11 juin 2021
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/17825

Texte de la décision

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS






COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 1


ARRÊT DU 11 JUIN 2021


(no , pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/17825 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAVUX


Décision déférée à la cour : jugement du 28 août 2019 -tribunal de grande instance de Fontainebleau - RG no 16/01281




APPELANT


Monsieur [I][X] [P] [G] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]


Représenté par Me Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU






INTIMÉES


Madame [C] [L] veuve [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 2] 1937 à[Localité 2] (ALLEMAGNE)


Représentée par Me Florence PAILLE-ARDILLY, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU


Madame [N] [Z] [W], veuve [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 3] 1933 à [Localité 3]


Représentée par Me Isabelle de BOURBON-BUSSET de BOISANGER de la SELARL BOURBON- BUSSET - BOISANGER, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
















Composition de la cour :


En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le [Cadastre 1] mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


M. Claude Creton, président
Mme Muriel Page, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère


Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier


Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.


*****
Par acte authentique du 2 août 2005, M. [E] [Z] a acquis les lots 24, 82, 156 et 183 de l'état de division d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1], soit, respectivement, un appartement, une cave, et des parkings. Le 22 juillet 2012, le lot 78 (cave) de cet état de division a été vendu à un tiers. Le notaire chargé de cette vente a exigé de M. [Z] qu'il restituât le lot 78 dont il avait été mis en possession à la suite de son achat, ce que M. [Z] a fait. Le 22 juillet 2015, M. [Z] a mis en demeure Mme [N] [W], veuve [Y], propriétaire des lots 13 (appartement) et 81 (cave) en vertu d'un acte du 2 septembre 1996, de lui restituer le lot 82 (cave) qu'elle occupait. Mme [Y] n'a pas obtempéré et a vendu le [Cadastre 2] mars 2016 les lots 13 et 81 à Mme [C] [L], veuve [F], qu'elle a mise en possession du lot 82. Par acte extrajudiciaire du 19 octobre 2016, M. [Z] a assigné Mme [F] en restitution du lot 82. Par acte extrajudiciaire du 16 mars 2018, Mme [F] a assigné en intervention forcée Mme [Y].


C'est dans ces conditions que, par jugement du 21 novembre 2019, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. [Z] de sa demande de restitution de la cave litigieuse dans la mesure où Mme [F], par ses auteurs, avait acquis par usucapion la cave litigieuse correspondant à l'emplacement du lot 82,
- condamné M. [Z] aux dépens,
- condamné M. [Z] à verser sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à Mme [F] la somme de 3 000 ? et à Mme [Y] celle de 3 000 ?.


Par dernières conclusions, M. [Z], appelant, demande à la Cour de :
- vu les articles 544, 545, 2272, 2261, 2262 du code civil, 13 et 26 de la loi du 10 juillet 1965,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- condamner Mme [F] à lui restituer la cave 82 sous astreinte de 150 ? par jour de retard à compter de la signification à intervenir,
- condamner in solidum Mme [Y] et Mme [F] à lui payer la somme de 10 000 ? de dommages-intérêts au titre de la privation de jouissance de la cave,
- condamner Mme [Y] à lui payer la somme complémentaire de 3 000 ? de dommages-intérêts compte tenu de son attitude fautive lors de la vente du [Cadastre 2] mars 2016,


- vu l'article 954 du Code de procédure civile, déclarer Mme [F] irrecevable en sa demande de dommages-intérêts formée contre lui,
- subsidiairement, l'en débouter,
- condamner in solidum, Mme [F] et Mme [Y] à lui payer la somme de 5 000 ? au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.


Par dernières conclusions, Mme [F] prie la Cour de :
- vu les articles 122 et suivants, 325 à 327, 331 et suivants du Code de procédure civile, 2258, à 2275, 544, 545, 1240 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter M. [Z] de ses demandes,
- débouter Mme [Y] de ses demandes,
- pour le cas où il serait fait droit aux demandes de M. [Z], la dire bien fondée en son appel en garantie à l'encontre de Mme [Y],
- dire que Mme [Y] devra la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcer contre elle,
- en tout état de cause,
- condamner solidairement Mme [Y] et M. [Z] à lui payer la somme de 7 000 ? de dommages-intérêts,
- condamner solidairement Mme [Y] et M. [Z] à lui payer la somme de 3 000 ? au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.


