8 mars 2021
Cour d'appel de Versailles
RG n° 19/01128

Texte de la décision

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 50D


4e chambre


ARRET No


REPUTE CONTRADICTOIRE


DU 08 MARS 2021


No RG 19/01128 - No Portalis DBV3-V-B7D-S6ZU


AFFAIRE :


M. [F] [H]
...


C/
M. [L] [E] es qualité de liquidateur de la Société [E] ET ASSOCIES
...


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
No chambre : 3ème


No RG : 17/01308


Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :


Me Gaëlle LE DEUN


Me Sandrine BOSQUET


Me Christophe DEBRAY


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :


Monsieur [F] [H]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]


Madame [P] [H]
née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]


Représentant : Maître Gaëlle LE DEUN de la SELARL LE NAIR BOUYER ET ASSOCIES, avocat postulant et plaidant, au barreau de VAL D'OISE - No du dossier 513390 - vestiaire : 33


APPELANTS
****************


Madame [T] [X]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 1]


Représentant : Maître Antoine SAVIGNAT Substituant Maître Sandrine BOSQUET de la SCP BERGER/BOSQUET/SAVIGNAT, avocat postulant et plaidant, au barreau de VAL D'OISE - No du dossier 4580 - vestiaire : 20


La compagnie AXA FRANCE, assureur de la société [E] & ASSOCIES suivant police BT Plus no 4561688704
Ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège


Représentant : Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES - No du dossier 19125 - vestiaire : 627
Représentant : Maître Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, avocat plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : C0675 -


INTIMES


Monsieur [L] [E] es qualité de liquidateur de la SARL [E] ET ASSOCIES
[Adresse 2]
[Localité 4]


Assigné à personne


INTIME DEFAILLANT
****************




Composition de la cour :


L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Janvier 2021, Madame Pascale CARIOU, conseillère ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :


Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Valentine BUCK, Conseillère,


qui en ont délibéré,


Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
FAITS ET PROCEDURE


Mme [X] était propriétaire d'une maison sur deux niveaux sise [Adresse 4]. Au cours de l'année 2011, elle a fait réaliser des travaux d'extension par la société [E] et associés, assurée auprès de la société Axa France. Les travaux ont été réceptionnés le 18 janvier 2012. Mme [X] a cédé ce bien à M. et Mme [H] suivant acte notarié du 5 septembre 2012.


Le 20 août 2014, ces derniers ont constaté un affaissement de plancher et ont régularisé une déclaration de sinistre auprès de la société Axa France, laquelle a diligenté une expertise amiable.


Par ordonnance rendue le 1er juillet 2015, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise judiciaire présentée par M. et Mme [H] et a désigné Mme [K] à cet effet, laquelle a déposé son rapport le 13 novembre 2016.


Par acte du 25 janvier 2017, M. et Mme [H] ont fait assigner Mme [X], la société [E] et associés et son assureur la société Axa France en paiement de diverses sommes.


Par jugement réputé contradictoire du 11 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Pontoise a :


-Déclaré la société [E] et associés et Mme [X] responsables chacune pour moitié du préjudice subi par les époux [H] ;


-Condamné solidairement la société Axa France et Mme [X] à payer aux époux [H] la somme de 73 620,29 euros toutes taxes comprises ;
-Dit que dans leurs rapports internes, ils pourront exercer leur recours dans les parts et proportions ainsi énoncées, avec prise en compte des provisions et règlements déjà versés ;


- Condamné Mme [X] à payer aux époux [H] la somme de 7 500 euros ;


- Rejeté toutes autres ou plus amples demandes ;


-Condamné solidairement la société Axa France et Mme [X] à payer aux époux [H] la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, avec recours dans leurs rapports internes selon les parts et proportions fixées ci-dessus ;


-Condamné solidairement la société Axa France et Mme [X] aux dépens, qui seront supportés entre les parties selon les mêmes parts et proportions et recouvrés selon les règles de l'article 699 du code de procédure civile.


Le 15 février 2019, M. et Mme [H] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de M. [E], ès qualités de liquidateur de la société [E] et associés, Mme [X] et la société Axa France.


