9 août 2021
Cour d'appel de Versailles
RG n°
19/04781
Texte de la décision
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54C
4e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 09 AOUT 2021
No RG 19/04781 - No Portalis DBV3-V-B7D-TJUK
AFFAIRE :
SOCIETE MODERNE DES TERRASSEMENTS PARISIENS
C/
M. [Z] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre
No Chambre : 7ème
No RG : 17/03976
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bruno ELIE
Me Grégory COHEN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF AOUT DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SOCIETE MODERNE DES TERRASSEMENTS PARISIENS
Ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Bruno ELIE de la SCP Société Civile Professionnelle ANCELET ELIE SAUDUBRAY ou ADE S, avocat postulant et plaidant, au barreau de PARIS - No du dossier 190157 -
vestiaire : P0501 -
APPELANTE
****************
Monsieur [Z] [X]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Maître Grégory COHEN de la SELARL AGC AVOCAT, avocat postulant et plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : C1263
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mai 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et Madame Valentine BUCK, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Valentine BUCK, Conseiller,,
Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [Z] [X] a fait construire un immeuble à usage d'habitation au [Adresse 2] à [Localité 2]. La société Mag a sous-traité à la Société moderne des terrassements parisiens les travaux de terrassement et de voiles contre terre.
Par acte d'huissier du 28 mars 2017, la Société moderne des terrassements parisiens a fait assigner M. [Z] [X] devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin qu'il soit condamné à lui payer la somme de 245 419,32 euros au titre du solde du prix des travaux.
Par jugement en date du 6 juin 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre, après avoir déclaré irrecevable une exception de procédure soulevée par M. [Z] [X], a déclaré irrecevable la demande en paiement de la Société moderne des terrassements parisiens et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré que la Société moderne des terrassements parisiens avait établi son décompte général définitif le 30 novembre 2013 et que, l'assignation ayant été délivrée le 28 mars 2017 avant l'expiration du délai de cinq ans prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, l'action n'était pas prescrite. En revanche, il a relevé que la Société moderne des terrassements parisiens ne justifiait pas de l'envoi à la société Mag de la mise en demeure prévue par l'article 12 de la loi no75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Le 1er juillet 2019, la Société moderne des terrassements parisiens a interjeté appel de cette décision.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 mars 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 31 mais 2021, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
*
Par conclusions déposées le 25 février 2020, la Société moderne des terrassements parisiens demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable sa demande et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner M. [Z] [X] à lui payer la somme de 245 419,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2017, outre leur capitalisation ; elle demande qu'il soit également condamné aux dépens et au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société moderne des terrassements parisiens soutient qu'elle a envoyé une mise en demeure à la société Mag le 6 octobre 2014, réitérée le 27 juin 2019, et qu'une copie en a été transmise à M. [Z] [X] le 28 juin 2019 ; l'action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage serait donc recevable ; par ailleurs elle aurait été introduite avant l'expiration du délai de prescription.
La Société moderne des terrassements parisiens ajoute que son intervention avait été acceptée par M. [Z] [X], qui aurait également agréé ses conditions de paiement ; par ailleurs le maître de l'ouvrage ne justifierait pas de s'être acquitté des sommes dues à l'entrepreneur principal, il serait mal fondé à mettre en doute l'achèvement des travaux et le montant de la créance serait démontré. Subsidiairement, la Société moderne des terrassements parisiens invoque une faute de M. [Z] [X], qui ne se serait pas conformé aux dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.
Par conclusions déposées le 2 décembre 2019, M. [Z] [X] demande à la cour de déclarer l'action directe irrecevable faute de mise en demeure préalable ou en raison de la prescription. Il sollicite une indemnité de 4 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Z] [X] soutient que la Société moderne des terrassements parisiens ne rapporte pas la preuve d'une mise en demeure adressée à l'entrepreneur principal et demeurée infructueuse durant un mois, ni d'en avoir envoyé une copie au maître de l'ouvrage. La mise en demeure envoyée le 27 juin 2019, postérieurement au jugement déféré, serait tardive ; notamment, la procédure de liquidation judiciaire de la société Mag aurait été clôturée pour insuffisance d'actif le 28 juin 2019, la créance n'aurait pas été déclarée et l'action aurait été prescrite. M. [Z] [X] ajoute que l'action directe à son encontre n'est pas recevable faute d'agrément du sous-traitant, peu important que le maître de l'ouvrage ait eu connaissance de l'intervention de celui-ci.
M. [Z] [X] soutient également que, faute d'action en paiement contre l'entrepreneur principal avant le 27 juin 2019, l'action de la Société moderne des terrassements parisiens est prescrite.
Par ailleurs, M. [Z] [X] conteste le montant de la créance réclamée en soutenant que la Société moderne des terrassements parisiens ne produit pas une situation validée par l'entrepreneur principal ou le maître d'oeuvre ; en outre, il ne serait pas justifié de l'achèvement des travaux ni d'une réception. M. [Z] [X] affirme avoir payé intégralement les factures de la société Mag et invoque une négligence de la Société moderne des terrassements parisiens. Il conteste avoir manqué aux obligations prévues par l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 en soutenant avoir fait construire un logement où il habite avec sa famille.
MOTIFS
Sur l'action directe
L'action directe prévue par l'article 12 de la loi no75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance est ouverte au sous-traitant agréé par le maître de l'ouvrage et dont les conditions de paiement ont été acceptées.