Par dernières conclusions, Mme [Y] demande à la Cour de :
- vu les articles 122 et suivant du Code de procédure civile, 2258 à 2275, 544, 545, 1240 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter Mme [F] et M. [Z] de leurs demandes formées contre elle,
- condamner M. [Z] et Mme [F] à lui verser la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. [Z] aux dépens.


MOTIFS DE LA COUR


Il ressort des titres de propriété des parties au litige que le règlement de copropriété de l'immeuble litigieux, incluant son état descriptif de division, a été dressé suivant acte authentique reçu par M. [U], notaire à [Localité 4], les 9 et 17 décembre 1963, publié à la conservation des hypothèques [Localité 5] le 26 février 1964, volume 5134, numéro [Cadastre 2], et qu'il a été modifié deux fois, d'une part, suivant acte authentique reçu par M. [T], notaire à [Localité 5], les 27 juillet 1973, publié au même bureau le 3 septembre 1973, volume 7263P, numéro [Cadastre 1], d'autre part, suivant acte authentique reçu par le même notaire, le 17 mars 1993, publié au même bureau, volume 1993P, numéro[Cadastre 1].


Les parties n'ont pas versé aux débats les actes modificatifs du règlement de copropriété de 1973 et 1993. Les copies du règlement de copropriété de 1963 produites ne renferment pas le plan du sous-sol. Mais, le 12 janvier 2017, la SCP notariale ayant succédé à celle qui a dressé l'acte initial et ses modificatifs a adressé à la société Century 21, syndic de la copropriété, le plan du sous-sol annexé à l'acte du 11 décembre 1963. Ce plan est celui qui est versé aux débats par les parties en tant que "plan du sous-sol de 1963". Ce plan annexé au règlement de copropriété publié est opposable à Mme [Y] et Mme [F] dont les titres mentionnent (p. 16 pour Mme [Y], p. 12 pour Mme [F]) que l'acte des 9 et 17 décembre 1963 leur a été remis.


Le plan de 1963 du sous-sol porte une numérotation manuscrite des caves dans l'ordre naturel des nombres, de sorte que la cave 82 est située à droite de la cave 81, étant observé que l'état de division ne différencie pas le numéro de cave du numéro de lot : "Lot 81- Une cave située au sous-sol portant le numéro 81" et qu'aucun patronyme n'est reporté sur l'emplacement des caves sur le plan de 1963.


Pour établir que la localisation des caves, telle qu'elle résulte du plan de 1963, a été régulièrement modifiée, Mmes [Y] et [F] versent aux débats deux plans, l'un portant la mention manuscrite : "Décembre 1972 : Mis à jour le 2/3/82", l'autre portant la mention manuscrite en surcharge : "Révision 26 novembre 2004". Ces deux plans, provenant de la même matrice, mais dont la provenance est inconnue, montrent une modification des emplacements de caves, leur numérotation étant devenue aléatoire : ainsi, la cave 81, située sur l'ancien emplacement de la cave 82, est à la droite de la cave 77 et suivie par la cave 62. La cave 82, située à un tout autre emplacement, est entre la cave 61 et la cave 79. Les noms des copropriétaires sont apposés sur les caves ou en marge, la différence entre le plan de 1972 et celui de 2004 paraissant résider dans le changement de nom des propriétaires des caves. Ces plans sont complétés par une liste manuscrite des lots (caves), dont seule la page relative aux lots 60 à 118 est versée aux débats par Mme [F] (pièce 6 de son bordereau de communication mentionnant une révision du 26 novembre 2004), portant l'indication du nom du propriétaire de la cave et le numéro de lot de l'appartement.


