13 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.993

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00690

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Statuts professionnels particuliers - Employés domestiques - Employé de maison - Durée du travail - Article L. 7221-2 du code du travail - Principe d'égalité devant la loi - Question nouvelle et sérieuse (non) - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Travail réglementation, durée du travail - Travail à temps partiel - Article L. 3123-14 du code du travail - Principe d'égalité devant la loi - Question nouvelle et sérieuse (non) - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

SOC.

COUR DE CASSATION



LG


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 13 avril 2022




NON-LIEU A RENVOI


M. CATHALA, président



Arrêt n° 690 FS-B

Pourvoi n° F 20-22.993




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

Par mémoire spécial présenté le 7 février 2022, Mme [I] [E] [R], domiciliée [Adresse 4], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° F 20-22.993 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans une instance l'opposant :

1°/ à [T] [S], ayant été domicilié [Adresse 5], décédé le 26 octobre 2020,

2°/ à Mme [M] [S], épouse [W], domiciliée [Adresse 1]),

3°/ à M. [D] [S], domicilié [Adresse 3],

tous trois pris en leur qualité d'ayants droit de [C] [Y] née [S].

Parties intervenantes :

1°/ Mme [O] [L], domiciliée [Adresse 5],

2°/ Mme [J] [S] [L], domiciliée [Adresse 2],

toutes deux venant aux droits de [T] [S] en sa qualité d'ayant droit de [C] [Y] née [S]

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [E] [R], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des consorts [S] et [L], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Mme [E] [R] a été engagée en qualité d'aide à domicile par [C] [Y], les relations contractuelles relevant de la convention collective du particulier employeur du 24 novembre 1999.

2. [C] [Y] a été placée en tutelle par jugement du juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 16e du 6 juillet 2012, qui a désigné Mme [K], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tutrice.

3. La tutrice a notifié un changement d'horaire à la salariée, que celle-ci a refusé.

4. Licenciée le 23 avril 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, sollicitant notamment la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

5. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris, la salariée a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions combinées des articles L. 3123-14 et L. 7221-2 du code du travail, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, méconnaissent-elles le principe d'égalité devant la loi, garanti par les articles 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, en ce qu'elles excluent l'application des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel aux employés qui travaillent au domicile privé de leur employeur, et plus particulièrement, en ce qu'elles prévoient qu'un employé de maison travaillant au domicile privé de son employeur ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

6. L'article L. 7221-2 du code du travail dispose que sont seules applicables au salarié défini à l'article L. 7221-1 les dispositions relatives :

1° Au harcèlement moral, prévues aux articles L. 1152-1 et suivants, au harcèlement sexuel, prévues aux articles L. 1153-1 et suivants ainsi qu'à l'exercice en justice par les organisations syndicales des actions qui naissent du harcèlement en application de l'article L. 1154-2 ;
2° A la journée du 1er mai, prévues par les articles L. 3133-4 à L. 3133-6 ;
3° Aux congés payés, prévues aux articles L. 3141-1 à L. 3141-33, sous réserve d'adaptation par décret en Conseil d'Etat ;
4° Aux congés pour événements familiaux, prévues à la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie ;
5° A la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie.

7. La chambre sociale déduit de ce texte, combiné avec l'article L. 3123-14 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 (Soc., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-12.809, Bull. 2017, V, n° 210 ; Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-21.584, publié).

8. Ces dispositions législatives, ainsi interprétées, sont applicables au litige.
9. Elle n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

11. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

12. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

13. Le particulier employeur, entendu comme une personne physique qui emploie un salarié à son domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager, sans poursuivre un but lucratif, n'est pas dans la même situation que l'employeur, personne morale ou personne physique, agissant dans le cadre professionnel.

14. L'exclusion par la loi de l'application des dispositions relatives à la durée du travail au salarié du particulier employeur, qui ne lui interdit pas d'obtenir le paiement des heures de travail qu'il a effectuées, dont la preuve relève du régime probatoire spécifique prévu par l'article L. 3171-4 du code du travail (Soc., 19 mars 2003, pourvoi n° 00-46.686, Bull. 2003, V, n° 103 ; Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 17-11.131, 17-10.622 publiés), est justifiée par la différence de situation entre le particulier employeur et l'employeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle.

15. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

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