démission de ses fonctions de technicien SPS en indiquant effectuer le préavis de deux mois.



Sur la durée convenue, les bulletins de salaires ne sont versés aux débats qu'à compter de celui de janvier 2015 de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer sur quelle base exacte M. [W] a été rémunéré en 2013 et 2014.



Il ressort des bulletins de salaire produits à compter de janvier 2015 que M. [W] était rémunéré principalement sur la base de 86,67 h par mois, hormis :

- en janvier 2015 : 52 h

- en février, mars et avril 2015 : 104 h sans mention d'heures supplémentaires

- en novembre 2016 : 118,67 h en actant des heures complémentaires effectuées en juillet, août et septembre 2016,

- en février, mars et avril 2017 : 151,67 h (temps plein)

- en mai 2017 : 86,67 h outre 44 heures complémentaires (déduction d'un trop payé avril pour 65 h)

- en juin 2017 : 86,67 h outre 25,33 heures complémentaires.



La durée exacte convenue du travail de M. [W] n'apparaît donc pas établie par l'employeur par les bulletins de salaire produits, au vu de ce qui précède compte tenu des variations de la rémunération et pour le moins, à compter de février 2017, le contrat de travail est nécessairement à temps plein, la société faisant valoir de manière inopérante un accroissement temporaire d'activité alors qu'aucune heure supplémentaire n'est mentionnée et que la durée de travail atteint un temps plein.



La société ne rapporte pas non plus cette preuve en se référant aux dires du salarié selon lequel il effectuait un mi-temps. Le courrier du 26 novembre 2016 ne fait pas état d'une durée contractuelle précise et n'établit pas que le salarié effectuait seulement un mi-temps alors que le courrier déplorait l'absence de contrat écrit, et de manière implicite l'absence de reconnaissance d'une durée de travail supérieure à celle rémunérée. Ce courrier en ce qu'il est critique sur les relations de travail et la durée de travail retenue ne peut valoir reconnaissance d'une durée exacte de travail à temps partiel et il n'importe pas que le premier courrier l'ait été en réaction du refus des associés de l'intégrer.



Concernant les tableaux d'activité adressés par le salarié à l'employeur, ils font état des missions exécutées et des frais à rembourser. Ils relèvent le nombre de jours travaillés par semaine (2 à 4, voir 5) sans mention précise des volumes horaires. Ils ne permettent pas plus d'établir la durée exacte et convenue du travail.



Concernant les conditions de travail (prévisibilité du rythme de travail et obligation du salarié de se tenir à disposition de l'employeur) ainsi que justement relevé par le conseil de prud'hommes, les activités du salarié consistaient principalement, en des visites, et des réunions de chantier, impliquant par la même, des déplacements jusqu'à 560 km, des tâches administratives ainsi que des inspections communes ; le salarié était en conséquence tenu à un rythme de travail en fonction des chantiers qui lui étaient affectés par l'employeur, et les visites sur site et réunions de travail dépendaient de la disponibilité de l'employeur et ses clients ; les feuilles d'activité montrent que le salarié pouvait travailler n'importe quels jours de la semaine, en se tenant à la disposition de son ancien employeur, et des contraintes liées aux clients/chantiers. Il ne peut être retenu qu'il travaillait en autonomie complètes et les pièces 15 à 18 de la société se rapportant aux disponibilités du salarié pour l'intervention sur quatre chantiers ne rapportent pas la preuve d'une telle autonomie compte tenu de la nature des tâches du salarié impliquant des déplacements quotidiens et la gestion d'un planning.



S'agissant de l'activité de la société Saonetrack, elle relève en grande partie prestations intellectuelles permettant une souplesse d'organisation même si l'activité l'AMO suppose également des visites de chantiers. Cette société a réalisé un chiffre d'affaires limité et connaissait des résultats négatifs de 2013 à 2015 puis 2017, qui ne peut être considéré comme une activité principale malgré le versement d'une rémunération et le salarié a fait valoir que son activité auprès d'APS limitait celle de sa propre société.



Cette activité n'implique pas que le salarié connaissait nécessairement son rythme de travail et ne se tenait pas à disposition permanente de son employeur. La pièce 11 de la société (reçu de cotisations AFCO) ne contredit pas non plus cette mise à disposition. La société APS ne procède par ailleurs que par affirmations lorsqu'elle prétend que c'était elle qui s'adaptait pour permettre au salarié de gérer son activité et si la relation s'est inscrite dans le cadre de liens d'amitié avec M. [D], l'un des gérants, et des dossiers communs, les pièces du dossier ne permettent pas d'en déduire des conséquences utiles sur le présent litige.



L'employeur ne rapportant pas les preuves qui lui incombent, le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que le contrat liant M. [W] à la société APS devait être requalifié en contrat de travail à temps complet.



Sur les conséquences de la requalification



Le conseil de prud'hommes a exactement retenu qu'un temps plein correspondant à un nombre d'heures de 151,87 euros soit un différentiel de 65 heures.