Ni Mme [Y] ni Mme [F] ne prouvent que ces modifications ou révisions de l'emplacement des caves ont été décidées par le syndicat des copropriétaires réuni en assemblée générale ni qu'à la suite de ces décisions le règlement de copropriété aurait été modifié ni encore que ces modifications auraient été publiées.


Au contraire, il ressort :


- du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de l'immeuble du 14 juin 2017, qui énonce au titre du "Point d'information sur le dossier des caves", qu'un "plan mentionnant la localisation de sa cave établi à partir du plan original notarial (1963) et des fiches d'immeuble est remis à chaque présent",


- et de la lettre envoyée à M. [Z] le 16 juin 2017 par le syndic, Century 21, incluant un plan des caves et l'invitant à noter "le bon emplacement" de sa cave 82 située conformément au plan de 1963, soit entre la cave 81 et la cave 83,


qu'aucune modification régulière n'a été apportée au plan de localisation des caves annexé au règlement de copropriété du 11 décembre 1963 et que seul le plan de 1963 est applicable au sous-sol de l'immeuble.


Mmes [Y] et [F] n'établissent pas davantage l'existence d'actes d'échange opposables aux tiers.


En conséquence, en vertu de son titre, M. [Z] est propriétaire du lot 82 (cave), tel que situé sur le plan de localisation des caves au sous-sol, annexé au règlement de copropriété du 11 décembre 1963, cette cave étant actuellement occupée par Mme [F], mise en possession par Mme [Y].


S'agissant de l'acquisition par usucapion de la cave 82 revendiquée par les intimées, suivant acte du 18 mars 2016, Mme [F] a acquis le lot 81 de Mme [Y]. Celle-ci avait acquis ce même lot de [H] par acte du 2 septembre 1996. [H] avait acquis le lot 81 des consorts [X]-[E]-[P] suivant acte du 29 septembre 1990. Ces derniers l'avaient acquis le 10 septembre 1979 de [G] qui l'avait lui-même acquis le 1er août 1974 de la SCI [Adresse 3] laquelle avait mis l'immeuble en copropriété les 9 et 17 décembre 1963.


La chaîne des titres montre que Mme [F] a acquis le lot 81 de son véritable propriétaire, Mme [Y], laquelle l'avait elle-même acquis de son véritable propriétaire. Par suite, les intimées ne peuvent se prévaloir, pour le lot 82, d'un juste titre au sens de l'article 2272, alinéa 2, du Code civil, de nature à réduire la prescription acquisitive à 10 ans.


En conséquence, il incombe à Mmes [Y] et [F] de prouver qu'au 19 octobre 2016, date de l'assignation, elles avaient acquis par possession trentenaire le lot 82.
Or, un acquéreur ne peut joindre à sa possession celle de son vendeur pour prescrire un bien resté en dehors de la vente.


L'acte authentique du 2 septembre 1996 aux termes duquel les époux [H] ont vendu à Mme[Y] les lots 13, 81 (cave au sous-sol portant le numéro 81) et 173 ne transfère pas à l'acquéreur la possession du lot 82. Il en est de même de l'acte de vente du 18 mars 2016 par Mme [Y] au profit de Mme [F].


Par suite, au 19 octobre 2016, ni Mmes [Y] ni [F] n'avaient acquis le lot 82 par prescription trentenaire, de sorte qu'elles doivent être déboutées de cette demande, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il y a fait droit.


Mme [F] occupant sans droit ni titre le lot 82, il y a lieu de la condamner à restituer cette cave à M. [Z] sous astreinte de 100 ? par jour de retard à l'issue de deux mois après la signification du présent arrêt et pour une durée de deux mois, passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit.


Depuis le 4 juillet 2012, M. [Z], qui a dû restituer la cave 78 qu'il occupait sans titre à son véritable propriétaire, ne dispose plus de cave, Mme [Y] n'ayant pas déféré à la sommation que M. [Z] lui a délivrée le 22 juillet 2015 de lui restituer la cave 82 et ayant, de surcroît, vendu ses lots à Mme [F] le 18 mars 2016 en la mettant en possession de la cave 82 litigieuse.


