10 juin 2021
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 19/03703

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/06/2021
la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC
la SELARL AVENIR AVOCATS,
ARRÊT du : 10 JUIN 2021


No : 123 - 21
No RG 19/03703
No Portalis DBVN-V-B7D-GCA3


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 31 Octobre 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265250073842154
Madame [O] [C] veuve [V]
née le [Date naissance 1] 1916 à [Localité 1] (45000)
[Adresse 1]
[Adresse 1]




Ayant pour avocat Me Ladislas WEDRYCHOWSKI, membre de la SCP WEDRYCHOWSKI et ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS




Madame [G] [V] épouse [H]
née le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 1] (45000)
[Adresse 1]
[Adresse 1]




Ayant pour avocat Me Ladislas WEDRYCHOWSKI, membre de la SCP WEDRYCHOWSKI et ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS






Monsieur [U] [H]
né le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 2] (66130)
[Adresse 1]
[Adresse 1]




Ayant pour avocat Me Ladislas WEDRYCHOWSKI, membre de la SCP WEDRYCHOWSKI et ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS




D'UNE PART


INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265258945855295
S.A.R.L. KAIMEN
[Adresse 2]
[Adresse 1]




Ayant pour avocat Me Pascal LAVISSE, membre de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d'ORLEANS




- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265258886135693
SELARL AJASSOCIES
Prise en la personne de Maître [Z] [X], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SARL KAIMEN,
[Adresse 3]
[Adresse 1]




Ayant pour avocat Me Thierry OUSACI , membre de la SELARL AVENIR AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS






SAS XXX
Prise en la personne de maître [S] [P], ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL KAIMEN,
[Adresse 4]
[Adresse 1]




Ayant pour avocat Me Thierry OUSACI , membre de la SELARL AVENIR AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS










D'AUTRE PART


DÉCLARATION D'APPEL en date du : 02 Décembre 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 Février 2021


Dossier communiqué au Ministère Public le 10 Février 2021














COMPOSITION DE LA COUR




Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 08 AVRIL 2021, à 14 heures, devant Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.


Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,


Greffier :


Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.




ARRÊT :


Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 10 JUIN 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :


Par acte notarié du 30 avril 1993, Mme [O] [C] Veuve [V], Mme [G] [V] épouse [H] et M. [U] [H] (les consorts [V]-[H]) ont consenti à la SARL Kaimen exerçant l'activité d'achat et vente de produits de maroquinerie, bijoux, fantaisie, cadeaux, un bail commercial à compter du 1er octobre 1993 sur un local leur appartenant situé à [Adresse 5], moyennant un loyer annuel de 108000 francs hors taxes, soit 16464.49 euros, avec indexation.


Par jugement du 21 février 2018, le Juge des loyers commerciaux près du tribunal de grande instance d'Orléans a principalement :
- dit que des modifications notables concernant les facteurs locaux de commercialité sont intervenues pour l'activité commerciale exercée par la SARL Kaimen,
- fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 à la valeur locative des locaux soit la somme de 49.324? par an, avec indexation,
- condamné la SARL Kaimen à payer aux consorts [V]-[H] le solde des loyers non payés depuis le 1er octobre 2011 au vu de la différence entre les loyers effectivement versés et la valeur locative, le tout devant tenir compte de la variation annuelle du coût de la construction,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- rejeté les autres demandes,
















- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Kaimen aux dépens dont ceux de l'expertise judiciaire,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.


La SARL Kaimen a interjeté appel de ce jugement et obtenu, par ordonnance du 19 septembre 2018 l'arrêt de l'exécution provisoire.


Par arrêt du 4 avril 2019, la cour d'appel d'Orléans a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 21 février 2018. Cet arrêt a été signifié à la SARL Kaimen le 29 avril 2019. Un pourvoi a été formé, rejeté le 26 mars 2020 par la Cour de cassation.


Les consorts [V]-[H] ont fait signifier à la société Kaimen un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte d'huissier du 5 juin 2019, portant sur une somme de 252.656? à titre de rappel de loyers avec intérêts suite à l'arrêt du 4 avril 2019, outre l'indemnité d'article 700 du code de procédure civile et les frais d'expertise.