M. [W] était rémunéré sur la base d'un taux horaire brut de 16 euros d'où un rappel mensuel de 1.040 euros.



La société se prévaut en appel de la prescription tirée de l'article L 3245-2 du code du travail et affirme que ne peuvent être dûs que les arriérés de salaires à compter du 27 septembre 2014 soit trois ans avant la démission du salarié.



M. [W] ne répond pas à cet argument.



Aux termes de l'article L 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition de salaires se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Selon l'article 21V de la dite loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l'action en paiement de salaire s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.



Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à défaut de la saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années qui suivent cette date, les dispositions transitoires ne sont pas applicables de sorte que l'action en paiement de créances de salaires nées sous l'empire de la loi ancienne se trouve prescrite.



Compte tenu de la saisine du conseil de prud'hommes à la date du 15 février 2017, sont prescrites les créances salariales antérieures au 15 février 2014.



Il en découle que sont dûs du 15 février 2014 au 27 septembre 2017 :

- du 15 février 2014 au 31 janvier 2017 : 1.040 euros x 35,5 mois = 36.920 euros outre 3.692 euros pour les congés payés afférents

- du 1er mai 2017 au 27 septembre 2017 = 5.200 euros outre 520 euros pour les congés payés afférents.



Le jugement est réformé en ce sens sur les premiers montants.





Sur le travail dissimulé



Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.



Aux termes des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

-de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche;

-de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie

-de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.



Selon l'article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.



Le conseil de prud'hommes a retenu que la relation contractuelle était fondée sur un lien d'amitié entre l'un des gérants et le salarié de sorte qu'aucun contrat de travail écrit n'avait été rédigé, que suite à une réclamation, l'employeur avait versé des salaires représentant un temps plein et avait déjà comptabilisé par le passé des heures complémentaires effectuées par le salarié, que l'intention de l'employeur de dissimuler les heures de travail réellement effectuées n'était pas établie.



Cependant, en omettant de dresser un contrat de travail écrit et en omettant pendant deux ans d'établir des bulletins de salaire et de régulariser la situation du salarié, la société, sans pouvoir se retrancher derrière les liens d'amitié d'un de ses responsables avec le salarié, a nécessairement commis des omissions intentionnelles.



Le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande au titre d'un travail dissimulé. Il est à ce titre au salarié la somme de 14.560,32 euros pour travail dissimulé.



Sur la démission et la requalification en prise d'acte



La prise d'acte est un mécanisme qui permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Lorsque le salarié est à l'initiative de la rupture, il en impute les torts et conséquences à l'employeur. Selon que les griefs invoqués par le salarié sont ou non justifiés, la prise d'acte produit les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission.

La démission doit être requalifiée en prise d'acte lorsque ses conditions de présentation ne garantissent pas que le salarié ait eu la volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. Il en est de même lorsqu'après être parti à la retraite, le salarié remet en cause son départ en raison de faits ou manquements imputables à l'employeur.



S'il résulte de circonstances antérieures au départ ou contemporaines de celui-ci qu'à la date à laquelle il a été décidé, la volonté de partir était équivoque, son départ est susceptible d'être analysé en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Le juge ne peut regarder la démission comme une prise d'acte que si le salarié fait état de l'existence d'un différend ou de circonstances antérieures ou concomitantes à sa démission caractérisant un comportement fautif de l'employeur.



Le juge apprécie les griefs invoqués par le salarié au regard de l'ensemble du litige et recherche s'ils sont suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.



La société fait valoir que le salarié n'a pas évoqué de griefs dans son courrier de démission, qu'il a renoncé implicitement à se prévaloir des manquements de l'employeur, qu'il a émis tardivement des réclamations après un refus d'association, qu'il a respecté le préavis de deux mois.



M. [W] fait valoir qu'il a régulièrement exprimé ses doléances mais qu'il n'a pu obtenir une régularisation de sa situation.



Si le salarié n'a pas agi de manière officielle avant fin 2016, sa démission intervient alors qu'une instance était en cours à son initiative et qu'il reprochait à la société la non exécution de ses obligations contractuelles de sorte qu'il existait bien un contexte de différend antérieur à sa démission.



Les faits évoqués supra établissent que les griefs se rapportant au temps de travail et à l'absence de contrat écrit étaient fondés et que l'employeur n'a pas régularisé cette situation hormis de manière temporaire pendant les mois de février à avril 2017 au moment de l'action en justice avant de manifestement se raviser.



L'inportante de l'arriéré de salaire qui restait dû et l'absence de régularisation constituent des manquements suffisamment graves pour justifier une prise d'acte du salarié consécutive au comportement fautif de l'employeur.