Ce comportement fautif de Mme [Y] a causé à M. [Z] un préjudice qui sera réparé, toutes causes confondues, par la somme globale de 10 000 ? au paiement de laquelle il y a lieu de condamner Mme [Y].


La privation de jouissance dont souffre M. [Z] n'est imputable à Mme [F] qu'à compter de l'assignation du 19 octobre 2016. Mme [F] sera condamnée, in solidum avec Mme [Y], à réparer le préjudice de M. [Z] à hauteur de 3 000 ?.


La condamnation sous astreinte de Mme [F], qui trouve sa cause dans le défaut de libération de lieux auquel seule Mme [F] peut mettre fin, ne peut donner lieu à la garantie de Mme [Y] en sa qualité de vendeur.


En l'absence de faute de M. [Z], Mme [F] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée contre lui.


Mme [Y] a vendu la cave 81 à Mme [F] en la mettant en possession de la cave 82 sans l'avertir de la revendication de M. [Z] sur ce bien. En sa qualité de venderesse, Mme [Y] doit garantir Mme [F] du trouble dont cette dernière souffre dans sa possession et qui consiste dans l'obligation de libérer la cave litigieuse. A ce titre, Mme [Y] doit être condamnée à payer à Mme [F] la somme de 5 000 ? de dommages-intérêts. Mme [Y] doit également garantir Mme [F] de la condamnation à hauteur de 3 000 ? de dommages-intérêts prononcée contre elle au profit de M. [Z] à titre de dommages-intérêts.


Mme [Y], qui succombe en toutes ses demandes, supportera les dépens de première instance et d'appel. Dès lors, elle doit être déboutée de sa demande en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.


Mme [F] n'étant pas condamnée aux dépens, la demande de M. [Z] formée contre elle, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, ne peut prospérer.


M. [Z] n'étant pas condamné aux dépens, la demande de Mme [F] formée contre lui en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, ne peut prospérer.


L'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de M. [Z] et de Mme [F], sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à l'encontre de Mme [Y], comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.


PAR CES MOTIFS


Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;


Statuant à nouveau :


Dit que M. [Z] est propriétaire en titre du lot 82 (cave 82) tel que situé sur le plan de localisation des caves au sous-sol, annexé au règlement de copropriété du 11 décembre 1963 ;


Dit que ni Mme [Y] ni Mme [F] n'ont acquis la propriété du lot 82 (cave 82) par usucapion trentenaire ;


Les déboute de cette demande ;


Ordonne à Mme [C] [L], veuve [F], de restituer à M. [E] [Z] le lot 82 libre de toute occupation en personnes et en biens, soit la cave 82, située au sous-sol de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1], suivant son emplacement résultant du plan annexé au règlement de copropriété des 9 et 17 décembre 1963, sous astreinte de 100 ? par jour de retard à l'issue de deux mois après la signification du présent arrêt et pour une durée de deux mois, passé lequel délai, il sera à nouveau fait droit ;


Condamne Mme [N] [W], veuve [Y], à payer à M. [E] [Z] la somme de 10 000 ? de dommages-intérêts ;


Condamne Mme [C] [L], veuve [F], in solidum avec Mme [Y], à payer à M. [Z] la somme de 3 000 ? de dommages-intérêts sous la garantie de Mme [N] [W], veuve [Y] ;


Condamne Mme [N] [W], veuve [Y], à payer à Mme [C] [L], veuve [F], la somme de 5 000 ? de dommages-intérêts ;


Rejette toute autre demande ;


Condamne Mme [N] [W], veuve [Y], aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;


Condamne Mme [N] [W], veuve [Y], sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à payer à :


- M. [E] [Z], la somme de 5 000 ?,


- Mme [C] [L], veuve [F], celle de 3 000 ?.




Le greffier, Le président,

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