6 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.276

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00573

Titres et sommaires

MINEUR - Détention provisoire - Placement en détention provisoire - Formalités - Dispositions de l'article L. 423-4 du code de procédure pénale - Interprétation

Lorsque le procureur de la République, après avoir fait déférer un mineur devant lui, le poursuit devant le tribunal pour enfants, selon la procédure exceptionnelle de l'audience unique, il peut saisir le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire jusqu'à l'audience, si les conditions prévues par l'article L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs sont remplies. Avec ses réquisitions, le procureur de la République doit produire le recueil de renseignements socio-éducatifs, prévu par l'article L. 322-5 du même code, qui est obligatoire à ce stade de la procédure, au contraire du rapport prévu par l'article L. 423-4, 2°, a), du même code, qui doit être versé au dossier avant l'audience de jugement. Encourt ainsi la cassation l'arrêt disant que, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 précité, le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi, alors que le recueil de renseignements socio-éducatifs avait été établi, et figurait au dossier

Texte de la décision

N° M 22-80.276 F-B

N° 00573


ODVS
6 AVRIL 2022


CASSATION


M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 AVRIL 2022



Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 3-6, en date du 18 novembre 2021, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu à placement en détention provisoire de [V] [H].

Des mémoires en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [V] [H], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Mallard, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. [V] [H], né le [Date naissance 1] 2004, a fait l'objet de poursuites pour vol aggravé, en récidive.

3. Le 24 octobre 2021, le procureur de la République lui a notifié une convocation à comparaître devant le tribunal pour enfants statuant en audience unique, et a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de placement de l'intéressé en détention provisoire jusqu'à sa comparution, prévue le 9 novembre 2021.

4. Par ordonnance du 24 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu à placement en détention provisoire, ni à toute autre mesure de sûreté.

5. Le procureur de la République a relevé appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 423-4 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé que la saisine du juge des libertés et de la détention était irrégulière, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, alors que l'article L. 423-9 du même code, qui seul, en matière d'enfance délinquante, régit la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention d'un mineur, n'exige nullement que le rapport prévu à l'article L. 423-4 précité soit joint, dès cette phase, à la procédure, et ne sanctionne d'aucune irrecevabilité l'absence de cette formalité.

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 322-5, L. 423-4 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs :

8. Il résulte de ces textes que, lorsque le procureur de la République, après avoir fait déférer un mineur devant lui, le poursuit devant le tribunal pour enfants, selon la procédure exceptionnelle de l'audience unique, il peut saisir le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire jusqu'à l'audience, si les conditions prévues par le dernier des articles susvisés sont remplies. Avec ses réquisitions, le procureur de la République doit produire le recueil de renseignements socio-éducatifs, prévu par le premier des textes susvisés, qui est obligatoire à ce stade de la procédure, au contraire du rapport prévu par l'article L. 423-4, 2°, a), qui doit être versé au dossier avant l'audience de jugement.

9. Pour dire que le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi de la demande de placement en détention provisoire de [V] [H], l'arrêt attaqué énonce que l'article L. 423-4, 2°, a), ne laisse place à aucune ambiguïté quant au moment où le rapport visé à ce texte doit être versé au dossier par le parquet, dès lors qu'il précise que, si ce rapport n'a pas déjà été déposé et versé au dossier unique de personnalité alors qu'il aurait dû l'être, il peut toujours être requis par le procureur de la République au moment du défèrement.

10. Les juges ajoutent que ce rapport doit d'autant plus être versé au dossier au moment du défèrement que le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de placement du mineur en détention provisoire, doit pouvoir en prendre connaissance dans le cadre de son appréciation de la nécessité de cette détention.

11. Ils en concluent que, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 précité, le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi, et qu'il n'y avait pas lieu en conséquence de faire droit à la demande tendant au placement en détention provisoire du mineur.

12. En prononçant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le recueil de renseignements socio-éducatifs avait été établi et figurait au dossier, la chambre des mineurs a méconnu les textes susvisés.

13. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 800-2 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille vingt-deux.

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