En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a requalifié la démission de M. [W] en prise d'acte aux torts de la société APS produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Sur les conséquences financières de la rupture





* les dommages intérêts



Le salarié demande des dommages intérêts équivalents à 6 mois de salaire tandis que la société estime que le salarié n'apporte aux débats aucun élément au soutien de ses demandes indemnitaires, ayant démissionné pour reprendre une activité à temps plein au sein de sa propre entreprise, qu'il ne justifie pas de sa situation actuelle et que la perte de son emploi a eu des conséquences extrêmement limitées.



En l'espèce, M. [W] jouissait d'une ancienneté de 4 années dans l'entreprise et il était âgé de 58 ans lors du licenciement. Le conseil de prud'hommes a évalué le préjudice à 4 mois de salaire.



Selon les dispositions de l'article 1235-5 du contrat de travail applicables à la date de la prise d'acte, 'Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.



Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi'.



Il est constant que la société APS comportait moins de 11 salariés à la date de la rupture du contrat de travail.



Sur le préjudice subi, M. [W] fait valoir son ancienneté de quatre années et son âge ainsi que la situation financière difficile de sa propre société en 2017. Il ne donne par contre pas d'éléments sur sa situation professionnelle depuis la rupture du contrat de travail.



La perte d'emploi génère un préjudice et compte tenu de son âge et de son ancienneté, la cour évalue ce préjudice à 5.000 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.





* l'indemnité de licenciement



La société indique seulement que le salarié doit être indemnisé à hauteur de l'indemnité légale de licenciement.



En application de la convention collective, l'indemnité de licenciement est d'un quart de salaire par année de présence, ce qui ne fait pas l'objet d'une contestation.



Le jugement a donc retenu à juste titre une indemnité de 2.426,72 euros. Le jugement est confirmé de ce chef.



Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés



M. [W] fait valoir qu'il avait acquis 30 jours de congés payés au 31 octobre 2016 et 27,5 jours jusqu'au 27 septembre 2017, qu'il a pris 7 jours de congé (deux jours en mai 2017 et 7 jours en août 2017) de sorte qu'il justifie de 50,5 jours mais que la société a, à tort, décompté 9 jours sur le bulletin de janvier 2017, un jour le 6 juin 2017 et 10 jours en août 2017, qu'elle retient à tort 34,5 jours dûs alors que son décompte fait état de 37,5 jours. Il réclame un rappel de congés payés sur le salaire moyen des 12 derniers mois (1.646,72 euros) qu'il évalue à 1.096,31 euros et non à 711,03 euros comme retenu par le conseil de prud'hommes.



La société ne répond pas sur ce point.



Il résulte des éléments du dossier que le salarié avait acquis 30 jours de congés le 31 octobre 2016, qu'entre le 1er octobre 2016 et fin septembre 2017, le salarié bénéficiait de 27,5 jours de congé, qu'il a travaillé le 6 juin 2017 (tableau d'activité) de sorte qu'il a été mis à tort en congé ce jour là, que les bulletins de salaires mettent le salarié en congé pour deux jours en mai 2017, pour 5 jours en juillet (mais reporté sur le bulletin de paie d'août) et pour 5 jours en août. 9 jours de congé ont été retenus sur la période du 20 au 29 décembre 2016 alors que le salarié a manifestement travaillé sur cette période. C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu 11 jours non réglés.



Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a dit qu'il restait dû une somme de 711,03 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés. Le jugement est confirmé sur ce point.



Sur le rappel de salaire de septembre 2017



Le salarié demande paiement de la somme de 198,08 euros, montant déduit de sa fiche de paie de septembre 2017.



Le conseil de prud'hommes a justement relevé que le contrat de travail avait pris fin le 27 septembre 2017 et le salarié ne répond pas sur ce point.



Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.



Sur les demandes accessoires



Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné la délivrance des documents de travail dans les conditions fixées.



Par contre, il est infirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement des indemnités chômage aux organismes concernés, cette disposition qui relève de l'office du juge ne s'appliquant pas lorsque l'entreprise comporte moins de 11 salariés.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



L'appelante qui succombe au principal supportera les dépens d'appel et versera à son adversaire la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Les dépens de première instance et la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmés.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 28 mai 2019 sur ses dispositions critiquées sauf en ce qu'il a

- condamné la Sté APS à verser à M. [W] :

. 49.920 euros à titre de rappel de salaire du 1 er février 2013 au 31 janvier 2017,

. 4.992 euros à titre de congés payés y afférent,

. 9.700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- rejeté la demande au titre du travail dissimulé,

- ordonné le remboursement, par la Sté APS, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. [H] [W] du jour du licenciement au jour du jugement, à concurrence de 1 mois dans les conditions prévues à l'article L 1235-4 du Code du travail,



Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sté APS à payer à M. [H] [W] :

. 36.920 euros à titre de rappel de salaire du 15 février 2014 au 31 janvier 2017,

. 3.692 euros à titre de congés payés y afférent,

. 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 14.560,32 euros au titre d'un travail dissimulé.



Condamne la société Assistance Prévention Sécurité aux dépens d'appel et à payer à M. [H] [W] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



Le GreffierLa Présidente





Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ

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