A la demande de la SARL Kaimen et par jugement du 19 juin 2019, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert à l'égard de la SARL Kaimen une procédure de sauvegarde. Il a désigné la SELARL AJAssociés en qualité d'administrateur judiciaire et la société XXX en qualité de mandataire judiciaire.


Par déclaration au greffe du tribunal de commerce d'Orléans reçue le 3 juillet 2019, les consorts [V]-[H] ont formé tierce opposition à ce jugement.


Par jugement du 31 octobre 2019, le tribunal de commerce d'Orléans a :
- reçu la tierce opposition formée par les consorts [V]-[H],
- confirmé le jugement du 19 juin 2019 ouvrant une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL Kaimen,
- débouté la SARL Kaimen de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure maligne et abusive,
- condamné les consorts [V]-[H] à régler à la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [Z] [X] ès qualités et à la SAS XXX prise en la personne de Maître [S] [P] ès qualités la somme de 1500? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les consorts [V]-[H] à régler à la SARL Kaimen la somme de 1500? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


Le tribunal a déclaré la tierce opposition recevable mais a retenu que les tiers opposants n'apportaient pas de preuve pour démontrer que la SARL Kaimen était en cessation des paiements ni d'élément justifiant d'un quelconque préjudice lié au fait qu'il y ait et ouverture d'une sauvegarde plutôt que d'un redressement judiciaire.


Mme [O], [C] Veuve [V], Mme [G] [V] épouse [H] et M. [U] [H] ont formé appel de la décision par déclaration du 2 décembre 2019 en intimant la SELARL Kaimen, la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [Z] [X] et la SAS XXX prise en la personne de Maître [S] [P], ès qualités respectivement d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL Kaimen et en critiquant tous les chefs du jugement.


Par jugement du 21 octobre 2020, le tribunal de commerce d'Orléans a adopté un plan de sauvegarde à l'égard de la SARL Kaimen.












Dans leurs dernières conclusions du 2 septembre 2020, les consorts [V]-[H] demandent à la cour de :
Infirmer dans les limites de la déclaration d'appel, le jugement du 31 Octobre 2019 ayant confirmé le jugement du Tribunal de Commerce d'Orléans en date du 19 Juin 2019 ayant ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL Kaimen.
Et, statuant à nouveau,
En tout état de cause :
Dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel incident de la SARL Kaimen,
La débouter en conséquence de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Et,
Vu les articles L 620-1, L 661-2 et R 661-2 du code de commerce,
Vu le jugement du Juge des Loyers Commerciaux en date du 21 février 2018,
Vu les conclusions prises par la SARL Kaimen devant le Premier Président lors de l'audience du 18 juillet 2018,
Vu l'ordonnance du Premier Président du 19 septembre 2018,
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel d'Orléans du 4 avril 2019,
Vu la signification de l'arrêt à partie en date du 29 avril 2019,
Vu le commandement de payer signifié à la SARL Kaimen le 5 juin 2019,
Vu l'article 1104 du code civil (exécution de bonne foi),
Vu le principe constant selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui,
Vu l'état de cessation de paiement de la SARL Kaimen, état qu'elle a elle-même admis dans ses écritures devant la Cour d'Appel,
Vu la mauvaise foi évidente du gérant associé de la SARL Kaimen alors même que les écritures comptables, depuis plusieurs années, laissent apparaître que le compte courant de celui-ci est débiteur au sein de la société et ce à hauteur d'une somme de 83 000 ? au 30/09/2019,
Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable les Consorts [V]-[H] en leur tierce opposition au jugement du 19 juin 2019,
Pour le surplus infirmer le jugement,
Dire et juger que la SARL Kaimen, ne pouvant faire face avec son actif disponible au passif exigible résultant de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Orléans du 4 Avril 2019, arrêt exécutoire, était en état de cessation des paiements à la date du 19 juin 2019.
Mettre à néant le jugement de sauvegarde prononcé par le Tribunal de Commerce le 19 Juin 2019.
En tirer toutes conséquences de droit compte tenu de l'état de cessation de paiement de la SARL Kaimen.
Débouter en tout état de cause la SARL Kaimen, la Selarl AJAssociés, ès qualités d'administrateur judiciaire et la SAS XXX, ès qualités de mandataire Judiciaire de leurs demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
Infirmer le jugement en ce qu'il avait condamné les Consorts [V]-[H] à régler à la Selarl AJAssociés, prise en la personne de Me [Z] [X], ès-qualités et la SAS XXX, prise en la personne de Me [S] [P], ès-qualités, la somme de 1 500 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les Consorts [V]-[H] à régler à la SARL Kaimen la somme de 1 500 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau,
Condamner la Selarl AJAssociés, prise en la personne de Me [Z] [X], ès-qualités et la SAS XXX, prise en la personne de Me [S] [P], ès-qualités, à payer aux Consorts [V]-[H] la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la SARL Kaimen à payer conjointement aux Consorts [V]-[H] la somme de 3 000 ? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la SARL Kaimen en tous les frais et dépens qui seront recouvrés par la SCP Wedrychowski & Associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir qu'ils ont intérêt à agir car ils ont un intérêt déterminé à ce que la SARL Kaimen ne puisse bénéficier de la procédure de sauvegarde alors qu'elle est en cessation des paiements. Ils indiquent que la tierce opposition est recevable car ils n'étaient ni parties ni représentés au jugement du 19 juin 2019 et car ce jugement a été rendu en fraude de leurs droits, la cessation des paiements de la société étant patente au regard du montant de ses dettes exigibles de plus de 300.000?, ce qui peut permettre une action en complément de passif par les derniers personnels de l'associé gérant en raison de ses fautes de gestion et de son compte courant débiteur, action qui n'est pas ouverte en cas de sauvegarde.