La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 septembre 2020 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 25 janvier 2021, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.


*


Par conclusions déposées le 6 avril 2020, M. et Mme [H] demandent à la cour de :


« Confirmer le jugement du 11 janvier 2019 en ce qu'il a :


- Déclaré la société [E] et associés et Mme [X] responsables chacune pour moitié du préjudice subi,


L'infirmer s'agissant du quantum des sommes allouées,


En conséquence,


Condamner in solidum la société Axa France et Mme [X] à leur payer les sommes suivantes :


- 46 250,26 euros HT au titre des travaux de réfection avec indexation en fonction de l'évolution de l'index BT 01 entre le 6 juin 2016 et la date de l'arrêt à intervenir,
- 6 000 euros HT au titre des honoraires du BET d'études de sol, selon devis de mai 2016, avec indexation,
- 6 000 euros TTC au titre du déménagement des effets et meubles dans un garde-meuble pour un volume de 45 m3 sauf à parfaire à la date du déménagement,
- 288 euros TTC d'indemnité mensuelle de coût du garde-meuble pour 45m3 de volume,
- 5 000 euros à titre d'indemnité mensuelle de frais d'hébergement temporaire des époux [H] et de leurs deux enfants,
- 187,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire mensuelle destinée à réparer le préjudice de jouissance subi à compter du mois d'août 2014 (date de la déclaration de sinistre) et jusqu'à engagement des travaux de réfection,
- 39 000 euros à titre de dommages-intérêts destinés à réparer la perte financière subie du fait de la dépréciation définitive de la valeur vénale du bien immobilier,
- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice esthétique subi,
- 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi,
- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance,


Débouter la société AXA France de ses demandes incidentes ;


Débouter Mme [X] de ses demandes incidentes ;


Condamner in solidum la société AXA France et Mme [X] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,


Condamner les intimés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel ».




Par ses conclusions déposées le 21 juillet 2020, Mme [X] demande à la cour de :


« Infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé un partage de responsabilité entre elle et l'entreprise [E] & associés ;


Infirmer le jugement en ce qu'il a l'a condamnée à supporter seule le préjudice immatériel des époux [H] ;


Statuant à nouveau :


Juger qu'elle n'est pas constructeur d'ouvrage ;


Juger que sa responsabilité ne peut être engagée en qualité de maître d'ouvrage ;


Débouter les époux [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;


Dire qu'en cas de condamnation, la compagnie Axa assureur de la société [E] & associés devra supporter le coût des réparations ;


Condamner les époux [H] à lui verser la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;


Condamner les époux [H] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise ».




Par conclusions déposées le 8 novembre 2019, la société Axa France demande à la cour de :


« A titre liminaire,


Juger irrecevables les demandes de réformation des époux [H] tendant à obtenir l'actualisation du coût des travaux réparatoires selon indice BT 01 entre le 6 juin 2016 et la date de l'arrêt à intervenir formée à l'encontre de la compagnie AXA France à raison du caractère nouveau des demandes présentées en cause d'appel.


En conséquence,


Débouter les époux [H] de cette demande telle que formée à son encontre,


A titre principal,


Déclarer les époux [H] mal fondés en leur appel et les débouter de leur demande de réformation du jugement s'agissant du montant des indemnités qui leur ont été accordées au titre des postes de préjudices suivants :


*Frais de déménagement et de garde-meuble,
*Trouble de jouissance,
*Préjudice esthétique,
*Préjudice moral.


Confirmer le jugement en ce qu'il a évalué :


*Les frais de déménagement et de garde-meuble à 1 920 €,
*Le trouble de jouissance à 3 500 €,
*Le préjudice esthétique à 3 500 €,
*Le préjudice moral à 3 500 €.


Déclarer les époux [H] mal fondés en leur appel et les débouter de leur demande tendant à obtenir une indemnité au titre d'une prétendue dépréciation définitive de la valeur vénale de leur bien immobilier ;


Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [H] de leur demande d'indemnisation de la prétendue dépréciation de la valeur vénale de leur bien immobilier comme n'étant pas fondée.


Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que ses garanties n'avaient pas lieu de s'appliquer au titre des dommages immatériels ;


Déclarer les époux [H] et Mme [X] mal fondés en leur appel et les débouter de leur demande de réformation du jugement tendant à obtenir sa condamnation in solidum avec Mme [X] à supporter les préjudices de jouissance, esthétique et moral revendiqués.


A titre d'appel incident,


Infirmer le jugement et juger que le préjudice esthétique ne constitue pas un préjudice pécuniaire susceptible d'être garanti par la garantie facultative des dommages immatériels dès lors qu'il n'est justifié d'aucun débours financier.


A titre subsidiaire, et pour l'hypothèse où la Cour devait considérer la garantie des dommages immatériels mobilisable,


Infirmer le jugement et juger que s'agissant de garanties facultatives, elle est en droit d'opposer, même aux tiers victime, les franchises.


Juger qu'après revalorisation, le montant de la franchise de 1 000 € s'élève à la somme de 1 090,80 € ;


Confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que les responsabilités devaient être partagées par moitié entre la société [E] & Associés et Mme [X],


Condamner Mme [X] à la relever et garantir des sommes versées aux époux [H], en principal, intérêts à compter de la date de règlement, frais et capitalisation dans les termes de l'article 1342-2 du code civil,


Condamner Mme [X] et tous succombant à lui verser la somme de 5 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Debray, Avocat ».




M. [E] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 9 avril 2019 ; les conclusions de M. et Mme [H] lui ont été signifiées à personne le 3 juin 2019. Le présent arrêt sera réputé contradictoire à son égard.




MOTIFS


Sur les responsabilités


En application de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.


En l'espèce, les désordres sont constitués par l'affaissement du plancher de l'étage qui a nécessité la mise en place d'étais à titre conservatoire.


Ils sont imputables au sous-dimensionnement de la poutre centrale sous le plancher haut du rez-de-chaussée et au percement de cette poutre par l'électricien pour y faire passer des câbles.


Le caractère décennal des désordres n'est pas contesté par les parties, l'expert ayant conclu qu'ils compromettent la solidité du plancher de l'étage et la sécurité des personnes habitant cette maison.


La responsabilité de Mme [X]


Mme [X] reconnaît avoir fait construire l'extension de la maison, tout en niant avoir la qualité de constructeur et devoir supporter la réparation des désordres.
En application de l'article 1792-1 -2o du code civil, est réputé constructeur toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.


Il est donc indéniable que Mme [X] est redevable de la garantie décennale vis-à-vis de M et Mme [H], la question de la part de responsabilité lui revenant in fine ne devant être examinée que dans un second temps.


La responsabilité de la société [E] et associés


La société [E] et associés a été chargée du gros oeuvre par Mme [X]. Il n'est pas contesté qu'elle a la qualité de constructeur au sens de l'article 1792 du code civil et les désordres constatés entrent dans la sphère de son intervention.


Elle sera donc tenue envers les maîtres d'ouvrage, in solidum avec Mme [X], de la réparation des désordres dans les conditions qui seront définies ci-après.


Le partage de responsabilité


Le tribunal a déclaré Mme [X] et la société [E] et associés responsables chacune pour moitié du préjudice subi par M. et Mme [H]. Il a retenu à l'encontre de la première une volonté de réaliser des économies excessives et un manque de clarté sur les conditions dans lesquelles le projet a été construit. Il a estimé par ailleurs que la société [E] et associés avait commis une faute en ne surveillant pas son chantier et en procédant au coffrage de la poutre endommagée par l'électricien, sans réagir.


Mme [X] conteste toute responsabilité dans la survenance des désordres et plaide pour que seule la société Axa supporte le coût des réparations.


La société Axa, en qualité d'assureur de la société [E] et associés, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la volonté excessive d'économie de la part de Mme [X] et fait valoir que celle-ci a commis une faute en s'immisçant dans l'acte de construction et en endossant de fait le rôle de maître d'oeuvre par le choix des matériaux. Elle soutient à cet égard qu'elle ne peut pas être considérée comme profane en matière de construction.






