13 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.501

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00466

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 466 F-D

Pourvoi n° J 20-21.501




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

M. [F] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-21.501 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Proman 123, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Proman 123, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 juin 2020), M. [S], engagé par la société Proman 123 dans le cadre de plusieurs contrats de mission entre 2011 et 2017, a suivi deux formations de perfectionnement aux techniques de soudage.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 25 mai 2018 afin qu'il soit fait injonction à l'employeur de lui remettre ses attestations de formation et en indemnisation du préjudice subi en conséquence de ce défaut de remise, à l'issue de son dernier contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rétention abusive de ses documents professionnels, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un préjudice dont il constate l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir à réparer le préjudice subi dans sa recherche d'emploi qu'il évaluait à la somme de 84 756,67 euros, motif pris de ce que les pièces qu'il avait produites ne permettaient pas de l'évaluer précisément, alors qu'elle a constaté que faute de transmission par cette société de ses certificats de soudure, le salarié avait perdu une chance d'être recruté sur certaines offres d'emploi en raison de l'impossibilité de présenter des documents attestant de ses nouvelles qualifications en accord avec ces offres, la cour d'appel qui était tenue d'évaluer le préjudice subi par le salarié nonobstant l'insuffisance des preuves versées aux débats, au besoin en ordonnant une mesure d'expertise, a violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

4. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie.

5. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de défaut de remise de ses documents professionnels, l'arrêt, après avoir relevé que le salarié étant dans l'impossibilité de présenter les certificats de soudure attestant de ces formations, a perdu une chance d'être recruté sur certaines offres d'emploi, retient ensuite que le salarié ne verse aux débats aucun document permettant à la cour d'évaluer précisément le préjudice subi du fait de la perte de cette chance.

6. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer la perte de chance dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Proman 123 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Proman 123 et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [S]

Le moyen fait grief à confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande en paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rétention abusive de ses documents professionnels.

AUX MOTIFS propres QUE s'agissant du préjudice allégué par M. [S], il y a lieu de relever que celui-ci ne verse aux débats aucun document suffisamment précis permettant d'établir de manière certaine qu'il aurait été recruté sur un emploi spécifique s'il avait bien transmis ses certificats de soudure à temps, permettant ainsi d'établir l'existence d'un préjudice direct, certain et déterminé. En effet, le courriel en date du 20 septembre 2017 de la société Interima ne fait état d'aucune promesse d'embauche claire et non équivoque conditionnée par la remise des certificats de soudure et le courriel du 26 septembre 2017 de la même société n'indique pas explicitement que M. [S] n'a pas été recruté sur le poste en raison de l'absence de transmission dans les temps de ses certificats de soudure. Quant aux courriels en date du 2 octobre 2017 de M. [I], si ceux-ci font référence à un emploi en Suisse en indiquant un salaire journalier et des frais de panier, et s'il est demandé à M. [S] de transmettre "urgemment" son "cv à jour en y marquant (ses) expériences radio", ils ne permettent pas de conclure de manière certaine que M. [S] aurait été recruté s'il avait été en mesure de transmettre ses certificats de soudeur. En outre, les courriels ne font état d'aucune durée précise de mission, M. [I] indiquant sur ce point : "Pour la durée du chantier en question, nous ne savons pas. C'est pour cette raison que la société cliente vous déplacera de chantiers en chantiers afin de faire durer votre mission le plus longtemps possible". Enfin, le courrier en date du 8 mars 2018 de M. [Z] de la société de travail intérimaire, Elitt Energie se limite à indiquer que sans les qualifications de soudeur de M. [S], il est "difficile de le proposer pour certaine mission en local ou en déplacement", mais ne fait état d'aucune promesse d'embauche particulière. Toutefois, l'ensemble de ces différents échanges avec plusieurs sociétés d'intérim démontrent que les formations de soudure suivies par M. [S] au cours du mois d'août 2017, lui auraient permis de postuler à des offres d'emploi en accord avec ses nouvelles qualifications, et qu'ainsi, étant dans l'impossibilité de présenter les certificats de soudure attestant de ces formations, il a perdu une chance d'être recruté sur certaines de ses offres. Mais dès lors que M. [S] ne verse aux débats aucun document permettant à la cour d'évaluer précisément le nombre de missions, leur durée précise et le salaire exact qu'il aurait pu percevoir s'il avait pu les effectuer ayant été en possession de ses certificats de soudure, et donc d'évaluer précisément le préjudice subi du fait de la perte de chance de postuler à des emplois, il y a lieu par voie de confirmation du jugement déféré, de le débouter de ses demandes d'indemnisation.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE M. [S] n'apporte pas la preuve d'une embauche conditionnée à la seule production de ses certificats de soudure ; que M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Valences après l'expiration des 6 mois conditionnant la validité de ses certificats de soudure.

1° ALORS QUE le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un préjudice dont il constate l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir à réparer le préjudice subi dans sa recherche d'emploi qu'il évaluait à la somme de 84.756,67 euros, motif pris de ce que les pièces qu'il avait produites ne permettaient pas de l'évaluer précisément, alors qu'elle a constaté que faute de transmission par cette société de ses certificats de soudure, le salarié avait perdu une chance d'être recruté sur certaines offres d'emploi en raison de l'impossibilité de présenter des documents attestant de ses nouvelles qualifications en accord avec ces offres, la cour d'appel qui était tenue d'évaluer le préjudice subi par le salarié nonobstant l'insuffisance des preuves versées aux débats, au besoin en ordonnant une mesure d'expertise, a violé l'article 4 du code civil.

2° ALORS QU'en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir à réparer le préjudice subi dans sa recherche d'emploi aux motifs inopérants que celui-ci saisi la juridiction prud'homale après l'expiration des 6 mois conditionnant la validité de ses certificats de soudure, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

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