13 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.525

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00476

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 476 F-D

Pourvoi n° Z 21-10.525

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [M] [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 novembre 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

M. [M] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-10.525 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Restaurant salon [4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [N], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Restaurant salon [4], après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 juillet 2019), M. [N], engagé par la société Restaurant salon [4] (la société) en qualité d'aide cuisinier, le 23 janvier 2010, licencié le 8 octobre 2010, puis engagé à nouveau le 1er avril 2012, a été déclaré par le médecin du travail, à l'issue de deux examens médicaux, inapte à tous postes dans l'entreprise.

2. Il a été licencié le 19 août 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « que si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité lui est due lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude ; qu'en déboutant M. [N] de sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, quand elle avait pourtant considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse faute pour l'employeur d'avoir satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail et l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1234-5 du code du travail et l'article L. 1226-2 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

5. Il résulte de ces textes que le salarié inapte dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement a droit à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail.

6. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, en cas de licenciement d'un salarié déclaré inapte à la suite d'une maladie ne relevant pas du régime des risques professionnels, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement, que le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9, et que par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Restaurant salon [4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Restaurant Salon [4] à payer à la SARL Le Prado-Gilbert la somme de 3 000 euros ;




Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. [N]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [N] reproche à l'arrêt attaqué ;

DE L'AVOIR débouté de ses demandes tendant à dire qu'il est demeuré salarié de l'entreprise du mois de décembre 2010 au 1er avril 2012 avec les conséquences indemnitaires afférentes

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la cour d'appel a considéré qu'il ne résultait pas des attestations versées par M. [N] que, malgré son licenciement intervenu en octobre 2010, il a continué d'exercer son activité jusqu'à ce qu'il soit à nouveau formellement engagé le 1er avril 2012 par la société Restaurant salon [4], ni même qu'il travaillait dans l'entreprise le 18 mars 2012, jour où il a été victime d'un accident (qui a entraîné l'amputation de son doigt) (arrêt, p. 6) ; que pourtant Mme [B] [T] a attesté que « M. [N] [M] travaille au sein de [4] en tant qu'aide cuisinier depuis 2011 ayant organisé une soirée en partenariat avec lui le 29/12/2011 » ; que M. [J] [K] a attesté, quant à lui, « je vois souvent M. [N] [M], travaillant à « [4] » au [Adresse 2] depuis le mois de septembre 2011, en tant que cuisinier et je certifie qu'il travaille bien tous les weekends à la « [4] » (mémoire ampliatif, prod n° 4) ; que la cour d'appel qui a elle-même constaté que M. [N] a été blessé au doigt sur les lieux de l'entreprise le 18 mars 2012 et que le gérant de la société l'a accompagné le jour même à l'hôpital (arrêt, p. 5), a dénaturé les attestations de Mme [B] et de M. [K] produites, desquelles il résultait clairement que M. [N] a continué d'être salarié de l'entreprise postérieurement à son premier licenciement en 2010 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe suivant lequel le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

2°) ET ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la cour d'appel a rejeté la demande de M. [N] tendant à voir juger que, malgré son licenciement intervenu en octobre 2010, il a continué d'exercer son activité jusqu'à ce qu'il soit à nouveau formellement engagé le 1er avril 2012 par la société Restaurant salon [4] ; que la cour d'appel ne s'est pas prononcée, même succinctement sur l'attestation de Mme [B] et de M. [K] dont il s'évinçait très clairement que M. [N] avait continué d'être salarié de l'entreprise depuis son premier licenciement en octobre 2010 jusqu'au 1er avril 2012, date à laquelle la société Restaurant salon [4] a formellement conclu un nouveau contrat de travail avec lui ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

3°) ALORS QUE la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt qui a considéré que la relation de travail a cessé entre M. [N] et la société Restaurant salon [4] à compter du premier licenciement intervenu au mois d'octobre 2010 jusqu'au 1er avril 2012 entrainera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui ont débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et qui ont limité le montant des sommes versées à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif par application de l'article 624 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [N] reproche à l'arrêt attaqué, DE L'AVOIR débouté de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents

ALORS QUE si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité lui est due lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude ; qu'en déboutant M. [N] de sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, quand elle avait pourtant considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse faute pour l'employeur d'avoir satisfait à son obligation de reclassement (arrêt, p. 6 à 7), la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail et l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

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