14 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.557

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C200412

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 412 F-D

Pourvoi n° H 20-22.557




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2022

La société Europe & Communication, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-22.557 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant à la société Pic 92 Publicité impression création, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de la société Europe & Communication, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Pic 92 Publicité impression création, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme [R], greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2020), et les productions, se plaignant de faits de concurrence déloyale, la société Europe & Communication a saisi le président d'un tribunal de commerce d'une requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile à fin de voir ordonner des mesures d'instruction au siège social de la société Pic 92 Publicité impression création (la société Pic 92).

2. L'ordonnance en date du 13 novembre 2019 ayant autorisé la mesure a été exécutée le 2 décembre 2019 et par acte du 20 décembre 2019, la société Pic 92 a assigné la société Europe & Communication à fin de rétractation de l'ordonnance.

3. La société Pic 92 a interjeté appel de l'ordonnance du juge des référés du 12 février 2020 qui l'a déboutée de ses demandes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première, troisième, cinquième, sixième, septième branches, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Europe & Communication fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 13 novembre 2019 et d'ordonner à l'huissier instrumentaire de restituer à la société PIC 92 l'ensemble des données, documents, pièces ou supports appréhendés par lui et par tout expert informatique l'ayant assisté en exécution de l'ordonnance sur requête du 13 novembre 2019, de procéder à la destruction des supports subsistants et d'en dresser procès-verbal, alors « que la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties ; que la cour d'appel a statué au visa des « dernières conclusions déposées le 30 avril 2020 » par la société Europe et Communication (arrêt attaqué, p. 4 al. 2) ; qu'en statuant ainsi quand la société Europe et Communication avait signifié par voie électronique de nouvelles conclusions le 27 août 2020, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée au vu des dernières conclusions des parties, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile :

6. Il résulte de ces textes que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.

7. Pour rétracter l'ordonnance entreprise, l'arrêt se prononce au visa des conclusions déposées le 30 avril 2020 par la société Europe & Communications.

8. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions que cette société avait remis, le 28 août 2020, soit antérieurement à l'ordonnance de clôture, via le réseau privé virtuel des avocats, des conclusions complétant ses demandes et son argumentation, avec de nouvelles pièces, la cour d'appel, qui n'a pas visé ces conclusions et qui s'est prononcée par des motifs dont il ne ressort pas qu'elle les aurait prises en considération, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Condamne la société Pic 92 Publicité impression création aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pic 92 Publicité impression création et la condamne à payer à la société Europe & Communication la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société Europe & Communication

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Europe et Communication fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête rendue le 13 novembre 2019 et d'avoir ordonné à l'huissier instrumentaire de restituer à la société PIC 92 l'ensemble des données, documents, pièces ou supports appréhendés par lui et par tout expert informatique l'ayant assisté en exécution de l'ordonnance sur requête du 13 novembre 2019, de procéder à la destruction des supports subsistants et d'en dresser procès-verbal,

ALORS QUE la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties ; que la cour d'appel a statué au visa des " dernières conclusions déposées le 30 avril 2020 " par la société Europe et Communication (arrêt attaqué, p. 4 al. 2) ; qu'en statuant ainsi quand la société Europe et Communication avait signifié par voie électronique de nouvelles conclusions le 27 août 2020, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée au vu des dernières conclusions des parties, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Europe et Communication fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête rendue le 13 novembre 2019 et d'avoir ordonné à l'huissier instrumentaire de restituer à la société PIC 92 l'ensemble des données, documents, pièces ou supports appréhendés par lui et par tout expert informatique l'ayant assisté en exécution de l'ordonnance sur requête du 13 novembre 2019, de procéder à la destruction des supports subsistants et d'en dresser procès-verbal,

