13 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.603

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00490

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 490 F-D

Pourvoi n° J 20-18.603

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [K].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juin 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

Mme [N] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-18.603 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige l'opposant au Lycée [3], dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [K], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du Lycée [3], après débats en l'audience publique du 2 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 avril 2019), Mme [K] a été engagée en qualité d'assistante administrative par l'établissement public d'enseignement Lycée [3] dans le cadre d'un premier contrat d'accompagnement dans l'emploi à durée déterminée du 1er septembre 2009 au 30 juin 2010.

2. La relation de travail s'est poursuivie en exécution de quatre autres contrats d'accompagnement dans l'emploi dont le dernier a pris fin le 30 avril 2014.

3. Au cours de l'exécution du troisième contrat, le 21 septembre 2011, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée.

4. Par arrêt du 4 décembre 2013, la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation.

5. Le 12 juin 2014, la salariée a de nouveau saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'indemnités subséquentes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente au profit du tribunal administratif de Montpellier, alors « que le contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) est un contrat de travail de droit privé ; que les litiges nés de la conclusion, de l'exécution, ou de la rupture d'un tel contrat relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; que lorsque le juge prononce la requalification du CUI-CAE conclu pour une durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, si cette requalification a pour effet de transformer en licenciement la rupture ultérieurement notifiée au motif de l'arrivée à terme du contrat, elle n'a pas pour conséquence de placer la relation de travail en dehors du droit privé ni d'entraîner la poursuite de la relation contractuelle au-delà du dernier contrat aidé ; que le juge judiciaire est donc compétent pour connaître des demandes présentées par le salarié au titre de la rupture du contrat de travail lorsque celle-ci, postérieurement à la requalification de la relation contractuelle, est notifiée à la date d'échéance du CUI-CAE ; que la cour d'appel a constaté que, postérieurement à la requalification du contrat, le Lycée [3] avait mis fin à la relation contractuelle à la date d'échéance du dernier CUI-CAE ; qu'il résultait de cette constatation que le juge judiciaire était compétent pour connaître des demandes présentée par la salariée au titre de la rupture de son contrat ; qu'en se déclarant néanmoins incompétente au profit du tribunal administratif de Montpellier, la cour d'appel a violé les articles L. 5134-19-3 et L. 5134-24 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article L. 5134-24 du code du travail :

7. Aux termes du dernier de ces textes, le contrat de travail, associé à une aide à l'insertion professionnelle attribuée au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, conclu en application de l'article L. 1242-3, soit à durée indéterminée. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits.

8. Il résulte de la combinaison des textes susvisés que les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance du contrat de travail associé à une aide à l'insertion professionnelle attribuée au titre d'un contrat d' accompagnement dans l'emploi, qui est un contrat de travail de droit privé, relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

9. Pour faire droit à l'exception d'incompétence, l'arrêt retient que la salariée n'a pas uniquement sollicité l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'absence de formation et de la rupture de son contrat de travail, mais s'est également prévalue du caractère abusif de la rupture au terme du dernier contrat à raison de la requalification en contrat à durée indéterminée résultant de l'arrêt rendu par la même cour d'appel le 4 décembre 2013 ayant acquis un caractère définitif. L'arrêt en déduit que cette demande de la salariée pour rupture abusive de la relation de travail avait pour conséquence de placer la relation de travail en dehors du droit privé, dès lors qu'elle entraînait la poursuite d'une relation contractuelle entre l'établissement et la salariée au-delà du terme du dernier contrat aidé relevant de la compétence judiciaire.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie de demandes portant sur l'exécution et la rupture de contrats de travail associés à une aide à l'insertion professionnelle, dits contrats d'accompagnement dans l'emploi, lesquelles relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne le Lycée [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Lycée [3] à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [K]


Mme [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réformé le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 30 janvier 2015 en toutes ses dispositions et de s'ETRE déclarée incompétente au profit du tribunal administratif de Montpellier.

1° ALORS QUE le contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) est un contrat de travail de droit privé ; que les litiges nés de la conclusion, de l'exécution, ou de la rupture d'un tel contrat relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; que lorsque le juge prononce la requalification du CUI-CAE conclu pour une durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, si cette requalification a pour effet de transformer en licenciement la rupture ultérieurement notifiée au motif de l'arrivée à terme du contrat, elle n'a pas pour conséquence de placer la relation de travail en dehors du droit privé ni d'entraîner la poursuite de la relation contractuelle au-delà du dernier contrat aidé ; que le juge judiciaire est donc compétent pour connaître des demandes présentées par le salarié au titre de la rupture du contrat de travail lorsque celle-ci, postérieurement à la requalification de la relation contractuelle, est notifiée à la date d'échéance du CUICAE ; que la cour d'appel a constaté que, postérieurement à la requalification du contrat, le Lycée [3] avait mis fin la relation contractuelle à la date d'échéance du dernier CUI-CAE ; qu'il résultait de cette constatation que le juge judiciaire était compétent pour connaître des demandes présentée par la salariée au titre de la rupture de son contrat ; qu'en se déclarant néanmoins incompétente au profit du tribunal administratif de Montpellier, la cour d'appel a violé les articles L. 5134-19-3 et L. 5134-24 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

2° ALORS subsidiairement QUE lorsque le juge retient que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction administrative, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir ; qu'en se déclarant incompétente au profit du tribunal administratif de Montpellier, la cour d'appel a violé l'article 81 (anc. article 96) du code de procédure civile.

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