5 novembre 2020
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 19/02860

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/11/2020
la SELARL ANDREANNE SACAZE
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
La SCP HERVOUET-CHEVALLIER-GODEAU
ARRÊT du : 05 NOVEMBRE 2020


No : 208 - 20
No RG 19/02860
No Portalis DBVN-V-B7D-GAJR


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 27 Juin 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265242956832650
La SCI FEDERATION
Agissant poursuites et diligences de son gérant associé Monsieur U... M..., domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]




Ayant pour avocat postulant Me Andréanne SACAZE, membre de la SELARL ANDREANNE SACAZE, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Philippe DUPRAT, membre de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX




D'UNE PART


INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265254195049435
La SAS BNP PARIBAS REAL ESTATE VALUATION FRANCE société venant aux droists de la société BNP PARIBAS REAL ESTATE HOTELS FRANCE,
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]
[...]




Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Matthieu PATRIMONIO, membre de la SCPA RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS






La SA BNP PARIBAS BNP PARIBAS venant aux droits de FORTIS BANQUE
[...]
[...]




Ayant pour avocat postulant Me Alexandre GODEAU, membre de la SCP HERVOUET-CHEVALLIER-GODEAU, avocat au barreau de BLOIS et pour avocat postulant Me Frédéric PUGET, membre de SELARL PUGET-LEOPOLD-COUTURIER, avocat au barreau de PARIS,






D'AUTRE PART


DÉCLARATION D'APPEL en date du : 08 Août 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 Juin 2020






COMPOSITION DE LA COUR


Lors des débats à l'audience publique du 17 SEPTEMBRE 2020, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.


Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :


Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,




Greffier :


Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,




ARRÊT :


Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 05 NOVEMBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


EXPOSE DU LITIGE :


Selon acte notarié du 13 juillet 2005, la SA BNP Paribas a consenti à la SCI Fédération un prêt d'un montant total de 1 193 500,37 euros, composé, de première part, d'un prêt destiné à financer à hauteur de 671 888,27 euros l'acquisition d'un immeuble à usage d'hôtel-restaurant situé [...] ) ; de seconde part d'une ouverture de crédit de 521 611,80 euros, destinée à financer le prix de cession par la SARL CGH, exerçant sous la dénomination commerciale Kyriad Blois et à laquelle l'immeuble a été donné à bail commercial, du bénéfice d'un contrat de crédit-bail immobilier et d'une promesse de vente contenue audit contrat de crédit-bail.


Le 3 octobre 2011, M. M... et M. Q..., qui sont co-associés de plusieurs sociétés civiles immobilières et sociétés commerciales exploitant des activités d'hôtellerie dans les immeubles des sociétés civiles immobilières, ont conclu avec la société BNP Real Estate Hôtels France, pour le compte de ces sociétés et, notamment de la SCI Fédération et la société CGH, un mandat non exclusif de vente de parts sociales et/ou d'actifs de ces sociétés.


Ce mandat non exclusif, conclu en application de la loi no 70-09 du 2 janvier 1970 dite « Hoguet », a été consenti pour une durée de trois mois irrévocables, renouvelable par tacite reconduction pour trois périodes égales aux mêmes titres et conditions, sauf révocation, moyennant un préavis de quinze jours par lettre recommandée avec accusé de réception.


Après que les co-associés eurent vainement sollicité la renégociation de l'ensemble de leurs emprunts, la société BNP Paribas a prononcé la déchéance du terme du prêt notarié du 13 juillet 2005 par courrier recommandé du 12 octobre 2011, en mettant en demeure la SCI Fédération de lui rembourser sous quinzaine la somme totale de 848 353,20 euros.


La société d'exploitation CGH a été placée en redressement judiciaire le 9 novembre 2012 et le 7 février 2014, le tribunal de commerce de Blois a arrêté en faveur de la société CGH un plan de redressement, en prenant acte de ce que la SCI fédération s'était portée garante des engagements de la société d'exploitation.


Préalablement à l'homologation du plan de redressement de la société CGH, la société BNP Paribas avait fait délivrer à la SCI Fédération, le 25 novembre 2013, un commandement de payer la somme de 926 165,31 euros valant saisie immobilière, portant sur l'immeuble de [...].


