13 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.668

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00475

Texte de la décision

SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 475 F-D

Pourvoi n° Q 20-23.668

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 décembre 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

M. [Y] [R], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 20-23.668 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [W], société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Roche BTP, en remplacement de [F] [S], décédé,

2°/ à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA [Localité 2], dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 juillet 2019), M. [R], soutenant avoir été engagé par contrat du 2 avril 2012 en qualité de chef d'équipe façade par la société Roche BTP, a saisi la juridiction prud'homale le 23 avril 2013 pour obtenir le règlement de ses salaires.

2. Par jugement du tribunal de commerce du 8 avril 2014, la société a été placée en liquidation judiciaire, M. [S], auquel a succédé la société [W], étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

3. Le 18 décembre 2015, M. [R] a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [R] fait grief à l'arrêt de juger qu'il n'était pas salarié de la société Roche BTP et en conséquence de le débouter de l'intégralité de ses demandes en paiement de rappels de salaires et de différentes indemnités ainsi que de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'existence d'un contrat de travail apparent découle notamment de la délivrance de bulletins de paie ; que la cour d'appel a constaté, en l'espèce, que M. [R] avait produit des bulletins de salaire pour la période du 2 avril 2012 au mois de décembre 2012 ; qu'il résultait de cette constatation l'existence d'un contrat de travail apparent dont il appartenait à la cour d'appel de rechercher si la preuve de son caractère fictif était rapportée par Maître [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Roche BTP ; qu'en jugeant au contraire qu'il n'existait pas de contrat apparent et que c'était à M. [R] de démontrer qu'il avait la qualité de salarié de la société Roche BTP, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'ancien article 1315 du code civil applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 1221-1 du code du travail :

5. Il résulte de ces textes, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

6. Pour débouter M. [R] de ses demandes dirigées contre la société Roche BTP, l'arrêt retient que l'intéressé ne démontrant pas avoir encaissé les salaires correspondant aux bulletins de salaires produits pendant l'année 2012 et n'ayant pas produit la déclaration d'embauche visée au contrat de travail non signé, alors qu'il était dans le même temps associé dans la société, il n'existe pas de contrat apparent, que c'est à lui de démontrer qu'il avait la qualité de salarié de cette même société et que cette preuve n'est pas rapportée.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [R] avait produit un contrat de travail non signé mentionnant l'existence d'une déclaration préalable à l'embauche et des bulletins de salaire pour la période du 2 avril 2012 au mois de décembre 2012, ce dont il résultait l'existence d'un contrat de travail apparent, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. M. [R] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que M. [R] demandait que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail à durée indéterminée et que sa créance soit en conséquence fixée au passif de la Sarl Roche BTP et qu'enfin soit ordonné le paiement des sommes concernées ; qu'au soutien de sa demande, M. [R] produisait, en pièce n° 7 du bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions, l'accusé de réception du 4 avril 2012 de l'Urssaf selon lequel l'organisme officiel avait reçu sa Déclaration Unique d'Embauche ; qu'en jugeant pourtant que M. [R] n'avait pas produit la déclaration d'embauche visée au contrat de travail dont il se prévalait pour en conclure qu'il n'existait pas de contrat apparent et que c'était à M. [R] de démontrer qu'il avait la qualité de salarié de la société Roche BTP, la cour d'appel qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de la déclaration d'embauche dont l'accusé de réception par l'Urssaf figurait sur le bordereau de pièces annexé aux conclusions de M. [R], et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

10. Pour débouter M. [R] de ses demandes dirigées contre la société Roche BTP, l'arrêt retient qu'il n'a pas produit la déclaration d'embauche visée au contrat de travail.

11. En statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de l'accusé de réception par l'Urssaf de la déclaration préalable d'embauche, qui figurait sur le bordereau de pièces annexé aux conclusions de M. [R], la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société [W], ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [W], ès qualités, à payer à la SCP Alain Bénabent la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [R]

M. [Y] [R] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé qu'il n'était pas salarié de la SARL Roche BTP et de l'avoir en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes en paiement de rappels de salaires et de différentes indemnités ainsi que de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

1° ALORS QUE l'existence d'un contrat de travail apparent découle notamment de la délivrance de bulletins de paie ; que la cour d'appel a constaté, en l'espèce, que M. [R] avait produit des bulletins de salaire pour la période du 2 avril 2012 au mois de décembre 2012 ; qu'il résultait de cette constatation l'existence d'un contrat de travail apparent dont il appartenait à la cour d'appel de rechercher si la preuve de son caractère fictif était rapportée par Maître [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Roche BTP ; qu'en jugeant au contraire qu'il n'existait pas de contrat apparent et que c'était à M. [R] de démontrer qu'il avait la qualité de salarié de la société Roche BTP, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'ancien article 1315 du code civil applicable à l'espèce ;

2° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que M. [R] demandait que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail à durée indéterminée et que sa créance soit en conséquence fixée au passif de la Sarl Roche BTP et qu'enfin soit ordonné le paiement des sommes concernées ; qu'au soutien de sa demande, M. [R] produisait, en pièce n° 7 du bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions, l'accusé de réception du 4 avril 2012 de l'Urssaf selon lequel l'organisme officiel avait reçu sa Déclaration Unique d'Embauche ; qu'en jugeant pourtant que M. [R] n'avait pas produit la déclaration d'embauche visée au contrat de travail dont il se prévalait pour en conclure qu'il n'existait pas de contrat apparent et que c'était à M. [R] de démontrer qu'il avait la qualité de salarié de la société Roche BTP, la cour d'appel qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de la déclaration d'embauche dont l'accusé de réception par l'Urssaf figurait sur le bordereau de pièces annexé aux conclusions de M. [R], et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

3° ALORS QUE la qualité d'associé n'est pas exclusive de celle de salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que M. [R] ne pouvait se prévaloir d'un contrat de travail apparent et qu'il lui appartenait de démontrer qu'il avait la qualité de salarié de la société Roche BTP dans la mesure où il était dans le même temps associé dans la société ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'ancien article 1315 du code civil applicable à l'espèce

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