Ils soutiennent également que la SARL Kaimen a sollicité l'ouverture de la sauvegarde à la suite de la délivrance le 5 juin 2019 du commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme globale de 252 656 ?, sans indiquer son état réel de cessation des paiements ; qu'elle a toutefois elle-même indiqué dans le cadre de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du 21 février 2018, que l'exécution provisoire de la décision la conduirait de façon certaine à déposer son bilan, ce qui démontre que l'état de cessation des paiements n'était pas seulement un risque mais une réalité ; qu'elle devait donc déclarer son état de cessation des paiements dans les 15 jours de l'arrêt de la cour du 4 avril 2019 et qu'elle ne peut se contredire au détriment d'autrui étant rappelé que l'article L620-1 du Code de commerce est d'ordre public.


La SARL Kaimen demande à la cour, par dernières conclusions du 2 juin 2020 de:
Vu les articles 31, 122 et 583 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article L.620-1 du Code de commerce,
Déclarer l'appel des consorts [V]-[H] recevable mais mal fondé et les en débouter ;
Déclarer l'appel incident de la SARL Kaimen recevable et bien fondé et y faire droit ;
Infirmer le jugement du 31 octobre 2019 rendu par le Tribunal de Commerce d'Orléans en ce qu'il a déclaré recevable la tierce opposition formé par les bailleurs et en ce qu'il a débouté Kaimen de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et maligne.
Confirmer le jugement du 31 octobre 2019 rendu par le Tribunal de Commerce d'Orléans pour le surplus
Statuant à nouveau :
Déclarer les tiers opposants irrecevables
D'une part, pour absence d'intérêt à agir né et actuel en vertu des articles 31, 583 et 122 du Code de Procédure Civile
D'autre part, pour non-respect de l'article 583 alinéa 2 du code de procédure civile
Pour non-respect de toutes les formalités notamment dénonciation au parquet partie intervenante en procédures collectives
A tout le moins
Dire et juger que la tierce opposition des bailleurs est mal fondée et les en débouter, la sauvegarde étant particulièrement bien adaptée au cas de Kaimen
En tout état de cause
Condamner les consorts [V]-[H] à payer à la société Kaimen la somme de 5000 euros de dommages intérêts pour procédure maligne et abusive
Condamner les consorts [V]-[H] à payer à Kaimen la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Les condamner en tous les dépens et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftonuc le droit prévu à l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Elle fait valoir qu'elle a formé opposition au commandement de payer devant le tribunal de grande instance et que la procédure est en cours.