Par acte du 13 mars 2014, la société BNP Paribas a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Blois qui, par jugement d'orientation du 2 avril 2015, a rejeté les contestations et les demandes incidentes de la SCI fédération, en autorisation (en autorisant ??) la vente amiable de l'immeuble saisi au prix minimal de 750 000 euros.


Par jugement du 3 septembre suivant, le juge de l'exécution a ordonné la vente forcée de l'immeuble en cause.


Par actes des 9 et 13 novembre 2015, la SCI Fédération a fait assigner la société BNP Paribas et la société Real Estate Hôtels France devant le tribunal de grande instance de Blois aux fins de les entendre condamner in solidum à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait pour la société BNP Paribas Real Estate Hôtels France d'avoir manqué aux obligations découlant de son mandat et, pour la société BNP Paribas, d'avoir engagé une procédure de saisie immobilière en méconnaissance des obligations de sa filiale, la société BNP Paribas Real Estate Hôtels France.


Le 11 février 2016, le tribunal de grande instance de Blois a ouvert à l'égard de la SCI Fédération une procédure de sauvegarde.


Par jugement du 19 mai suivant, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du même siège a constaté la suspension de la procédure de saisie immobilière par l'effet de l'ouverture de cette procédure de sauvegarde.


La procédure de sauvegarde a été convertie en procédure de redressement le 8 juin 2017 et par jugement du 9 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Blois a arrêté un plan de redressement par voie de continuation au profit de la SCI Fédération.


Par jugement du 27 juin 2019, le tribunal de grande instance de Blois a :
-déclaré la société BNP Paribas Real Estate Valuation France, venant aux droits de la société BNP Paribas Real Estate Hôtels France, irrecevable à soulever l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Blois
-débouté la SCI Fédération de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société BNP Paribas Real Estate Valutation France venant aux droits de la société BNP Paribas Real Estate Hôtels France
-déclaré la SCI Fédération irrecevable à agir à l'encontre de la société BNP Paribas
-débouté la société BNP Paribas Real Estate Valuation France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
-condamné la SCI Fédération à payer à la société BNP Paribas Reals Estate Valuation France la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la SCI Fédération à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la SCI Fédération aux entiers dépens.


Pour statuer au fond sur le principal comme ils l'ont fait, les premiers juges ont considéré que la SCI Fédération ne pouvait reprocher à la société BNP Paribas Real Estate Valuation France de ne pas avoir mené à son terme le mandat de vente qui lui avait été confié et auquel il a été mis un terme, de fait, par l'engagement de la procédure de saisie immobilière de la société BNP Paribas, alors que le mandat dont s'agit était arrivé à expiration le 2 octobre 2012, soit avant l'engagement de la procédure de saisie par commandement délivré le 25 novembre 2013.


Le tribunal a précisé qu'il importait peu que la société BNP Paribas Real Estate Valuation France ait continué à proposer des acquéreurs potentiels postérieurement au terme de son mandat et que la SCI Fédération ne pouvait lui faire reproche de ne pas avoir concrétisé la vente de son immeuble alors qu'en sa qualité d'agent immobilier, la société BNP Paribas Real Estate Valuation France n'était tenue, pendant la durée de son mandat, que d'une obligation de moyens.


Concernant les demandes dirigées contre la banque, les premiers juges ont relevé qu'il ressortait du dossier que la société BNP Paribas Real Estate Valuation France était une filiale de la société BNP Paribas Real Estate, elle-même filiale de la société BNP Paribas, mais ont retenu qu'en dépit de leurs liens, ces sociétés constituaient des personnes juridiques distinctes en sorte que la société mère ne pouvait être tenue pour responsable des agissements de sa filiale. Ils en ont déduit que sauf à méconnaître le principe de relativité des conventions énoncé à l'article 1165 ancien du code civil, la SCI Fédération ne pouvait se prévaloir d'un manquement de la société BNP Paribas à ses obligations contractuelles tirées du mandat conclu le 3 octobre 2011 avec la société BNP Paribas Real Estate Valuation France, et ne pouvait pas davantage rechercher la responsabilité délictuelle de la banque pour l'inexécution, par le mandataire, de ses obligations contractuelles, alors qu'il avait été jugé qu'aucune violation de son mandat ne pouvait être reproché à la société BNP Paribas Real Estate Valuation France.