Sur ce


Il découle du rapport d'expertise que le sinistre a pour origine d'une part le sous dimensionnement de la poutre centrale, d'autre part le percement de cette poutre par l'électricien.


Le fait que Mme [X] n'ait pas eu recours aux services d'un architecte pour établir son projet ne peut être considéré comme une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de l'entrepreneur.


Il appartenait en effet à la société [E] et associés, dans le cadre de son devoir de conseil, d'informer, le cas échéant, Mme [X] sur la nécessité de faire réaliser par un professionnel une étude de conception et de faisabilité du projet compte tenu de l'ampleur de celui-ci, qui consistait en une extension de la construction existante, et non en de simples travaux d'aménagements.


La société [E] et associés ne devait pas accepter de réaliser les travaux demandés sans la réalisation d'une telle étude, sauf à endosser la responsabilité des conséquences d'un défaut de conception du projet.


De plus, comme le relève l'expert, la société [E] et associés n'a pas suffisamment surveillé le chantier puisqu'elle a laissé, sans réagir, l'électricien intervenir sur son ouvrage, qui plus est dans des conditions qualifiées d' "aberrantes" par l'expert.


Elle a en tout état de cause accepté de camoufler les erreurs grossières de l'électricien, alors qu'en charge de la réalisation du gros oeuvre, elle ne pouvait pas, ou ne devait pas, ignorer que le percement de la poutre centrale l'avait fragilisée au point de mettre en danger la stabilité de l'ouvrage.


S'agissant des fautes reprochées par la société Axa à Mme [X], elles apparaissent :


–soit, dénuées de tout fondement, aucun élément ne permettant de qualifier Mme [X] de professionnelle de la construction,


– soit, sans rapport avec la survenance des désordres, comme le fait de ne pas avoir souscrit d'assurance dommages-ouvrage.


En ce qui concerne les allégations d'économies excessives, elles ne sont pas plus pertinentes, dans la mesure où il n'est pas démontré que Mme [X] aurait choisi, en connaissance de cause, une poutre de trop petite dimension dans un souci d'économies. Par ailleurs, l'expert n'indique pas que des travaux indispensables n'auraient pas été réalisés, dont l'absence serait en lien de causalité avec l'affaissement du plancher. Il n'est enfin pas plus démontré que le choix de l'électricien de faire passer les câbles dans la poutre résulte d'une demande expresse et éclairée de Mme [X], dans le but de réaliser des économies.


Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Mme [X] de nature à mettre à sa charge une part de responsabilité dans ses rapports avec l'entrepreneur.


Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré la société [E] et associés et Mme [T] [X] responsables chacune pour moitié du préjudice subi par les époux [H].


La société [E] et associés sera déclarée seule responsable des désordres dont se plaignent M et Mme [H].


Il en découle que la demande en garantie de la société Axa France à l'égard de Mme [X] doit être rejetée.


La demande de Mme [X] tendant à ce que, en cas de condamnation, seule la société Axa doive supporter le coût des réparations, s'analyse en une demande de garantie de Mme [X] à l'égard de l'assureur, à laquelle il convient de faire droit.




Sur les préjudices


Sur le préjudice matériel


- l'actualisation de la somme allouée en première instance


Le tribunal a alloué la somme de 70 120,29 euros au titre du préjudice matériel à M. et Mme [H], qui sollicitent devant la cour, outre l'actualisation de la somme due au titre des travaux proprement dits, une révision à la hausse des indemnités allouées.


La société Axa France s'oppose à ces demandes et soutient notamment que la demande d'actualisation serait irrecevable car nouvelle en cause d'appel.


En application de l'article 564 du code civil, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait; conformément à l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.


La demande d'indexation d'un montant estimé à une date déterminée est l'accessoire de la demande en paiement de ce montant ; l'actualisation d'une indemnisation, depuis la décision de première instance et jusqu'à l'arrêt d'appel, est le complément nécessaire de la prétention initiale. La demande de M. et Mme [H] au titre de l'indexation du coût des travaux de reprise depuis l'évaluation de celui-ci et jusqu'à la date du présent arrêt est donc recevable.


