13 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.807

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100328

Titres et sommaires

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Attribution - Conditions - Disparité dans les conditions de vie respectives des époux - Eléments à considérer - Exclusion - Jouissance gratuite du domicile conjugal au titre du devoir de secours

Il résulte de l'article 270 du code civil que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives. Selon l'article 271 du même code, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. En conséquence, l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordée à un époux au titre du devoir de secours pendant la durée de l'instance en divorce ne peut être pris en compte pour apprécier l'existence d'une disparité créée par le divorce dans les conditions de vie respectives des époux

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Fixation - Critères - Ressources et besoins des époux - Détermination - Eléments à considérer - Exclusion - Jouissance gratuite du domicile conjugal au titre du devoir de secours

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 328 F-B

Pourvoi n° D 20-22.807




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022

Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-22.807 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [T] [H], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

Partie intervenante : l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte, agissant en qualité de mandataire spécial de Mme [I] [G], dont le siège est [Adresse 2].

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [G] et de l'association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte, ès qualités, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [H], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention

1. Il est donné acte à l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte de son intervention en qualité de mandataire spécial de Mme [G] pour l'assister, notamment, pendant la procédure de divorce.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2020), un jugement a prononcé le divorce de Mme [G] et de M. [H].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [G] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de prestation compensatoire, alors « que la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; que le juge fixe la prestation compensatoire en tenant compte de la situation des époux au moment du divorce ; qu'il en résulte que le juge ne peut prendre en considération, pour apprécier le droit d'un époux à une prestation compensatoire, l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordé, au titre du devoir de secours, à l'époux qui demande une prestation compensatoire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], que Mme [I] [G] bénéficiait de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal, après avoir relevé que cette jouissance avait été accordée à Mme [I] [G] par l'ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 novembre 2013 en exécution du devoir de secours, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil. »




Réponse de la Cour

Vu les articles 270 et 271 du code civil :

5. Il résulte du premier de ces textes que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives. Selon le second, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

6. Pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par Mme [G], l'arrêt retient que celle-ci bénéficie de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal depuis près de sept ans.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a pris en considération l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordée à l'épouse au titre du devoir de secours pour apprécier l'existence d'une disparité créée par le divorce dans les conditions de vie respectives des époux, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de prestation compensatoire de Mme [G], l'arrêt rendu le 22 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à Mme [G] et à l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte, ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme [G]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point, confirmatif attaqué D'AVOIR dit que le jugement de divorce de Mme [I] [G] et de M. [T] [H] prendrait effet, dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens, à la date du 1er avril 2012 ;

ALORS QUE l'existence de relations patrimoniales entre les époux, résultant d'une volonté commune, allant au-delà des obligations découlant du mariage ou du régime matrimonial, caractérise le maintien de la collaboration des époux ; qu'en conséquence, l'accomplissement par les époux des actes de gestion de la société au sein desquels ceux-ci sont associés caractérise le maintien de la collaboration des époux ; qu'en retenant, dès lors, le contraire, pour dire que le jugement de divorce de Mme [I] [G] et de M. [T] [H] prendrait effet, dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens, à la date du 1er avril 2012, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 262-1 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point, confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G] ;

ALORS QUE, de première part, la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; que le juge fixe la prestation compensatoire en tenant compte de la situation des époux au moment du divorce ; qu'il en résulte que le juge ne peut prendre en considération, pour apprécier le droit d'un époux à une prestation compensatoire, l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordé, au titre du devoir de secours, à l'époux qui demande une prestation compensatoire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], que Mme [I] [G] bénéficiait de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal, après avoir relevé que cette jouissance avait été accordée à Mme [I] [G] par l'ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 novembre 2013 en exécution du devoir de secours, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;

ALORS QUE, de deuxième part, pour apprécier les mérites d'une demande de prestation compensatoire, le juge doit se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée, si bien qu'en cas d'appel général d'un jugement de première instance prononçant un divorce, y compris sur demande acceptée, le juge doit se placer au jour où il statue pour apprécier les mérites de la demande de prestation compensatoire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], qu'à l'exception des années 2014, 2015 et 2016, bien postérieures à la séparation des époux, au cours desquelles Mme [I] [G] avait perçu des revenus au titre de son activité libérale en sus des revenus tirés de sa retraite, il avait toujours existé une différence entre les revenus déclarés par les époux en faveur de M. [T] [H], cette différence était compensée, d'une part, par la différence de revenus entre les époux au cours des années 2014, 2015 et 2016 et, d'autre part, par la situation patrimoniale respective des époux qui était aujourd'hui en faveur de l'épouse, quand, en se déterminant de la sorte, elle s'est fondée, alors qu'elle était saisie d'un appel général interjeté à l'encontre du jugement de divorce prononcé le 23 février 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, sur la différence de revenus entre les époux en faveur de Mme [I] [G] au cours des années 2014, 2015 et 2016 et, partant, sur des circonstances qui étaient antérieures de plusieurs années à la date à laquelle elle devait se placer pour apprécier le droit de Mme [I] [G] à une prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;

ALORS QUE, de troisième part, le juge doit prendre en considération, pour apprécier les mérites d'une demande de prestation compensatoire, la situation de concubinage dans laquelle se trouve l'un des époux avec une tierce personne ; qu'en rejetant, dès lors, la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [I] [G], si M. [T] [H] n'était pas en situation de concubinage avec une tierce personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;

ALORS QUE, de quatrième part, le juge doit prendre en considération, pour apprécier les mérites d'une demande de prestation compensatoire, l'endettement personnel des époux ; qu'en rejetant, dès lors, la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [I] [G], si Mme [I] [G] n'était pas endettée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 270 et 271 du code civil.

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