La SCI Fédération a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 8 août 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause, y compris celui ayant déclaré la société BNP Paribas Real Estate Valuation France irrecevable en son exception d'incompétence, en intimant la société BNP Paribas ainsi que la société BNP Paribas Real Estate Valuation France.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens,la SCI Fédération demande à la cour de :
-réformer le jugement déféré
-condamner in solidum la SA BNP Paribas Real Estate Valuation France et la S.A BNP Paribas à lui payer la somme de 358 919, 51 € comme étant la différence entre le montant pour lequel la déclaration de créance a été effectuée et le montant du capital restant dû au jour de l'établissement du mandat
-condamner in solidumSA BNP Paribas Real Estate Valuation France et la S.A BNP Paribas à lui payer la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral lié à l'ouverture de la procédure collective
-condamner in solidum SA BNP Paribas Real Estate Valuation France et la S.A BNP Paribas à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Andréane Sacaze sur ses affirmations de droit.


Au soutien de son appel, la SCI Fédération soutient que le mandat de la société BNP Paribas Real Estate Valuation France s'est poursuivi postérieurement au 2 octobre 2012 par le seul fait que l'agent immobilier a poursuivi la mission qu'elle lui avait confiée en continuant à lui rendre compte de ses diligences et en interrogeant ses dirigeants sur l'évolution de la situation des différents biens dont ils lui avaient confié la vente, ce qui a assurément créé à son égard une apparence de poursuite du mandat.


L'appelant ajoute que les premiers juges se sont mépris en voyant dans les agissements des deux intimées le fait de deux structures distinctes alors que la société BNP Paribas qui a « initié la cession » de ses biens s'est assurément accordée avec sa filiale « pour diriger ensemble de telles opérations » et que, ce faisant, la banque a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde à son égard en la dirigeant vers sa filiale, « pour l'exécution d'un mandat de cession qu'elle a elle-même compromis ».


La SCI Fédération ajoute que la société BNP Paribas Real Estate Valuation France doit supporter les conséquences de la faute qu'elle a commise en poursuivant sa mission en méconnaissance des prescriptions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et du contexte d'apparence qu'elle a créé, en assurant que les courriels que cette société lui a adressés démontrent qu'elle entendait « conserver la mainmise sur les tractations » en demeurant l'unique interlocuteur de clients potentiels, dans la perspective déterminante de percevoir la commission prévue au contrat de mandat, puis explique que compte tenu du poids et du professionnalisme de la société BNP Paribas Real Estate Valuation France, elle a légitimement cru que celle-ci était en situation de lui éviter d'avoir à chercher des solutions de refinancement et d'avoir à subir les conséquences d'une saisie immobilière.


A la société BNP Paribas, l'appelante impute à faute d'avoir prononcé la déchéance du terme de son concours 9 jours après qu'elle a confié un mandat de vente à la société BNP Paribas Real Estate Valuation France, puis de lui avoir fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière le 25 novembre 2013, alors que la banque avait nécessairement connaissance, selon elle, du mandat qu'elle avait confié à la filiale vers laquelle elle l'avait elle-même dirigée, et qu'à raison des liens qui unissaient les deux sociétés, la banque ne pouvait ignorer qu'en provoquant la déchéance du terme de son concours, puis en engageant la procédure de saisie immobilière, elle compromettait l'exécution du mandat.


Faisant valoir que selon la jurisprudence, le tiers qui empêche l'exécution d'un contrat engage sa responsabilité extra-contractuelle, la SCI Fédération soutient que la banque, dont le comportement « procède en outre d'une situation de conflits d'intérêts » au sens de l'article L. 533-10 du code monétaire et financier, doit répondre des conséquences dommageables de ses actes, dont il est résulté l'ouverture d'une procédure collective à son égard.




Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2020, auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société BNP Paribas real estate valuation France demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner la SCI Fédération à lui payer une indemnité de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Laval Firkowski.