ALORS, d'une part, QUE pour que soit ordonnée une mesure d'instruction in futurum, le requérant doit caractériser l'existence, d'une part, de circonstances qui justifient qu'il soit porté atteinte au principe de la contradiction et, d'autre part, d'éléments qui révèlent l'éventualité d'un litige potentiel ; qu'en considérant que la société Europe et Communication ne justifiait d'aucun fait de nature à caractériser l'existence d'un motif légitime de recourir à la mesure d'instruction sollicitée (arrêt attaqué, p. 14 al. 1er ), après avoir pourtant retenu que la société Europe et Communication justifiait suffisamment et précisément de faits susceptibles d'avoir été commis à son préjudice par la société PIC 92 pour qu'il soit légitime de déroger au principe de la contradiction (arrêt attaqué, p. 7 al. 6 à 8), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE le juge à qui il est demandé d'ordonner une mesure d'instruction in futurum ne peut préjuger du litige au fond et doit se borner à rechercher si le demandeur caractérise l'existence d'un litige potentiel entre les parties, justifiant la conservation ou l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution de ce litige ; qu'en rétractant l'ordonnance sur requête rendue le 13 novembre 2019, au motif qu'il incombait au demandeur à une mesure d'instruction in futurum de " démontrer l'existence d'éléments précis constituant des indices de violation possible d'une règle de droit permettant d'établir la vraisemblance des faits dont la preuve pourrait s'avérer nécessaire dans le cadre d'un éventuel procès au fond " (arrêt attaqué, p. 10 al. 7), la cour d'appel, qui a ainsi exigé que soit établi, au-delà d'un litige potentiel, le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction était sollicitée, a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS, de troisième part, QUE les juges, qui doivent observer le principe de la contradiction, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen relevé d'office sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en considérant que, dans la mesure où il n'avait exercé au sein de la société Europe et Communication, puis de la société PIC 92, que des fonctions " purement commerciales ", M. [C] ne pouvait avoir été détenteur d'aucune information technique confidentielle, de sorte que la société PIC 92 n'avait pu méconnaître le secret des affaires (arrêt attaqué, p. 12 al. 4), quand la société PIC 92 n'invoquait pas ce moyen dans ses écritures, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, de quatrième part, QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant qu'aux termes du contrat de travail conclu entre la société Europe et Communication et M. [C], ce dernier n'exerçait que des fonctions purement commerciales, de sorte qu'il ne pouvait avoir détenu des informations techniques confidentielles (arrêt attaqué, p. 11 in fine et p. 12 al. 1er), sans citer les articles 3 et 10 de cette convention, qui révélaient que M. [C] assumait également des responsabilités dans le domaine technique, en qualité de chef de projet, responsabilités qui en faisaient le détenteur d'informations confidentielles couvertes par le secret des affaires, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail conclu entre la société Europe et Communication et M. [C], dont elle n'a fait qu'une présentation partielle, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, de cinquième part, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, le fait que M. [C] avait été libéré de sa clause de non-concurrence par une lettre de la société Europe et Communication, précisant " à compter de ce jour, vous êtes donc libre d'exercer toutes fonctions avec tout type d'entreprise sur tout le territoire " (arrêt attaqué, p. 12 in fine), quand la société Europe et Communication n'a jamais reproché à M. [C] d'avoir méconnu les termes de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, de sixième part, QUE dans ses conclusions d'appel visées par la cour d'appel (soit celles signifiées le 30 avril 2020, p. 23 al. 2), la société Europe et Communication faisait valoir que s'agissant de M. [R], " employé en tant que Directeur Artistique, il ne saurait suffire d'indiquer qu'il a été embauché par la Société PIC 92 en 2019 postérieurement au lancement par celle-ci de bureaux de vente monobloc déplaçables, cette embauche ayant pour objet et pour effet de lui permettre d'amplifier la similitude de présentation des produits proposés aux clients dans des conditions constitutives de concurrence déloyale " ; qu'en retenant à l'appui de sa décision le fait que M. [R] avait été embauché par la société PIC 92 en qualité de directeur artistique, soit postérieurement à la mise sur le marché par la société PIC 92 de nouveaux types de bureaux de vente (arrêt attaqué, p. 13 al. 4), sans répondre aux écritures précitées de la société Europe et Communication faisant valoir que M. [R] n'avait pas été recruté par la société PIC 92 en raison de préoccupations immédiates mais dans une perspective plus vaste, pour amplifier la similitude des produits en cause au détriment de la société Europe et Communication, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, enfin, QUE les juges du fond doivent analyser, même sommairement, les pièces régulièrement versées aux débats par les parties ; qu'en écartant tout comportement fautif imputable à M. [W], et donc à son employeur, la société PIC 92, au motif que ce salarié n'avait " jamais travaillé pour la société Europe et Communication et que le seul fait qu'il ait manifesté de l'intérêt auprès du fournisseur de profilés en aluminium de l'intimée ne saurait caractériser une atteinte au secret des affaires " (arrêt attaqué, p. 13 in fine), sans analyser, même sommairement, un échange de courriels constituant la pièce n° 20 produite par la société Europe et Communication, qui démontrait que M. [W] n'avait pas simplement " manifesté de l'intérêt auprès du fournisseur des profilés " mais qu'il s'était renseigné auprès de ce dernier sur les modalités de mise en oeuvre par la société Europe et Communication des profilés en aluminium utilisés pour la fabrication de ses bureaux de vente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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