Elle soutient que les consorts [V]-[H] n'ont aucun intérêt à agir car la violation d'une disposition, en l'espèce selon les bailleurs, l'article L620-1 du Code de commerce, ne saurait constituer l'intérêt direct et personnel exigé par l'article 583 du code de procédure civile. Elle explique aussi que la tierce opposition est irrecevable car les opposants ne précisent pas en quoi le fait que la décision ait prononcé une sauvegarde plutôt qu'un redressement leur porterait un préjudice spécial ou constituerait une fraude à leurs droits et ne soulèvent aucun moyen propre.


Sur le fond, elle indique que la preuve de la cessation des paiements n'est pas établie et que le fait d'avoir exposé devant le Premier président de la cour d'appel que la SARL Kaimen risquait de déposer le bilan ou que sa pérennité était menacée ne démontre pas qu'elle était, au jour du prononcé du placement sous sauvegarde, en état de cessation des paiements.


La SELARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [Z] [X], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SARL Kaimen et la SAS XXX, prise en la personne de Maître [S] [P], ès-qualités de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde ouvert à l'égard de la SARL Kaimen, demandent à la cour, par dernières conclusions du 21 décembre 2020 de:
A titre principal,
Vu le jugement de sauvegarde adopté par le tribunal de commerce d'ORLEANS le 21 octobre 2020,
Mettre la SELARL AJAssociés, prise en la personne de maître [Z] [X], hors de cause.
Dire n'y avoir plus lieu à statuer,
A titre subsidiaire,
Vu l'article L620-1 et L661-2 du code de commerce,
Vu l'article 583 du code de procédure civile,
Déclarer les consorts [V]-[H] recevables en leur appel.
Les déclarer mal fondés et les débouter.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Orléans le 31 octobre 2019.
En tout état de cause,
Condamner les consorts [V]-[H] à régler à la SELARL AJAssociés prise en la personne de Me [Z] [X] et à la SAS XXX prise en la personne de Me [S] [P] es qualités, ensemble, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.


Ils font valoir que le tribunal de commerce d'Orléans a adopté le 21 octobre 2020 le plan de sauvegarde de la SARL Kaimen ce qui vide de toute substance le présent litige.


Ils ajoutent qu'il appartient à l'auteur de la tierce opposition, créancier bailleur, de faire état de moyens propres ou de justifier que l'ouverture de la procédure de sauvegarde résulte d'un jugement prononcé en fraude de ses droits ; qu'il ne lui suffit donc pas de faire état du non-respect des conditions d'ouverture d'une procédure de sauvegarde telles que fixées aux dispositions de l'article 620-1 du Code de commerce, et qu'en l'espèce, les consorts [V] [H] ne rapportent pas cette preuve, l'argument tenant à la possibilité d'agir contre les dirigeants de la SARL Kaimen en cas de faute n'étant pas opérant puisque les créanciers n'ont aucune action directe sur ce point et ne justifient pas d'un intérêt direct à la mise en oeuvre d'une telle procédure.








Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.


La procédure a été communiquée au Ministère public qui a donné son avis le 10 février 2021 transmis par voie électronique aux parties le 12 février suivant.


Le Ministère public demande à la cour de :
- dire la tierce opposition recevable et bien fondée,
- constater l'état de cessation des paiements de la SARL Kaimen
- infirmer le jugement ouvrant une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL Kaimen.


Il considère que la motivation du jugement sur le fond est insuffisante, qu'il est étonnant qu'en difficultés financières depuis le jugement de février 2018, la société Kaimen n'ait jamais saisi spontanément le tribunal de commerce, sauf en réaction au commandement de payer du 5 juin 2019, et qu'elle n'est pas en mesure de faire face au passif exigible avec son actif disponible et aurait dû déclarer son état de cessation des paiements dès la confirmation par la cour le 4 avril 2019 du jugement du 21 février 2018.


La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 18 février 2021.


Par courrier transmis par voie électronique le 7 avril 2021, le Président de la chambre a demandé aux avocats des intimés de justifier de l'acquittement du droit de 225? prévu par l'article 1635 bis P du Code général des impôts, au plus tard le jour de l'audience de plaidoirie prévue le 8 avril 2021 avant l'ouverture des débats à 14h00, à peine d'irrecevabilité de leurs conclusions.


La SELARL Ajassociés et la SAS XXX, ès qualités, ont justifié de l'acquittement de ce droit le 7 avril 2021.