L'intimée rappelle que son mandat s'est achevé le 2 octobre 2012, souligne qu'aucun reproche ne lui a jamais adressé pendant l'exécution de celui-ci et que, au terme de celui-ci, alors que compte tenu de la nature de son activité, elle est en contact permanent avec des personnes désireuses d'acquérir des hôtels et a pu faire part à son ancienne mandante de recherches concernant des biens comparables à ceux qu'elle avait reçu un temps mandat de vendre, mais qu'à aucun moment elle n'a pu laisser croire à l'appelante qu'elle poursuivait l'exécution d'un quelconque mandat alors qu'elle l'interrogeait sur la question de savoir si tels ou tels biens étaient encore sur le marché, ce qu'elle aurait évidemment su si elle avait été mandatée pour les vendre.


La société BNP Paribas Real Estate Valuation France ajoute que l'appelante ne peut sérieusement l'assimiler à l'établissement bancaire BNP Paribas, ni soutenir qu'elle aurait agi de concert avec ce dernier, alors qu'elle exerce une activité d'agent immobilier, réglementée par la loi Hoguet, que la banque ne pouvait intervenir dans le cadre du mandat de vente qui lui avait été confiée et que de son côté elle a agi en toute indépendance, sans avoir été avertie par la banque, tenue au secret bancaire, du lancement d'une procédure de saisie immobilière engagée en exécution d'un contrat de prêt auquel elle est complètement étrangère et souligne enfin qu'elle n'avait en tant qu'agent immobilier ni qualité, ni pouvoir, pour mettre en œuvre ou empêcher une procédure de saisie immobilière.


A titre infiniment subsidiaire, la société BNP Paribas Real Estate Valuation France ajoute que l'appelante, qui n'établit l'existence d'aucun préjudice en lien avec les manquements qu'elle lui impute, ne peut en toute hypothèse chercher à lui faire supporter le poids de la dette qu'elle a contractée envers la banque, en omettant que les fonds que lui a prêtés la société BNP Paribas sont ceux qui lui ont permis d'acquérir l'immeuble dont elle est encore propriétaire et sans expliquer non plus à quel titre elle pourrait être tenue de régler sa dette à sa place.


Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 février 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société BNP Paribas demande elle aussi à la cour de confirmerla décision entreprise en toutes ses dispositions puis de condamner la SCI Fédération à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'artic1e 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.


La société BNP Paribas soutient, comme devant les premiers juges, que les demandes de la SCI Fédération, qui n'a aucun intérêt à agir à son encontre, se heurtent à une double fin de non-recevoir, l'une tirée du principe de l'autonomie patrimoniale et juridique des personnes morales appartenant à un même groupe, l'autre tirée de l'effet relatif des conventions en l'absence d'interdépendance entre celles-ci.


Elle en déduit que n'étant pas tenue des engagements de sa filiale, la société BNP Paribas Real Estate Valuation France, elle avait toute liberté de résilier le concours qu'elle avait apporté à la SCI Fédération qui n'honorait pas ses engagements à son égard, et d'engager une procédure de saisie immobilière en vertu du titre exécutoire dont elle disposait à l'encontre de sa débitrice.


A titre subsidiaire, la société BNP Paribas fait valoir que l'appelante n'apporte la preuve d'aucun manquement contractuel ni d'aucune faute délictuelle de sa part, et n'établit aucun demeurant l'existence d'aucun préjudice en lien avec les reproches qu'elle lui adresse.


L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 juin 2020, pour l'affaire être plaidée le 17 septembre suivant et mise en délibéré à ce jour.


SUR CE, LA COUR :


Sur les demandes dirigées contre la société BNP Paribas real estate valuation France


La SCI Fédération, la SCI LB, la SARL CGH et la SARL Carrières ont conclu le 3 octobre 2011 avec la société BNP Paribas real estate hotels France, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas real estate valuation France (Estate), un mandat non exclusif portant sur la cession de la totalité des parts sociales et des actifs de ces sociétés, propriétaires, pour les deux premières, d'immeubles respectivement situés pour l'un à [...], pour l'autre à [...], et détentrices, pour les deux dernières, des fonds de commerce d'hôtels exploités dans les murs de chacune des SCI.