L'indemnité au titre des travaux de reprise a été fixée par le tribunal à 53 500,29 euros toutes taxes comprises, correspondant à celle de 46 250,26 euros hors taxes. En cause d'appel, M. et Mme [H] sollicitent uniquement le paiement du coût hors taxes et il convient de faire droit à cette demande. Cette somme sera indexée en fonction de l'évolution de l'index BT 01 entre le 6 juin 2016 et la date du présent arrêt.


Il y a lieu également d'allouer à M. et Mme [H] la somme de 6 000 euros hors taxes qu'ils réclament au titre des honoraires du bureau d'études de sol, outre indexation.


- les frais de déménagement


S'agissant des frais de déménagement, le tribunal a alloué la somme de 1 680 euros préconisée par l'expert.


M et Mme [H] ont présenté deux devis de 3 000 euros, le premier pour le transport de leurs affaires en garde-meubles, le second pour le retour à domicile. Ils sollicitent donc l'attribution de la somme de 6 000 euros.


Rien ne justifie, comme l'expert l'a estimé possible, suivi en cela par le tribunal, de les contraindre à stocker 20 m3 d'affaires dans leur chambre.


Il y a bien lieu de faire droit au paiement du premier devis, qui inclut la fourniture de cartons, l'emballage et le déballage des objets fragiles, le démontage et le remontage des meubles et le transport des affaires en garde-meubles.


Le second devis est identique, mais pour le retour des affaires à domicile, et inclut pareillement le démontage et le remontage des meubles, ce qui ne se justifie pas pour des objets seulement entreposés dans un garde-meubles. Certaines prestations comptabilisées dans ce second devis doivent donc être défalquées. La cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le coût du rapatriement des affaires au domicile à 50 % du second devis, soit 1 500 euros.


Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 1 680 euros et l'indemnisation de ce chef de préjudice sera portée à 4 500 euros.


Par ailleurs, M. et Mme [H] sollicitent une somme de 288 euros par mois au titre de l'entreposage du mobilier, sans se référer à aucune pièce susceptible d'étayer cette demande. Il n'y a donc pas lieu de leur allouer une somme à ce titre en sus des faits de déménagement temporaire.


- les frais de relogement


C'est à bon droit que le tribunal a alloué la somme de 7 500 euros au titre des frais de relogement, cette somme, proposée par l'expert, correspondant aux frais réels du logement temporaire d'une famille de quatre personnes, à proximité de leur domicile de Cormeilles-en-Parisis, durant six semaines.


Sur les préjudices "immatériels"


M et Mme [H] qualifient d'immatériels les préjudices de jouissance, moral et esthétique ainsi que la dépréciation de leur bien immobilier. Ils contestent l'évaluation qui en a été faite par le tribunal.


- les demandes à l'encontre de Mme [X]


En réponse à l'argumentation développée par Mme [X], qui leur oppose l'irrecevabilité de leur demande fondée sur l'article 1792 du code civil, M et Mme [H] déclarent expressément fonder leurs prétentions sur les seules dispositions de l'ancien article 1382 du code civil.


Ce fondement est manifestement inopérant dès lors qu'ils sont liés à Mme [X] par un contrat de vente qui régit leurs droits et obligations réciproques. Le principe du non-cumul des responsabilités leur interdit ainsi de solliciter une indemnisation sur le fondement délictuel, ce qui doit conduire à rejeter ces demandes.


Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a condamné Mme [X] à verser à M et Mme [H] la somme de 7 500 euros au titre des préjudices immatériels.


- les demandes à l'encontre de la société Axa


La cour constate tout d'abord que la société Axa France, ès qualités d'assureur de la société [E] et associés, ne conteste pas l'évaluation faite par le tribunal du trouble de jouissance à hauteur de la somme de 3 500 euros, ni celle du préjudice esthétique également à hauteur de la somme de 3 500 euros.


Elle soutient toutefois que ces préjudices ne sont pas couverts par sa police, laquelle ne couvrirait que les préjudices pécuniaires, à savoir un préjudice impliquant un débours ou la perte d'un bénéfice.