Compte tenu de la date d'envoi du courrier susvisé, la veille de l'audience, la société Kaimen a été autorisée à justifier du paiement du timbre sous huit jours, en cours de délibéré.


Elle s'est acquittée de ce droit le 9 avril 2021.




MOTIFS DE LA DÉCISION


A titre liminaire, la cour constate que les intimés se sont acquittés dans les délais impartis par la cour du droit de 225? prévu par l'article 1635 bis P du Code général des impôts et qu'il n'y a pas lieu à irrecevabilité de leurs conclusions.


La recevabilité de l'appel n'est pas contestée.


La décision d'ouverture d'une procédure de sauvegarde est susceptible de tierce opposition en application de l'article L. 661-2 du code de commerce.


L'article 582 du code de procédure civile énonce :
"La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.
Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit."








L'article 583 du même code ajoute :
"Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.
Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres. (...)".


Enfin, l'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.


Le seul fait qu'un jugement de sauvegarde ait été rendu le 21 octobre 2020, ne prive pas d'objet la tierce opposition formée contre le jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde et ne peut conduire la cour à dire n'y avoir lieu à statuer, ainsi que le sollicitent la SELARL Ajassociés et la SAS XXX ès qualités d'administrateur et de mandataire à la sauvegarde de la société Kaimen.


S'agissant de l'irrecevabilité de la tierce opposition soulevée par la société Kaimen pour absence d'intérêt à agir en vertu des articles 31 et 583 du code de procédure civile et pour non respect de l'article 583 alinéa 2 du code de procédure civile, il est exact, ainsi que l'a retenu le tribunal, que les Consorts [V]-[H] n'ont pas été partie à la décision attaquée.


Il appartient en outre aux consorts [V]-[H] de justifier d'un intérêt à former tierce opposition contre le jugement du 19 juin 2019 ayant ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL Kaimen, et d'établir que ce jugement a été rendu en fraude de leurs droits ou invoquer des moyens qui leurs sont propres (article 583 alinéa 2 du code de procédure civile).


Ils font valoir qu'ils ont intérêt à agir car ils ont un "intérêt déterminé à ce que la SARL Kaimen ne puisse bénéficier de la procédure de sauvegarde alors qu'elle est en cessation des paiements".


Néanmoins, ainsi que l'indique la société Kaimen, la violation d'une disposition légale ne suffit pas à caractériser l'intérêt direct et personnel exigé par l'article 583 du code de procédure civile (cf pour exemple C.Cass Civ 2ème 23 septembre 1998).


Les tiers opposants ne précisent pas en quoi le fait que la décision ait prononcé une sauvegarde plutôt qu'un redressement leur porterait un préjudice spécial ou constituerait une fraude à leurs droits. A supposer que l'état de cessation des paiements ait été caractérisé et qu'une procédure de redressement judiciaire ait été ouverte au lieu et place de la procédure de sauvegarde, ainsi qu'ils le revendiquent, ils auraient été, de la même manière, obligés de déclarer leur créance et privés de la possibilité de mettre à exécution l'arrêt de la cour de céans du 4 avril 2019 et de recouvrer leur créance de loyer, s'agissant d'une créance antérieure dont le paiement est interdit du fait de l'ouverture d'une procédure collective quelle qu'elle soit, et ce pour tous les créanciers invoquant des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure.


Ils auraient aussi été confrontés à la possibilité que la débitrice propose un plan de continuation qui, s'il avait été adopté, pouvait ne pas les satisfaire, étant observé qu'ils n'allèguent pas avoir exercé un recours contre le jugement du 21 octobre 2020 ayant arrêté un plan de sauvegarde.


Ils n'établissent donc pas leur intérêt à agir.












En outre, à supposer que le gérant de la SARL Kaimen ait commis des fautes de nature à justifier l'existence d'une l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, c'est à bon droit que les intimés relèvent que les créanciers ne disposent pas d'une action directe à ce titre, étant ajouté que cette action n'est ouverte qu'en cas de liquidation judiciaire et qu'il ne s'agit pas d'un moyen propre ou personnel aux consorts [V]-[H].


Ainsi que le rappelle la société Kaimen, la procédure de sauvegarde se déroule sous la surveillance du tribunal de commerce qui peut être ressaisi en cas d'état de cessation des paiements et/ou d'impossibilité de se redresser et convertir la procédure de sauvegarde en redressement ou en liquidation judiciaire.