Aux termes de l'article IV intitulé « durée du mandat », ce mandat a été consenti et accepté à compter du jour de sa signature pour une durée de trois mois irrévocables, et il a été convenu entre les parties qu'il se poursuivrait par tacite reconduction pour trois périodes égales, aux mêmes titres et conditions, sauf révocation, moyennant un préavis de quinze jours par lettre recommandée avec accusé de réception.


Il est acquis aux débats que ce mandat n'a pas été révoqué et a pris fin, à l'expiration de la période initiale de trois mois et des trois périodes de reconduction de trois mois, au 2 octobre 2012.


La SCI Fédération n'allègue aucun manquement de l'agent immobilier pendant la durée du mandat, mais soutient que ce mandat se serait poursuivi tacitement postérieurement au 2 octobre 2012, ou qu'à tout le moins les agissements de la société BNP Estate auraient créé à son égard l'apparence trompeuse d'une poursuite du mandat.


Dans les échanges de courriels que produit l'appelante pour offre de preuve, rien n'a pu lui laisser croire que la société BNP Estate poursuivait sa mission d'entremise dans la vente de son immeuble de [...], alors qu'aucun des courriels produits ne porte sur la vente de l'immeuble ou même du fonds de commerce du Loir-et-Cher -les échanges portant exclusivement sur l'immeuble et le fonds de commerce de [...] appartenant à la SCI LB et la société commerciale d'exploitation Carrières.




Avec mauvaise foi, l'appelante tente de créer une confusion en présentant un message qui lui a été adressé le 12 novembre 2012 par Mme W... C..., lui demandant si une réalisation rapide de la vente de l'hôtel de [...] était envisagée, comme un courriel qui lui aurait été adressé par la société BNP Estate (pièce 17), alors qu'il suffit de se référer à sa pièce 6 pour constater que Mme C... n'est jamais intervenue pour le compte de la société BNP Estate, mais que cette dame est la préposée du service de recouvrement de la banque BNP Paribas.


La SCI Fédération ne peut pas plus sérieusement soutenir que la société BNP Estate lui aurait laissé croire qu'elle pourrait empêcher, d'une manière ou d'une autre, la saisie ou la vente forcée de son immeuble, ce qui ne ressort d'aucun élément du dossier, ce alors que l'appelante ne justifie même pas avoir informé la société BNP Estate de la déchéance du terme du concours de la banque, intervenu dix jours à peine après la conclusion du mandat.


La cour observe enfin qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier non plus que, postérieurement à l'expiration du mandat, en octobre 2012, la SCI Fédération ait poursuivi son intention de vendre son immeuble, à une époque où la société commerciale qui exploitait une activité d'hôtellerie dans cet immeuble a été placée en redressement judiciaire.


L'appelante ne produit pas le moindre courrier par lequel elle aurait fait connaître à la BNP Estate la persistance de cette intention et ne justifie même pas l'avoir informée de la saisie de son immeuble, y compris lorsqu'elle a été autorisée à le vendre à l'amiable par le juge de l'exécution chargé des saisies immobilières et aurait alors dû faire diligence pour y parvenir, à une période où il apparaît que l'appelante ne projetait plus de vendre son immeuble, puisqu'elle s'était portée garante des engagements que sa locataire avait pris dans le cadre du plan de redressement par continuation arrêté le 7 février 2014 par le tribunal de commerce de Blois.


La SCI Fédération ne démontre donc, ni que la société BNP Estate a commis le moindre manquement dans l'exécution du mandat, ni que cette dernière a pu lui laisser croire qu'elle poursuivait sa mission d'entremise après l'expiration de ce mandat, ni même l'existence d'un dommage qui puisse être en lien avec cette fausse croyance, alors que rien ne porte à croire que, postérieurement à l'expiration du mandat, l'appelante ait poursuivi son intention de vendre l'immeuble en cause.


Au vu de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, la SCI Fédération ne peut qu'être déboutée de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société BNP Estate.




Sur les demandes dirigées contre la société BNP Paribas


Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt particulier.