En l'espèce, la Société moderne des terrassements parisiens démontre :
1) que le maître de l'ouvrage était en possession, dès le 11 octobre 2011, des devis et de l'attestation d'assurance fournie pour la conclusion du contrat de sous-traitance et qu'il en a transmis aussitôt une copie à l'expert judiciaire chargé d'une mesure d'instruction préventive destinée à décrire le terrain sur lequel les travaux devaient être réalisés et les immeubles voisins, à prévoir d'éventuelles mesures de sauvegarde en cas de danger et à fournir tous les éléments permettant, en cas de sinistre, à la juridiction saisie de se prononcer sur les responsabilités et les préjudices,
2) que, par une assignation en référé délivrée dès le mois suivant, M. [Z] [X] a entendu rendre opposable au sous-traitant les opérations d'expertise préventive,
3) que, selon une phrase de cette assignation « ces dernières [à savoir « la société Mag en sa qualité d'entreprise de construction, la société Société moderne des terrassements parisiens en sa qualité de sous-traitant, la société QUALICONSULT en sa qualité de bureau de contrôle et la société MTTP en sa qualité d'entreprise de démolition »] ont été contractuellement désignées par M. [X] pour exécuter les travaux objets de la présente procédure de référé préventif, effectuer le contrôle de ces travaux ou réaliser les démolitions préalables à ces travaux ».
Ainsi, en décidant dès le lendemain de la conclusion de l'avenant no1 au contrat de sous-traitance, avant même le commencement des travaux ainsi prévus et en toute connaissance de cause, d'associer la Société moderne des terrassements parisiens aux opérations d'expertise préventive, et en déclarant qu'il l'avait « contractuellement désignée » alors qu'il n'existait aucun contrat d'entreprise entre eux, M. [Z] [X] a manifesté sans équivoque son intention d'agréer celle-ci et d'accepter ses conditions de paiement.
Conformément à l'article 12 de la loi no75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.
En l'espèce, la Société moderne des terrassements parisiens démontre avoir adressé à la société Mag, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 octobre 2014, une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 245 419,32 euros correspondant au solde du décompte général définitif établi en avril 2013. La circonstance que la société Mag était alors en liquidation judiciaire depuis le 12 juin 2014 est indifférente, tout comme l'absence de déclaration de créance au passif de cette société.
La loi n'impose pas au sous-traitant d'adresser la copie de la mise en demeure dans un certain délai au maître de l'ouvrage, sauf au maître de l'ouvrage de démontrer qu'il s'est libéré de sa dette à l'égard de l'entrepreneur principal avant réception de la copie de la mise en demeure du sous-traitant ; en outre, l'omission de l'envoi d'une mise en demeure peut être régularisée en cours de procédure.
Il importe donc peu qu'en l'espèce la copie de la mise en demeure envoyée par la Société moderne des terrassements parisiens à la société Mag a été remise à M. [Z] [X] dans le cadre du présent litige.
Sur la prescription
En cause d'appel, M. [Z] [X] ne soutient pas que l'action directe de la Société moderne des terrassements parisiens à son encontre serait prescrite.
Il importe peu, en ce qui concerne la recevabilité de cette action directe, que l'action du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage soit éteinte par la prescription à la date à laquelle le juge statue.
M. [Z] [X] est dès lors mal fondé à demander à la cour de déclarer prescrite l'action de la Société moderne des terrassements parisiens à son encontre.
Sur le fond
Il résulte de l'avenant no1 au contrat de sous-traitance conclu entre la société Mag et la Société moderne des terrassements parisiens que le montant du marché de base, dont le prix avait été stipulé global et forfaitaire, avait été porté à la somme totale de 376 979,32 euros.
Ce contrat suffit à faire la preuve de la somme due par l'entrepreneur principal au sous-traitant.
M. [Z] [X] ne produit aucun élément permettant de caractériser un éventuel défaut d'exécution du contrat ; il ne justifie pas davantage de paiements faits par la société Mag à la Société moderne des terrassements parisiens au-delà de ce que celle-ci reconnaît avoir reçu selon son décompte général et définitif daté du 30 novembre 2013. M. [Z] [X] est dès lors mal fondé à contester la créance de la Société moderne des terrassements parisiens.
Par ailleurs, M. [Z] [X], qui se contente d'affirmer que la société Mag ne lui aurait jamais réclamé le paiement de sommes, ne prouve pas s'être acquitté de sa dette à l'égard de l'entrepreneur principal.
Il convient en conséquence de faire droit à l'action directe de la Société moderne des terrassements parisiens et de condamner M. [Z] [X] à lui payer la somme de 245 419,32 euros.
Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2017, date de l'assignation. Il convient d'en ordonner la capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les autres frais
M. [Z] [X], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.
Selon l'article 700 1o de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les circonstances de l'espèce justifient de condamner M. [Z] [X] à payer à la Société moderne des terrassements parisiens une indemnité de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès ; il sera lui-même débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation ;
Et, statuant à nouveau,
DÉCLARE recevable l'action directe de la Société moderne des terrassements parisiens à l'encontre de M. [Z] [X] ;
CONDAMNE M. [Z] [X] à payer à la Société moderne des terrassements parisiens la somme de 245 419,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2017 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil
CONDAMNE M. [Z] [X] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la Société moderne des terrassements parisiens une indemnité de 3 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et le déboute de sa demande à ce titre.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Emmanuel Robin, Président et par Monsieur Barry, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le Président