Par ailleurs, aucune des parties, notamment les appelants ne versent aux débats le jugement du 19 juin 2019 contre lequel ils ont formé opposition. En tout état de cause, il n'est pas établi que la société Kaimen aurait caché au tribunal de commerce saisi d'une demande de sauvegarde, l'existence de la créance de ses bailleurs et que cette juridiction aurait ainsi ignoré des éléments qui, si elle en avait eu connaissance, l'aurait conduit à une décision différente. Aucune fraude aux droits des consorts [V]-[H] n'est établie à ce titre.


Enfin, le fait que la société Kaimen ait soutenu courant 2018 devant le premier président de la cour de céans, dans le cadre de la procédure d'appel dirigée contre le jugement du juge des loyers commerciaux du 21 février 2018, que l'exécution provisoire du jugement "romprait gravement et de manière irréversible son équilibre financier, la conduisant de façon certaine à déposer le bilan", alors qu'un an plus tard, elle sollicitera le bénéfice d'une procédure de sauvegarde, qui suppose de ne pas être en état de cessation des paiements, n'établit pas la mauvaise foi de la société Kaimen ou la volonté de réaliser une fraude aux droits de ses bailleurs. Devant le Premier président, elle rendait compte d'un risque très probable selon elle, qui restait toutefois une éventualité et elle employait le conditionnel, alors que dans le cadre de la demande de bénéfice d'une procédure de sauvegarde, elle appréciait, un an plus tard, sa situation financière actuelle. Ce fait n'établit pas non plus la volonté de se contredire au détriment d'autrui, étant rappelé qu'il s'agit d'instances différentes et que le principe de l'estoppel visé par les appelants supposent une une contradiction au détriment d'autrui lors du débat judiciaire (cf pour exemple C. Cass. Civ 3 28 juin 2018 no 17-16693).


L'ordonnance du 19 septembre 2018 qui a fait droit à cette demande d'arrêt de l'exécution provisoire, retient d'ailleurs uniquement le "risque de conséquences manifestement excessives à type de dépôt de bilan".


En conséquence, les consorts [V]-[H] ne justifient pas de leur intérêt à agir ni de moyens qui leur sont propres, ni non plus du fait que le jugement aurait été obtenu en fraude de leurs droits. Ils doivent dès lors, pour ces motifs, être déclarés irrecevables en leur tierce opposition et en leurs demandes à ce titre, par infirmation du jugement, sans examen au fond.


A titre surabondant, la cour observe qu'il n'est pas établi par les éléments versés aux débats que la société Kaimen ait été en état de cessation des paiements au jour du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde.


L'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute. En l'espèce, il n'est pas démontré que l'action des appelants procède d'une attitude malicieuse ou abusive ainsi que l'invoque la société Kaimen et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.


Les appelants succombant en leur appel, les dépens exposés devant la cour seront mis à leur charge, outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftonuc qui en fait la demande expresse et ils devront verser à la société Kaimen la somme de 2000? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à l'administrateur et au mandataire judiciaires pris ensemble, la même somme sur le même fondement.




PAR CES MOTIFS






La Cour,


- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SARL Kaimen de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure maligne et abusive et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;


- Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;


Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,


- Déclare irrecevables Mme [O] [C] Veuve [V], Mme [G] [V] épouse [H] et M. [U] [H] en leur tierce opposition et en leurs demandes formées à ce titre,




Y ajoutant,


- Condamne Mme [O] [C] Veuve [V], Mme [G] [V] épouse [H] et M. [U] [H] à verser à la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [Z] [X] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL Kaimen et à la SAS XXX prise en la personne de Maître [S] [P] ès qualités de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan du plan de sauvegarde de la société Kaimen, pris ensemble, la somme de 2000? sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,


- Condamne Mme [O] [C] Veuve [V], Mme [G] [V] épouse [H] et M. [U] [H] à verser à la société Kaimen une indemnité de 2000 ? au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,


- Rejette les demandes formées par Mme [O] [C] Veuve [V], Mme [G] [V] épouse [H] et M. [U] [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;




























- Condamne Mme [O] [C] Veuve [V], Mme [G] [V] épouse [H] et M. [U] [H] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.




Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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