Il ressort des pièces produites que la société Axa couvre les préjudices immatériels consécutifs aux termes de la clause suivante :


« L'assureur s'engage à prendre en charge les conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l'assuré en raison de dommages immatériels
? subis soit par le maître de l'ouvrage, soit par le propriétaire ou l'occupant de l'ouvrage ou de l'existant,
? et résultant directement d'un dommage garanti en application des articles 2.8, 2.9, 2.10, 2.12, 2.13 ou 2.14 ».


Le dommage immatériel est ainsi défini :


« Tout dommage autre que corporel ou matériel et notamment tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par une personne ou un bien, ou de la perte d'un bénéfice ».


Un dommage immatériel, c'est-à-dire qui n'est ni matériel ni corporel, n'est donc garanti que s'il comporte une dimension pécuniaire, en ce qu'il induit une dépense ou provoque un manque à gagner. À défaut de provoquer une conséquence pécuniaire, un tel dommage ne relève pas de la garantie souscrite.


Le seul fait que l'attestation remise à Mme [X] ait mentionné que le contrat couvrait les préjudices immatériels ne permet pas d'étendre les effets de la garantie au-delà de ce qui a été défini par le contrat. Celui-ci doit s'appliquer dans les termes définis entre les parties.


Ne sont donc pas indemnisables le préjudice de jouissance, le préjudice moral et le préjudice esthétique qui n'ont pas entraîné de conséquences pécuniaires pour M. et Mme [H].


Par ailleurs, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande au titre d'un préjudice financier lié à une perte de valeur définitive du bien, les appelants ne démontrant pas plus devant la cour la réalité du préjudice qu'ils allèguent. Il est rappelé en tant que de besoin que le préjudice purement éventuel ou hypothétique, telle la perte potentielle de valeur du bien en cas de revente, alors même que cette revente n'est pas envisagée dans l'immédiat, n'est pas indemnisable.


Le tribunal a donc considéré à juste titre que la société Axa ne garantissait pas les préjudices immatériels dont l'indemnisation était sollicitée par M et Mme [H].




Sur les dépens et autres frais de procédure


Le sens du présent arrêt commande d'infirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.


La société Axa France sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, y compris ceux de la procédure de référé préalable à l'instance au fond et les frais d'expertise judiciaire. Elle sera également tenue de payer à M et Mme [H] la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.


Les autres demandes sur ce fondement seront rejetées.




PAR CES MOTIFS




La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME le jugement déféré ;


Et, statuant à nouveau,


DÉCLARE RECEVABLE la demande d'actualisation du coût des travaux formée par M. et Mme [H] en cause d'appel ;


CONDAMNE in solidum la société Axa France IARD et Mme [X] à payer à M et Mme [H] les sommes de :


– 46 250,26 euros, au titre des travaux de réfection, indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 6 juin 2016 et jusqu'à la date de cet arrêt,


– 6 000 euros, au titre des honoraires du bureau d'études de sol, indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 6 juin 2016 et jusqu'à la date de cet arrêt,


– 4 500 euros au titre des frais de déménagement,


– 7 500 euros au titre des frais de relogement temporaire ;


DÉBOUTE M. et Mme [H] de leur demande en paiement d'une indemnité mensuelle de garde-meubles ;


DIT que dans les rapports entre co-obligés, la société [E] et associés est entièrement responsable du sinistre ;


CONDAMNE en conséquence la société Axa France IARD à garantir Mme [X] des condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais et accessoires ;


DÉBOUTE la société Axa France IARD de son recours contre Mme [X] ;


DÉBOUTE M et Mme [H] de leurs demandes au titre du préjudice esthétique, du préjudice moral, du préjudice de jouissance et de la perte financière ;


CONDAMNE la société Axa France IARD aux dépens de première instance et d'appel, y compris les dépens de la procédure de référé préalable et les frais d'expertise,
CONDAMNE la société Axa France IARD à payer à M et Mme [H] la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure, et déboute Mme [X] ainsi que la société Axa France IARD de leur demande à ce titre.




- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


- signé par Monsieur Emmanuel Robin, Président et par Madame Françoise Ducamin, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

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