Au cas particulier, il n'est pas contesté que la société BNP Estate est une filiale de la société BNP Paribas, mais qu'en dépit de leurs liens, ces deux sociétés sont des personnes morales distinctes, juridiquement autonomes.


Pour dénier à l'appelante le droit d'agir contre la société BNP Paribas, les premiers juges ont retenu que la SCI Fédération ne pouvait se prévaloir d'un manquement de la banque aux obligations contractuelles nées du contrat de mandat conclu entre l'appelante et la société BNP Estate, ni prétendre que la banque engagerait sa responsabilité délictuelle dans le cadre de l'inexécution par le mandataire de ses obligations contractuelles, alors qu'il avait été établi qu'aucune violation du mandat ne pouvait être reprochée à la société BNP Estate.


En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, les premiers juges n'ont pas caractérisé le défaut de droit d'agir de la SCI Fédération contre la banque.


En cause d'appel, la société BNP Paribas, qui dénie à titre principal l'intérêt à agir de la SCI Fédération, développe des arguments au fond du droit, tirés notamment du principe de relativité des conventions exprimé à l'article 1165 ancien du code civil, et fait valoir le droit qu'elle-même détient d'agir contre la SCI Fédération, en exécution du prêt notarié du 13 juillet 2015, ce qui est sans emport sur le droit d'agir à son encontre de la SCI Fédération.


Par infirmation du jugement entrepris, la SCI Fédération, qui a intérêt à entendre juger que la société BNP Paribas a dénoncé son concours puis engagé une procédure de saisie immobilière dans des conditions de nature à engager sa responsabilité à son égard, sera déclarée recevable en son action.


Sur le fond, la SCI Fédération soutient, sans la moindre offre de preuve, d'une part que la société BNP Paribas avait nécessairement connaissance du mandat de vente qu'elle avait confié à sa filiale vers laquelle elle l'avait dirigée ; d'autre part qu'en provoquant la déchéance du terme de son concours puis en engageant ultérieurement une procédure de saisie immobilière, la banque a commis une faute délictuelle en rendant impossible l'exécution du mandat de vente qui avait été conclu avec sa filiale, et inéluctable l'ouverture à son endroit d'une procédure collective.


La société BNP Paribas, dont il n'est nullement établi qu'elle aurait agi de concert avec sa filiale pour conduire la SCI Fédération à l'état de cessation des paiements, est juridiquement autonome de sa filiale qui exerce une activité d'agent immobilier.


La société BNP Paribas n'était assurément pas tenue des engagements contractuels de sa filiale, lesquels n'existaient de toute façon plus lorsqu'elle a initié la procédure de saisie immobilière, plus d'un an après l'expiration du mandat de vente qui avait été confié par l'appelante à la société BNP Estate.


La SCI Fédération ne peut pas plus sérieusement reprocher à la société BNP Paribas d'avoir prononcé la déchéance du terme de son concours quelques jours seulement après la conclusion, avec sa filiale, d'un mandat de vente de son immeuble, alors que la banque, qui n'était pas payée des échéances du prêt qu'elle avait octroyé à la SCI, n'a fait qu'exercer son droit en provoquant l'exigibilité anticipée du remboursement de ce prêt et, ce faisant, n'a nullement compromis la vente amiable de l'immeuble de l'appelante, dont le produit aurait permis, au contraire, le remboursement de sa créance.


Au regard de ces éléments, la SCI Fédération, qui n'établit pas la moindre faute de la banque, sera déboutée de toutes ses demandes dirigées contre la société BNP Paribas.




Sur les demandes accessoires


La SCI Fédération, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et régler à chacune des sociétés BNP Estate et BNP Paribas, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de leurs frais irrépétibles, une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS


INFIRME la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a déclaré la SCI Fédération irrecevable à agir à l'encontre de la société BNP Paribas,


STATUANT À NOUVEAU sur le seul chef infirmé :


REJETTE, comme mal fondées, l'intégralité des demandes de la SCI Fédération dirigées à l'encontre de la société BNP Paribas,


CONFIRME la décision entreprise pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SCI Fédération à payer à chacune des sociétés BNP Paribas real estate valuations France et BNP Paribas la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI Fédération aux dépens de l'instance,
ACCORDE à la SCP Laval Firkowski le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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